"Django Unchained", de Quentin Tarantino
Réalisateur : Quentin Tarantino.
Année : 2012.
Pays : États-Unis.
Durée : 159 min.
Acteurs principaux : Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Kerry Washington, Samuel L. Jackson…
J’ai un rapport finalement assez banal, sans doute, à la filmographie de Quentin Tarantino. J’entends par là que j’ai adoré Reservoir Dogs, Pulp Fiction et Jackie Brown ; que j’aimais bien le voir « se compromettre » dans des débilités fraîches et réjouissantes chez ses potes, comme par exemple le très chouette Une nuit en enfer ; mais que quand il s’est mis lui-même à réaliser ce genre de débilités, de fausses séries B, des films « grindhouse » comme c’est qu’y disent, j’ai lâché l’affaire.
Kill Bill, ainsi, a été une énorme déception ; je pensais bêtement que ce film ô combien stupide et ô combien référentiel avait tout pour me plaire, et je me suis fait chier comme un rat mort (enfin, plus, parce que le rat, lui, au moins, il est mort). Ce film aussi navrant qu’interminable m’a fait l’effet d’un très mauvais pastiche, bricolé n’importe comment, de trucs bien plus intéressants que lui, et auxquels il n’arrivait pas à la cheville. Et c’est à vrai dire le seul intérêt que je trouvais encore à ses productions depuis : rendre accessible au plus grand nombre, votre serviteur inclus, des films exotiques et/ou oubliés souvent fort intéressants. Mais c’était tout. Et je n’ai du coup pas vu Boulevard de la mort (dont j’avais entendu dire beaucoup de mal il est vrai), ni Inglorious Basterds, ni, jusqu’à récemment, Django Unchained.
Mais le cas de ce dernier m’intriguait, a fortiori, dois-je dire, depuis que je me suis lancé dans la lecture de westerns, accompagnée de quelques films de temps à autre, et notamment des westerns spaghetti, parmi lesquels – mais c’était avant, ça – le Django de Sergio Corbucci. Certes, je me doutais que ça n’avait pas forcément grand rapport (et ça s’est vérifié, malgré la chanson du générique ou le cameo rigolo de Franco Nero…), mais bon : ça m’intriguait. Désœuvré dans mon exil périgourdin, je me suis donc procuré la chose, et l’ai regardée.
Ben vous savez quoi ? Ça a été plutôt une bonne surprise. En tout cas, je me suis pris au jeu. C’est complètement stupide, c’est ignoblement complaisant (Tarantino s’est fait plaisir, en en faisant des caisses pour le fan avide de giclées d’hémoglobine), ça cabotine à donf, mais ça marche. Au point que ça en devient même jubilatoire. Enfin, j’ai trouvé. Aussi, sous cet angle, si Django Unchained, de par son caractère de débilité ultra référentielle, s’inscrit dans la filiation de Kill Bill, c’est avec bien plus de réussite et d’astuce (on n’ira pas jusqu’à parler d’intelligence, hein).
Le « scénario » (oscarisé, cette blague...) brille par son inexistence ; il est surtout pas crédible pour un sou, et bricolé complètement à l’arrache pour fournir prétexte aux scènes que Tarantino avait envie de tourner. Certes, quand on voit le Django de Corbucci, il y a de ça… Mais là, une fois de plus, ça va loin…
Nous sommes donc peu de temps avant la guerre de Sécession. King Shulz (Christoph Waltz, très bon dans le registre cabotin bavard), faux dentiste et vrai chasseur de primes, libère l’arme au poing l’esclave Django (Jamie Foxx, charismatique), celui-ci devant lui permettre d’identifier trois criminels « travaillant » dans une plantation. Ce qui tombe plutôt bien, c’est que les trois types en question sont ceux qui ont fouetté Django et sa femme lors de leur récente tentative de fuite… Mais, pour des raisons que la raison ignore, Shulz propose à Django de rester avec lui quelque temps, puis d’aller retrouver sa femme où qu’elle se trouve. Django devient ainsi chasseur de primes à son tour, et les deux compères ne tardent pas à rejoindre Candyland, l’infâme propriété de l’ignoble Candie (Leonardo DiCaprio, pas mauvais), toujours ou presque accompagné de sa caricature de majordome noir (Samuel L. Jackson, aussi épatant et drôle que terrifiant). Et ça bavarde pas mal (on est dans un Tarantino), avant de dégénérer dans le bain de sang, bang bang (on est dans un Tarantino), jusqu’à finir dans une sorte d’apocalypse de mauvais goût où le western est quasiment remisé au placard pour céder la place à un délire surréaliste de blaxploitation gore.
Non, ça ne brille pas exactement, ni par la finesse, ni par la crédibilité. Mais ça marche. Dans les dialogues piquants, on retrouve même un peu du premier Tarantino, aux abonnés absents sous cet angle dans Kill Bill. C’est spirituel et enlevé, et souvent marrant. Si le discours anti-raciste asséné avec la subtilité d’un semi-remorque à pleine bourre est parfois un peu saoulant à force d’en rajouter dans l’ignominie, dans une surenchère d’ailleurs là encore pas mal complaisante, il autorise néanmoins quelques jolies scènes, comme celle, véritablement hilarante, des cagoules du proto-Ku Klux Klan : là, on reconnaît le Tarantino des débuts, et ça fait du bien. Et puis, reconnaissons-le, c’est visuellement très bien fait, rythmé et cinglant. Le film est probablement un peu trop long, mais il remplit son contrat.
Aussi, je ne peux que reconnaître avoir passé dans l’ensemble un très bon moment devant Django Unchained, qui m’a fait l’effet d’une bonne, voire très bonne surprise. C’est vulgaire mais jouissif, idiot mais efficace. Je regrette toujours autant le Tarantino première manière, mais j’accorde une note plus qu’honnête à cette débilité rigolote, et même, tiens, le bénéfice du doute à Inglorious Basterds, que je vais peut-être essayer de voir un de ces quatre. Et très franchement, je n’en attendais pas autant.
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