"Du sel sous les paupières", de Thomas Day
DAY (Thomas), Du sel sous les paupières, Paris, Gallimard, coll Folio Science-fiction, 2012, 287 p.
Ca deviendrait presque une habitude : les publications de Thomas Day, ça va souvent par deux (et vous remarquerez que je n'ai pas fait de comparaison testiculaire), un roman inédit chez Folio SF et un recueil de nouvelles chez ActuSF. En l'occurrence, ici, nous avons donc d'un côté Du sel sous les paupières, et de l'autre Women in chains, dont il y a fort à parier que je vous entretiendrai un de ces jours, d'autant que ça a l'air d'être de la bonne.
Mais on ne va pas faire de mystère ici : malgré une critique et une blogosphère unanimes pour célébrer les vertus de ce nouveau roman (inédit directement en poche, répétons-le), ben, moi, j'ai pas aimé. Mais alors pas du tout (et vous remarquerez que je n'ai pas dit que c'était à chier tout mou). Et je ne comprends pas l'intérêt que d'aucuns ont pu éprouver pour cette inutile collection de lieux communs, sans style comme sans panache, qui constitue de loin ce que j'ai lu de moins bon, pour ne pas dire de pire, de la part de Thomas Day. Très grosse déception, donc. Le tout, maintenant, va être de dire pourquoi, et ça s'annonce pas facile...
L'histoire d'abord : la quatrième de couv' nous parle d'uchronie et de steampunk, et, oui, certes, y en a. Disons que la der des ders y a connu un déroulement différent de ce que nous avons connu, et, en 1922, quand débute le roman, le monde est toujours noyé sous la brume de guerre, phénomène étrange que l'on n'expliquera pas, ce qui est bien pratique. Nous sommes à Saint-Malo (ça commence mal), et nous faisons la rencontre du jeune Judicaël (comme le fils aîné de Thomas Day, à qui le bouquin est dédié, si j'ai bien tout compris ; ce qui devrait donc dissuader d'en dire du mal, ou du moins d'user de formules méchantes ; je vais tâcher de), un gosse des rues de seize ans qui gagne mal sa mauvaise vie en vendant des illustrés et en chourant un peu aux petits bourgeois de temps à autre. Las, un jour, il s'attaque à la mauvaise cible, et se retrouve avec toute la police du coin au cul. Parallèlement, son Papé meurt, lui laissant toute une collection de récits de marin, et il rencontre (très vite !) l'amour en la personne de Mädchen, une jeune fille (comme son nom l'indique) qui vend des fleurs en papier.
Mais Mädchen disparaît. Serait-ce la faute du mystérieux Rémouleur, comme on le prétend ? Ben tiens : évidemment que non, et même qu'il est tout gentil, en fait, cet homme mécanique de fabrication allemande (ce qui nous vaut des dialogues pas croyables). Et de découvrir un complot souterrain bien vilain qui justifiera l'usage de la dynamite (boum) pour sauver les gentils gentils et se débarrasser des méchants méchants.
Ca, c'est pour la première partie, mauvais remake de La Cité des enfants perdus saupoudré, peut-être, d'un peu de Miyazaki, le talent et l'inventivité en moins. La suite, légèrement moins ch... plus intéressante, fait intervenir, après une escale à Guernesey, une bonne dose de folklore irlandais, histoire de tourner complètement le genre du roman.
Comment dire.
Ben c'est vraiment pas bon, et je ne comprends très franchement pas du tout l'enthousiasme que ce truc a pu susciter. Pour ma part, je n'en retiens qu'un joli titre et une jolie couverture d'Aurélien Police. Tout le reste, c'est du déjà-vu déjà-lu, du prémaché supposément entraînant, sauf que ben non, quoi. Et c'est, au nom des codes de la littérature de genre, j'imagine, une sinistre collection de clichés : c'est bien simple, ils y passent tous. L'uchronie a ses guest-stars inévitables et facilement identifiables, le steampunk son homme mécanique de pacotille, la fantasy ses elfes rigolos mais attention. Judicaël est aussi sympathique et attachant qu'une fiente, Mädchen ne sert que de véhicule pour un amour salvateur beau comme du Luc Besson, et c'est à peine si quelques Irlandais de passage (membres de l'I.R.A., tant qu'à faire) éveillent un peu notre intérêt de temps à autre.
Aussi, je ne vois pas le pourquoi de la chose. Pour ce qui est du fond, c'est nul ; la forme ne mérite pas un seul instant que l'on s'y attarde. Alors quoi ? Rien. On est bien loin, avec Du sel sous les paupières, du brio et du panache de La Voie du sabre, et a fortiori des nouvelles de l'auteur, autrement trashouilles, et autrement intéressantes. Du coup, la déception suscitée par ce livre qui m'a paru tristement bâclé ne m'empêchera probablement pas de lire Women in chains, dont le peu que je connais est déjà très bon. Mais là, c'est autre chose que ce mauvais roman jeunesse plus ou moins assumé, sans âme et sans caractère, écrit à la va comme je te pousse, et totalement dénué du moindre intérêt. Cela dit, il semblerait que je sois le seul à penser ainsi, et rappelez-vous : Nébal est un con. Mais quand même...
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