"Ensemble Pearl", d'Ensemble Pearl
ENSEMBLE PEARL, Ensemble Pearl (Drag City, 2013)
Tracklist :
01 – Ghost Parade
02 – Painting On A Corpse
03 – Wray
04 – Island Epiphany
05 – Giant
06 – Sexy Angle
Ensemble Pearl est, si l’on y tient, un « super-groupe » formé autour de Stephen O’Malley de Sunn O))), KTL et compagnie, et comprenant des membres de Ghost, Boris et Jessie Sykes & The Sweet Hereafter. L’ambition de ce premier album éponyme (fort attendu) est semble-t-il de livrer un rock (ou anti-rock ?) « cosmique » fleurant bon l’époque héroïque. Et il y a de ça, effectivement, un côté psychédélique ou krautrock agrémenté de sonorités vaguement western/surf (j’y reviens) ou bluesy trémolesques (avec du doom et du drone en prime, on ne se refait pas)…
Un super-groupe, c’est souvent alléchant, mais le résultat n’est pas toujours – voire rarement – à la hauteur des attentes du gogo-auditeur. Sauf que là, si. D’ailleurs, votre gogo de service s’est empressé de faire l’acquisition de la bête après l’avoir écoutée en streaming (sympathique initiative), et ne le regrette certainement pas : Ensemble Pearl est en effet à la base un très chouette album, mais – et c’est là une deuxième chose rare – il se bonifie en outre à chaque écoute. Alors que demande le peuple ?
Un compte rendu ?
Comme vous y allez…
Bon, je sens que ça ne va pas être facile, mais essayons.
L’album s’ouvre (étrangement ?) sur trois morceaux assez courts (tournant autour de cinq minutes, quoi), avant de se déployer sur un format plus ample, jusqu’au majestueux « Sexy Angle » d’une vingtaine de minutes, qui est très probablement la pièce de résistance de cet Ensemble Pearl (ce qui tombe plutôt bien, non ?). Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : le début n’est certes pas à négliger pour autant, et réserve de bien belles séquences. Pour continuer dans les généralités, on notera que les morceaux sont alternativement accompagnés de batterie ou pas (je sais, ça vous avance beaucoup). Tout cela est évidemment très lent, évidemment hypnotique, mais certainement pas évident. Et, très vite, on est séduit, puis conquis, avant de succomber définitivement en implorant « encore ! encore ! » tel un vulgaire esclave sexuel qui n’a pas eu sa ration de fouet.
(Oui, cette comparaison est merdique, mais je fais ce que je peux.)
Histoire d’être original, je vais suivre l’ordre des titres, hop. L’album s’ouvre donc sur « Ghost Parade » – c’est éloquent –, et c’est déjà fort bon. Une superbe introduction, aux relents de western spaghetti horrifique, bourrée d’effets du meilleur goût (la suite aussi, notez bien). C’est noir, c’est menaçant, c’est vaguement mélancolique aussi, c’est très bien.
Suit « Painting On A Corpse », qui introduit la batterie dans Ensemble Pearl, et est peut-être le morceau le plus « rapide » de l’album (mais tout est relatif, hein). Là encore, la guitare – très simple – sonne assez western, voire surf (si), mais c’est quand même plutôt la basse qui donne la ligne directrice. On continue dans les chouettes ambiances délicieusement sombres, pour un résultat qui ne saurait laisser indifférent.
« Wray » est très différent, sonnant plus ambient apaisé à base d’arpèges – ou de gammes – heureusement agrémentées de bizarreries diverses et variées, avec en outre un côté extrême-orientalisant pas dégueu. C’est néanmoins à mon sens le morceau le plus anecdotique de l’album. Ne nous y attardons donc pas (même si ce n’est pas franchement « mauvais » pour autant, hein).
C’est qu’on a envie de dire que les choses sérieuses (entendez : loooooooooooooongues) commencent avec le très bon « Island Epiphany ». Retour de la batterie, pour la peine, tiens, lente comme c’est pas permis (enfin, si), et jouant d’un écho presque dub. Pas vraiment de mélodie, du coup (non mais vous vous attendiez à quoi ?), dans ce psychédélisme noir, le riff étant tellement ultra-lent et maladif que, pour le coup, et malgré la rythmique, on ne peut s’empêcher de penser à Sunn O))), mais c’est planant (tendance doomesque, bien sûr) et délicieux (et là je ferais bien une parenthèse de plus, mais j’ai pas d’idée) (ah si, tiens, en fait).
« Giant » est, de tout l’album, le morceau qui tient le plus du drone (et même le seul, en fait), et on ne s’en plaindra pas, puisque ce sont des maîtres qui l’exécutent. Ceci étant, ça ne facilite pas vraiment le commentaire… Contentons-nous donc de dire que c’est bel et bon, car c’est bel et bon.
Et Ensemble Pearl de se conclure sur un vrai chef-d’œuvre avec le si long si bon si lourd si sexy si anglesque « Sexy Angle ». Que dire ? C’est superbe. Une merveille d’hypnotisme qui plonge l’auditeur dans une semi-transe fiévreuse et ouatée à la fois. Vingt minutes de pur bonheur spleenesque, qui récapitulent ô combien pertinemment le meilleur de cet album. Et on en redemande, de ce trémolo.
Donc voilà : Ensemble Pearl, pour un coup d’essai, est un coup de maître, et, dans l’ensemble, c’est une perle (pardon). Et Ensemble Pearl n’est pas seulement un super-groupe : c’est un groupe super.
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