"Fukushima. Dans la zone interdite", de William T. Vollmann
VOLLMANN (William T.), Fukushima. Dans la zone interdite. Voyage à travers l’enfer et les hautes eaux dans le Japon de l’après-séisme, [Into The Forbidden Zone – When The Wind Blows From The South], traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Paul Mourlon, Auch, Tristram, coll. Souple, [2011-2012] 2013, 86 p.
J’avais déjà pu apprécier l’œuvre de William T. Vollmann en tant que romancier, avec le très bon Les Fusils et l’extraordinaire Central Europe, et ne compte pas m’arrêter là. Mais j’étais aussi curieux de découvrir l’autre facette de Vollmann, à savoir ses travaux de journaliste. La réédition dans la collection « Souple » de Tristram de ce fort mal titré Fukushima. Dans la zone interdite (Vollmann, autant le dire de suite, ne se rend pas à Fukushima même, et ne fait qu’approcher les limites de la zone interdite) me fournissait donc l’occasion d’envisager cet aspect de l’auteur.
Je dois dire que j’en étais d’autant plus curieux que, à l’époque des faits – le tremblement de terre et le tsunami qui ont débouché sur la catastrophe de Fukushima, depuis considérée comme le plus grave accident nucléaire civil depuis Tchernobyl –, pour tout un tas de raisons sans doute très mauvaises, je ne m’étais guère tenu informé de ce qui s’était produit ; j’avais bien entendu conscience de la gravité de ces événements, mais, sans que je puisse vraiment dire pourquoi (l’absence de matraquage télévisuel a dû jouer, cependant), tout cela est resté très flou à mes yeux. Il y eut tout de même une conséquence notable, à titre personnel : l’accident m’a fait réviser ma position quant au nucléaire civil, dont j’étais plutôt partisan auparavant (sans en être un ardent propagandiste, hein…).
Bref : envie d’en savoir plus. Mais, autant le dire tout de suite, il n’est pas certain que ce très petit livre de Vollmann m’ait été d’un grand secours en la matière… C’est que l’auteur adopte une approche « intimiste » et ultra-subjective de son reportage ; bien loin de rapporter les faits dans leur globalité, il tendrait presque à les occulter au bénéfice de son propre périple dans la zone sinistrée (mais, comme je l’ai noté plus haut, il ne se rend pas dans la zone interdite à proprement parler ; on ne saurait bien entendu le blâmer pour cela, mais le fait que le livre, lors de sa deuxième édition américaine, ait changé de titre est sans doute révélateur). Il se refuse ainsi à livrer des statistiques, par exemple (ou, plus exactement, ne le fait que très indirectement, et en citant toujours ses sources), celles-ci étant si contradictoires qu’elles ne révèlent guère à ses yeux que la confusion de ceux qui les fournissaient, voire leurs mensonges délibérés.
En fait, Vollmann se contente essentiellement de tenir un journal de son bref voyage, en interrogeant des Japonais de rencontre sur les événements et leurs conséquences pour eux. Avec toujours deux obsessions derrière la tête : le niveau de radiations indiqué par son dosimètre, et le précédent, non pas tant de Tchernobyl que de Hiroshima et Nagasaki – ce dernier point me paraît d’ailleurs hautement critiquable…
Et, au final, on n’apprend à peu près rien, ni sur le drame, ni sur ses conséquences véritables pour la population de la zone sinistrée. Vollmann – c’est triste à dire – se livre en définitive à une forme de « tourisme catastrophe » particulièrement stérile. Ça sent à vrai dire la commande exécutée sans grande conviction… On déambule dans les ruines et les champs inondés, on tape la causette avec quelques rescapés, on regarde le dosimètre, et hop ! fini.
Enfin, pas tout à fait ; c’est que, malgré la brièveté de ce reportage – on est ici très loin des effrayants pavés coutumiers de l’auteur –, Vollmann n’a tellement rien à dire que l’on s’ennuie à mourir… Dès lors, pas la peine de s’étendre outre mesure : ce livre est tout simplement inutile. Et, de toute évidence, seul le nom de Vollmann « justifie » sa publication, sa traduction et sa réédition. Ce qui est triste, donc, et peut-être même un peu puant… Passez votre chemin : il n’y a décidément rien à voir.
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