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"I Have No Mouth & I Must Scream", de Harlan Ellison

Publié le par Nébal

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ELLISON (Harlan), I Have No Mouth & I Must Scream, introduction by Theodore Sturgeon, New York, Edgeworks Abbey – E-reads, [1967, 1979, 1983] 2009, 134 p.

 

Si c’est pas du titre qui claque, ça ! Désireux de me fournir en science-fiction en anglais et farfouillant sur [un site qu’on ne nommera pas], j’ai immédiatement été séduit par cette mystérieuse sentence. N’ayant en outre jamais rien lu d’Harlan Ellison (que je ne connaissais peu ou prou que comme le célèbre anthologiste de Dangereuses Visions, qui traîne toujours dans ma pile à lire…), je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais.

 

Je passerai sur l’introduction de l’excellent Theodore Sturgeon (joli parrainage) et les textes de présentation d’Harlan Ellison (qui a l’air de se la péter un peu, quand même, mais c’est amusant), si ce n’est pour en retenir ceci : la volonté, semble-t-il tôt affirmée chez l’auteur, de rompre les barrières entre science-fiction et « mainstream », convaincu qu’il était que la première avait, pour le meilleur et pour le pire, largement infusé dans la seconde, et que les deux avaient tout à gagner à collaborer. Comme quoi, ça ne date pas d’hier… Et ce (très) petit recueil de sept nouvelles écrites entre 1958 et 1967 en témoigne déjà à certains égards.

 

On commence par la nouvelle-titre, prix Hugo et, d’après ce que j’ai cru comprendre, une des nouvelles de langue anglaise les plus souvent rééditées. Il faut dire qu’elle le mérite, dans la mesure où c’est un petit chef-d’œuvre… « I Have No Mouth & I Must Scream » décrit le calvaire enduré par les cinq derniers représentants de l’espèce humaine, piégés dans l’ordinateur géant et sadique AM, 109 ans après l’extinction de l’humanité. Un cauchemar sans fin, imprégné d’une douleur étonnamment palpable, où les quatre hommes et la femme qui ont survécu ne sont plus que des pantins au mains de l’intelligence artificielle démiurgique. Très, très fort. Et terrible.

 

Suivent quelques nouvelles d’une science-fiction plus classique, et, sans doute, plus anodine, mais pas inintéressante pour autant. « Big Sam Was My Friend », ainsi, est une histoire de télépathes (et plus puisque affinités) prenant pour cadre un cirque. La nouvelle brille par sa profonde empathie, et est tout à fait convaincante.

 

« Eyes Of Dust » décrit l’existence d’une famille de parias dans un monde où la beauté est la valeur fondamentale. Pas hyper original, mais joli : le destin de Person, le fils, véritable aberration, touche indéniablement au cœur.

 

« World Of The Myth » est sans doute la nouvelle la plus classique du recueil, à s’en tenir à la façade (un vaisseau humain s’écrase sur une planète étrangère, et les membres de l’équipage sont confrontés à ses habitants, d’étranges « fourmis » télépathes), mais son intérêt réside ailleurs : dans les relations qu’entretiennent les trois humains, deux hommes (dont l’un est totalement amoral) et une femme aux jambes broyées, coincés ensemble pour leur plus grand malheur. La conclusion est prévisible (et peut-être un brin misogyne, impression qui revient d’autres fois dans le recueil…), mais peu importe à ce stade.

 

Puis le petit volume change de tonalité, s’orientant davantage vers le fantastique et l’onirique, mais avec toujours cette touche très caractéristique de cynisme et d’ironie grinçante, mêlée d’un désespoir tragiquement douloureux.

 

En témoigne assurément « Lonelyache », nouvelle fort étrange – et à mon sens un peu bancale – mais poignante, dans la mesure où on la sent très personnelle : s’il est difficile de la résumer – elle passe un peu du coq à l’âne en permanence –, on retiendra néanmoins qu’elle traite avant toute chose de thèmes tels que le divorce et l’adultère, de manière très crue, à vif.

 

« Delusion For A Dragon Slayer » est qualifiée par Theodore Sturgeon, dans son introduction, de « psychédélique » ; Ellison, pour sa part, préfère parler de « mysticisme baroque », et même « rococo ». Tous termes qui s’appliquent parfaitement à cette curieuse fantasy (?) grandiloquente, où un homme, aux portes de la mort, part à la conquête de son paradis… ce qui implique de tuer un monstre et d’en sauver une fille.

 

Et le recueil s’achève enfin (non, déjà ?) sur un autre chef-d’œuvre, avec la très belle nouvelle qu’est « Pretty Maggie Moneyeyes ». On évitera de la résumer, pour ne pas spoiler outre mesure. Mais sachez que cette nouvelle prenant pour cadre Las Vegas et ses casinos est d’une grande beauté…

 

Le tout est enfin écrit avec une grande attention portée au style, s’autorisant régulièrement quelques traits expérimentaux. Ce qui n’a pas facilité ma lecture, sans être pour autant rédhibitoire.

 

Au final, j’ai passé un excellent moment de lecture avec I Have No Mouth & I Must Scream, et vais sans doute tâcher, à l’avenir, de lire d’autres textes d’Ellison (même si je ne sais pas trop quoi, la production du bonhomme étant abondante). Ah, et Dangereuses Visions aussi, tant qu’à faire…

Commenter cet article

M
<br /> J'avais lu IHNMAIMS (hum) il y a quelques années, voulant découvrir la nouvelle à l'origine d'un jeu vidéo que j'avais beaucoup aimé (disponible en abandonware d'ailleurs, si ça t'intéresse). Je<br /> m'étais arrêté à celle-ci et n'avais pas lu le reste du recueil, faudrait que je me replonge dedans.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Un ami s'était mis au jeu d’aventure point and click adapté de la nouvelle éponyme (ça devrait t'intéresser en tant que gamer). Il s'est ensuite dégoté la nouvelle en VO sur le net ;)<br /> <br /> <br />
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B
<br /> A noter l'existence d'un jeu vidéo (1995) tiré de la première nouvelle et auquel Harlan Ellison a participé.<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Voila quelque chose qui me tente bien.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Commence donc par "La Machine aux yeux bleus" (Flammarion), qui devait marquer le grand retour d'Ellison en France. Hélas, le sort (mauvais)...<br /> <br /> <br />
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