"L'Appel de Cthulhu : Forensic, Profiling & Serial Killers"
L’Appel de Cthulhu : Forensic, Profiling & Serial Killers
En dépit des apparences, Forensic, Profiling & Serial Killers : 1° est en français ; 2° n’est pas vraiment un supplément pour L’Appel de Cthulhu. Disons, plus exactement, qu’il ne se révèlera que d’une utilité limitée pour le jeu prenant traditionnellement place dans les années 1920-1930, malgré la gamme, et que, si quelques indications rôlistiques sont données utilisant le « basic system » (ce qui pourrait à la limite en faire un supplément pour Delta Green), il s’agit plus généralement d’une source d’inspiration, pour les rôlistes faisant dans l’investigation comme pour les polardeux en herbe, d’ailleurs, sous la forme d’un ouvrage de vulgarisation. Ce volume dû à la plume d’Emily Tibbats, présentée toutefois comme « une admiratrice de H.P. Lovecraft et une fan de L’Appel de Cthulhu », a d’ailleurs été publié à l’origine sous format électronique par EWS avant d’être repris pour un tirage limité à 100 exemplaires chez Cassendre.
Ceci étant posé, voyons néanmoins ce que ce supplément atypique a à nous proposer. En trois longs chapitres, il constitue une introduction ludique et ma foi passionnante… aux sciences forensiques, au profiling (entendu au sens large) et à l’étude des serial killers. Étonnant, non ?
Le premier chapitre (surtout) m’a rappelé quelques souvenirs, de l’époque où, après avoir suivi des cours de criminologie en Licence Droit (auprès d’un gros connard de facho, soit dit en passant), je m’étais inscrit à une formation à la criminologie et aux sciences pénales, ce qui m’avait permis d’avoir un premier aperçu de matières aussi fascinantes que la police scientifique, la médecine légale ou encore la psychiatrie criminelle (pour des raisons indépendantes de ma volonté, je n’ai hélas pas pu poursuivre jusqu’au bout). Les amateurs des Experts seront ici en terrain connu, mais, heureusement, les autres y trouveront également leur compte. Après quelques données d’ordre général, Emily Tibbats nous présente succinctement les différentes sciences forensiques : la médecine légale, l’art forensique, l’anthropologie légale, l’archéologie forensique, la balistique, la toxicologie, l’entomologie légale, la botanique forensique et l’examen de documents. Chaque section, plus ou moins longue, est assortie d’exemples particulièrement éclairants et d’anecdotes instructives. Ça se lit tout seul, et c’est l’occasion d’apprendre bien des choses de manière amusante. Le chapitre se conclut (un peu inutilement à mon sens) sur la description d’un groupe d’intervention criminelle composé de sept personnages, PNJ tout désignés ou éventuellement personnages prétirés.
On s’intéresse ensuite, au cours d’un long chapitre, au profiling, entendu dans un sens large. J’avoue avoir eu un chouia peur en entamant ce chapitre, dans la mesure où le profiling m’a toujours laissé un peu sceptique, et est parfois (souvent) présenté comme la solution miracle à l’élucidation de crimes en série. Heureusement, Emily Tibbats sait faire la part des choses, et si elle multiplie les exemples les plus foudroyants de l’utilité de cette discipline (qui a su indiscutablement faire avancer bien des enquêtes), elle ne néglige pas pour autant ses échecs, et, surtout, la présente pour ce qu’elle est : une méthode permettant de réduire le champ d’investigation, mais certainement pas de désigner par elle-même le tueur (ou autre) et d’aller sonner à sa porte comme par magie. Dès lors que l’on prend ces précautions, l’étude du profiling qui nous est ici proposée se révèle tout à fait intéressante, et plus qu’à son tour fascinante. On voit tout d’abord, à travers une historique de la discipline, son utilisation « traditionnelle » et moderne en guise d’aide à l’enquête, donc. Mais le profiling doit être ici entendu au sens large (on rejoint le champ de la psychologie générale, en fin de compte), et il nous est également montré, par exemple, comment il peut se révéler utile dans l’interrogatoire des suspects et témoins (section qui fait un peu froid dans le dos…) ou dans la gestion des situations de crise (les règles de la négociation avec les « forcenés »…). Le chapitre se conclut sur la présentation des différentes structures usant du profiling à travers le monde.
On passe ensuite à l’étude des serial killers, ces « monstres » idéaux contemporains (et qui, après tout, peuvent bel et bien intervenir dans une partie de L’Appel de Cthulhu ou de Cthulhu : le scénario du livre de base de ce dernier jeu mettait bien en scène le « Boucher de Cleveland »… D’ailleurs, petit aparté, lisez donc l’excellente BD Torso, sur cette affaire). Emily Tibbats s’emploie tout d’abord, à bon droit, à briser quelques mythes : non, les tueurs en série ne sont pas tous très intelligents ; non, ils ne sont pas tous fous ; non, ce ne sont pas tous de jeunes hommes blancs ; etc. Suivent alors des études de cas consacrées à quelques fameux tueurs en série contemporains, qui se présentent toutes de la même manière : description des faits (avec, soulignés, les éléments relevant de la « signature »), profil, caractéristiques en termes de jeu. L’occasion de frissonner avec Angelo Buono & Kenneth Bianchi, William Bonin, Jerry Brudos, Harvey Glatman, Genene Jones, le Dr Shipman, Herbert Mullin, Ed Gein, Belle Gunness, Dorothea Puente, Ted Bundy en enfin Ed Kemper. Brrr… Mais c’est passionnant.
On notera quelques annexes intéressantes, sous la forme de documents-types : rapport d’autopsie, fiche de victime, formulaire pour l’identification des victimes, et enfin profil criminel.
Au final, si les données « ludiques » sont plutôt douteuses et d’un intérêt plus que limité, Forensic, Profiling & Serial Killers se révèle néanmoins un sympathique ouvrage de vulgarisation, plutôt bien fait, souvent fascinant, et qui peut éventuellement servir d’inspiration pour une partie… ou un bouquin, d’ailleurs. Ce n’est peut-être pas un bon supplément pour L’Appel de Cthulhu, mais c’est donc néanmoins une lecture enrichissante.
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