"L'Appel de Cthulhu : Les Ombres de Yog-Sothoth"
L’Appel de Cthulhu : Les Ombres de Yog-Sothoth
Aujourd’hui, on va faire bref et taper dans le « old school ». Les Ombres de Yog-Sothoth (titre un peu mensonger, d’ailleurs, Yog-Sothoth n’ayant pas grand-chose à faire là-dedans) fut en effet en son temps la première campagne éditée pour L’Appel de Cthulhu, et on la doit comme de juste à Sandy Petersen. Sans-Détour a récemment réédité ce supplément mythique (aha), dans une version intégralement révisée supposée faire honneur à la bête : nous y avons donc la campagne proprement dite, composée de sept scénarios, et deux scénarios (hum…) en bonus.
Les Ombres de Yog-Sothoth se focalise sur les sombres agissements de la loge ésotérique du Crépuscule d’Argent. Après un premier contact à Boston, les investigateurs seront amenés à déjouer une conspiration mondiale aux quatre coins de la planète, pour finir carrément… mais non, je ne vous dirai pas où (et ce n’est ni dans mon cul, ni dans la chatte à ta mère).
Mouhahaha.
La question, évidemment, c’est de savoir si tout cela a bien vieilli et est toujours jouable aujourd’hui. Et là, j’aurais tendance à être sceptique…
Notons tout d’abord que, malgré la révision, Les Ombres de Yog-Sothoth n’a rien d’une campagne « clé en main », mais nécessite au contraire un énorme travail de la part du gardien, qui devra improviser plus qu’à son tour. En effet, la plupart des scénarios composant la campagne n’ont pas de trame à proprement parler, mais consistent avant tout en listes de personnages et descriptions de lieux (c’est particulièrement sensible pour les tous premiers, un peu moins vrai par la suite). Et au gardien de se démerder. Pourquoi pas, après tout ? Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je suis plutôt pour les scénarios « ouverts », et l’improvisation ne m’effraie pas.
Le problème, cependant, est qu’il faut avoir de quoi faire. Et, ici, malgré l’enjeu global énorme, j’ai souvent l’impression que les scénarios pris individuellement manquent un peu d’enjeu, justement, aussi me paraissent-ils difficiles à mettre en place. Les personnages (mais là on rejoint un peu la critique suivante) seront ainsi amenés à effectuer des tâches plus ou moins palpitantes, ou à se mettre à la recherche d’objets dont ils ne comprendront pas l’usage avant la fin, si tant est que…
Autre problème, qui témoigne assurément du caractère daté de la chose : tout cela est très très très artificiel. L’implication des investigateurs sonne faux presque à tous les coups, et l’enchaînement entre les divers épisodes de la campagne ne coule pas de source.
Enfin, certains « scénarios » ne tiennent tout simplement pas la route. Je pense ici notamment à « Le Vers [sic] qui marche », qui n’est jamais qu’une succession hasardeuse et fort improbable d’événements destinés à buter du PJ, ce dont l’intérêt me paraît plus que douteux.
En somme, si les bonnes idées ne manquent pas et si Les Ombres de Yog-Sothoth est assurément une campagne permettant de voir du pays, de menus défauts frustrants ou parfois franchement agaçants viennent régulièrement compliquer la tâche déjà pas simple du gardien, pour un résultat plutôt décevant, et qui ne me paraît que moyennement jouable. Personnellement, je ne pense pas m’y risquer, mais sait-on jamais…
Un mot, rapide, sur les deux « scénarios » qui complètent la campagne : ben, déjà, pour moi, ça, ce ne sont pas des scénarios. « Le Peuple du Monolithe », comme son nom l’indique, est un hommage à Robert E. Howard ; mais ce qui fonctionne (très bien) dans une nouvelle ne donne rien ici : pas d’intrigue véritable, pas de climax, encore moins de menace, et tout cela est en outre beaucoup trop court… Il s’agit en principe d’introduire les joueurs au Mythe, mais avouons qu’il y a de bien meilleurs moyens d’y parvenir…
« Le Terrier » est a priori plus intéressant, et peut constituer à la limite un scénario d’introduction relativement honnête… mais c’est quand même assez bourrin, limite donjonneux. Donc pas terrible.
Bilan plus que mitigé, donc, pour ce supplément antique. On peut s’interroger sur la pertinence de cette réédition (mais les trente ans du jeu n’y sont peut-être – probablement – pas pour rien…). C’est là la première campagne à proprement parler que je lis pour L’Appel de Cthulhu, et je ne peux qu’espérer être plus satisfait par les autres… Parce que là, c’est quand même franchement pas terrible.
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