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"L'Etrange Histoire de Benjamin Button", de Francis Scott Fitzgerald

Publié le par Nébal

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FITZGERALD (Francis Scott), L’Étrange Histoire de Benjamin Button, suivi de La Lie du bonheur, traduit de l’américain par Suzanne Mayoux, traduction révisée, Paris, Gallimard, coll. Folio 2 €, [1967, 2008] 2010, 103 p.

 

Ma quête de tout petits bouquins n’exclut certes pas les classiques. Quand j’ai demandé à La Libraire si elle avait des titres du genre à me conseiller, le premier, je crois bien, fut cette Étrange Histoire de Benjamin Button de Francis Scott Fitzgerald. Ce titre ne m’était certes pas inconnu, pas plus que le nom de l’auteur, même si je n’en avais rien lu jusqu’alors ; certes, j’avais bien entendu parler (a fortiori ces derniers temps) de Gatsby le Magnifique, mais sans jamais avoir touché à la chose ; quant à Zelda, pour moi, c’était avant tout une princesse qui se faisait sempiternellement enlever par des méchants, puis sauver par un petit couillon vêtu de vert… Pardonnez mon inculture, je vous en prie. Après tout, hein, il n’est jamais trop tard pour bien faire ? Je me suis donc emparé du petit bouquin que me désignait La Libraire, sélection de deux nouvelles tirées du recueil Les Enfants du jazz.

 

Commençons donc par « L’Étrange Histoire de Benjamin Button » à proprement parler. Une bien étrange histoire en vérité. Benjamin Button, en effet, quand il naît, a l’apparence d’un septuagénaire… Scandale à la maternité ! Son père, du coup, a du mal à accepter la chose, lui qui se préparait à changer les couches d’un bambin baveux. Mais il doit bien faire avec, et la famille de même. Le « petit » Benjamin, cependant, ne s’arrête pas là dans la bizarrerie : en effet, il rajeunit au lieu de vieillir, et, à mesure que les années passent, ses cheveux se foncent, sa taille diminue, etc. Il passe ainsi tout d’abord pour le grand-père de son père – on ne saurait accepter qu’il s’agisse d’un enfant, bien sûr, l’apparence étant reine –, puis pour son frère quelques années plus tard, avant de devenir un jeune homme (ô combien frivole et avide de succès), puis un enfant (enfin ! mais c’est un peu tard…), et… Bon. La fin coule de source (et, douce amère, elle est très belle, et indéniablement émouvante).

 

Mais la farce impliquée par cette nouvelle fantastique n’est en rien innocente ; la destinée pour le moins singulière de Benjamin Button sert en effet de prétexte à une vigoureuse satire sociale, d’une bonne société pour laquelle seules les apparences comptent. Benjamin Button est en effet coupable d’être différent ; certes, il n’est pour rien dans ce qui lui arrive, mais on ne le lui reproche pas moins : pourquoi fait-il son intéressant, celui-là ? Il ne pourrait pas faire comme tout le monde ? Voilà bien ce qui gêne : la singularité du fils Button, qui fait tout à l’envers. Ce qui est impardonnable, et suscite à maintes reprises le scandale. Rejeté et raillé quand il est vieux (donc jeune), désespérant un père qui aimerait bien le vêtir comme un nourrisson et le voir prendre du plaisir à agiter un hochet, Benjamin Button est longtemps destiné à aller de déconvenue en déconvenue : ainsi, pas question pour lui d’intégrer une prestigieuse école quand il atteint l’âge de dix-huit ans, puisqu’on lui en donne facilement trente de plus… Voilà bien toute l’étrangeté de son cas, dans cette hypocrisie généralisée, qui consiste à nier son existence tout en la jugeant insupportable. Sauf bien sûr quand Benjamin vieillit assez pour avoir l’air jeune : bel homme tout dévoué au plaisir, il connaît alors un indéniable succès, à même de le consoler de son mariage qui ne pouvait que mal tourner. Cette jeunesse doublée d’expérience constitue l’apogée de Benjamin Button, et la satire n’en est pas moins mordante à cette étape de sa vie qui se révèle plus heureuse. Mais il n’en a pas fini, bien sûr ; et comment croire que ce gamin qui se présente à la caserne dit vrai quand il prétend être général de brigade et vétéran de la guerre contre l’Espagne ? La tragédie reprend son cours, vers l’amont, et une fin inéluctable. Très belle nouvelle en effet qui, au-delà de son point de départ aussi grotesque que réjouissant, débouche donc sur une belle critique sociale de la bourgeoisie d’alors (et sans doute aussi d’aujourd’hui), sans oublier de dépeindre avec une nostalgie non exempte de raillerie l’âge idéal d’une jeunesse forcément dorée. Une réussite à la hauteur de sa réputation.

 

Je n’en dirais hélas pas autant de « La Lie du bonheur », texte qui, malgré une belle construction, m’a laissé dans l’ensemble totalement indifférent… Cette nouvelle, que je suppose lourde de réminiscences autobiographiques (inversées ?), sur deux couples qui se délitent, et notamment celui d’une actrice et d’un écrivain qui sombre dans la paralysie en attendant la mort, ne manque certes pas de qualités, et quelques pages sont assez bien tournées ; mais c’est tout de même l’ennui qui a dominé chez moi dans cette pièce en contrepoint de la précédente (et dénuée de fantastique, même si l’on pense volontiers à la thématique chère au genre du double). Bon, pas grave…

 

Une très belle nouvelle, donc, aussi drôle et pertinente qu’émouvante, prolongée par un texte à mon sens anecdotique. Je ne garantis pas, du coup, de poursuivre bien loin la découverte de cet auteur culte que fut Francis Scott Fitzgerald (franchement pas dit que Gatsby m’intéresse, notamment…), mais j’ai tout de même passé dans l’ensemble un bon moment avec ce tout petit livre. Je ne dirais pas qu’il s’agit là d’une lecture indispensable, et pas davantage transcendante, mais il y a tout de même quelque chose qui mérite le détour.

CITRIQ

Commenter cet article

L
D'acc' avec Laurent. Gatsby est juste un grand livre. Fais pas ta fine gueule. Et dans le genre terrible, Tendre est la nuit envoie bien du pain aussi.
Répondre
N
<br /> <br /> OK, OK !<br /> <br /> <br /> <br />
L
Gatsby, j'ai trouvé ça TRES bien. Je dis ça, je ne dis rien.
Répondre
N
<br /> <br /> Ah mais sans doute, hein.<br /> <br /> <br /> <br />