"L'Horreur tropicale", de William H. Hodgson
HODGSON (William H.), L’Horreur tropicale et autres nouvelles, traduit de l’anglais et préfacé par François Truchaud, [s.l.], Terre de brume, coll. Terres fantastiques, 2011, 119 p.
Ça commençait à faire pas mal de temps qu’on me disait qu’il fallait que je lise un de ces jours William Hope Hodgson. Ma passion pour Lovecraft n’y était bien sûr pas étrangère, mais je crois que le véritable déclencheur a été ma lecture de l’excellent La Peau froide. Encore fallait-il qu’une occasion se présente, du fait de la bête organisation scientifique de ma commode de chevet… Occasion il y eut, avec la publication par Terre de brume, qui a déjà plein de titres de l’Anglais au compteur, de L’Horreur tropicale et autres nouvelles, petit recueil de sept histoires courtes, a priori bien représentatif de l’œuvre du bonhomme.
D’où un thème dominant : la mer. Terrifiante. Fascinante et mortelle. Les souvenirs de l’auteur, de son expérience de huit ans dans la marine, ont profondément marqué l’ensemble de son œuvre, et ce recueil en témoigne à coup sûr : cinq des sept nouvelles ici reprises ont la mer pour cadre (et une sixième tourne encore autour de l’eau). La mer, donc. Porteuse de malédictions indicibles, recelant des monstres invraisemblables, ou devenant elle-même un monstre, ou en suscitant parmi les hommes ; la mer, lieu propice à l’aventure fantastique, assurément.
On commence avec une nouvelle de « jeunesse » (enfin, 30 ans…), la deuxième de l’auteur, « L’Horreur tropicale » : un texte qui n’est certainement pas sans faiblesses, et accuse l’âge et surtout l’inexpérience de son auteur. Pas d’intrigue, à vrai dire, dans cette nouvelle qui démarre sur les chapeaux de roues et va à l’essentiel. Juste un motif : un monstre répugnant surgit dès la première page de la mer, et s’en prend aux pauvres marins sans défense du Glen Doon. Un peu maladroit, donc, et pourtant d’une efficacité certaine : la nouvelle, avec ses défauts, contient amplement de quoi glacer le sang. Quant au lien avec l’œuvre ultérieure de Lovecraft, il est ici indéniable et saute aux yeux.
Le court texte qu’est « Une voix dans la tempête », de même, n’est pas sans défauts et se réduit à un motif : la communication d’un homme perdu dans une tempête qu’il sait devoir mettre fin à ses jours. Mais là encore, le tableau est saisissant, et, si l’on fait abstraction de quelques philosopheries peu convaincantes, l’horreur, bien présente, s’empare du lecteur et ne le lâche plus.
« À la recherche du Graiken » est peut-être bien la nouvelle qui m’a le plus séduit dans ce recueil, malgré un happy end qui nuit un peu à la force de l’ensemble. Ce texte est cependant remarquablement construit, et contient de très belles idées, de la communication « télépathique » entre une femme et son époux à la description hallucinée de la mer des Sargasses. Une vraie réussite.
On change complètement de registre avec l’intrus du recueil, « Éloi Éloi lama sabachthani ». Une étrange nouvelle oscillant entre science-fiction et fantastique, où un sympathique savant fou reproduit les derniers instants du Christ. Le postulat vaut ce qu’il vaut, mais Hodgson fait montre ici d’un véritable don pour rendre la douleur dans ce qu’elle a de plus terrifiant.
« Le Réservoir de la peur » est une enquête policière mêlée de science-fiction, à nouveau éloignée de la mer. Assez prévisible et somme toute peu convaincante, c’est probablement la nouvelle la moins intéressante du recueil, à mes yeux en tout cas. Ce qui n’en fait pas un échec total pour autant.
Mais c’est décidément sur la mer que William Hope Hodgson peut faire la démonstration de tout son talent. En témoigne aussitôt « L’Albatros », qui met du temps à démarrer et est là encore un peu gâché par un happy end, mais contient un superbe tableau d’horreur avec sa horde de rats grouillant sur le pont d’un navire où survit contre tout espoir une jeune femme…
Reste enfin « Le Fantôme du Lady Shannon », qui vaut à mon sens surtout pour sa condamnation sans appel des brimades infligées aux marins, et en premier lieu aux novices, par des officiers sadiques. Un texte qui sent l’expérience personnelle, et produit donc son petit effet, même si on peut à bon droit le trouver plus faible que les nouvelles maritimes plus résolument horrifiques qui ont précédé.
Un recueil qui n’est pas sans défauts, donc, mais qui m’a plus que séduit. Il y a effectivement un vrai talent chez Hodgson, et certains passages de ces nouvelles constituent du « pré-Lovecraft » de la plus belle eau. Aucun doute, j’y reviendrai.
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