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"La Maison aux sept pignons", de Nathaniel Hawthorne

Publié le par Nébal

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HAWTHORNE (Nathaniel), La Maison aux sept pignons, [The House of the Seven Gables], traduction [de l’américain] de Claude Imbert revue par Marie Elven, introduction, notes, chronologie et bibliographie par Anne Battesti, Paris, Flammarion, coll. GF, [1851, 1994] 2011, 348 p.

 

Commençons par un lieu commun : on lit souvent de bons livres pour de mauvaises raisons. Et c’est bien ce qui m’est arrivé avec La Maison aux sept pignons de Nathaniel Hawthorne. Le nom de l’auteur ne m’était certes pas inconnu, et cela faisait un moment que je comptais le découvrir. Mais, ce qui m’a porté à acheter chez mon épicier préféré cette Maison aux sept pignons, c’est une étrange mention en quatrième de couverture, une citation de Lovecraft (chez GF-Flammarion ?) présentant ce roman comme « la plus éminente contribution de la Nouvelle-Angleterre à la littérature fantastique ». Vous comprendrez que je n’ai pu faire autrement que m’emparer de la chose…

 

Or, le propos du maître de Providence me paraît un chouia contestable ; car le fantastique, ici, est finalement très très secondaire, à supposer même qu’il soit présent au-delà de la seule ambiance (il est vrai délicieuse, et qui ne manque pas, des procès de Salem au thème omniprésent de l’hérédité, de nous rappeler les grandes œuvres de Lovecraft) ; la maison en question est « hantée », oui, mais les guillemets s’imposent : c’est qu’elle est accablée par un lourd passé dont il semble impossible de se défaire. Par contre, une chose est claire : si vous voulez de la Nouvelle-Angleterre, vous serez effectivement servi. Là encore, c’est une question d’ambiance avant tout ; mais on comprend fort bien, en prenant en compte tout ceci, l’intérêt que pouvait manifester Lovecraft pour ce deuxième roman de Nathaniel Hawthorne.

 

L’histoire nécessite un préambule, qui nous renvoie aux fameux procès de Salem (la ville de Nouvelle-Angleterre où se situe l’intrigue n’est cependant pas nommée). Le colonel Pyncheon a acquis le terrain sur lequel il bâtit la Maison aux Sept Pignons en faisant condamner pour sorcellerie le dénommé Maule. Authentique sorcier, ou pas ? Quoi qu’il en soit, il ne manque pas de jeter une malédiction sur les Pyncheon, malédiction qui semblera se vérifier de génération en génération…

 

Bien plus tard, tandis que le portrait du colonel puritain continue de juger sa descendance dans le salon où il est accroché, nous faisons la connaissance d’Hepzibah Pyncheon, vieille fille à la grimace perpétuelle, contrainte par la nécessité financière d’abandonner sa condition de petite aristocrate et de rouvrir dans la Maison aux Sept Pignons une misérable boutique qu’elle ne sait trop comment gérer… Elle ne vit cependant pas seule dans la grande demeure décatie : se trouve dans un des pignons le photographe quelque peu subversif Holgrave. Et ce duo sera bientôt rejoint par la belle Phoebé, une Pyncheon de la campagne, et par Clifford, le vieux rejeton maudit de la famille, qui a depuis longtemps, suite à une mystérieuse histoire, sombré dans la folie. Et il faut également mentionner, dans l’ombre, l’inquiétante personnalité du « chef de famille », le juge Pyncheon…

 

Nathaniel Hawthorne, en décrivant tout ce petit monde, livre une étonnante et remarquable comédie de mœurs. Moi qui m’attendais plus ou moins à une excroissance américaine des gothiques anglais (mais oui, il y a de ça aussi), je fus pour le moins surpris par l’humour omniprésent du roman ; un humour quelque peu cruel, certes, mais néanmoins très efficace. Tableau impressionnant d’une semi-aristocratie puritaine foncièrement anachronique dans une région pourtant a priori hors du temps, La Maison aux sept pignons suscite plus qu’à son tour le sourire.

 

Mais il y a bien plus, forcément. Et il y a bien, oui, cette délicieuse atmosphère gothique qui imprègne l’ensemble de la trame. On devine, au cœur de la maison, des portes dérobées et autres cachettes ; l’hérédité, thème fondamental, marque de sa griffe tous les personnages, et c’est en cela que la maison est « hantée ». Et puis, bien sûr, il y a les personnages qui vont avec, de l’ombre inquiétante du colonel Pyncheon à la si charmante et naïve Phoebé…

 

Il y a, enfin, la plume de Nathaniel Hawthorne. Alors attention : c’est du bavard (parfois franchement à l’excès à mon sens…) et du précieux ; mais c’est d’une beauté remarquable. Le style de l’auteur, extrêmement travaillé et bien rendu par la traduction, renforce l’ambiance impressionnante du roman, participe de l’élaboration des si beaux portraits des protagonistes, autorise enfin quelques écarts, à moitié amusés, du côté de la philosophie ou du bel esprit.

 

Un beau classique, donc, qui m’a autant étonné que séduit. Va falloir que j’approfondisse la découverte de cet auteur, sans m’embarrasser forcément de pseudo-justifications lovecraftiennes.

CITRIQ

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E
Un livre atypique donc ! Je comprends que la critique de HPL ait retenu ton attention… Merci pour ta chronique.
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