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"La Peur qui rôde", de H.P. Lovecraft & Romain Fournier

Publié le par Nébal

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LOVECRAFT (H.P.) & FOURNIER (Romain), La Peur qui rôde, [The Lurking Fear], traduit de l’américain par Yves Rivière, illustrations de Romain Fournier, Paris, Éditions alternatives, coll. Tango, [1961] 2010, 77 p.

 

Où l’on continue – mais pas à La Clef d’Argent, cette fois – avec les petits bouquins de lovecrafteries diverses et variées. Encore que pas tout à fait, puisque cette fois c’est le maître en personne qui (re)passe à la moulinette nébalienne, avec cette édition joliment illustrée par Romain Fournier de « La Peur qui rôde ».

 

Je confesse n’avoir pas forcément grand-chose à dire de la nouvelle de Lovecraft (antérieure à « L’Appel de Cthulhu », et donc au Mythe comme aux « Grands Textes » ; ne me prenez pas au mot, cela dit : il y avait bien évidemment de très bonnes choses avant « L’Appel de Cthulhu », hein, ce n’est certainement pas moi qui prétendrai le contraire) ; c’est au moins la troisième fois que je la lis, mais elle ne m’avait pourtant laissé aucun souvenir, ce qui n’est pas forcément bon signe (encore que : la plupart de mes lectures proprement lovecraftiennes remontent quand même un tantinet, alors forcément…).

 

Il s’agit d’un récit très abstrait, avec narrateur à la première personne mais dont on ne connaîtra jamais ni le nom ni (véritablement) les motivations. Celui-ci se met en tête de traquer « la peur qui rôde », une mystérieuse bestiole (?) qui sème la terreur et la mort dans les Catskills, notamment dans la région du Mont des Tempêtes, et semble avoir pour havre une inquiétante maison abandonnée, à l’histoire pour le moins funèbre.

 

Une nouvelle assez classique dans le fond, même si l’on y note déjà quelques thèmes fondamentalement lovecraftiens (spoiler !), et notamment celui, très fréquent dans l’œuvre du maître de Providence, de la dégénérescence (avec toutes les connotations darwiniennes d’une part et éventuellement racistes de l’autre que cela suppose – encore que le racisme, ici, ne soit pas aussi fondamental que dans d’autres textes, la dégénérescence y étant le résultat de la consanguinité, non du métissage) ; mais on avouera que l’auteur, dans le genre, aura fait bien mieux par la suite en brodant là-dessus (est-il vraiment nécessaire de citer « Le Cauchemar d’Innsmouth » ?).

 

Formellement, et même si le texte n’est pas exactement bien servi par la traduction, c’est assez intéressant, cela dit. Très lovecraftien, bien sûr – on y retrouve sa tendance à l’emphase et au « dérèglement verbal ». Du coup, c’est un peu lourd à l’occasion (a fortiori en français…), mais cela a un charme indéniable ; les amateurs seront en terrain connu. On notera également à cet égard la construction de la nouvelle, qui, en plus de pratiquer comme souvent l’attaque en force, plongeant le lecteur in media res, conclue chacun de ses « chapitres » sur une image forte en forme de cliffhanger.

 

Cela dit, jusqu’à présent, il n’y a certainement aucune raison de débourser 15 € pour la chose : « La Peur qui rôde » est loin, très loin d’être un chef-d’œuvre de Lovecraft (sans être désagréable pour autant), et, surtout, se trouve dans des éditions de poche pour nettement moins cher (il y a même un mini-recueil dans la collection « Folio 2€ » qui porte ce titre…).

 

Non, bien évidemment, ce qui fait la force de cette édition de « La Peur qui rôde », ce sont les abondantes (au moins une toutes les deux pages, et en pleine page s’il vous plait) illustrations de Romain Fournier. Celui-ci use de plusieurs techniques (dessin, peinture, photo – hélas avec des modèles pas très appropriés, ai-je trouvé… – et numérique), pour un résultat plus que séduisant, et qui n’a pas été sans m’évoquer certains travaux de Dave McKean, notamment (excusez du peu ; bon, c’est peut-être pas tout à fait aussi bien, mais y a de l’idée). Du coup, la lecture de cette nouvelle devient un vrai régal pour les yeux, et on en redemande volontiers ; il semblerait, d’après ce que j’ai pu en lire ici ou là, que l’expérience de la collection « Tango », confrontant donc à chaque fois un nouvelliste et un illustrateur, n’ait guère duré, ce qui est dommage…

 

Mais en l’état, il reste tout de même ce très joli petit ouvrage. Alors, certes, c’est tout sauf une acquisition indispensable, d’autant que c’est (donc) un peu cher pour un texte aussi rapidement lu et disponible ailleurs pour une somme modique, mais c’est quand même une belle expérience, très savoureuse et hautement convaincante. Je ne regrette donc certainement pas mon achat… qui m’a en outre redonné envie, malgré la faiblesse relative de cette nouvelle en particulier, de relire Lovecraft himself (les essais que j’enchaîne en ce moment font de même, faut dire…). Un jour prochain, peut-être…

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