"La Piste du Dakota", de Pierre Pelot
PELOT (Pierre), La Piste du Dakota, Paris, Gallimard, coll. Folio, [1966, 1999] 2001, 193 p.
Il faut bien commencer quelque part ; alors pourquoi pas par un western ? C’est en tout cas ce que fit un tout jeune Pierre Pelot, qui n’avait pas vingt ans quand a été publié ce premier roman qu’est La Piste du Dakota ; un western, oui, mais pas encore un Dylan Stark ; et, selon les propres mots de l’auteur, un « western qui ne voulait pas déserter l’enfance ». Effectivement : autant le dire de suite, c’est là le gros problème de cette Piste du Dakota un tantinet régressive ; l’âge de l’auteur transpire à chaque page, et sans doute ce court roman est-il en priorité destiné à des lecteurs dans les mêmes eaux, ce qui n’est plus mon cas…
Mais on y reviendra. Présentons un peu l’histoire tout d’abord. Nous sommes juste au lendemain de la guerre de Sécession, dans l’Arkansas du Sud. Brad Heart, ex-soldat nordiste, cherche à rejoindre le Dakota du Nord, où sa femme Sally Ann l’attend dans son ranch. Accompagné de son fidèle ami indien Attowack – qui s’est lui aussi battu dans les rangs de l’Union –, le Yankee trouve du travail auprès du ranchman Forward (ce nom est tout un programme…) : il s’agit, pour une centaine de cow-boys, de convoyer un troupeau de 2000 têtes de bétail le long de la piste du Dakota, pour s’établir enfin dans le Pays-de-l’herbe-verte. Une belle occasion d’accomplir le voyage vers Sally Ann.
Mais cela ne s’annonce pas facile. Forward sait qu’une bonne partie du troupeau va crever en chemin. Il sait aussi que les Indiens – les Sioux, essentiellement – représentent une menace avec laquelle il va falloir compter. Tous les cow-boys n’arriveront pas vivants au ranch de la White Valley…
Mais cette menace pèse encore plus sur les épaules de Brad et Attowack… dans la mesure où ils étaient nordistes, et où une bonne partie des convoyeurs s’est battue dans les rangs de la Confédération. Or certains ont la défaite amère, et la rancune tenace. Ainsi, notamment, Cudgel (qui n’est pas vraiment astucieux…), lequel s’est juré de faire la peau du Yankee et de son pote à la peau rouge…
Une traversée des États-Unis du Sud au Nord. Forcément, devant cette odyssée, je n’ai pas pu m’empêcher de penser au bien plus récent Lonesome Dove… Mais ne nous engageons pas trop sur ce terrain : la comparaison, outre son anachronisme foncier, aurait quelque chose d’un peu absurde ; La Piste du Dakota ne joue tout simplement pas dans la même catégorie. Roman de pur divertissement écrit par un jeunot à une époque autrement plus friande de westerns, ce premier Pelot n’a pas l’ambition du monument de Larry McMurtry.
Cela dit, ce western très classique (trop classique ?) ne passe plus guère aujourd’hui (et on ne s’explique pas forcément cette réédition, quand bien des romans de Pierre Pelot, tous genres confondus, se montrent bien plus intéressants). L’âge de l’auteur, disais-je, ressort à chaque page. Il s’agit bien d’une histoire basique de cow-boys et d’Indiens, c’est rien de le dire : tous les clichés sont là (oui, des clichés plus que des codes). Nulle surprise dans ce roman très linéaire – encore qu’il multiplie à plus ou moins bon droit les ellipses –, où les événements s’enchaînent dans l’ordre. Les personnages, en carton-pâte, n’arrangent rien à l’affaire. Et la plume de l’auteur non plus : amateurs de Pelot, vous ne trouverez pas ici l’élégante efficacité qui caractérise ses productions ultérieures, y compris dans le domaine du western (voyez ici). Chaque phrase est un cliché, chaque réplique est téléphonée ; à vrai dire, ça en devient même parfois franchement pénible… ou, et ce n’est sans doute pas mieux, plutôt risible (notamment quand Attowack a la mauvaise idée d’ouvrir la bouche).
Alors tout n’est pas totalement raté dans ce premier roman : une, voire deux, scènes de « stampede », de panique du troupeau, sont plutôt correctes. Et sans doute y a-t-il un peu du Pelot futur dans l’hécatombe qui frappe les convoyeurs… mais l’empathie à l’égard de ces personnages étant nulle, on les voit mourir à la pelle, au détour d’une ligne quelconque, sans jamais rien ressentir. Si l’on y ajoute quelques invraisemblances narratives (concernant Cudgel, notamment), on a tôt fait de confirmer la première impression laissée par La Piste du Dakota : celle d’un mauvais roman « jeunesse », témoin d’une autre époque, et dont la naïveté n’a hélas rien de rafraîchissant.
Pelot a fait tellement mieux… Oublions donc cette « erreur de jeunesse », qui n’en était sans doute pas totalement une, dans la mesure où elle a malgré tout lancé la carrière de l’auteur ; mais La Piste du Dakota ne témoigne en rien du talent qu’il saura déployer par la suite, et ce dans tous les genres. Il faut bien commencer…
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