"Le Tueur. Premier cycle", t. 1 & 2, de Jacamon & Matz
JACAMON & MATZ, Le Tueur. Premier cycle, [s.l.], Casterman, 2008, 184 p.
JACAMON & MATZ, Le Tueur. Premier cycle – Tome 2, [s.l.], Casterman, 2010, 116 p.
Voici venu le temps de lire mon cadeau de Nouwël (ah, Nouwël…). En l’occurrence, cette bande-dessinée que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam (faut dire, moi, en dehors des comics… cela dit, ne serait-ce qu’en raison du format, elle louche quand même pas mal outre-Atlantique… et pour ce qui est du graphisme, voir plus bas), par des auteurs inconnus au bataillon (enfin, en ce qui me concerne, en tout cas ; mais il semblerait bien que le dessinateur soit « un débutant »). Une tentative de la part du frangin de me convaincre des saines vertus du polar, semble-t-il, ou du « noir » en général. D’ailleurs, à en croire le scénariste Matz dans le « making of » qui clôt le tome 2, Le Tueur était à l’origine destiné à être un roman, et c’est la rencontre du dessinateur Luc Jacamon qui a finalement changé la donne, et transformé le projet initial en BD. Et autant le dire tout de suite, ça n’engage que moi, hein, mais c’est heureux… Ouh là, oui.
Le Tueur. Premier cycle, donc. Cinq épisodes, trois dans le premier tome (« Long feu », « L’Engrenage » et « La Dette ») et deux dans le second (« Les Liens du sang » et « La Mort dans l’âme »), le tout formant une seule histoire. Nous y suivons l’itinéraire d’un tueur à gages français nécessairement anonyme et porté sur l’introspection pseudo-philosophique (voir plus bas) qui, après une affaire qui ne se passe « pas très bien », se retrouve dans une jolie merde. Point de départ classique pour une histoire ultra classique, avec des avocats et des médecins pourris, des trafiquants de drogue colombiens, des filles superbes, et un gentil flic (si).
En fait, c’est là que le bât blesse d’entrée de jeu, et que, je le maintiens, il est heureux que Le Tueur soit une BD et non un roman. Car, dès le départ, c’est le graphisme plutôt bien foutu de Jacamon qui sauve tout, ou presque, tant le classicisme du scénario vous saute à la gueule dès les premières pages. Pire : le premier épisode est carrément chiantissime. La « voix off » omniprésente – si je peux me permettre d’employer cette expression filmique pour le support BD – est agaçante au possible, et, dans son discours creux comme c’est pas permis (ou ça ne devrait pas l’être, en tout cas), notre tueur enfile les lieux communs comme on enfile les perles sur un collier – ou, tiens, comme je viens de le faire moi-même, là, à l’instant. En fait de personnage cynique et froid, nous avons juste un crétin de première, parfaitement beauf, surviril de surcroit – chose qui m’a toujours profondément agacé dans le polar (même si ce sont mes préjugés qui parlent, certes), où j’ai toujours l’impression que les personnages se doivent d’avoir une énoooOOOooorme paire de couilles. Et on s’emmerde, tant on a déjà lu/vu ça 42 000 fois.
Heureusement, il y a donc le dessin de Jacamon. Riche d’influences – tant du côté de la BD franco-belge – ligne claire incluse – que du côté des comics – m’est avis que le monsieur aime Miller et Mignola –, il n’en a pas moins une certaine personnalité, et se montre souvent très dynamique. Les couleurs, au départ, m’ont laissé assez sceptique, mais le rendu est finalement plus que correct.
Et puis l’histoire s’améliore. Si Matz, de temps à autre, ne peut s’empêcher de nous caler une nouvelle séquence d’introspection-philosophie de comptoir à s’arracher les cheveux de la tête (mais alors vraiment), il n’en reste pas moins qu’il sait construire une bonne histoire, certes pas transcendante et encore moins foudroyante d’originalité (c’est le moins qu’on puisse dire…), mais néanmoins indéniablement efficace, et qui se laisse lire comme un bon page turner. Si le Tueur reste tristement creux et son encéphalogramme aussi plat qu’une poitrine d’anorexique (à la différence des sculpturales créatures que ne peut s’empêcher de dessiner Jacamon), d’autres personnages se révèlent plus intéressants dans son entourage. Et, en définitive, on se prend au jeu.
Au final, je ne me livrerai donc pas, concernant Le Tueur, au torrent d’éloges que laisse supposer la quatrième de couverture. Disons que c’est une bande-dessinée sympathique, mais « peut mieux faire »… En même temps, c’est un être foncièrement réfractaire au polar qui écrit ces lignes, et ceci explique peut-être cela. Il serait temps que je m’y mette, sans doute, mais, décidément, il y a quelque chose qui coince… Alors, dans le cas présent, est-ce que cela vient de la BD, ou est-ce que cela vient de moi ? Voilà bien le plus grand mystère de toute cette sombre affaire.
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