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"Le Visage Vert", n° 18. "Le gorille voleur de femmes (I)"

Publié le par Nébal

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Le Visage Vert, n° 18. Le gorille voleur de femmes (I), Cadillon, Le Visage Vert, juin 2011, 191 p.

 

Joie ! Joie ! Le Visage Vert nouveau est là ! Et nouveau, il l’est à plus d’un titre, puisque, après une complexe histoire éditoriale – je ne vous avais parlé ici que des numéros publiés chez Zulma, après une longue interruption –, la revue vole désormais de ses propres ailes. Ce qui implique quelques changements – format, couverture, maquette –, mais, rassurez-vous (si seulement vous craigniez quelque chose, gens de peu de foi…), cela ne nuit en rien à la qualité globale de cette publication d’excellence. Et puis joie ! joie ! Du coup, Le Visage Vert, après avoir connu une périodicité annuelle chez Zulma, devient désormais semestriel. Pas une bonne nouvelle, ça ?

 

Décortiquons donc la première livraison de ce Visage Vert nouvelle mouture. Une introduction en fanfare, avec « Le Loup de Salem » d’Howard Pyle, nouvelle sans surprise mais non sans panache, qui plus est abondamment et magnifiquement illustrée par l’auteur. Un régal, dûment complété par un – évidemment – passionnant et érudit article de l’indispensable Michel Meurger intitulé « Les Sorcières de Salem et la fiction américaine ». Décidément, après Häxan et La Sorcière de Michelet, je nage en plein dedans, moi, en ce moment…

 

Suit « La Vengeance du mort » de Robert Barr, nouvelle traduite par l’excellent Jean-Daniel Brèque, et pour cause : il s’agit d’un avant-goût d’une future publication de l’alléchante collection « Baskerville » chez Rivière Blanche, dont je vous reparlerai très probablement sous peu, dans la mesure où je me suis précipité sur ses deux premiers titres. Hélas, j’avouerai n’avoir pas été vraiment convaincu par ce récit passablement grotesque, un peu trop artificiel et bancal pour être honnête, même s’il sait ménager une jolie scène de terreur.

 

« L’Opération merveilleuse du professeur Brigdmann » de Jean Bréchal n’est guère plus enthousiasmante : un récit très convenu, même si peut-être précurseur (?), à vrai dire surtout plombé par une satire un tantinet lourde… Passons.

 

On retourne à quelque chose de très bon avec la nouvelle d’Amelia B. Edwards intitulée « Une terreur en chemin de fer ». Si la conclusion est un peu plate, le récit, véritablement angoissant, n’en est pas moins une réussite incontestable.

 

Probablement davantage que le plagiat (…) qu’en a fait Georges Price et qui suit immédiatement, « Une heure d’express », encore que l’astuce soit au rendez-vous dans cette « variation », ainsi qu’on la qualifiera poliment. On y préfèrera sans l’ombre d’un doute, du même auteur, « Le Roi du Léthol », nouvelle relevant davantage d’une proto-science-fiction tout à fait séduisante (et, cette fois, la satire fait mouche).

 

À mon sens, le sommet dans la partie fictionnelle de cette revue est cependant atteint avec les deux excellentes nouvelles d’Alexander Moritz Frey : « Le Curieux », récit à nouveau très astucieux et remarquablement bien ficelé, et l’étonnant « Périple », versant allègrement dans le surréalisme teinté de grotesque pour un résultat qui, à tort ou à raison, n’a pas manqué de m’évoquer Kafka. Ces deux nouvelles sont complétées par un article bio-bibliographique de Robert N. Bloch, aussi convaincant que d’habitude.

 

On attaque ensuite le dossier, concocté cette fois par François Ducos, et consacré au thème intrigant et attirant du gorille (ou plus généralement du singe) voleur de femmes. Dans cette première partie – une deuxième nous est promise pour un prochain numéro, et plus si affinités (forcément…) –, c’est « Le Gorille voleur de Femmes dans les récits de voyages » qui retiendra notre attention. Si, de nos jours, on pense presque immédiatement à King Kong, sans doute la variation la plus célèbre et la plus jusqu’au-boutiste sur ce thème, on aura ici l’occasion, au travers d’un long article qui n’a rien à envier aux précédentes livraisons de Michel Meurger, de constater que ce motif étrange est fort ancien, et, jusqu’au XIXe siècle inclus, a suscité une abondante littérature non fictionnelle (ou prétendant l’être…). Quelques noms célèbres sont à l’affiche : Hannon, Pline l’Ancien, Buffon, Rousseau, Voltaire, et j’en passe… Réjouissant. Les deux « récits » pittoresques qui complètent cet article, « La Vengeance du singe » de Bénédict-Henry Révoil et « Un drame au pays des gorilles » de Gervèsis Malissol, pour être amusants, n’en sont pas moins surtout illustratifs, et de peu d’intérêt en eux-mêmes (surtout le second, qui a de quoi laisser vraiment perplexe…).

 

Quoi qu’il en soit, si ce numéro comporte bien évidemment des hauts et des bas, le bilan global ne saurait faire de doute : une fois de plus, c’est de la bonne, et l’on conseillera vivement cette publication, au-delà des seuls amateurs de fantastique et d’insolite qui devraient en toute justice foncer dessus, à tous les curieux et amateurs de belles lettres, qui y trouveront eux aussi leur bonheur. Le Visage Vert, répétons-le, est une revue d’excellence, et ce numéro « en solitaire » après les expériences Joëlle Losfeld et Zulma ne constitue certainement pas une exception.

 

 Joie ! Joie !

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