"Le Visage Vert", n° 19
Le Visage Vert, n° 19, Cadillon, Le Visage Vert, novembre 2011, 191 p.
Ben alors ? Pas de dossier dans cette deuxième livraison annuelle (ouééé) de l’excellent Visage Vert nouvelle formule ? En fait, dans un sens, si, même s’il se cache un peu. La première moitié de ce numéro est en effet consacrée au thème du péril jaune (décidément, après ma récente lecture de Yue Laou. Le Faiseur de lunes…), envisagé notamment (mais pas uniquement) sous l’angle des tortures ô combien raffinées dont se montrent capables les Célestes, au moins dans l’imagination des auteurs occidentaux du début de notre siècle. Car, c’est connu, le Jaune est cruel… C’est ainsi que le numéro s’ouvre sur « La Cité des tortures » de René Thévenin, un texte qui va vraiment très loin dans le genre. C’est d’un racisme consternant, mais, avouons-le, aussi rigolo que répugnant, tant il se montre excessif ; mais c’est aussi finalement, malgré une conclusion un peu plate, une nouvelle plutôt bien ficelée, si l’on parvient à faire abstraction de son idéologie puante, ou, plus exactement peut-être, si l’on parvient à la replacer sereinement dans son contexte. Raffinements de cruauté au programme, donc, mais aussi assimilation des Chinois aux rats qui pullulent, théorie du complot et suggestion génocidaire tant qu’on y est… C’est du lourd ! Et ça mérite bien une mise à plat par le toujours aussi convaincant Michel Meurger dans un long article intitulé « Célestes ou infernaux ? L’Extrême-Orient des bourreaux et des monstres », bien évidemment passionnant et pertinent. En guise de complément, nous trouvons ensuite un bref texte sur le mode de l’anecdote édifiante de Harry De Windt, « L’Oiseau gris », qui n’est en somme que le rapport d’un procédé de torture particulièrement sophistiqué. Et Michel Meurger d’en rajouter une (petite) couche avec « Un bestiaire de la cruauté ». Tout cela était tout à fait intéressant, et j’avoue que je n’aurais pas rechigné sur un peu de rab…
Suit une ghost story épistolaire de Rhoda Broughton intitulée « La Vérité, toute la vérité et rien que la vérité ». Plutôt intéressante (et amusante) sur le strict plan formel, celle-ci se révèle néanmoins un peu terne sur le fond.
On passe alors à Ernst Raupach, dont j’avais bien aimé « Laisse dormir les morts », séminale nouvelle vampirique reprise dans l’anthologie Les Femmes vampires. Un texte qui en faisait des tonnes, mais pour notre plus grand plaisir. Cette fois, « Le Voyage » est un conte tout à fait charmant et délicieux, malgré un symbolisme qu’on pourra à bon droit trouver « un peu » lourd. Ah, l’amour… compliqué, hein.
François Ducos livre ensuite un article (est-ce une nouvelle rubrique ?) sur l’illustrateur Jacques Leclerc, très porté sur les dames en tenue légère, moult documents à l’appui. J’avoue que cela m’a laissé pour le moins froid, et que je ne suis guère sensible à son travail…
Puis c’est au tour du contemporain H.V. Chao, avec « Le Joyau du Nord », déconcertante nouvelle russe pour le moins cryptique et très précieuse, riche de belles images et d’idées troublantes, cependant.
Et le numéro de s’achever (déjà ? nooooooooon…) avec Théophile Bergerat et son plutôt nanardesque, à mes yeux tout du moins, « Curieux Assassinat du professeur Gusmaüer (culpabilité d’un animal antédiluvien) ». Le titre à rallonge est éloquent. Au menu, corps astral (avec des vrais morceaux de « théorie psychique » pour le moins, euh, « farfelue ») et Megatherium cuvieri. Toute une époque ! Rigolo, malgré une conclusion qui se veut dramatique et une plume pour le moins indigente.
Au final, un numéro un peu inégal, que j’ai peut-être trouvé un petit cran inférieur par rapport au niveau d’excellence habituel de cette brillante revue. Rien de grave, cependant, et c’est avec impatience que j’attends d’ores et déjà le prochain numéro, qui devrait contenir la suite du dossier sur les singes voleurs de femmes (miam !).
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