"Le Voleur de temps", de Tony Hillerman
HILLERMAN (Tony), Le Voleur de temps, [A Thief Of Time], traduit de l’anglais (États-Unis) par Danièle et Pierre Bondil, Paris, Rivages, coll. Noir, [1988-1989] 2006, 344 p.
Où l’on poursuit la lecture des polars navajos de Tony Hillerman. Depuis le précédent volume, Porteurs-de-peau, Joe Leaphorn et Jim Chee se retrouvent associés dans leurs enquêtes. C’est donc à nouveau le cas ici, et Le Voleur de temps permet entre autres d’approfondir quelque peu leur relation pour l’instant encore passablement ambiguë.
Côté personnel, ce n’est d’ailleurs pas la grande forme pour nos deux flics. Emma, la femme de Joe Leaphorn, vient de mourir, et celui-ci, fortement déprimé, compte tout laisser tomber : quand le roman débute, il est dans son congé de retraite… ce qui ne va toutefois pas l’empêcher d’enquêter pour ce qu’il s’imagine être sa dernière affaire, mais bon. De son côté, Jim Chee tire de plus en plus une croix sur Mary Landon ; il essaye bien de draguer sauvagement Janet Pete, la jeune avocate apparue dans le précédent volume, mais commence par une gaffe monstrueuse…
Cela dit, l’essentiel est ailleurs. Joe Leaphorn accepte d’aider un ami sur une affaire, et l’accompagne interroger une anthropologue spécialisée dans les poteries anasazies, Eleanor Friedman-Bernal, accusée par un coup de fil anonyme d’être une pilleuse de sites protégés, une « voleuse de temps ». Problème : quand Leaphorn et son collègue se pointent à sa résidence temporaire, ils découvrent que ladite Mme Trait d’union a disparu depuis pas loin d’un mois, sans laisser de trace…
De son côté, Jim Chee est également confronté à des « voleurs de temps » : on vole une pelleteuse sous ses yeux ou presque, et quand il la retrouve, sur un site de fouilles anasazi, il y a deux cadavres à côté…
Un lien se dessine très vite entre ces deux affaires, dans la mesure où l’on sait que le docteur Friedman-Bernal avait fait affaire avec les deux victimes, ainsi qu’avec d’autres individus plus ou moins louches, et notamment un pasteur navajo fondamentaliste, et un rancher mormon rescapé d’un tragique massacre (une vieille enquête de Leaphorn). Il s’agit donc pour nos deux héros de mettre la main sur l’anthropologue… avant qu’il ne soit trop tard.
Le Voleur de temps reproduit les qualités et les défauts de la plupart des romans de Tony Hillerman que j’ai eu l’occasion de lire jusqu’à présent. Au rang des faiblesses, on notera tout d’abord, comme d’habitude, que c’est toujours aussi mal écrit, et sans doute traduit, à un point parfois difficilement supportable (même si j’ai lu pire, c’est vrai) ; accessoirement, même si c’est nettement moins pénible et n’entrave pas l’intérêt du lecteur pour l’enquête, le coupable a une fois de plus écrit « coupable » en gros et rouge qui clignote sur son front…
Mais peu importe. Le fait est qu’une fois de plus, ça se lit très bien, car Tony Hillerman se montre un conteur efficace, doué pour agencer sa complexe intrigue et ménager le suspense. On s’attache en outre toujours autant à ses personnages – d’autant que leurs problèmes psychologiques et sentimentaux ne donnent pas l’impression d’être rajoutés pour le principe. Enfin, bien évidemment, le substrat anthropologique est tout à fait passionnant – avec ici cette particularité de se consacrer essentiellement au passé de la région, avec la mystérieuse et fascinante culture anasazie.
Au final, Le Voleur de temps constitue donc un Tony Hillerman très correct, d’autant qu’il n’est pas dénué d’originalité, et change du coup un peu la donne des précédents romans. Plutôt une bonne pioche, donc. À suivre…
Commenter cet article