"Les Aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket", d'Edgar Allan Poe
POE (Edgar Allan), Les Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket, traduit [de l’américain] par Charles Baudelaire, [s.l.], Ebooks libres et gratuits, [1837] 2004, [édition numérique]
J’ai eu un peu de mal à lire et encore davantage à écrire ces derniers jours, d’où le retard dans mes comptes rendus. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
Ceci étant, poursuite de mon petit cycle antarctique, du côté des fictions cette fois, avec le séminal Les Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket d’Edgar Allan Poe (unique roman de son auteur, si je ne m’abuse, auquel se réfèrent Le Sphinx des glaces de Jules Verne et, de manière plus anecdotique, Les Montagnes Hallucinées de H.P. Lovecraft).
S’agit-il d’une première lecture ou d’une relecture ? Honnêtement, je ne sais plus… J’avais pas mal lu Poe dans ma jeunesse folle et insouciante, sans jamais accrocher totalement (même si j’ai plus d’une fois erré dans la rue Morgue ou traqué le trésor scarabée en main) ; oui, je suis sans doute un hérétique, mais voilà : Poe, c’est pas vraiment ma came, pour des raisons que je ne saurais vraiment expliquer, si ce n’est que sa plume (traduction de Baudelaire ou pas) tend généralement à susciter chez moi un vague ennui… Il n’est pas exclu que j’aie lu à cette époque Les Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket – je l’avais dans ma bibliothèque, en tout cas –, mais je n’en avais conservé aucun souvenir (en dehors des allusions lovecraftiennes). Dans le cadre de la préparation de Par-delà les Montagnes Hallucinées, il m’était donc nécessaire de lire ou relire la chose.
Le roman, délibérément inachevé – ce qui joua un grand rôle pour la suite… –, affiche dès le départ son caractère de « non-fiction » : Poe ne serait qu’un prête-nom ou, plus exactement, un ghost writer aidant à la mise en forme d’un authentique rapport des authentiques aventures de l’authentique Arthur Gordon Pym. Procédé aujourd’hui classique, mais poussé ici jusqu’à ses dernières extrémités, non sans astuce.
Dans sa majeure partie (les deux premiers tiers environ), il s’agit d’un pur roman d’aventures maritimes. Arthur Gordon Pym rêve en effet d’embarquer et de prendre le large ; sa mésaventure avec son jeune ami Auguste Barnard, au cours de laquelle ils ont tous deux bien failli perdre la vie, ne l’a certes pas refroidi et, avec la complicité du même, fils de capitaine, il trouve à monter clandestinement à bord du Grampus. Las, le voyage n’est pas exactement de tout repos… Sur de nombreuses pages (pour le moins somnifères ai-je trouvé, mais bon, ça n’engage que moi…), Poe nous narre les difficiles conditions de vie du passager clandestin enfermé dans la cale. Mais ce n’est rien en comparaison de ce qui se passera ensuite, quand Pym retrouvera l’air libre… en plein cœur d’une sanglante mutinerie.
Jusqu’alors, rien que de très classique, en somme, si ce n’est que Poe va très loin dans le grotesque et l’horreur, ce qui confère à ces Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket un certain charme, je suis bien obligé de le reconnaître. Rien d’extraordinaire à mes yeux cependant.
La donne change radicalement pour le dernier tiers du roman, quand, après des mésaventures dont je vous passerai le détail, Arthur Gordon Pym et son compagnon Dirk Peters se retrouvent à bord d’un bateau cherchant à repousser les limites de l’exploration antarctique. Et c’est là que le roman prend effectivement tout son intérêt, quoique d’une manière particulièrement fantasque. En effet, à l’époque où Poe écrivit la chose, on ne savait presque rien de ce qui se trouvait au-delà du cercle polaire austral ; on doutait même de l’existence d’un continent antarctique, ce qui prend toute son importance ici. Alors évidemment, l’exploration et la science ayant depuis connu les progrès que l’on sait, on ne peut s’empêcher de sourire devant les extrapolations farfelues de Poe… Mais c’est néanmoins avec un réel plaisir que l’on suit les aventures improbables de Pym dans ces contrées fabuleuses et fantasmées. Et c’est bien là ce qui fait tout le sel du roman, à mon sens tout du moins. Poe se lâche totalement, libérant son imagination débridée, et c’est pour le mieux, même si l’on ne peut plus y croire aujourd’hui. Tekeli-li ! Et la fin – si tant est qu’on puisse parler de fin, puisque Poe interrompt donc le récit en plein climax… – est particulièrement savoureuse.
Au final, je ne saurai prétendre avoir été totalement convaincu par ces Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket, et n’en ferai en tout cas certainement pas un chef-d’œuvre. Je reconnais néanmoins à ce roman séminal une indéniable audace, un jusqu’au-boutisme aussi frénétique que rafraîchissant, qui en font une lecture finalement plutôt agréable passée une mise en place un peu longuette.
À suivre, donc, avec Le Sphinx des glaces de Jules Verne.
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