"Les Furies de Boras", d'Anders Fager
FAGER (Anders), Les Furies de Borås et autres contes horrifiques, [Samlade Svenska Kulter], traduit du suédois par Carine Bruy, Bordeaux, Mirobole, coll. Horizons pourpres, [2011, 2013] 2014, 345 p.
Les jeunes éditions Mirobole m’ont tapé dans l’œil avec leurs chouettes couvertures à forte identité graphique, et tout particulièrement la collection « Horizons pourpres », abritant semble-t-il du chouette fantastique à la provenance plus ou moins improbable. J’avais ainsi envie, depuis pas mal de temps, de me lancer dans la lecture de Je suis la reine d’Anna Starobinets, dont j’ai entendu dire le plus grand bien. Mais les lecteurs qui m’ont précédé ont été unanimes : s’il y en avait un, parmi ces titres, qui m’était destiné, c’était de toute évidence Les Furies de Borås du Suédois Anders Fager. Il faut dire que, là encore, la couverture est explicite : il y a du tentacule dans le bocal.
Smloutch !
Et, oui, tout cela est effectivement très lovecraftien, mais à la sauce contemporaine. Les références ne manquent pas : si l’on ne cite directement ici que Nyarlathotep et Ithaqua, il y a des allusions transparentes à Shub-Niggurath, à Cthulhu, aux Profonds… Anders Fager ne fait sans doute pas vraiment dans « l’horreur cosmique » purement lovecraftienne, il se place clairement dans le registre fantastique plutôt que dans celui de la science-fiction, mais tout ceci est bel et bien « weird » au plus haut point, et s’avère très vite un régal.
Smloutch !
Au-delà de Lovecraft et de ceux qui l’entourent, références évidentes, la quatrième de couverture évoque également Stephen King (forcément) ou encore John Ajvide Lindqvist (qu’il faudra que je me décide à lire un jour) ; mais j’aurais pour ma part envie de citer un autre nom : les nouvelles composant Les Furies de Borås (une sélection prise dans trois recueils suédois) m’ont en effet furieusement fait penser au Clive Barker des « Livres de sang ». C’est dire si c’est de la bonne…
Smloutch !
Ce recueil est donc composé de nouvelles et « fragments » qui se répondent et se reprennent, gravitant surtout autour de la nouvelle titre : « Les Furies de Borås » constitue il est vrai une introduction de choix, avec ses lycéennes dévergondées qui sacrifient des mâles dans la tourbière… Du sexe, du sang et des tentacules : joli programme.
Smloutch !
Mais Anders Fager ne s’en tient pas à ce seul registre, et sait multiplier, avec une grande astuce et un certain humour, les expériences horrifiques. Certes, le thème de ces femmes qui ont pactisé avec des entités antédiluviennes (ou en sont elles-mêmes ?) et massacrent çà et là des mâles stupides revient à plusieurs reprises ; mais les variantes sont fort goûtues. On admirera ainsi la Profonde de « Trois Semaines de bonheur », ou encore le couple SM et leur étrange rencontre de « Encore ! Plus fort ! ». On retournera aussi avec grand plaisir dans le passé, à l’aube du XVIIIe siècle dans « Le Vœu de l’homme brisé », très touchant, ou aux débuts de la psychanalyse dans « L’Escalier de service », nouvelle très astucieuse et absolument délicieuse. Et le recueil se conclut sur « Le Bourreau blond », superbe nouvelle qui reprend, de même que certains fragments, une des protagonistes des « Furies de Borås ».
Smloutch !
Mais il est d’autres textes (je ne vais pas revenir ici en détail sur les « fragments », mais ils sont généralement du plus grand intérêt) qui jouent sur un tout autre registre. J’avoue avoir particulièrement aimé « Joue avec Liam », avec son gamin « innocent » qui s’amuse avec les « lapins-caca ». On notera enfin « Un point sur Västerbron », nouvelle très intrigante sur un suicide collectif de vieillards…
Smloutch !
Vous l’aure compris : Les Furies de Borås est un recueil de très grande qualité. À vrai dire, je le trouve même salutaire, en cette triste époque où le fantastique est le plus souvent réduit à peau de chagrin, quand il n’est pas noyé dans la bit-lit… Mais même au-delà : cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu un aussi bon livre d’horreur contemporain. Indispensable ! On en veut encore, de ces nouvelles jubilatoires et riches en images fortes, à la fois sombres et drôles. Une vraie réussite, qui appelle une continuation… En attendant, foncez, c’est vraiment excellent.
Smloutch !
Smloutch !
Smloutch !
(NB : « Smloutch ! » est © Natacha Lamour.)
Commenter cet article