Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

"Les Mystères du Ver", de Robert Bloch

Publié le par Nébal

Les-Mysteres-du-Ver.jpg

 

BLOCH (Robert), Les Mystères du Ver, [Mysteries of the Worm], édition et introduction de Robert M. Price, postface de Lin Carter, traduit de l’anglais par Philippe Poirier, Montigny-les-Metz, Oriflam, coll. Nocturnes, [1993] 1998, 303 p.

 

Robert Bloch est assurément l’un des plus célèbres membres du « cercle lovecraftien ». Les lecteurs des « Légendes du Mythe de Cthulhu » se rappellent nécessairement le petit jeu entrepris par le futur auteur de Psychose avec le maître de Providence, consistant à se tuer l’un l’autre de la manière la plus horrible qui soit par nouvelles interposées… Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’un recueil de ses lovecrafteries ait été publié, sous le titre de sa plus célèbre contribution au mythe, le grimoire infâme de Ludwig Prinn.

 

Mais il est important de noter que Bloch fut le plus jeune membre du « cercle lovecraftien », lui qui n’avait pas vingt ans lors de la publication de ses premières nouvelles dans Weird Tales. Et ça se sent… Bloch lui-même, dans un « Épilogue », ne se fait pas d’illusions sur la valeur de ces premiers textes : « des expériences, mal conçues et mal exécutées par un adolescent amateur qui méritait lui-même d’être exécuté »… On peut bien le dire d’ores et déjà : c’est la médiocrité qui domine dans ce recueil (voire pire), même s’il comprend à l’occasion quelques textes de jeunesse relativement intéressants, et, surtout, s’il permet de prendre en considération la nette évolution de l’auteur devenant « professionnel », au fil de textes de plus en plus personnels et aboutis. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a un sacré contraste entre les premiers textes de ce volume, et les derniers…

 

On ouvre le bal avec « Le Secret dans la tombe », première nouvelle de l’auteur à avoir été acceptée par Farnsworth Wright (qui « devait être de particulièrement bonne humeur ») pour Weird Tales. Effectivement, on se demande quel intérêt le rédacteur en chef de la revue a pu trouver à cette nouvelle mal bâtie, sans véritable histoire, et saturée d’adjectifs grandiloquents (défaut qu’on retrouve souvent dans les premiers textes, franchement écrits avec les pseudopodes – et traduits itou, ce qui n’arrange rien…) ; pour un peu, on y verrait presque une parodie…

 

« Suicide dans l’étude », piètre variation (et encore…) sur Dr Jekyll et Mr Hyde, est de même totalement dénuée d’intérêt.

 

On passe ensuite à quelque chose de beaucoup plus intéressant (même si…) avec « Le Démon venu des étoiles », qui est donc la nouvelle dans laquelle Robert Bloch « tue » Lovecraft (avec son autorisation…). Rien d’exceptionnel, mais la nouvelle présente quand même un minimum d’intérêt, d’une part dans sa digression sur Ludwig Prinn, et d’autre part dans le meurtre de « Lovecraft » par un vampire stellaire, scène joliment cracra.

 

« Le Dieu sans visage » introduit le thème égyptien, récurrent dans le recueil, d’une manière relativement potable. Disons qu’on a vu pire utilisation de Nyarlathotep…

 

« Le Rictus de la goule » introduit un autre thème prépondérant du recueil, Bloch aimant bien les histoires de goules (à en croire Robert M. Price, ce serait d’ailleurs également lui « l’inventeur » du Culte des goules du comte d’Erlette). Mais c’est sans intérêt…

 

« L’Obscur » est à nouveau un texte dont Lovecraft, à peine déguisé, est le « héros ». Mais ça ne marche pas à tous les coups…

 

Plus intéressant quoique très prévisible, « L’Homoncule » s’inscrit dans la droite lignée de fameux textes lovecraftiens comme « L’Abomination de Dunwich ». Correct.

 

Correct également, « La Progéniture de Bubastis » mêle goules et thème égyptien… en Cornouailles. Pourquoi pas ? Rien de fabuleux, mais la nouvelle n’en produit pas moins son petit effet.

 

« La Créature dans la crypte », autre histoire de goule prenant place cette fois à Arkham, est un texte assez maladroit, qui ne convainc pas vraiment. On passe.

 

Suivant : « Le Secret de Sebek », avec toujours le thème égyptien, mais cette fois lors du carnaval de la Nouvelle-Orléans, avec un décor « s’inspirant » ouvertement du « Masque de la mort rouge » de Poe. Pas trop mal.

 

Pas trop mal non plus, « Le Temple du Pharaon Noir » (toujours l’Égypte…) est un texte là encore très prévisible, mais plutôt bien ficelé. Globalement, ça commence à s’améliorer.

 

En témoigne « L’Étoile de Schemet », texte s’inspirant pas mal de classiques lovecraftiens tels que « De l’au-delà », « Le Modèle de Pickman », et « Les Chiens de Tindalos » de Frank Belknap Long, mais qui fonctionne plutôt bien. L’idée n’est pas mauvaise, et témoigne de cette amélioration sensible des lovecrafteries de Bloch.

 

Mais on fait à peu de choses près dans le saut quantique avec « L’Ombre du clocher », réponse (posthume…) de Bloch au meurtre de Robert « Blake » par Lovecraft dans « Celui qui hantait les ténèbres ». L’histoire est bavarde et complètement délirante, mais ça tient la route.

 

Nouveau saut quantique avec ce qui constitue probablement la meilleure nouvelle du recueil, « Manuscrit trouvé dans une maison déserte ». L’ambiance très « Dunwich » fonctionne à merveille, et le style de Bloch devient enfin plus personnel – et pour cause, le narrateur étant cette fois un enfant, comme dans « Le Peuple blanc » d’Arthur Machen, qu’on trouvait dans Le Cycle de Dunwich.

 

Mais le texte le plus personnel sur le plan du fond comme de la forme est probablement « La Crique de la terreur », par ailleurs le plus long du recueil. Bloch y délaisse le style « pastiche », et a bien raison, cette variation plus « moderne » sur le Mythe est tout à fait convaincante.

 

Et reste enfin une très belle nouvelle pour conclure, avec « Les Noces ineffables », qui revient à quelque chose de plus classique, mais avec une perception très particulière – et pas vraiment horrifique, en fin de compte – qui en fait tout le sel.

 

Au final, nous avons donc avec Les Mystères du Ver un recueil franchement médiocre, voire carrément très mauvais, sur près de la moitié du volume (tout de même), puis ça s’améliore, jusqu’à réserver de bonnes surprises dans les derniers textes, plus personnels et indéniablement plus maîtrisés. Autant dire que c’est là une lecture très dispensable dans l’ensemble, mais qui pourra, sur le tard, intéresser quelques lovecraftiens-et-plus-puisque-affinités dans mon genre… mais je ne saurais en recommander la lecture, faut pas pousser mamy dans les shoggoths.

Commenter cet article

A
<br /> Oui, parce que ça pique, les shoggoths.<br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> Mamy aussi, cela dit.<br /> <br /> <br /> <br />