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"Les Sources de la honte", de Vincent de Gaulejac

Publié le par Nébal

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GAULEJAC (Vincent de), Les Sources de la honte, Paris, Desclée de Brouwer, coll. Sociologie clinique, [1996] 1997, 315 p.

 

Bon, vous m’en voudrez pas de faire mes devoirs à la maison ?

 

La honte, donc. « Une souffrance d’autant plus forte que par nature on en parle peu », et que Vincent de Gaulejac se propose d’étudier ici dans une perspective de sociologie clinique, au carrefour de la sociologie « traditionnelle » et de la psychanalyse.

 

L’ouvrage s’ouvre sur quatre études de cas permettant de mettre en évidence les diverses facettes de la honte (je dois confesser ne m’être un tant soit peu reconnu que dans le portrait d’Alain, où la honte se mêle de ridicule et d’exhibitionnisme) (ben oui). Il y a des caractéristiques communes : l’illégitimité, la défaillance parentale, l’infériorité, la violence, le déchirement, la déchéance, le non-dit, l’inhibition, autant de traits qui constituent un « méta-sentiment » fort complexe, qui peut prendre la forme d’une honte réactive ou d’une honte intériorisée.

 

L’auteur se penche ensuite sur les violences humiliantes. On fait tout d’abord ressortir deux caractéristiques : le processus d’instrumentalisation et l’absence de réciprocité. La honte est alors essentiellement décrite sous l’angle de la pauvreté, de la mendicité et de l’assistance. Puis – et c’est un peu le grand écart – Vincent de Gaulejac évoque les violences extrêmes (de la Shoah aux « enfants du placard »). Tout cela débouche sur une identité blessée, provoquant une souffrance objective et une souffrance subjective.

 

On passe ensuite à trois « biographies » d’intellectuels confrontés à la honte. Freud, tout d’abord, avec l’ambition comme réaction à l’humiliation, et la mise en évidence d’un véritable « complexe d’Hannibal ». Sartre, ensuite, qui évoque « la fulgurante décharge de la honte » ; or « c’est autrui qui me donne conscience d’exister »… Camus, enfin (sur lequel je reviendrai prochaînement), dont le parcours est marqué par la honte, celle-ci étant par ailleurs au cœur de La Chute.

 

Mais, au-delà de ces expériences particulières, il s’agit de souligner les caractéristiques du « nœud socio-psychique » constitué par la honte. On évoque tout d’abord les cinq « paliers de la honte », cinq moments décisifs : « le stade du miroir et l’entrée au monde par le narcissisme », « le stade œdipien ou la confrontation à l’interdit et l’ordre symbolique », « le stade des comparaisons, et la découverte du monde social à la fin de la période de latence », « le stade de l’adolescence lorsque s’affirment les choix sexuels et sociaux », et enfin « l’entrée dans la vie sociale pour les jeunes adultes, ou la quête d’une place et l’affirmation identitaire comme citoyen ». On passe ensuite au cœur du sujet, à savoir « l’intrication du sexuel et du social dans le symptôme », et l’approche « entre sociologie et psychanalyse », qui permet de s’interroger sur « l’intériorisation des contradictions sociales ».

 

Se pose alors la question du dénouement. On étudie tout d’abord le contrepoison qu’est l’ambition, avec notamment l’exemple… de Bernard Tapie. Bon, c’est pas pour moi… Sont ensuite envisagées les diverses réactions défensives : repli sur soi et secret (ça me parle déjà plus), alcoolisme, orgueil (« honte inversée »). Mais comment sortir véritablement de la honte ? Plusieurs pistes : levée du refoulement de l’imaginaire, émergence du sujet socio-historique, soutiens matériels et psychologiques (sortir de l’intériorisation par exemple par le militantisme… ou par l’humour, ce qui, là aussi, me parle davantage). Quoi qu’il en soit, on s’accorde sur l’importance de la parole publique (eh) et des récits de vie en groupe. Reste enfin à analyser les réactions à la honte, et enfin à se poser la question du contre-transfert.

 

Au final, un ouvrage d’une lecture intéressante et sans doute pertinent sur bien des points. Toutefois, je ne suis pas certain d’y trouver beaucoup de clés pour combattre efficacement ma honte…

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