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"Little Big Man", de Thomas Berger

Publié le par Nébal

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BERGER (Thomas), Little Big Man. Mémoires d’un visage pâle, [Little Big Man], traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-France Watkins, avant-propos d’Olivier Delavault, Paris, Télémaque, coll. Frontières, [1964-1965, 1991] 2014, 597 p.

 

Little Big Man, le célébrissime film d’Arthur Penn avec Dustin Hoffman, figure à n’en pas douter parmi les monuments du western, et m’a profondément marqué. Mais, naïf que j’étais, je n’avais pas idée qu’il était en fait inspiré d’un roman, en l’occurrence écrit par Thomas Berger, décédé il y a peu. Aussi, quand ma librairie m’a tendu un piège en posant cette réédition bien en évidence, à peu de choses près directement sous mes yeux, il va de soi que je me suis précipité dessus… et bien m’en a pris, car j’ai ainsi lu un western d’exception, bien, bien meilleur que le pourtant très bon film qui s’en est inspiré. Question d’ambition et d’ampleur, d’une part ; question de ton, de l’autre. Mais le bilan est sans appel.

 

Passons en fermant les yeux sur l’avant-propos parfaitement illisible d’Olivier Delavault.

 

 Et rejoignons bien vite, en compagnie d’un écrivain sceptique et gogo à la fois, le plus que centenaire Jack Crabb, qui s’agite dans sa maison de retraite, et compte bien livrer ses mémoires, pour le moins édifiantes, tant qu’à faire en échange d’une jolie somme. Après tout, si Jack Crabb est un illustre inconnu, qui n’a certes pas la notoriété d’un Wild Bill Hickok, d’un Wyatt Earp, d’une Calamity Jane, d’un Buffalo Bill ou, bien sûr, d’un général Custer – ils les a tous rencontrés, néanmoins –, il incarne pourtant à lui seul toute la légende de l’Ouest. À vrai dire, il a absolument tout fait. Et son récit, qui s’étend sur environ un quart de siècle, celui du western « classique », comprend ainsi tous les clichés du genre. Dès lors, la question se pose bien vite : témoignage authentique ou divagations d’un vieux mythomane ? Peu importe : « print the legend », tout ça. Et ce qu’il a à raconter, que ce soit vrai ou faux, est fascinant de bout en bout.

 

Tout commence sur la route de l’Ouest, alors que Jack n’est qu’un gamin, quand des Indiens complètement bourrés attaquent le convoi auquel s’est joint la famille Crabb. Une lubie de sa sœur – vexée de ne pas avoir été violée – entraînera l’adoption de Jack par les Cheyennes de Peaux-de-la-vieille-cabane ; et c’est ainsi, avec le temps, que Jack Crabb deviendra Grand Petit Homme. Sa vie, dès lors, sera faite d’errances entre le monde des Indiens et celui des Blancs, sans qu’il ne puisse jamais trouver sa place où que ce soit.

 

Cette Frontière est un monde rude et violent, et si l’on rit souvent à la lecture de ce roman férocement drôle, le dégoût n’est jamais très loin. On voit ici une différence majeure avec le film. Ce dernier, on l’a souvent dit, a contribué à « réhabiliter » les Indiens dans les productions hollywoodiennes. Mais la réalité du roman est plus subtile ; et Jack Crabb est un personnage marqué par la haine ; nulle idéalisation ici : le pragmatisme est de règle, et Jack sait bien qu’il n’a pas totalement sa place au milieu des Êtres humains.

 

Ce qui ne l’empêche pas de choisir son camp quand la figure de Custer intervient ; dès la première rencontre, Jack se jure de faire payer ses atrocités à l’arrogant général ; et cette quête de vengeance se poursuivra jusqu’à Little Bighorn, célèbre bataille dont l’évocation en ces pages ne saurait laisser indifférent.

 

Entre-temps, Jack flâne. Et il est de tous les bons coups (les mauvais aussi). En sa compagnie, c’est ainsi toute l’histoire, non, la mythologie de l’Ouest qui se déroule sous nos yeux. Ce qui confère à Little Big Man un caractère encyclopédique, d’une certaine manière. N’y manque guère, sauf erreur, que la guerre de Sécession…

 

Le style oral de ces mémoires ajoute de l’intérêt au roman, et ce en dépit de quelques regrettables pains de traduction çà et là. La gouaille de Jack est réjouissante, et on se délecte des horreurs qu’il raconte ainsi que de ses jugements à l’emporte-pièce.

 

Bon, je ne suis pas en état de faire l’éloge de ce roman, et c’est bien triste, parce qu’il le mériterait assurément… Va falloir me faire confiance sur ce coup, quand je vous dis que Little Big Man, le roman, est un immense western, encore meilleur que le film…

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E
Ok, je le passe sur le dessus de la pile... T'as gagné.
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