"Lovecraft Studies", no. 9
Lovecraft Studies, no. 9 (vol. III, no. 2), West Warwick, Necronomicon Press, Fall 1984, 40 p.
Toi y en a vouloir encore du Lovecraft ? Alors moi y en a indiciblement parler toi Lovecraft Studies n° 9. Y en a décidément bon fanzine, même si tout pas si bon. Mais moi y en a arrêter parler « toi y en a » parce que ça être vite lourd (et, après tout, être langage hommes d’affaires, pas indicibles lovecraftiens).
On entame donc ce neuvième numéro avec Steven J. Mariconda et « H.P. Lovecraft: Consumate Prose Stylist ». Tout est dans le titre, ou presque. L’auteur revient ici sur les nombreuses critiques adressées au style lovecraftien dans ses textes de fiction, notamment son côté verbeux et « suradjectivé ». Je plaide coupable : je suis moi-même du genre à émettre de tels jugements de valeur. Je reconnais volontiers avec l’auteur que le propos et l’atmosphère des récits lovecraftiens justifient amplement l’usage très particulier qu’avait le maître de Providence de la prose. Et, après tout, j’aime ça… mais il me semble tout de même que ces critiques restent pertinentes ; elles ont certes quelque chose « d’académique », qui peut pas mal les invalider, mais le fait est que, dans toutes autres circonstances, le style de Lovecraft serait tout simplement ridicule, et n’échappe pas toujours à ce grief, même dans ses meilleurs textes. Mais il est vrai que, le plus souvent, HPL s’en tirait bien, à ce jeu de la corde raide ; est-ce cela qui en fait un « styliste consommé » ? Je reste un peu perplexe. Un artisan consciencieux, oui ; souvent habile, certes ; mais dans un registre très particulier, qui peut très légitimement filer des boutons. Moi, ça va, hein. Mais je ne pousse pas l’admiration pour le pôpa de Cthulhu jusqu’à la révérence envers une plume qui me semble tout de même contestable à l’occasion. Voilà un article de fan, quoi… et qui pèche un peu, à mon sens, en se focalisant uniquement ou presque sur « The Haunter in the Dark », soit un texte pour le moins tardif, c’est rien de le dire, où Lovecraft se montre sans doute plus adroit que dans certaines productions plus anciennes, qu’il est un peu trop « facile » de passer ainsi sous silence…
Will Murray livre ensuite une communication « On the Natures of Nug and Yeb », interrogeant ces deux mystérieuses figures du Mythe, qui interviennent régulièrement dans les fictions lovecraftiennes... mais qui, en définitive, ne se retrouvent vraiment explicitées que dans sa correspondance ! Un texte amusant, à n’en pas douter érudit. Cependant, je plaide coupable ici : je tends à me montrer « plus lovecraftien que Lovecraft »… En effet, Nug et Yeb s’inscrivent dans une généalogie mythique mélangeant un peu tout (l’extra-terrestre Cthulhu inclus, bien sûr, à côté des plus « divins » Azathoth, Yog-Sothoth, Nyarlathotep et Shub-Niggurath), et les lettres de Lovecraft où il se livre à ces divagations me font surtout l’effet de plaisanteries quant aux « yog-sothotheries »… J’ai du mal, décidément, avec ces développements faisant du soi-disant « Mythe de Cthulhu » une construction cohérente… même quand ils émanent du premier concerné.
John Strysik se penche ensuite, dans « Yin and Yang and Franz and Howard », sur la parenté, ou plutôt la complémentarité, des œuvres de Lovecraft et de Kafka. Réunir ainsi deux de mes auteurs fétiches a quelque chose de séduisant… mais l’auteur, malgré quelques développements judicieux, enfonce beaucoup de portes ouvertes, et je ne suis pas sûr que cela ait été une bonne idée que d’envisager tout cela sous l’angle du yin et du yang, peut-être plus ou moins bien digéré…
Le patron S.T. Joshi se lance ensuite dans une grande entreprise avec « The Development of Lovecraftian Studies 1971-1982 (Part I) » (deux autres parties doivent suivre). Il s’intéresse ici à la « dissémination » de l’œuvre lovecraftienne en anglais. Le rôle d’Arkham House et de Derleth y est longuement débattu, parfois sévèrement discuté, quelquefois loué tout de même ; on notera aussi l’indisponibilité pendant un temps de ces œuvres, a fortiori dans un format abordable et largement diffusé ; enfin, l’auteur ne manque pas, dans le domaine de la « small press », de vanter les productions de Necronomicon Press : on n’est jamais mieux servi que par soi-même, hein… Blague à part, c’est là un article fort intéressant et sans doute très pertinent, et dont l’utilité à l’époque ne fait aucun doute à mes yeux. Suite au prochain numéro.
Un bref texte de Howard Phillips Lovecraft himself ensuite, avec « Notes to “The Challenge from Beyond” », plus ou moins un synopsis du fragment lovecraftien (essentiel) du « round robin » dont je vous avais parlé ici. Intérêt pour le moins limité, du coup.
Restent les critiques ; enfin, la critique, dans un sens, puisque seul H.P. Lovecraft: A Critical Study de Donald R. Burleson est ici envisagé, quand bien même c’est sous la plume de deux exégètes, Robert M. Price tout d’abord (que je ne trouve décidément pas très pertinent dans cet exercice), S.T. Joshi ensuite. Tous deux s’accordent pour louer les grandes qualités de l’ouvrage de leur comparse, leurs critiques tenant peu ou prou du pinaillage. Je le note, donc…
Suite au prochain numéro.
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