"Munchkin Cthulhu" + "Munchkin Cthulhu 2 : De mal en pis !"
Munchkin Cthulhu + Munchkin Cthulhu 2 : De mal en pis !
Chose promise, chose due : je poursuis aujourd’hui ma mini-exploration des jeux lovecraftiens que je pratique régulièrement avec mes camarades avec Munchkin Cthulhu. Cette fois, on est aux antipodes d’Horreur à Arkham, avec ce jeu de cartes tout sauf coopératif, qui se range plutôt dans la catégorie « mauvaise foi revendiquée (ça figure dans les règles) et coups de putes assumés ». Ça se joue de trois à six joueurs (mais j’imagine qu’on peut envisager des « super-parties » avec plus de joueurs encore, si on est vraiment malades), à partir de douze ans (mais j’en doute, pour plein de raisons).
Petite présentation générale de la gamme Munchkin, éditée à l’origine par Steve Jackson Games. Il s’agit ici de faire dans la parodie de jeu de rôles, versant grosbill. Aussi le Munchkin originel moquait-il vertement les jeux de rôles à la Donj’ et autres typés médiéval-fantastique, avec leurs cortèges d’elfes et de nains. Le principe de base est simple : chaque joueur commence au niveau un, et a pour but d’arriver au niveau dix (avant les autres, donc) ; pour ce faire, tous les moyens sont bons ; certaines cartes permettent de monter d’un niveau, il est possible de vendre de l’équipement pour ce faire, mais le moyen le plus traditionnel reste quand même la baston. Chaque joueur peut avoir une classe et/ou une race, de l’équipement, etc., en fonction de ce qu’il pioche, et/ou de ce que les autres joueurs lui balancent dans la gueule (j’ai une tendance dingue à me choper la malédiction « Changement de sexe ! » à chaque partie…).
Décrivons maintenant un tour de jeu. Quand le joueur commence son tour, il peut jouer des cartes de sa main (par exemple, poser une classe ou un équipement). Ensuite, il y a deux types de cartes : les portes, et les trésors. Le joueur doit ouvrir une porte : il retourne la première carte porte, et la montre à tous les joueurs (et, normalement, il en lit le texte – volontiers débile). Si c’est un monstre, le combat s’engage (j’y reviens de suite) ; si c’est une malédiction, il se la prend dans la tronche ; si c’est autre chose (classe de personnage, modificateur de puissance, etc.), il prend la carte dans sa main. S’il n’y a pas eu combat à ce moment-là, le joueur a deux possibilités : soit il « pille la pièce », et dans ce cas-là pioche une autre carte porte face cachée ; soit il « cherche la bagarre », et engage le combat avec un monstre de sa main, qu’il montre à tous les joueurs.
Le combat, donc. Chaque monstre a un niveau allant de un à vingt, plus des modificateurs. Pour battre le monstre, il faut obtenir un score supérieur à son niveau et ses modificateurs, avec son propre niveau, ses équipements, ses modificateurs, etc., et éventuellement l’aide d’un autre joueur, qui se négocie. Sachant que les autres joueurs peuvent faire des crasses, comme rendre le monstre plus puissant, ou faire venir un autre monstre dans le combat (mais il faut une carte spéciale pour cela), etc. En cas d’égalité, c’est le monstre qui gagne : il faut faire plus. Si le joueur gagne, il remporte un niveau (ou deux si c’est indiqué sur la carte) et le nombre de trésors indiqué sur la carte du monstre (en principe de un à cinq ; ce sont les trésors que l’on négocie contre l’aide des autres joueurs). S’il perd, il ne lui reste que la possibilité de fuir. Il doit jeter le dé : sur un 5 ou un 6, rien ne se passe, il parvient à fuir ; sinon, il faut lire « l’incident fâcheux » propre au monstre, qui peut aller de l’anecdotique pas bien méchant à la mort ou à la perte de plusieurs niveaux…
Le jeu Munchkin originel a remporté un succès non négligeable, ce qui lui a valu plusieurs extensions, mais surtout ce qui a entraîné le développement de toute une gamme de jeux Munchkin, tous parfaitement compatibles les uns avec les autres : il est donc possible de mélanger les cartes pour obtenir des jeux encore plus délirants, dans des univers totalement foutraques. Sont ainsi sortis Star Munchkin, parodiant le space opera, Super Munchkin, parodiant les super-héros, et donc Munchkin Cthulhu, parodiant les jeux lovecraftiens, et qui est à mon sens la déclinaison la plus réussie du jeu originel.
Le principe de base reste le même, à ceci près qu’il n’y a cette fois pas de races, mais seulement des classes : investigateur (of course), tabasseur de monstres (sans commentaires…), professeur (...), et enfin cultiste (selon un anglicisme bien connu qui a fait des ravages dans le jeu de rôles).
Or il est deux choses qui, à mon sens, font la très grande réussite de ce Munchkin Cthlhu : d’une part, j’ai l’impression que c’est la déclinaison la plus vicieuse de toutes, riche en coups de putes (un exemple, une règle spéciale concerne les monstres dont le nom finit par « -goth » – et y’en a un paquet, avec des jeux de mots tous plus affligeants les uns que les autres – : si un joueur se retrouve en combat avec un monstre dont le nom finit par « -goth », alors un autre joueur peut rajouter dans le camp du monstre un autre monstre dont le nom finit également par « -goth »...).
D’autre part, il y a les règles spéciales concernant les cultistes, qui viennent un peu compliquer le jeu, et en accentuer la dimension « stratégique » (malgré tout, si, si). Normalement, tout joueur peut choisir à tout moment (enfin, pas en plein combat…) de se débarrasser de sa classe, pour une raison ou une autre. Sauf celle de cultiste : cultiste un jour, cultiste toujours, mouhahahaha ! En même temps, l’union fait la force : plus il y a de cultistes en jeu, plus ils sont forts (bonus de + 2 pour chaque cultiste en jeu). Or il faut savoir qu’il y a plus de cartes « Cultiste » que de cartes des autres classes… Les cultistes peuvent également se voir appliquer des bonus permanents à + 3 (« Ecumant de bave », etc.) inaccessibles aux autres personnages. MAIS, si tous les joueurs sont cultistes sauf un, celui-ci gagne un niveau ; et si tous les joueurs sont cultistes, la partie s’arrête, et le cultiste ayant le plus haut niveau gagne. D’où la nécessité de bien calculer son coup, et éventuellement de garder dans sa main une carte « Grand coup sur la tête » qui peut transformer quelqu’un en cultiste, ou au contraire « défaire » un cultiste.
Quelques mots – rapides – sur l’extension Munchkin Cthulhu 2 : de mal en pis ! Comme toutes les extensions, celle-ci rajoute essentiellement de nouvelles cartes « porte » et « trésor » des catégories habituelles (56 en tout). Mais, parmi les cartes « porte », elle rajoute une nouvelle catégorie : les « démences ». Celles-ci fonctionnent un peu comme les malédictions, à ceci près qu’elles sont permanentes, et peuvent également avoir des effets positifs (enfin, bof, généralement). Il est possible de se débarrasser d’une démence avec un « Anneau de souhait », ou de débarrasser un joueur de toutes ses démences en une fois avec un « Grand coup sur la tête » (décidément une carte fort utile).
Au final, Munchkin Cthulhu est un jeu d’autant plus drôle qu’il est sadique. À jouer entre rôlistes et/ou simples amateurs de Lovecraft, c’est assez délicieux. Les cartes sont toutes plus débiles les unes que les autres, d’un humour souvent tellement pathétique qu’il en devient irrésistible. Le pauvre HPL doit s’en retourner dans sa tombe… mais en attendant on s’amuse bien.
Au passage, j’ai cru entendre parler d’une extension dessinée par François Launet, le responsable de l’indispensable Unspeakable Vault (Of Doom) ; si c’est bien le cas, j’espère qu’on pourra en attendre une traduction française, parce que j’aime beaucoup ce qu’il fait, le monsieur (EDIT : Elle existe, et je l'ai. Mouhahaha !).
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