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"New Cthulhu. The Recent Weird", de Paula Guran (ed.)

Publié le par Nébal

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GURAN (Paula) (ed.), New Cthulhu. The Recent Weird, [s.l.], Prime Books, 2011, [édition numérique]

 

LOVECRAFT IS NOT DEAD !

 

Mais là je ne vous apprends rien. C’est que le bonhomme, ce « Copernic littéraire » pour reprendre l’expression de Fritz Leiber, a révolutionné l’horreur en littérature, qu’elle tende vers la science-fiction ou le fantastique, et a laissé une empreinte plus que durable. Aussi, nombreux sont ceux qui ont marché (à plus ou moins bon droit, mais on y reviendra) dans les pas du géant. Il y avait, dès le vivant de l’auteur, un « cercle Lovecraft » ou un « Lovecraft Club ». Il n’est probablement pas nécessaire de mentionner ici le travail d’August Derleth, lequel, non content de faire connaître (ouééé) les œuvres de Lovecraft et parfois de les « achever » (hum…), a également publié, sous le nom générique de « Légendes du Mythe de Cthulhu », les nouvelles lovecraftiennes des membres de ce premier cercle, parmi lesquels on pourrait citer Robert E. Howard, Robert Bloch, Frank Belknap Long, etc. D’autres se sont mis plus tard à un semblable travail de compilation, tels Ramsay Campbell ou Robert M. Price. Il y a eu aussi des tentatives en solo, plus ou moins réussies (j’ai mentionné le cas de Brian Lumley…). C’est en effet le problème : de manière générale, le nom de Lovecraft est devenu une marque, apposée parfois sur tout et n’importe quoi, à plus ou moins bon droit, que ce bon droit tienne au caractère authentiquement lovecraftien du texte considéré, ou plus généralement à sa qualité intrinsèque. Aussi, les amateurs de Lovecraft et de lovecrafteries ont appris à se méfier des innombrables anthologies jouant de la filiation avec le « reclus » de Providence et avec ce qu’il est convenu d’appeler « Mythe de Cthulhu » (avec tout ce que cette expression a de derlethien).

 

Voici donc une nouvelle anthologie du genre, volumineuse ma foi, et consacrée aux créations les plus récentes du genre. Et là on reconnaîtra d’emblée qu’il y a du beau monde à l’affiche… Une chronique de ce beau volume chez l’ami Gromovar avait attiré mon attention sur la chose, et je dois dire, d’ores et déjà, que je n’ai pas été déçu. Loin de là ! J’aurais même envie de dire que j’ai rarement lu une aussi bonne anthologie, dans le genre lovecraftien, déjà, mais aussi – soyons fous – de manière plus générale. Certes, c’est peut-être le fan décérébré qui s’exprime, là, mais voilà : j’ai vraiment adoré ce New Cthulhu compilé par Paula Guran, dans lequel je n’ai trouvé qu’un seul texte véritablement et incontestablement mauvais. Le reste est au pire moyen, et souvent bon, voire excellent. Ben désolé, mesdames et messieurs, mais rares sont les anthologies qui peuvent prétendre à une telle réussite…

 

Mais arrêtons-là les salamalecs introductifs, et reprenons tous en chœur le mot d’ordre de cette anthologie : « WEIRD ! » Que ce soit drôlement horrible ou horriblement drôle, authentiquement lovecraftien ou simplement à coloration lovecraftienne, que ce soit le fond ou la forme qui témoigne de l’influence du maître, peu importe, dans un sens : il s’agit de faire ici dans le « weird », sous tous ses aspects.

 

Allez, hop, décortiquons. Passons sur « Introduction » de Paula Guran (pas inintéressante, cela dit), et abordons immédiatement le vif du sujet.

 

Commençons par le meilleur, tiens. La première nouvelle vraiment marquante est « Fair Exchange » de Michael Marshall Smith ; assez peu lovecraftienne sans doute, mais pleine de gouaille et tout à fait convaincante. « Mr. Gaunt » de John Langan, ensuite, est une chouette nouvelle mêlant Lovecraft et Henry James. Très sympa. On retourne à quelque chose de plutôt marrant avec « Bad Sushi » de Cherie Priest. Une évidence, quelque part… « A Study in Emerald » de Neil Gaiman est un chouette mélange de lovecrafteries et de Sherlock Holmes. Mais je l’avais déjà lu dans Des choses fragiles« Take Me to the River » de Paul McAuley est une chouette nouvelle musicale et psychotrope, avec une belle ambiance. Ensuite, j’ai adoré « The Essayist in the Wilderness » de William Browning Spencer. Beaucoup d’humour, une jolie plume, le résultat est très satisfaisant. « Shoggoths in Bloom » d’Elizabeth Bear mêle écologie des Shoggoths, racisme et esclavagisme. Pas mal du tout. « Details » de China Miéville (comme dans « the devil is in the details ») est un petit bijou. Ce type est écœurant, et montre une fois de plus qu’il est un des plus brillants auteurs d’imaginaire à l’heure actuelle. Autre franche réussite : « Another Fish Story » de Kim Newman, délire apocalyptique et hippie, avec dans les premiers rôles la « Family » de Charles Manson. Excellent. « Tsathoggua » de Michael Shea, malgré son titre, ne joue pas la carte lovecraftienne d’entrée de jeu. Mais c’est une très chouette nouvelle, avec ses p’tites vieilles et leurs p’tits chiens. « Mongoose » d’Elizabeth Bear & Sarah Monette mêle les influences (Lovecraft, Lewis Carroll, Rudyard Kipling, Alien, etc.) avec beaucoup de talent. Une réussite. Et l’anthologie de s’achever sur « A Colder War » de Charles Stross, histoire secrète de la guerre froide où Soviets et Ricains font mumuse avec des Shoggoths et compagnie. Une nouvelle absolument géniale, la meilleure du recueil avec celle de China Miéville.

 

Passons ensuite aux nouvelles qui sont correctes, voire plus, mais sans faire péter les scores non plus. L’anthologie s’ouvre sur Caitlín R. Kiernan et « Pickman’s Other Model (1929) » ; comme son nom l’indique, il s’agit d’une variation sur la nouvelle de Lovecraft « Le Modèle de Pickman ». Correct, sans plus. « The Vicar of R’lyeh » de Marc Laidlaw se contente d’être amusant. On sourit… « The Crevasse » de Dale Bailey & Nathan Ballingrud est une variation sur « Les Montagnes hallucinées », un de mes textes de Lovecraft préférés. Belle ambiance, mais j’avoue être sensible à ces récits polaires. « Old Virginia » de Laird Barron est une histoire d’opé noires. Correct, mais Charles Stross, dans le genre, fait beaucoup mieux en fin de volume. « Cold Water Survival » de Holly Phillips est une nouvelle variation sur « Les Montagnes hallucinées » ; alors, forcément… « The Great White Bed » de Don Webb est assez sympathique, et plutôt jolie. « Lesser Demons » de Norman Partridge est une apocalypse plus ou moins zombifique. C’est assez bourrin, mais ça se lit. « Grinding Rock » de Cody Goodfellow est une nouvelle étrange, dont je ne sais trop s’il faut la prendre avec humour ou pas, et si elle est réussie ou pas. L’ambiance est plutôt sympa, cela dit. « Head Music » de Lon Prater, malgré son vague érotisme guedin, est très anecdotique.

 

On passe au trou noir. J’ai eu quelques petits soucis de mémoire, ces derniers temps, et ça ne me facilite pas ce compte rendu, arf. Je préfère donc classer ici cinq nouvelles dont je ne me souviens pas assez pour pouvoir en parler honnêtement. « The Dude Who Collected Lovecraft » de Nick Mamatas & Tim Pratt, malgré son titre alléchant, ne m’a ainsi pas laissé le moindre souvenir. Bon… « The Oram County Whoosit » de Steve Duffy ne m’a pas laissé beaucoup de souvenirs non plus – le temps, quelle pute –, mais me semble que c’était pas mal du tout… « The Fungal Stain » de W.H. Pugmire ? Mais j’en sais rien, moi ! « Buried in the Sky » de John Shirley… ben j’en sais pas plus. Beuh… Idem pour « Bringing Helena Back » de Sarah Monette (j’ai honte).

 

Mais une seule véritable fausse note (donc). Les trous noirs ne doivent pas vous tromper : je me souviens au moins que les nouvelles qui en ont été victimes étaient au pire médiocres, et même généralement plutôt correctes. Mais on arrive ici au seul authentique ratage de cette anthologie, avec « The Disciple » de David Barr Kirtley, qui donne l’impression d’une mauvaise zèderie adolescente et qui, faute de goût suprême, ose être morale. Beurk. Celle-là, j’aurais préféré l’oublier, tiens…

 

Mais cette seule erreur ne change rien à l’essentiel : cette anthologie est dans l’ensemble d’un bon, voire très bon niveau. En matière de lovecrafteries, j’ai du mal à imaginer mieux. Autant dire que j’ai été plus que comblé par ce gros recueil bourré jusqu’à la gueule de bonnes choses, ou au pire de trucs sympas. J’en veux encore !

Commenter cet article

G
Well met, man.
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G
La nouvelle de Stross précède probablement Le Bureau des Atrocités, en tout cas est dans la même veine.
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N
<br /> <br /> Ouep.<br /> <br /> <br /> <br />