"Oms en série", de Stefan Wul
WUL (Stefan), Oms en série, Paris, Denoël, coll. Présence du futur, [1972] 1993, 190 p.
Stefan Wul, dit « le météore de la science-fiction française » (l’expression est de Jean-Pierre Andrevon, si je ne m’abuse), a assis sa réputation sur une dizaine de romans publiés au Fleuve Noir « Anticipation » dans les années 1950 (dont celui-ci), avant de revenir aux affaires seulement le temps de Noô quelques 25 ans plus tard. Pour ma part, je n’en avais lu jusqu’à présent que Niourk, dans ma prime adolescence (et dans une collection « jeunesse », si je ne m’abuse, mais on y reviendra), roman dont je ne me souviens quasiment de rien, si ce n’est que je l’avais trouvé ben chouette. La lecture de La Science-fiction en France de Simon Bréan m’a donné envie d’approfondir, du coup, mes connaissances wulesques. Et il m’a semblé opportun de débuter par Oms en série, un des plus célèbres romans de l’auteur, et peut-être le plus célèbre, dans la mesure où il a été adapté en film d’animation sous le titre La Planète sauvage par René Laloux sur des dessins de Topor (dans ma grande honte, je dois confesser ne pas avoir vu ce film, enfin je crois) (ou alors y a longtemps) (ou bien j’ai oublié) (ou y sentait pas bon…), et plus récemment, si j’ai bien tout suivi, en BD (mais en théorie toute l’œuvre de Wul devrait y passer, là encore si j’ai bien tout suivi).
Un lointain futur. Cela fait un bail que l’humanité a sombré dans la décadence, la civilisation ayant commencé par stagner avant de connaître un net recul. Puis les hommes, rebaptisés « Oms », ont été importés sur Ygam par les natifs de cette planète, les Draags, géants amphibies qui les envisagent comme d’amusants animaux de compagnie.
Au début du roman, la jeune Tiwa ne cache ainsi pas sa joie quand elle apprend que l’Ome des voisins a donné naissance à deux bébés, dont un doit lui revenir, qu’elle baptise Terr (ça va plus vite que « Terrible »). La petite famille draag est enchantée par le petit Om. Mais Tiwa ne doit pas négliger ses leçons pour autant ; alors, régulièrement, l’Om sur ses genoux – elle ne peut pas s’en passer – elle enfile ses écouteurs et suit l’instruction ; ce qu’elle ne sait pas, c’est que le petit Terr bénéficie lui aussi de ses leçons (d’autant que les Oms ont un développement bien plus rapide que les Draags). L’Om apprend ainsi à parler (véritablement, et pas seulement « sussucre »), à lire, l’ygamographie, etc.
Et arrive ce qui devait arriver : un jour, Terr s’enfuit. Et il tombe sur une communauté d’Oms « sauvages », qui bénéficie grandement de ses connaissances plus poussées que la moyenne. Notamment il parvient ainsi à sauver sa tribu (et une autre) d’une entreprise de désomisation dans le parc où il s’est réfugié. Et à partir de là, les choses vont très vite : Terr prend de plus en plus d’importance au sein de la communauté des Oms sauvages, jusqu’à en devenir le chef. Et il lance l’idée de l’Exode : les Oms doivent construire des navires pour aller vivre dans un des continents « naturels » d’Ygam, où les Draags les laisseront en paix.
Mais, parallèlement, un naturaliste draag, Maître Sinh, s’inquiète de la prolifération des Oms sauvages et de leur développement rapide, témoignant d’une intelligence croissante. À terme, les Oms ne vont-ils pas devenir une « race maîtresse », mettant en péril la domination des Draags ? Aussi en vient-il à suggérer des mesures radicales, comme une désomisation générale…
N’y allons pas par quatre chemins : il s’est produit pour Oms en série ce qui s’est produit dans mon souvenir pour Niourk (et peut-être pour d’autres Wul, mais ça, je le verrai prochainement), à savoir que, si le roman a été originellement publié dans une collection « adulte » (enfin, si tant est qu’un lecteur de SF, a fortiori au FNA, puisse être considéré comme adulte, bien sûr), il a aujourd’hui tous les traits d’un roman « jeunesse », et même vraiment très très « jeunesse ».
C’est que c’est bien gentillet, tout ça (pour ne pas dire niais). Et si ça se lit bien, d’autant que l’écriture est très simple, plus que simple même, le fait est que l’amateur de SF contemporaine « adulte » ne s’y retrouvera pas forcément. Oms en série est à cet égard sans doute une lecture bienvenue, voire idéale, pour initier les chiards à la science-fiction. Mais au-delà ? Je suis doute.
Certes, je ne me suis pas ennuyé un seul instant à la lecture de ce court roman débordant d’idées, et je ne regrette vraiment pas ma lecture. Mais de là à en faire l’éloge, et, une fois de plus, à en faire un chef-d’œuvre de la science-fiction française ? Non. Pour une classe d’âge bien précise tout au plus. Mais dès que les poils commencent à pousser, ça devient quand même « un peu trop » simple. La naïveté du propos, très caricatural, comme la fin qui, après l’inévitable phase de baston, se montre d’un optimisme qui a de quoi laisser pantois, les personnages archétypaux au possible, la plume régressive, tout cela réserve Oms en série au plus jeune lectorat. Celui-ci saura probablement s’en délecter ; mais les autres pourront faire l’impasse, ou – ce qui fut dans un sens mon cas – se contenter de le lire à titre « documentaire », comme le témoignage d’une époque où la SF ne s’embarrassait pas de chichis et allait à l’essentiel, pour le meilleur et pour le pire ; on a quand même, aujourd’hui, du mal à comprendre l’enthousiasme des lecteurs de SF « adultes » des années 1950 pour ce roman certes correct mais bien (donc) gentillet. Contexte, contexte… Mais ça ne fait pas tout.
À faire lire à vos gamins/neveux/victimes dans la cave, etc. Vous pouvez y passer aussi, ça ne peut pas faire de mal, mais il ne faut pas en attendre trop. Aujourd’hui…
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