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"Palimpseste", de Charles Stross

Publié le par Nébal

Palimpseste.jpg

 

STROSS (Charles), Palimpseste, [Palimpsest], traduit de l’anglais par Florence Dolisi, Paris, J’ai lu – Nouveaux Millénaires, [2009] 2011, 158 p.

 

Décidément, j’aime bien Charles Stross. Après Crépuscule d’acier, Aube d’acier, Le Bureau des atrocités et Jennifer Morgue, et avant d’entamer le cycle des « Princes marchands », petit détour aujourd’hui par la case Palimpseste. Un texte court, néanmoins récompensé (prix Hugo 2010, catégorie « novella » si je ne m’abuse), qui se présente à vue de nez comme une astucieuse et complexe variation sur le principe de « La Patrouille du temps » de Poul Anderson. Et en profite pour faire mumuse avec un paquet de paradoxes temporels, dont, dès les premières pages, celui, fameux, du grand-père.

 

L’idée essentielle est que l’humanité est vouée à disparaître (ça commence bien). Peu importe la raison, qu’elle soit naturelle ou pas. La civilisation (ici définie de manière intéressante par l’apparition de la société de contrôle, avec les systèmes de surveillance ubiquitaires ; le bouquin est farci de « petites » idées aux grandes conséquences dans ce goût-là) est par principe transitoire, et l’humanité avec.

 

Mais il y a la Stase : des patrouilleurs temporels qui voyagent tout au long de l’histoire de la Terre afin de sauver, à chaque extinction, une petite parcelle d’humanité (généralement la plus « sauvage », car la plus « réadaptable ») avant de procéder à un « réensemencement ». Il y a eu ainsi des millions de fins du monde ; et des millions de renaissances… Tout cela s’accompagnant en outre de projets d’ingénierie planétaire nourris au meilleur et au plus bluffant « sense of wonder ».

 

Nous suivrons, au cours de sa longue initiation (vingt années subjectives), l’agent Pierce, qui fait tout d’abord figure de jeune crétin aux hormones en ébullition. Pierce va commettre une erreur : il va tomber amoureux. Deux fois. Et la deuxième fois, il en résultera une charmante petite famille. Problème : l’époque dans laquelle vit cette famille va être effacée par une nouvelle version de l’histoire, comme un palimpseste. S’engage alors pour lui une quête a priori perdue d’avance, Pierce cherchant dans la Bibliothèque de la fin des temps la moindre trace de cet univers, perdu dans les méandres de la non-histoire…

 

Si Palimpseste est fort court, il n’en est pas moins d’une grande richesse, la densité d’information étant conséquente (comme souvent chez Stross, j’ai l’impression). Les idées fusent à chaque page, et c’est un vrai bonheur que de lire un livre qui se permette une telle inventivité sans jamais tirer à la ligne, a fortiori aujourd’hui, à l’heure des pavés « nécessaires » et des cycles interminables. « Rien de trop », comme préconisaient ces petits malins de Grecs.

 

Mais bien assez, assurément. Palimpseste est en effet probablement une des plus puissantes variations sur le voyage dans le temps qu’il m’ait été donné de lire ces dernières années (avec l’excellent Les Vaisseaux du temps de Stephen Baxter, qui reste pour moi le champion du genre). Toutes les questions afférentes à ce type particulier de science-fiction sont envisagées, ou presque, au long de ces 160 pages. Alors, évidemment, ça fait un peu mal à la tête, parfois, mais ça n’en est pas moins très convaincant, constituant une somme bienvenue, un récapitulatif au plus près, une synthèse remarquable.

 

Il faut en outre y ajouter les passages concernant l’histoire du système solaire, très « hard science » (faut s’accrocher), mais impressionnants de « sense of wonder » (donc). Baxter, justement, est le seul ces dernières années à m’avoir autant fasciné avec ses projets démiurgiques et ses échelles spatio-temporelles démesurées. Un régal. Alors, n’en doutons pas, les amateurs en auront ici aussi pour leur argent.

 

(Enfin, façon de parler ; l’est un peu cher, ce bouquin, quand même, mais bon, ça va, c’est pas la mort non plus.)

 

La cerise sur le gâteau, c’est que Stross ne néglige pas l’humain pour autant. Pierce est un personnage fort réussi, de même que ses antagonistes (« Kafka » !) et sa petite famille. On passe ainsi sans cesse du macrocosme au microcosme, ce qui donne un peu le tournis, mais aucune partie n’est privilégiée par rapport à l’autre ; tout est traité avec la même attention, qu’il s’agisse de faire sortir la Terre de son orbite ou de narrer une rencontre amoureuse. Il n’y a guère que les scènes d’action qui me paraissent un peu plus faibles, car un brin confuses (mais bon, en même temps, c’est sans doute le but – très clairement pour l’une d’entre elles au moins).

 

Bref : Palimpseste mérite bien son Hugo. Une excellente novella, qui confirme tout le bien que je pensais déjà de Charles Stross, lequel est probablement l’un des plus enthousiasmants auteurs de science-fiction à l’heure actuelle.

CITRIQ

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E
<br /> Va falloir que je franchisse le pas.<br /> <br /> <br />
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Y
<br /> Faisons court : http://yossarian.over-blog.com/article-palimpseste-76809351.html<br /> <br /> <br />
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A
<br /> J'ai adoré aussi. J'ai eu le sentiment d'y percevoir une forte influence de "La Fin de l'Eternité" d'Isaac Asimov, quant à moi.<br /> Pour moi, c'est un des livres de SF les plus importants que j'ai lus dans les derniers mois.<br /> <br /> <br />
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