"Personne n'en sortira vivant", de Marc Villard
VILLARD (Marc), Personne n’en sortira vivant, Paris, Rivages, coll. Noir, 2003, 153 p.
Suite de mes pérégrinations dans des tout petit bouquins, et tant qu’à faire dans mes tentatives pour découvrir un brin les polars français. J’étais dans un lieu de perdition quand la conversation a porté sur Marc Villard. Intrigué, intéressé même par ce qui s’en disait, j’ai demandé un titre idéal pour découvrir l’auteur, et on m’a dirigé sur ce court recueil de nouvelles qu’est Personne n’en sortira vivant. Titre alléchant, qui en dit long sur la noirceur de la chose, ce qui n’est certes pas pour me déplaire.
Et, effectivement, Marc Villard assène ici au lecteur au fil des pages bon nombre de coups de poing dans la gueule, ou plus probablement dans le bide. Personne n’en sortira vivant, c’est noir, oui ; c’est rude, sec et violent ; mais c’est surtout plus qu’à son tour sordide. L’auteur fait ici volontiers dans le cracra, voire le franchement dégueulasse. Tout va mal, mais le pire est encore à venir. Le lecteur, du coup, s’il en sort vaguement vivant malgré tout, ne s’en va pas indemne après avoir fermé le recueil.
J’ai coutume de dire qu’un livre (ou une autre œuvre, d’ailleurs) qui parvient à mettre le lecteur mal à l’aise a nécessairement quelque chose d’intéressant. Mais j’ai l’impression, avec Personne n’en sortira vivant, d’avoir trouvé la limite à cet axiome un peu facile. En effet, si le goût du sordide de l’auteur se montre très efficace, et si l’on se retrouve bel et bien régulièrement nauséeux en tournant les pages de ce bref recueil, c’est à mon sens d’une manière trop « presse-bouton » pour être véritablement pertinente. Certes, Marc Villard sait manipuler son lecteur à merveille, il sait appuyer là où ça fait mal, et faire en sorte que la sensation de malaise se prolonge quelque temps encore après que l’on a fini telle ou telle nouvelle. L’atrocité des situations n’est pas un vain mot, et, sous cet angle, Personne n’en sortira vivant ne laisse certainement pas indifférent. Mais de là à emporter l’adhésion (mon adhésion, en tout cas) ? Je n’en ai pas le sentiment.
Je reconnais pourtant bien des qualités à la chose, et notamment une qui pourrait tout légitimer, au-delà de la seule efficacité : l’habileté de la plume de l’auteur. Car, oui, Marc Villard écrit bien, de toute évidence. Son style incisif et musical se montre particulièrement approprié, et autorise l’auteur à dénicher du beau dans le plus sordide. Assez jolie performance sous cet angle.
Mais ce n’est à mon sens pas suffisant pour me convaincre de l’intérêt de ce recueil. Oui, il est bien fait ; oui, il met mal à l’aise ; mais moi, en tout cas, il ne m’a pas vraiment passionné. J’en ai tourné les pages sans véritable plaisir, quand bien même un brin pervers ; la vague nausée qui m’a saisi m’a paru trop mécanique pour que je m’en délecte. Oui, décidément, c’est le caractère « presse-bouton » de ce recueil qui m’a déçu… Je n’irais pas jusqu’à parler de « facilité », le travail de l’auteur saute aux yeux, mais le fait est que toutes ces situations tragiques, ces drames (et surtout ceux du quotidien), m’ont finalement laissé assez froid. Paradoxe que je m’explique assez mal, même s’il tient peut-être en partie à une certaine répugnance à me laisser manipuler de la sorte.
Plus d’un auteur, pourtant, en usant de mécanismes assez similaires, a su me passionner, de Sade à Palahniuk ; et le malaise terrible que j’ai éprouvé à la lecture de la scène claustrophobe du greffe dans Le Procès de Kafka reste un de mes plus grands souvenirs de lecture. Au cinéma, j’ai pris mon pied devant des films d’horreur tels que La Dernière Maison sur la gauche ou Cannibal Holocaust pour des raisons assez similaires, et ce en dépit des imperfections flagrantes de ces réalisations. Et la lecture de Personne n’en sortira vivant m’a ramené à toutes ces expériences. Mais elle m’a finalement laissé assez froid ; pourquoi ce qui a marché si souvent ne s’est pas montré aussi convaincant ici, alors que l’auteur fait preuve d’une indéniable adresse formelle, je ne me l’explique pas très bien… Question à creuser.
Mais le fait est que je n’ai pas retiré grand-chose de cette lecture. Oh, il y a bien eu quelques nouvelles pour me séduire, et en premier lieu « Dany bécote les cieux », chouette histoire carcérale qui m’a vraiment plu en dépit d’un postulat pas hyper crédible. Quand Marc Villard s’amuse avec les stars du cinéma, comme dans « Joliet Jake » ou « Qu’est-ce que la vie, Marcello ? », c’est de même assez intéressant. Dans le registre le plus trash, vraiment jusqu’au-boutiste, j’ai aussi trouvé de l’intérêt à « Ceux de la colline » (pour le coup, le mot « sordide » tient de l’euphémisme). Mais le reste ? Pas grand-chose à se mettre sous la dent à mon sens. Il y a le style, oui ; la musique, dans la forme comme dans le fond ; mais ces histoires ne m’intéressent pas vraiment.
En fait, j’ai un peu eu à la lecture de ce court recueil la triste impression de voir se confirmer certains de mes plus bêtes préjugés à l’encontre du polar français (auquel je ne connais rien, faut-il le rappeler…) : la dimension sociale m’a paru caricaturale, et le trash tenir trop du « trashouille » pour être vraiment honnête. Les ficelles sont grosses, donc ; la mécanique est apparente, sans être belle ; et, au final, c’est l’ennui qui l’emporte.
Bon, c’est pas dramatique, hein ; mais je n’ai décidément pas trouvé mon bonheur dans Personne n’en sortira vivant…
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