"Portrait Of An American Family", de Marilyn Manson
MARILYN MANSON, Portrait Of An American Family.
Tracklist :
01 – Prelude (The Family Trip)
02 – Cake And Sodomy
03 – Lunchbox
04 – Organ Grinder
05 – Cyclops
06 – Dope Hat
07 – Get Your Gunn
08 – Wrapped In Plastic
09 – Dogma
10 – Sweet Tooth
11 – Snake Eyes And Sissies
12 – My Monkey
13 – Misery Machine
Il va bien entendu de soi que tout ceci est entièrement de la faute de Cachou, qui m'a cherché à ce sujet.
Non, plus sérieusement, j’avais envie, depuis quelque temps déjà, de me livrer à une expérience : ressortir les trois premiers Marilyn Manson (ceux produits par Trent Reznor) et les réécouter, là, comme ça, après une pause de, pfff… je sais pas, sept, huit ans ? Plus probablement huit, neuf, d’ailleurs. Histoire de voir s’ils avaient tenu le choc et si ce n’était qu’après que Manson avait fait de la merde, ou bien si c’était déjà de la merde mais que j’étais trop ado pour m’en rendre compte. Simple curiosité malsaine.
Parce qu’à la glorieuse époque d’Antichrist Superstar, c’est-à-dire quand Manson est vraiment devenu une star mondiale, j’étais un fan jusqu’au bout des ongles (non, pas vernis, quand même pas, faut pas déconner…). C’était un de mes albums préférés, et je me le passais en boucle, jusqu’à plus soif ; j’en connaissais les paroles par cœur (celles des précédents albums aussi, en fait ; généralement, je les trouvais pas mal du tout, d’ailleurs), ainsi que la plupart des lignes de basse ; je me jetais sur les interviews du bonhomme, et buvais littéralement ses paroles ; j’étais fasciné par son charisme et son intelligence (ça, d’ailleurs, je le suis toujours aujourd’hui, même s’il fait de la soupe : là n’est pas la question, après tout).
Bref : quelle que soit la qualité de sa musique, le fait est que Brian Warner aka Marilyn Manson est un homme qui a compté dans ma vie, comme dans la vie de plein de djeuns de ma génération ; et le fait est que cet homme, oui, est une légende vivante. Peu importe qu’il ait tout pompé (à Nine Inch Nails, à Ministry, à David Bowie, à Iggy Pop, à Pink Floyd…) : il est devenu une icône. La rock star qu’il appelait de ses vœux dans plusieurs de ses chansons (on aura l’occasion de le voir). L’incarnation du mal, pour certains, mais tant mieux. Ce chantre de la subversion a retenu et appliqué à la lettre la leçon de Jello Biafra : « Don’t hate the media, become the media! » Il est peut-être le premier à y être vraiment parvenu. Il est peut-être aussi le premier, dans le cadre de la « société du spectacle », à s’être mis en position d’opérer un véritable « détournement ». Ce qui fait de lui un homme terriblement dangereux, quelque part. Mais fascinant, vous dis-je. Et d’ores et déjà légendaire.
(N.B. Sur tout ça, je vous recommande « l’interview » basée sur le tarot que Marilyn Manson « accorde » à Chuck Palahniuk dans Le Festival de la couille et autres histoires vraies ; de toute façon, je vous recommande chaudement ce bouquin.)
Évidemment, en 1994, quand sort le premier album de Marilyn Manson, Portrait Of An American Family, on n’en est pas encore là. On en est même très loin… Ça fait même quelques années que Manson et ses potes végètent sans grand succès dans le trou du cul de la Floride (si je ne m’abuse). Puis Trent Reznor les remarque, et détecte chez le chanteur pas-encore-hyper-charismatique et ses « Spooky Kids » un certain potentiel ; on peut dire qu’il a eu du nez…
Le groupe, tiens, parlons-en. Lors de l’enregistrement de l’album, il se compose de cinq membres, ayant tous un pseudonyme bâti selon le même schéma : un prénom féminin en rapport avec une icône glamour, et un patronyme de tueur en série (t’vois, la dualité, j’veux dire…). Nous avons donc Marilyn Manson au chant, Daisy Berkowitz à la guitare, Gidget Gein à la basse, Madonna Wayne Gacy aux claviers, et Sara Lee Lucas à la batterie ; mais sitôt l’enregistrement terminé, Gidget Gein se barre, et c’est ainsi Twiggy Ramirez qui est présenté comme étant le bassiste du groupe (alors qu’il n’en a pas branlé une), ce qui aura son importance par la suite (le line-up de la formation de Manson est extrêmement fluctuant…). L’album a été composé essentiellement par Daisy Berkowitz et Madonna Wayne Gacy, et cela aussi aura son importance par la suite.
Quant à la musique jouée par le groupe, elle est alors à mille lieues de ce qu’il pratique actuellement : bien loin de se prendre au sérieux, le groupe fait dans le grand cirque rock’n’roll, tout sauf mégalomane, tout juste metal, plutôt punk parfois, et indus parce qu’il y a des claviers, des samples et Reznor derrière. Pour le reste, ce n’est pas évident à définir. En tout cas, si Manson a déjà trouvé son registre de chant, trafiqué, un peu gueulard mais pas trop non plus, la musique n’est généralement guère violente sur ce premier opus. Mais je vais vous en laisser juges.
L’album s’ouvre sur une brève introduction, « Prelude (The Family Trip) », qui en dit long sur le ton théâtral de l’ensemble. Pas grand chose à dire de plus…
Alors autant passer de suite aux choses « sérieuses » (pas sûr que ce terme soit bien approprié…), avec le rigolo « Cake And Sodomy » (tout un programme…), un classique des premiers concerts du groupe. « White trash get down on your knees / Time for cake and sodomy. » C’est fin, très fin. Et ça passe bien (enfin, on se comprend…). Riff sympa, avec ses harmoniques, au passage.
Un single ensuite, le premier du groupe si je ne m’abuse, avec « Lunchbox ». Un classique en son genre, au refrain prémonitoire : « I wanna grow up / I wanna be a big rock and roll star / I wanna grow up / I wanna be / So no one fucks with me. » Il nous avait prévenus, hein... Et ça continuera sur Antichrist Superstar… où, là, ça marchera, pour le coup.
Après ce démarrage en fanfare, « Organ Grinder » paraît un peu plus anecdotique, jusqu’à un refrain somme toute sympathique. Pas mal, sans plus.
Suit « Cyclops », qui a pour lui un riff plus que correct, mais sans que ça pète bien haut une fois de plus. Là encore, un morceau assez anecdotique… et ce n’est certes pas le solo incongru qui me fera changer d’avis.
On s’amusera davantage avec le single débile « Dope Hat », vraiment très « rock’n’roll circus » pour le coup (quel clip hideux, au passage…). « Fail to see the tragic, turn it into magic / My big top tricks will always make you happy, but we all know the hat is wearing me. » Ben tiens...
Un autre single ensuite, et le meilleur à mon goût, l’excellent « Get Your Gunn » (sauf que ces cons-là ont trouvé le moyen de censurer le clip ! Celui-là en particulier, c’est d’une débilité bien profonde… Ridicule ! allez, hop, en non censuré). « Pseudo-morals work real well / On the talk shows for the weak / But your selective judgements / and goodguy badges / Don’t mean a fuck to me. » On avait cru le comprendre, effectivement. Mais ces « bip ! » sont d’autant plus agaçants…
Suit le sympathique « Wrapped In Plastic », au refrain très efficace. Un morceau pas forcément plus marquant que ça, mais qui fonctionne relativement bien, avec une bonne basse pour faire monter la sauce, et des breaks savamment placés…
Puis l’on passe au très rigolo et passablement punk « Dogma », et son avertissement qu’auraient mieux fait de méditer, déjà, les détracteurs de Manson (et qui figure en gros sur le CD) : « You cannot sedate all the things you hate. » Un morceau très efficace, en tout cas, et là encore un classique des premiers live de Manson.
En comparaison, « Sweet Tooth » ne tient guère la route : le morceau manque d’originalité et de spontanéité, et ne parvient pas vraiment à susciter l’enthousiasme. Plutôt médiocre…
Il en va un peu de même pour le morceau suivant, « Snake Eyes And Sissies », qui se rattrape heureusement par un bon refrain. Mais bon : bof, bof, bof…
On y préfèrera largement le débile à souhait et très rigolo « My Monkey » – typiquement le genre de morceau inconcevable sur un album de Manson aujourd’hui… C’est con comme la pluie, mais ça n’en groove pas moins. « What I make is what I am / I can’t be forever. » Au moins, il est lucide… même s’il fait dire des insanités à des gosses. Mais moi, j’aime bien…
Et l’album de se conclure enfin sur « Misery Machine » et son riff tout sauf original mais ma foi fort efficace. Et accessoirement, sous la couillonade punk, se cache un des plus beaux breaks (ou une des plus belles fausses fins, à ce stade…) que je connaisse. Non, y’a pas, ça fonctionne très bien. Notons au passage que le morceau, sur l’album, dure 13:08 min., principalement occupées par une sonnerie de téléphone, jusqu’à ce qu’on entende une femme visiblement furibarde à la fin tchatcher un peu puis raccrocher…
Bilan ? Ben, on ne va pas connardiser dans l’élitisme et tirer un trait sur l’adolescence : non, ce n’est pas de la merde. Mais on ne va pas non plus se la jouer puriste hardcore, « Ouais, Manson, y’avait que le premier album, t’vois, là, c’était génial, après c’était d’la merde ». Parce que non, ce n’était pas génial, il y a un certain nombre de morceaux médiocres, et c’était juste rigolo. Pour le génial, il allait falloir attendre, dans mes souvenirs, Antichrist Superstar. En attendant, Portrait Of An American Family reste un premier album sympathique et sans prétention, ce qui peut paraître surprenant de la part de Manson, mais semble pourtant difficilement contestable à l’écoute des morceaux le composant…
À suivre avec Smells Like Children, un, euh, « album » un peu spécial.
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