"Preacher", t. 7. "Salvation", de Garth Ennis & Steve Dillon
ENNIS (Garth) & DILLON (Steve), Preacher, t. 7. Salvation, Panini Comics / Vertigo, [1998-1999] 2010, [n.p.]
Putain, ça faisait une ÉTERNITÉ que je vous avais pas causé de Preacher. Et c’est qu’il s’en est passé des trucs, depuis la dernière fois (d’autant que, la dernière fois que je vous en ai causé, c’était pour un album un peu spécial…). Alors petit rappel des faits.
(En commençant par la sempiternelle précision : il est mentionné sur la couverture de ce septième tome de Preacher que c’est une publication « pour lecteurs avertis » ; ça veut dire qu’il y a du sang, du sexe SM, du vomi, des tripes et plein de gros mots.)
(Vous êtes avertis.)
Comme ça fait longtemps, je commence par faire un peu de copier-coller pour la présentation générale, parce que j’ai la flemme (putain).
« Vous la connaissez, celle du pasteur, du vampire et de la tueuse à gage ? »
Paraît que c’est comme ça, en gros, que les gens de chez Vertigo avaient présenté Preacher, dans le temps. Je sais pas si c’est vrai, mais je sais une chose : Preacher, c’est bon, putain. Le cultissime bébé de Garth Ennis, une des productions phares du label Vertigo après le fantabuleux Sandman de Neil Gaiman (rien à voir ou presque), est une BD à peu près unique en son genre, qui a allègrement piétiné toutes les limites imposées jusqu’il y a peu aux comics. Heureusement, quelque temps auparavant, Watchmen d’Alan Moore et The Dark Knight Returns de Frank Miller, notamment, avaient un peu remis les pendules à l’heure, avec leurs héros immoraux, leur violence, leur noirceur. Et si Preacher se place assez clairement dans cette filiation, c’est en poussant le bouchon encore plus loin. Et ça fait plaisir.
Putain.
Petite présentation pour ceux qui connaîtraient pas. Le Preacher n’est pas un super-héros à proprement parler, avec costume de tapette, identité secrète et tout et tout. C’est simplement, de son vrai nom, Jesse Custer (ouais, les initiales, ouais, vu…), un pasteur texan qui recherche Dieu.
Pour lui botter le cul.
Parce que l’autre enflure de vieux barbu, là, a démissionné, foutant un bordel pas possible au Paradis et de par chez nous, et que Jesse en a fait les frais : il s’est retrouvé possédé par Genesis. Et Genesis, c’est pire que tout ce que vous pouvez imaginer. Ouais, même que Phil Collins. Genesis, c’est le rejeton pas désiré fruit de l’union contre-nature entre un ange et un démon. Une sale bestiole unique en son genre, et très très puissante. Qui a pris possession de Jesse Custer en tuant tout le monde autour (pas discret, le morveux), et a donné au pasteur un pouvoir terrible : les gens sont contraints d’obéir à tous les ordres de Custer. Et Custer a de l’imagination.
Mais il est aussi dans la merde, parce que sa petite aventure en fait une cible toute désignée pour des anges glauques comme le cowboy bourrin dit « Saint des Tueurs », pour des religieux dégénérés comme les abrutis du Graal, pour les rednecks du coin (ils sont nombreux)… Pour plein de monde, en fait. Y compris mamie (voir tome 2). Heureusement pour lui (ou pas), Custer n’est pas tout seul dans la mélasse. Il est accompagné de sa petite amie Tulip O’Hare, blonde incendiaire, comme on dit, mais pas trop fort si elle est dans le coin parce qu’elle aime jouer de la gâchette ; et aussi, en temps normal, de Cassidy, un vampire irlandais (ouais, ben, on a les potes qu’on peut, hein…).
(Fin du copier-coller.)
Enfin, ça, c’est en temps normal. Parce que le problème, c’est que, depuis le dernier affrontement apocalyptique avec les forces du Graal (et tant qu’à faire le Saint des Tueurs) à Monument Valley (joli cadre ; pour ceux qui n’auraient toujours pas saisi, Preacher est définitivement un western moderne), Jesse est tombé d’un avion vers une mort certaine… sauf qu’il est pas mort. Il s’est réveillé bien vivant, mais avec un œil en moins, sans trop savoir pourquoi ni comment.
Mais le pire dans tout ça, le pire, c’est quand il a retrouvé la trace des deux autres, là. Ça, putain, ça, ça lui a fait mal : voir sa copine dans les bras de son « meilleur pote »… Il n’a pas pu affronter ça. Il les a fuis. Lâchement, peut-être. Mais allez vous faire foutre ! Il a un gros coup de blues, là, ouais, bon, il a besoin de temps, il lui faut réfléchir. À plein de trucs.
Alors il trouve refuge dans un bled paumé dans le trou du cul du Texas, Salvation. Une petite bourgade qui a ses propres petits problèmes, cela dit, avec les employés fouteurs de merde du baron de la viande Odin Quincannon (qui parle de lui à la troisième personne, la drôle d'idée...). Jesse y retrouve une amie d’enfance.
Il y fait aussi une autre rencontre inattendue et déterminante...
Et il décide d’y rester, en tant que shérif, le temps de faire un peu le ménage. Pas de « sauver le monde », non, mais au moins de faire son boulot, et de calmer cette petite ordure de Quincannon et sa pétasse nazie d’avocate.
Mais c’est le Sud, avec ses propres problèmes. La ségrégation y reste marquée. Le Klan se met de la partie… Pas un problème pour Jesse Custer. Le prêcheur a une âme de shérif : c’est la figure paternelle de John Wayne qui veut ça, sans doute.
Avec Salvation, Garth Ennis et Steve Dillon nous ont concocté un TPB de Preacher entièrement focalisé sur le personnage de Jesse Custer, qu’on a rarement vu aussi complexe, et quasiment dénué du moindre élément fantastique. Mais le bilan n’en est pas moins une réussite incontestable. On se régale tout au long de ce western moderne où J.C., malgré John Wayne, fait plus que jamais penser à Clint Eastwood, quelque part entre la « trilogie des dollars », « l’inspecteur Harry » et Impitoyable.
Le dessin de Steve Dillon s’y montre plus épuré que jamais, et sert parfaitement la narration d’un Garth Ennis en grande forme, aux dialogues finement ciselés, et au propos toujours intéressant. Comme dans les meilleurs moments de la série, il sait se montrer tour à tour palpitant, hilarant (les scènes avec le Klan ou avec l’avocate SM nazie…), émouvant (la rencontre-inattendue-et-déterminante, Gunther…), révoltant, bref, il fait son boulot avec sa maestria habituelle, et on applaudit bien fort.
Salvation est bien un excellent volume de Preacher, avec une petite musique très particulière cela dit. J’attends pour ma part la suite avec impatience, et j’ai hâte de voir le trio se reformer… ou pas. On verra bien…
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