"Quatre Hommes pour l'enfer", de Pierre Pelot
PELOT (Pierre), Quatre Hommes pour l’enfer, [s.l.], Le Navire en pleine ville, coll. Sous le vent-classiques, série Dylan Stark, [1967, 1980, 1997] 2006, 139 p.
Western toujours (encore que l’action soit plutôt située à l’est…), mais dans un registre assez différent de la plupart de ceux que j’ai pu lire jusqu’à présent. Le (très) court roman qu’est Quatre Hommes pour l’enfer est en effet, sauf erreur, le premier volume de la célèbre série « Dylan Stark » de Pierre Pelot (mais repris en troisième position au Navire en pleine ville ?). Et on fait ici dans le divertissement pur et simple, que l’on y voie un roman de gare ou une publication jeunesse, ou, pourquoi pas, les deux à la fois. Ce qui n’a bien évidemment rien de déshonorant, et – autant le dire de suite – c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai lu ce texte qui, pour être placé sous le sceau de l’efficacité, n’en est pas moins d’une plume travaillée et fort agréable ; simplement, il est clair que l’on n’est pas ici dans la même veine que, disons, Méridien de sang de Cormac McCarthy, pour prendre un exemple extrême…
L’action débute en 1864, en pleine guerre de Sécession. Le lieutenant de la Confédération Dylan Stark, métis de sang cherokee et français (pourquoi pas ?), refuse d’exécuter un ordre absurde au cours d’une bataille de toute évidence désespérée. Ce qui lui vaut d’être dégradé (sanction sans doute minime…).
Un an plus tard, nous retrouvons Stark simple soldat. Mais on reconnaît toujours ses qualités de meneur d’hommes, et c’est pourquoi on lui confie à peu de choses près une mission suicide, lui permettant de « se racheter » : il s’agit pour lui, accompagné de trois « mauvaises graines » (ou plutôt « mauvais soldats », promis au peloton d’exécution), de dérober aux Yankees un troupeau de bétail qui ferait le plus grand bien aux rebelles, ce qui permettrait en outre de fixer l’ennemi sur ses positions actuelles. Ni une ni deux, Stark accepte de se lancer dans cette périlleuse entreprise. Déguisés en nordistes, ces quatre hommes (on ne dira pas « quatre salopards », mais il y a de ça) s’enfoncent donc derrière les lignes ennemies pour jouer aux cow-boys…
La chose la plus admirable dans Quatre Hommes pour l’enfer, à mon sens, c’est que Pierre Pelot, pour écrire un divertissement jeunesse, s’applique néanmoins sur le plan de la forme. Sa plume est travaillée, toujours fluide cependant, très agréable en somme. Le roman est certes très court – ça aide – mais il se dévore avec un plaisir constant. Ce « Dylan Stark » remplit ainsi parfaitement son office de « page-turner », sans rabaisser son lecteur pour autant.
Il n’est cependant pas sans défauts. Si le style est irréprochable et les personnages plutôt intéressants (esquissés très simplement, ils n’en ont pas moins du corps, et suscitent l’empathie), c’est du côté de l’histoire que ça pèche. En effet, Pierre Pelot a beau nous asséner qu’il s’agit là d’une mission suicide, on ne peut s’empêcher de trouver que tout se passe excessivement bien pour nos quatre hommes, qui triomphent de l’adversité sans le moindre souci. Tout se passe trop « facilement », et c’est regrettable. Cela n’empêche certes pas de lire avec plaisir Quatre Hommes pour l’enfer, mais cette impression de trop grande aisance est tout de même dommageable sur le plan de la crédibilité.
Ce qui m’amène à penser que le véritable défaut de ce roman, c’est sa trop grande brièveté. Sans doute faisait-elle partie du contrat, mais elle nuit à l’intérêt de ce « Dylan Stark », en passant trop vite sur les difficultés que nos héros rencontrent en chemin. Et, comme la plume est de qualité, le fait est que l’on en voudrait encore, et que l’on n’est pas totalement rassasié au bout du chemin. Pour ma part, c’est peut-être absurde de le dire mais je le dirai quand même, j’en aurais bien pris le double sans rechigner, bien au contraire.
Bilan en demi-teinte, donc. Quatre Hommes pour l’enfer est à n’en pas douter une lecture très agréable, j’y ai pris beaucoup de plaisir, mais c’est sans doute bien trop court pour convaincre pleinement. Dommage, parce qu’il y avait sans doute là matière à livrer quelque chose de tout à fait passionnant. Reste, en attendant, un divertissement tout à fait correct, bien écrit à défaut d’être totalement bien ficelé, que l’on recommandera sans hésiter au jeune public en premier lieu, sans que les lecteurs plus âgés ne soient exclus pour autant.
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