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"Rayons pour Sidar", de Stefan Wul

Publié le par Nébal

Rayons-pour-Sidar.jpg

 

 

WUL (Stefan), Rayons pour Sidar, Paris, Denoël – Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [1971] 2007, 212 p.

 

Après Niourk il y a de cela une éternité, et  Oms en série tout récemment, poursuite de mes (tentatives de) lectures wulesques avec Rayons pour Sidar, publié initialement au Fleuve Noir « Anticipation » en 1957, et qui, là encore, m’avait l’air intéressant à en croire  La Science-fiction en France de Simon Bréan. Un roman bien de son temps, comme on aura l’occasion de le constater... ou peut-être un peu en retard.

 

L’action se déroule donc sur Sidar, planète du système Alpha du Centaure habitée par deux races indigènes, les Sidariens primitifs et les Horbs assurément sauvages. Mais elle a également été colonisée (ou pas) par les Terriens (on reviendra sur ce terme par la suite) ; cependant, l’heure du, euh, « protectorat » terrien sur Sidar touche à sa fin : des accords ont en effet été passés avec les vilains pas beaux Xressiens, rats humanoïdes (c’est dire s’ils sont vilains pas beaux), prévoyant de leur remettre la planète (sans que les Sidariens et les Horbs aient été consultés, a priori, mais, là encore, on y reviendra).

 

Lorrain 1613 A.C. est un physicien afrançais, qui s’est rendu sur Sidar pour y retrouver son robot Lionel, construit à son image (chaque Terrien, semble-t-il, a ainsi un double robotique). Ce dernier était chargé d’établir une factorerie en plein territoire horb, mais on n’a plus de ses nouvelles depuis un moment. Or la situation presse : à l’en croire, Lorrain est, secondé par Lionel, la dernière chance de sauver Sidar (des Xressiens, donc).

 

Mais Sidar est une planète farouchement hostile, recelant mille dangers pour les Terriens, ainsi que Lorrain en fait très tôt l’amère expérience. Et si les Sidariens sont tout ce qu’il y a de sympathiques (« Na, na, na ! »), il n’en va pas de même de tout ce qui vit sur Sidar. Lorrain retrouve cependant bel et bien Lionel. Mais [SPOILER] il meurt presque aussitôt. Il est cependant « ressuscitable », et Lionel reprend à son compte la mission destinée à sauver Sidar…

 

Bon.

 

Commençons par le positif : si l’on excepte le début de la deuxième partie du roman, un peu mou, les rebondissements s’enchainent, aussi la lecture de Rayons pour Sidar n’est-elle pas trop ennuyeuse (du moins pour ce qui est de l’action à proprement parler). On appréciera en outre l’usage astucieux que fait Stefan Wul du thème du double, la relation éventuellement symbiotique entre le Terrien et son robot étant tout à fait intéressante et bien vue.

 

 

Pourtant, j’ai quand même eu bien du mal à lire Rayons pour Sidar.

 

Parce que, à vrai dire, j’ai eu un peu l’impression de me (re)farcir Tintin au Congo.

 

En plus naïf.

 

Je vous arrête tout de suite : il ne s’agit pas ici de faire dans le politiquement correct outrancier en négligeant le contexte de rédaction (bien au contraire : l’Algérie, tout ça…) et donc de prôner l’anachronisme vouant l’auteur aux gémonies et son bouquin au bûcher (pas plus que pour Hergé et son Tintin au Congo, d’ailleurs). Simplement de livrer ce constat : aujourd’hui, et surtout pour un lecteur adulte, aussi bien intentionné soit-il, c’est quand même rude, à la limite de l’illisible… Pour un gamin ne décryptant pas forcément le sous-texte, j’imagine que ça peut passer, mais c’est quand même un brin gênant.

 

Le problème, c’est donc celui du colonialisme. Le terme n’est employé ici que pour les méchants Xressiens à face de rats (« c’est un vieux vocable du XXe siècle, remis récemment à la mode pour traduire une expression xressienne n’ayant pas d’équivalent dans la nôtre. Cela signifie à peu près : abus de pouvoir sur les autochtones. »). Les Xressiens sont également qualifiés (par les Terriens…) d’envahisseurs. Mais jamais ces qualificatifs ne viennent s’appliquer aux Terriens installés sur Sidar. La vision que nous offre ici Wul de cette problématique est on ne peut plus manichéenne : en somme, il y a les bons « colonisateurs » (les Terriens, qui ne sont donc pas qualifiés ainsi) et les mauvais colonisateurs (les envahisseurs xressiens). La preuve, hein : les premiers font des campagnes de vaccination et construisent des routes, alors bon… Alors que les hideux rats humanoïdes sont caractérisés par leur agressivité, « la froide cruauté, la mauvaise foi et le cynisme ».

 

Pourtant, c’est bien de colonialisme qu’il s’agit pour les Terriens aussi… qui se montrent d’une condescendance insupportable à l’égard des Sidariens puérils et d’autant plus infantilisés, condescendance volontiers mêlée d’autoritarisme, inconsciemment sans doute. Pendant que les indigènes débiles font « Na, na, na ! » et se bourrent la gueule, suscitant chez leurs « grands-frères » terriens un sourire amusé ou parfois un brin agacé, les Terriens, eux, cherchent à les sauver (mais [SPOILER] seulement les Sidariens ; aucun problème pour ce qui est de génocider les Horbs…) ; tout le roman tient (assez maladroitement, d’ailleurs) sur cette idée que le salut ne saurait venir que de l’extérieur, en l’occurrence du colonisateur terrien. Comment voulez-vous que ces grands enfants de Sidariens, avec leur pénible langage « petit nègre » (pour ceux qui savent parler la vraie langue, celle des Terriens, le reste étant nécessairement barbare), puissent faire quoi que ce soit ? Aussi ne leur demande-t-on pas leur avis (il est dit de deux d’entre eux, lors d’une réunion des sauveurs terriens humains et robots, désintéressés cela va de soi, qu’ils « n’avaient que voix consultative », et encore).

 

« [La] politique est une chose bien compliquée, dit Lionel. Une politique peut paraître saine et probe tout en cachant d’abominables dessous. Elle peut aussi sentir la pourriture en masquant de nobles projets. » Mais malgré cette affirmation qui aurait pu laisser percer au moins l’esquisse d’une critique de la présence terrienne sur Sidar, non, rien (tout au plus leur reproche-t-on un tantinet leur lâcheté dans les accords Terre-Xress…) : il y a les gentils Terriens, et les méchants Xressiens. Et c’est tout.

 

C’est ennuyeux, tout de même. Et ça l’est d’autant plus que le reste du roman ne tient pas forcément la route (en dehors des points évoqués précédemment). En effet, le plan des héros pour sauver Sidar est artificiellement maintenu sous silence durant la majeure partie du roman (« je ne peux pas vous en parler maintenant, mais vous verrez », en gros…) et, quand la révélation survient (enfin !), elle ne convainc pas : c’est en effet non seulement improbable, mais franchement pas crédible pour un sou. Un projet pharaonique : à l’aide d’un dispositif que je ne vais pas détailler ici, il s’agit [SPOILER] de faire sortir Sidar de l’orbite d’Alpha du Centaure, et de la ramener dans le système solaire, loin de la présence xressienne. Jolie métaphore, pour le moins éloquente… Je ne suis pas qualifié pour juger de la pertinence du projet sur le plan scientifique (même si sa vitesse d’exécution me paraît plus que douteuse, et je ne peux qu’imaginer des conséquences assez terribles pour la vie sur la planète ; [SPOILER] seul la probable annihilation des Horbs est envisagée, mais pour être expédiée en trois lignes…) mais, sur le plan politique, ça ne tient de toute évidence pas la route.

 

Rayons pour Sidar est donc un roman extrêmement naïf, tout en étant moins ouvertement connoté jeunesse qu’ Oms en série. Manichéen, simpliste, il laisse un mauvais goût en bouche. Il ne s’agit pas ici d’en faire un roman « colonialiste » ou d’affubler Wul de ce qualificatif, ce serait aller bien trop loin (et Wul, semble-t-il, revendiquait ne pas faire de politique dans ses romans ; ici, pourtant, consciemment ou non…). Mais Rayons pour Sidar est bien, à sa manière, une variante SF du roman d’aventures coloniales. Ce qui en rend la lecture assez pénible aujourd’hui ; enfin, peut-être que vous pourrez faire l’impasse sur ces divers soucis, et vous régaler de l’utilisation du thème du double et du sense of wonder du projet de « sauvetage » de Sidar, mais, pour ma part, je n’ai pas pu (je n’en retiens donc que le double). Aussi suis-je un brin étonné par la réédition de ce roman en Folio-SF, mais bon…

 

Question : puis-je véritablement trouver mon bonheur chez Stefan Wul ? On m’a conseillé, malgré tout, La Mort vivante et L’Orphelin de Perdide… mais on m’a aussi laissé entendre que, à en juger par mes comptes rendus, je ne trouverais de toute façon probablement pas mon bonheur dans la SF « populaire » du FNA d’avant 1970 (au moins…), chez Wul comme chez les autres. Je ne sais pas. Un jour, peut-être, je retenterai l’expérience avec les romans mentionnés… mais pas tout de suite.

CITRIQ

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U
Je prends en compte la fin du livre et je trouve que ça ne rattrape rien. Les indigènes actuels sont, autant que je me souvienne, réellement des tanches et ce qui est admirable ce sont leurs<br /> ancêtres mythifiés. Zarkass c'est l'Égypte : on ne nie pas qu'à l'époque des pharaons, les égyptiens ont réalisé des choses incroyables, mais ils ont quand même vachement baissé, heureusement qu'on<br /> était là pour les sortir de l'ornière.<br /> Mais bon, si que ça se trouve, je suis passé à côté.
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S
Sans prendre en compte la fin d'un livre, peut-on vraiment juger son propos? Le twist final est sacrément anticipable et on ne peut pas dire que le personnage principal soit sympathique. Toute la<br /> différence avec Rayons pour Sidar, dont le personnage principal est censé susciter la sympathie...<br /> Ce livre préfigure d'ailleurs La Septième Saison, de Suragne, qui a son lot d'indigènes apparemment peu futés, et de colonisateurs piégés.
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F
Mouais. Dans mes souvenirs, sur Zarkass, l'indigène est un branleur à demi idiot qui n'est pas capable (pas digne ?) de prendre possession seul de l'héritage de ses glorieux ancêtres. Le Terrien<br /> reste quand même une sorte d'homme providentiel qui les remet sur le droit chemin avant de les guider vers un avenir radieux. Même si le twist final.
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S
Piège sur Zarkass consiste quand même à humilier le colonisateur. Le paternalisme identifiable dans Rayon pour Sidar y devient... un piège.
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G
Cette crit... chronique aurait pu être écrite pour Piège sur Zarkass, où la culture indigène fut grande mais maintenant décadente ; heureusement, elle peut compter sur la Terre pour la remettre sur<br /> le droit chemin. C'est mignon.
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N
<br /> <br /> Bon, je vais probablement faire l'impasse, alors.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Mieux vaut ne pas insister en effet, et tu peux aussi arrêter de lire du Gemmell.
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N
<br /> <br /> C'est fourbe, ça.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> BEUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARH !!!<br /> <br /> <br /> <br />