"Sandman", vol. 2, de Neil Gaiman
GAIMAN (Neil), Sandman, volume 2, [Sandman #17-28, The Absolute Sandman Volume 2, The Sandman Companion], préface de Harlan Ellison, traduction de Patrick Marcel, [s.l.], Urban Comics, coll. Vertigo Essentiels, [1990-1992, 1994, 1998, 2007] 2013, 464 p.
Ben oui : je continue immédiatement sur cette fabuleuse BD qu’est Sandman. Bon, pour la suite, même si le volume 3 est déjà sorti et que le quatrième ne devrait pas tarder, je vais probablement attendre un peu, ceci dit… Mais en attendant, voilà déjà de quoi faire, avec ce gros volume bourré de bonus, et regroupant les TPB 3 et 4, Le Pays du Rêve et La Saison des brumes.
Le Pays du Rêve est un tout petit recueil (sauf erreur, c’est même le plus petit de la série), qui comprend quatre épisodes indépendants. Dans le premier, nous voyons un écrivain souffrir du syndrome de la page blanche. Classique… Son remède l’est moins : violer la muse Calliope, capturée en 1927, pour lui voler l’inspiration. Or Calliope connaissait bien Morphée, ou plutôt Oneiros, il y a de cela, pfou, au moins… Un bel épisode, au final stupéfiant.
Mon préféré de ce recueil est cependant le suivant, « Un rêve de mille chats ». Mrow ! Franchement, cet épisode était fait pour séduire les gens qui vont sur Facebook… Sauf qu’on n’a pas vraiment ici des lolcats, même s’ils sont tout mignons ; c’est qu’ils rêvent, eux aussi… Touchant, à la fois drôle et tragique, c’est une vraie réussite, qui marque durablement (miaou).
Suit un épisode « culte », primé en son temps comme une « nouvelle », « Le Songe d’une nuit d’été » : on y retrouve ce bon vieux Shakespeare, tout dévoué à son art au point de négliger son fils Hamnet, honorer en partie le contrat qu’il a passé avec Morphée ; sa troupe va donc interpréter, en pleine campagne, une pièce de sa création, devant un public de choix… C’est remarquablement bien fait, pas de doute à cet égard, mais mon inculture crasse en matière de shakespeareries (à laquelle il va bien falloir que je remédie un jour…) m’empêche d’apprécier pleinement cet hommage.
Le dernier épisode, enfin, est à mon sens plus anecdotique, même s’il part d’une très bonne idée : le désir de mourir d’une ancienne super-héroïne DC immortelle… Ce n’est pas mauvais, il y a de très beaux moments – forcément, la Mort est là (on peut d’ailleurs noter que, dans cet épisode, le Sandman n’apparaît pas une seule fois) –, mais je trouve ça néanmoins un peu mineur en comparaison des trois très belles pièces qui précèdent… Bon.
La Saison des brumes, par contre, est un arc complet, à la manière de Préludes & Nocturnes et de La Maison de poupées ; il compte huit épisodes (un prologue, six chapitres, un épilogue), dont un « interlude ». Ce fut en son temps le premier album de Sandman publié par Delcourt. Une (mauvaise) raison à cela, sans doute : c’est dans le prologue de ce TPB que l’on voit pour la première fois tous les Infinis (enfin, presque : manque Destruction). Reste que cette histoire est largement incompréhensible si l’on n’a pas croisé Nada et Lucifer dans le premier volume… En effet, le Destin convoque ses frères et sœurs, car cela est écrit. La « réunion de famille » se passe mal, essentiellement du fait du Désir (qu’il est taquin…), et l’absence du « fils prodigue » pèse sur l’assemblée. Mais l’essentiel est que la Mort tanne le cul du Rêve pour l’inciter à racheter sa plus grande erreur : il doit se rendre en Enfer pour libérer Nada, enfermée là-bas depuis 10 000 ans par sa faute… mais Lucifer avait juré, lors de leur dernière rencontre, de le détruire. Il va néanmoins s’y prendre de manière originale (à moins que son but soit autre : la rédemption ?) : en démissionnant de son poste de monarque de l’Enfer, et en en confiant la clé au Rêve… L’ancien domaine de Lucifer est convoité, et des dieux et entités se pressent bien vite au Palais du Rêve pour en négocier l’acquisition… tandis que les damnés reviennent sur Terre (ce que l’on voit surtout au travers du très bel interlude « scolaire » qui coupe l’arc en deux). Une grande histoire pleine d’astuce et de grands moments. La réunion des Infinis à elle seule vaudrait déjà le détour, mais le charisme de Lucifer et le pittoresque des prétendants (dont un Thor passablement différent de celui de l’univers Marvel… ma préférée est cependant l’envoyée du Chaos !) en rajoutent une couche. Là, on est vraiment en plein Sandman : il n’y a à proprement parler pas d’action dans La Saison des brumes ; on y croise essentiellement des êtres aussi puissants qu’étranges qui dissertent ou échangent… et c’est passionnant. Une confirmation supplémentaire, s’il en était encore besoin, de l’exceptionnelle qualité de cette série ; et je vais me répéter : c’est ce que Gaiman a fait de mieux, j’en suis persuadé.
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