"Silver Session For Jason Knuth", de Sonic Youth
SONIC YOUTH, Silver Session For Jason Knuth
Tracklist :
01 – Silver Panties
02 – Silver Breeze
03 – Silver Flower
04 – Silver Wax Lips
05 – Silver Loop
06 – Silver Shirt
07 – Silver Son
08 – Silver Mirror
(NB : Le digipack est argenté, ça passe très mal au scanner ; désolé…)
Aujourd’hui, c’est la fête de la musique. Comprenez que, comme chaque année, on va lui faire sa fête, la pauvre. Parquée un jour sur 365, comme une activité dégradante et carnavalesque, la voilà destinée à subir tous les outrages, sous les assauts perfides d’incompétents jouant devant un public de soiffards beuglants dans une ambiance de bacchanales évoquant plus le beaujolpif ou la victoire au mache de foute ou de ruby qu’une quelconque forme d’art, même joyeusement dégénérée. Soyons francs : depuis longtemps, la fête de la musique, déjà douteuse à l’origine, s’est assurément révélée sous sa face grotesque de monstre au mieux tristement commercial, au pire consternant de beauferie.
C’est dire si cet EP de Sonic Youth tombe à pic. Histoire de leur apprendre un peu, là, à tous ces glaireux, ce que c’est que la musique, merde. Et oui, je connardise dans l’élitisme si je veux. Et re-merde.
Parce que, pour ne pas faire pas partie des SYR, mais être (je crois) le seul SKR (pour « Sonic Knuth Records »), et donc ne pas adopter la maquette caractéristique des SYR, Silver Session For Jason Knuth fait clairement partie des albums expérimentaux de Sonic Youth. Il s’agit d’un EP d’une demi-heure environ, purement instrumental, oeuvrant dans une veine qu’on qualifiera d’ambient-industrielle à défaut de meilleur terme. On est donc bien loin des chansonnettes pop, pour le coup. Sans parler de la musique à danser.
Pour la petite histoire, l’album a été enregistré dans des conditions un peu particulières, un soir où Sonic Youth devait enregistrer des voix pour le (dans l’ensemble) très calme A Thousand Leaves. Le groupe qui jouait à l’étage au dessus faisait dans le metal surpuissant, et il était impossible pour les Sonic Youth de chanter correctement. Alors ils ont décidé de lutter à armes égales en poussant leurs amplis au maximum (ce qui n’est pas sans me rappeler une certaine histoire d’amplis à 11…), et en « jouant » ainsi, construisant un véritable mur du son et voyant quels sons de guitares ils pouvaient obtenir ; ils ont mixé l’album quelque temps plus tard avec quelques boucles, et cela a donné Silver Session.
Maintenant, pourquoi For Jason Knuth ? Eh bien, Jason Knuth était un fan de Sonic Youth ; à tel point que ses amis le surnommaient « Sonic Knuth ». Mais Jason Knuth s’est suicidé. Ses amis ont contacté Sonic Youth, ont expliqué la situation au groupe, qui a décidé de dédier cet EP à Jason Knuth, et d’en reverser une part des bénéfices à une association de prévention du suicide de San Francisco, la ville natale de « Sonic Knuth ».
Il me paraît difficile, et peut-être un peu vain, de chroniquer Silver Session For Jason Knuth piste par piste, mais bon, on va essayer, a minima. Sachant que l’album a été enregistré fort, et qu’il doit s’écouter fort.
Il s’ouvre sur « Silver Panties », qui donne le ton : une sorte de drone parcouru de larsens à faire pâlir Sunn O))), secoué de boucles vaguement industrielles instaurant un semblant de rythmique.
« Silver Breeze » reprend le drone, mais l’agite de parasites radio, tandis que les boucles se font plus présentes.
« Silver Flower », sur les mêmes bases, se montre à mon sens plus riche, en multipliant les nappes et les dissonances ; aussi est-ce une des pistes qui marque le plus, et parvient à acquérir une identité propre.
« Silver Wax Lips » sonne d’emblée différemment, les dissonances étant cette fois mises en avant, à l’instar des larsens ; il en résulte une puissante architecture sonore, qui inaugure un nouveau type de drone… qui s’achève cependant brutalement
« Silver Loop » repart sur un drone grave, agrémenté progressivement de quelques boucles industrielles, encore assez discrètes, malgré le titre du morceau. Des larsens baladeurs viennent de temps à autre parasiter l’ensemble, le son connaissant des chutes de tension.
« Silver Shirt », la plus longue piste, est aussi à mon sens la plus intéressante, car la plus ouvertement industrielle ; c’est celle où la rythmique se fait le plus sentir, quand bien même elle reste relativement discrète ; mais d’autres boucles viennent s’y superposer pour broder un complexe canevas indus du meilleur goût.
« Silver Son » est terriblement frustrant, car il commence extraordinairement bien, inaugurant un morceau divinement industriel : on sent venir un régal power noise… et puis ça s’arrête comme ça a commencé, bien trop tôt. Quel dommage ! Une occasion manquée…
Et l’album s’achève sur « Silver Mirror », que je suppose, vu son titre et certains effets, d’être une reprise à l’envers de certains enregistrements. En tout cas, que je me trompe ou pas, ça passe très bien.
Silver Session For Jason Knuth n’est certes pas un EP à conseiller à tout le monde, ni même au fan moyen de Sonic Youth. Mais, dans le registre ambient-industriel, il est tout à fait intéressant. Pour ma part, je ne peux que m’avouer comblé par cette acquisition. À bon entendeur...
Prochaine étape : Sonic Nurse.
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