"Sister", de Sonic Youth
SONIC YOUTH, Sister
Tracklist :
01 – Shizophrenia
02 – (I Got A) Catholic Block
03 – Beauty Lies In The Eye
04 – Stereo Sanctity
05 – Pipeline / Kill Time
06 – Tuff Gnarl
07 – Pacific Coast Highway
08 – Hot Wire My Heart
09 – Cotton Crown
10 – White Cross
11 – Master-Dik
Où l’on poursuit la rétrospective Sonic Youth, avec leur quatrième album, Sister, après Confusion Is Sex, Bad Moon Rising et EVOL. À mon sens, c’est sur cet album que Sonic Youth achève sa mutation de la No Wave originelle à la noisy pop pour laquelle le groupe est connu. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si Sister est un album jugé aussi fondamental dans l’histoire du rock moderne par divers magazines et institutions : à titre d’info, Pitchfork Media en a fait le quatorzième meilleur album des années 1980, le NME en a fait le numéro 80 de sa liste des plus grands albums de tous les temps et le numéro 37 de sa liste des 50 plus grands albums des années 80, tandis qu’Alternative Press en a fait le troisième meilleur album de la décennie 1985-1995 (et de par chez nous, je crois me souvenir d’un numéro spécial des Inrockuptibles sur les 100 meilleurs albums depuis… ? où il figurait). Bon, vous allez me dire, tout ça, c’est du blabla ; mais je n’entendais montrer qu’une seule chose : l’importance de cet album, qui en son temps a fait comme un choc, et qui a définitivement établi Sonic Youth comme un groupe à part. Car je n’en ferai pas pour ma part le meilleur Sonic Youth, loin de là ; simplement, je pense que c’est ici que se situe la rupture, et non, comme on a parfois tendance à le dire, sur le suivant, Daydream Nation.
Ah, et au passage, on rejoint très indirectement les préoccupations habituelles (enfin, en temps normal…) de ce blog, puisque la Sister du titre, ce serait la fameuse Jane, la sœur jumelle de Philip K. Dick, décédée peu après sa naissance… Et la vie et l’œuvre de Philip K. Dick auraient été une source d’inspiration pour le groupe pendant la composition de cet album.
Mais parlons maintenant musique, et commençons à décortiquer la bête. On attaque en force avec un titre qui marque durablement les esprits, à savoir « Schizophrenia ». On est décidément bien loin de Confusion Is Sex sur cette piste qui sait faire la part belle à la mélodie, et alterner douceur et furie avec un talent tout… schizophrène (désolé). Une très belle piste, superbement écrite, du grand Sonic Youth indéniablement. Superbe finale, entre autres.
Suit le très punk et réjouissant « (I Got A) Catholic Block ». Un morceau très réussi, là encore, et qui porte en lui des gimmicks de composition que l’on retrouvera souvent dans la suite de la carrière du groupe : une bonne part de Sonic Youth est déjà dans ces riffs et ces dissonances. Puis le morceau se calme sur le tard – ce qui est tout aussi révélateur, et passe ma foi fort bien.
On passe ensuite au plus tripant « Beauty Lies In The Eye », avec Kim Gordon au « chant ». Très efficace dans son genre, mais un peu court pour qu’on en dise davantage.
« Stereo Sanctity » est autrement furibond, avec ses guitares vrille-tympans, mais Dieu que c’est bon ! Un morceau ultra-nerveux et efficace, une perle en son genre.
Suit « Pipeline / Kill Time », avec Lee Ranaldo au chant. On voit ici à quel point les compositions du groupe ont gagné en complexité et subtilité, notamment sur le plan rythmique. Après une première partie très rapide, le tempo ralentit et le morceau devient plus planant, avec son solo fou en arrière-plan. Pas mal du tout.
« Tuff Gnarl » joue d’emblée une carte plus pop, avec non moins de réussite, avant de s’énerver pour une superbe envolée finale. Rien à redire.
Étrangement, « Pacific Coast Highway » (ou « PCH ») n’est pas sans rappeler Confusion Is Sex. Cette impression se dissipe en partie en milieu de morceau, pour laisser la place à quelque chose de plus neuf et apaisé, mais l’angoisse et l’oppression de la No Wave des origines ressurgit en définitive.
Suit « Hot Wire My Heart », une reprise de Crime (voilà pour l’original, avec un bonus tant qu’à faire). On comprend effectivement très vite que ce n’est pas une composition de Sonic Youth… Mais c’est un bon morceau, et une reprise amusante.
Après quoi l’on passe à une petite merveille avec le très beau et très planant « Cotton Crown » (ou « Kotton Krown »). Un joyau finement ciselé, porté par de belles mélodies de guitares aux dissonances pourtant toujours à l’affût, tandis que le chant à deux voix crée en sus une atmosphère éthérée du plus bel effet.
« White Cross » (ou « White Kross ») est autrement plus enlevé, mais non moins efficace. Très belle montée à base d’allers-retours, typique du groupe. Une conclusion idéale pour l’album.
En effet, ne reste plus qu’une piste bonus, « Master-Dik » (ou « Master-Dick » ; rien à voir avec l’écrivain, cette fois, paraît-il, mais avec un studio d’enregistrement new-yorkais). Bruitiste et amusant, mais rien de transcendant.
Vous l’aurez compris : Sister est un excellent album. Sonic Youth n’a cessé de progresser depuis ses (néanmoins fascinants) débuts et a atteint ici un niveau exceptionnel. Un album indispensable pour les amateurs du groupe.
Suite des opérations : Daydream Nation.
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