"Swap-Swap", de Richard Canal
CANAL (Richard), Swap-Swap, Paris, J'ai lu, coll. Science-fiction, 1990, 249 p.
De Richard Canal, auteur que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam (même si je crois me souvenir vaguement d'une interview dans Bifrost...), on m'avait notamment recommandé Animamea. Mais c'est finalement ce très court Swap-Swap qui m'est arrivé dans les mains, alors pourquoi pas ? Hop.
(Je sais pas si vous avez remarqué, mais sur la couverture il y a écrit « science-fiction », pour le cas où on aurait un doute.)
Donc. Nous sommes sur Terre, et ses proches environs (des monuments historiques satellisés ?), au XXIIe siècle. Une planète qui a bien changé et où s'est opéré un complet bouleversement économique et politique : désormais, c'est l'Afrique qui tient le haut du pavé.
Notre histoire commence d'ailleurs à Dakar, quand un toubab se réveille dans un bar interlope face à un keïno chien, sans plus de souvenirs en tête concernant sa petite personne. Il a été swappé, victime du virus Swap-Swap. D'où cette idée très bête d'endosser pour le réseau international Sensipac l'identité factice de Nul Nemo en attendant d'y voir plus clair (parce que si Sensipac ne vous connaît pas, c'est que vous n'existez pas). Et, accompagné du soiffard Stany le saint-hubert parlant, notre héros de se mettre en quête de son identité et de son passé. C'est en Europe, dans un Pays Basque ravagé par la guerre, qu'il trouvera les premiers éléments : il s'appelle en fait Roman Leyter, et... et quoi ? L'enquête est loin d'être terminée, mais c'est comme si on lui semait des pistes...
L'amnésique en quête de souvenirs : vous avouerez qu'on a connu point de départ plus original... Mais bon, admettons. Pour le reste, exception faite de quelques menus détails, nous sommes en terrain cyberpunk (ou post-cyberpunk, si vous y tenez) connu. Et c'est d'ailleurs ce qui pose problème dans ce court roman, à mes yeux en tout cas : le plus intéressant, c'est-à-dire le cadre, n'est qu'à peine esquissé tout au fond, tandis que le roman se montre frénétiquement dense en événements. On n'aura donc guère le temps de s'interroger sur cette Afrique surpuissante, et c'est un peu regrettable...
Reste une trame de techno-thriller assez basique. Bien sûr, Roman n'a pas été victime du Swap-Swap pour rien, au hasard. Il s'agit donc de déterminer pourquoi, ce qui implique de savoir qui il est et ce qu'il a bien pu faire. Et c'est parti pour un voyage accéléré aux quatre coins du monde et (un peu) au-delà, en suivant les indices laissés par quelqu'un qui devra bien finir par révéler son vrai visage.
Disons-le tout net : c'est plus ou moins intéressant. Sur le pur plan littéraire, déjà : la plume de Richard Canal n'a rien d'exceptionnel, et brille surtout par sa sobriété ; hélas, elle ne nous épargne pas quelques dialogues plombés par un humour lourdingue, notamment quand Roman philosophe avec Stany...
Pour le reste, eh bien, on va dire que Swap-Swap, comme beaucoup de romans cyberpunk, accuse un peu son âge, et donne une impression de daté. Sensipac, à l'heure des réseaux sociaux et compagnie, paraît un brin archaïque. En même temps, on pourrait reconnaître que ça n'en rend les préoccupations du roman que plus actuelles, et, oui, il y a des choses intéressantes concernant l'information et son économie dans Swap-Swap.
Mais voilà : c'est à mon sens trop peu pour que ce roman marque durablement. C'est du vite lu, mais aussi du vite oublié. Pas désagréable, mais pas transcendant. Et un peu frustrant, accessoirement. On sent qu'il y a du matériau pour faire quelque chose de vraiment intéressant, mais qu'il a été laissé de côté pour faire un simple roman de gare. Dommage...
Premier contact pas vraiment convainquant, donc. Mais c'est pas grave. Et on verra bien, un jour, si Animamea rachète ce Swap-Swap honnête mais manquant cruellement d'ambition.
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