"The Land Of Rape And Honey", de Ministry
MINISTRY, The Land Of Rape And Honey.
Tracklist :
01 – Stigmata
02 – The Missing
03 – Deity
04 – Golden Dawn
05 – Destruction
06 – Hizbollah
07 – The Land Of Rape And Honey
08 – You Know What You Are
09 – I Prefer
10 – Flashback
11 – Abortive
Chose promise, chose due : je finis ma mini-rétrospective Ministry par The Land Of Rape And Honey, le premier album de la « grande trilogie », poursuivie par The Mind Is A Terrible Thing To Taste et conclue par Psalm 69.
Certes, j’aurais pu évoquer également Twitch, et, de la sorte, nous aurions vu tous les albums (au sens strict : j’exclus les lives, compilations, etc.) du duo Jourgensen/Barker sous l’étiquette Ministry (et je le ferai probablement un jour). En effet, en débarquant sur Twitch, Paul Barker a définitivement éloigné Ministry de la synth-pop vaguement niaiseuse des origines pour l’ancrer franchement dans l’electro-indus (première étape…), et a en outre apporté des guitares dans ses valises.
Mais le vrai changement, à cet égard, c’est bien sur The Land Of Rape And Honey qu’il a lieu (en témoignent notamment les quatre premiers titres) ; et, à l’époque, c’était ce qu’un certain Trent Reznor reconnaissait volontiers, en disant que c’était largement de cet album que procédait le Pretty Hate Machine de Nine Inch Nails… Qu’on se le dise : si The Land Of Rape And Honey a – nécessairement – pris un petit coup de vieux, ça n’en était pas moins à l’époque un album véritablement révolutionnaire, et – osons le dire – parmi les plus influents de la musique populaire contemporaine (si). Moi j’dis, ça vaut bien un compte rendu, et ça justifie sa place dans la « grande trilogie »…
En tout cas, déjà, à l’époque, Ministry savait comment introduire ses albums, puisqu’on y va cash avec le génial « Stigmata » (dont je vous ai déjà dit le plus grand bien en traitant d’In Case You Didn’t Feel Like Showing Up). C’est d’ailleurs l’occasion de voir que les guitares, alors, ne sont pas vraiment employées dans une perspective metal, mais bien davantage punk, et cela se vérifiera dans l’ensemble dans les morceaux suivants. Ministry, les pères du metal indus ? Oui, mais sans doute davantage avec The Mind Is A Terrible Thing To Taste ; là, ce n’est pas encore tout à fait ça (même si la boite à rythme évoque bien régulièrement une double grosse caisse caractéristique du metal), mais c’est déjà bien nerveux, et excellent.
La suite reste très punk, tout d’abord avec le très primitif « The Missing » ; j’avoue, pour celui-là, on peut bien parler de punk-hardcore, et quasiment de metal… Mais, quand même, je maintiens : à l’époque, Ministry est quand même nettement plus proche de la sphère punk, et largement étranger au monde du metal ; d’où la surprise quand, lors de la tournée suivant The Mind Is A Terrible Thing To Taste, les chevelus se feront de plus en plus nombreux dans l’assistance… jusqu’à contaminer la musique du groupe !
Même constat pour le morceau suivant, « Deity » (là encore, on retrouvera tout ça sur In Case You Didn’t Feel Like Showing Up). On voit en tout cas combien Ministry affiche la couleur sur cet album : dès les trois premiers morceaux, électronique et guitares fusionnent à merveille ; on n’avait jamais entendu ça auparavant…
La fusion fonctionne toujours, mais de manière différente, sur la quatrième piste, le très bon instrumental « Golden Dawn » (qui n’a pas pris une ride), porté par un très bon, quand bien même très simple, riff de basse : là encore, c’est une caractéristique du son de Ministry qui se met en place ; et une deuxième vient bientôt s’y rajouter, avec l’emploi judicieux des samples parlés (en l’occurrence, ici, entre autres des extraits du très bon film – hélas impossible à se procurer en France, pour autant que je sache… – de Ken Russel Les Diables, sur l’affaire des possédées de Loudun, mais aussi la voix du fameux Aleister Crowley…).
« Destruction » – oh le doux titre ! – est un morceau industriel plus « classique », si l’on ose dire, où la guitare ne sert plus guère qu’à faire du bruit de temps à autre, à la Throbbing Gristle, sans plus faire de riff, tandis que la rythmique s’oriente un peu vers une sorte d’indus martial qui reviendra par la suite. Bruitiste, et pas mal.
Suit, dans un genre bien différent – quoique encore un tantinet martial – le plutôt planant mais assez sombre « Hizbollah » et ses sonorités orientales. Pas mal du tout là encore. Mais cette fois, les guitares ont disparu, et, sauf erreur [EDIT : une toute ch'tite exception...], on ne les réentendra plus de l’album – elles ont foutu suffisamment de bordel comme ça, assez pour révolutionner tout un pan de la musique populaire contemporaine.
Mais Ministry n’a pas besoin de guitares pour livrer des morceaux puissants et qui marquent durablement : en témoigne illico « The Land Of Rape And Honey », indus martial et provocateur digne de Laibach et ponctué de saluts nazillons ; très très efficace. Évidemment, prière de ne pas en tirer des conclusions débiles, merci, il ne s’agit certes pas ici de faire l’apologie du nazisme, mais bien de stigmatiser le totalitarisme rampant (ce qui est particulièrement flagrant dans la vidéo d’In Case You Didn’t Feel Like Showing Up, avec Jello Biafra qui fait le couillon sur scène, et Al Jourgensen avec son joli casque SS surmontant une serviette de plage…)
« You Know What You Are » est un morceau electro-indus saturé de samples, mais en-dehors de ça assez basique, qui peut faire penser – enfin, moi, en tout cas, il m’a fait penser – à du Skinny Puppy, peut-être ? Ça s’écoute, mais ça n’a rien d’exceptionnel, à mes oreilles en tout cas, même si l’effet sur la voix est relativement sympathique.
Mais j’y préfère largement, si j’ose dire, « I Prefer », son délire EBM psychotique, et son usage très particulier de l’aspirateur comme instrument de musique. Pourquoi pas, après tout ? Un morceau court et efficace, très punk dans l’esprit comme dans la forme, très bon, quoi.
Et suit une petite merveille avec « Flashback », autre morceau passablement psychotique, gavé de samples de Platoon ; une pépite d’electro-indus déjanté, idéale pour conclure cette période du groupe. (Ah, et je reviens sur ce que je disais plus haut, il y a une toute petite touche de guitare dans ce morceau ; mais alors presque rien…) Hautement efficace.
On ne s’attardera guère, par contre, sur l’instrumental electro « Abortive », pas désagréable, mais sans grand intérêt, et qui fait un peu tâche après la brillante conclusion qu’aurait dû être « Flashback »… C’est du moins l’impression que m’a toujours laissée ce morceau plutôt fade, et qui n’a pas grand chose pour retenir l’attention. Libre à vous d’avoir un avis différent, cela dit.
Mais peu importe. Si l’on peut noter une ou deux fautes de parcours, si l’on peut trouver que l’album a un peu vieilli, il n’en reste pas moins que The Land Of Rape And Honey, révolutionnaire en son temps, reste hautement fréquentable aujourd’hui. Il est bien le premier album de la « grande trilogie » de Ministry. Un album séminal, comme on aimerait en écouter plus souvent. Je sais, la formule est plate… Mais n’empêche : ici, c’est de génie qu’il s’agit. Pas moins.
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