"The Whisperer in Darkness", de Sean Branney
Réalisateur : Sean Branney.
Année : 2011.
Pays : USA.
Genre : Horreur / Science-fiction.
Durée : 103 min.
Acteurs principaux : Matt Foyer, Barry Lynch, Matt Lagan, Andrew Leman…
Vous l’avez peut-être remarqué, ça fait un bail que je n’ai pas livré ici de compte rendu de flim. Il y a une raison à cela : depuis pas mal de temps déjà, j’éprouve de terribles difficultés à me concentrer sur le moindre objet filmique, aussi intéressant soit-il. Je pense ne pas avoir regardé de flim en entier d’un seul coup depuis mon visionnage des trois versions d’Häxan, dont je vous avais parlé ici y a une éternité de cela…
(Ah, si, maintenant que j’y pense, j’ai eu l’audace de regarder Saw 3 du bien nommé Bousman entre-temps ; mais ça valait vraiment pas le coup d’en parler…)
Comme le dit si bien l’autre, « ça peut plus durer ». J’ai donc décidé – courageux que je suis – de m’y remettre. Mais, tant qu’à faire, je me suis pris par les sentiments. Et c’est donc avec The Whisperer in Darkness de ces joyeux dingues de la Howard P. Lovecraft Historical Society que je me suis attelé à la tâche. On leur devait déjà une fort sympathique adaptation en flim muet de The Call of Cthulhu, débordant certes d’amateurisme, mais qui ne pouvait que séduire, complicité oblige, le lovecraftien fanatique qui sommeille en moi (enfin, ces derniers temps, d’ailleurs, on peut pas dire qu’il sommeille vraiment…).
Leur nouvelle adaptation du pôpa de Cthulhu, The Whisperer in Darkness (« Celui qui chuchotait dans les ténèbres », in français in ze texte, si je ne m’abuse), dirigé par Sean Branney, est cette fois – le titre nous l’indique assez – un flim parlant. Mais il est toujours en noir et blanc, et réalisé à la manière des classiques de l’horreur de la Universal ou de la RKO. Et c’est avec un plaisir non dissimulé que l’on retrouve le Mythoscope, mêlant moyens (plus ou moins) modernes et esthétique vintage. Et si on peut toujours, sans doute, parler d’amateurisme eu égard aux conditions de réalisation et au résultat final, on s’oriente quand même ici de plus en plus vers le professionnel : la réalisation est très correcte, les acteurs (du moins les premiers rôles) sont assez bons, la musique sympathique et nettement moins synthé cheapos que dans The Call of Cthulhu, les effets spéciaux sont même à vrai dire trop bons (j’aurais pour ma part préféré que les auteurs s’engagent plus résolument dans la voie de l’illusion à l’ancienne, à la Ray Harryhausen et compagnie)… Techniquement, il n’y a donc pas grand-chose à reprocher à The Whisperer in Darkness.
L’histoire ? Vous la connaissez déjà, bien sûr… mais dans les grandes lignes, cette fois. En effet, à la différence de ce qui s’était passé pour The Call of Cthulhu, ces petits malins de la HPLHS ont cette fois décidé de prendre quelques libertés avec le matériau original. Ce qui pourra faire hurler les puristes… ou pas. Mais introduisons donc le propos. Nous sommes dans l’ère lovecraftienne classique, les années 1920 ou 1930, je ne saurais le dire avec plus de précision (enfin, si, je le pourrais sans doute si je regardais à nouveau la nouvelle et sa date de composition, mais j’ai la flemme, là…). Des inondations ont eu lieu dans le Vermont, à la suite desquelles des rumeurs ont ressurgi faisant état de l’existence d’étranges créatures mythiques. Pour le professeur Albert Wilmarth, folkloriste à l’Université Miskatonic, Arkham, Massachusetts, ce ne sont là, à l’évidence, que des superstitions ; c’est la thèse qu’il soutient lors d’un débat radiophonique l’opposant au fameux Charles Fort. Pourtant, Wilmarth entretient depuis quelque temps déjà une relation épistolaire avec Henry Akeley, du Vermont, qui lui soutient l’existence de ces créatures et, via son fils George, en fournit bientôt des preuves au distingué professeur : photographies, enregistrement phonographique… il lui promet aussi une mystérieuse « pierre noire », qui n’arrive cependant pas à destination. Puis Wilmarth reçoit une dernière lettre d’Akeley, l’invitant à venir le rejoindre dans le Vermont pour s’entretenir avec lui de l’existence de ces mystérieuses bébêtes…
Je n’en dirai évidemment pas plus ici : lisez ou relisez la nouvelle, et/ou voyez donc le flim. Arrêtons-nous cependant un instant sur les divergences par rapport à la nouvelle de Lovecraft. Pendant la majeure partie du flim – ah, au fait, c’est un long-métrage, cette fois –, celles-ci sont assez discrètes, et le résultat reste éminemment lovecraftien. On retrouve bien l’ambiance des nouvelles du maître de Providence, restituée avec un certain brio (c’est que c’est pas évident, mine de rien, et l’histoire des généralement piteuses tentatives d’adaptation de Lovecraft l’a suffisamment démontré). Avec cependant ce corollaire : c’est bavard, mais ça ne bouge pas beaucoup… Ce n’est pas moi qui m’en plaindrai, j’adore ça. Mais il est vrai que ce qui fonctionne remarquablement bien dans une nouvelle peut poser problème pour un flim. Cela explique sans doute les innovations apportées dans la conclusion du flim, qui fait dans le spectaculaire. C’est à la fois très hollywoodien (et toujours dans cet esprit Universal/RKO), et très… rôlistique, en fait. Et, disons-le franchement : c’est souvent too much. C’est un peu regrettable à mon sens, même si je ne hurlerai pas à la trahison ; il est cependant clair que l’on perd ici l’esprit purement lovecraftien qui faisait jusqu’alors nos délices. Est-ce véritablement une erreur, une faute de goût de la part de la HPLHS ? Je n’en suis pas pour autant certain, et vous laisserai juger vous-mêmes.
Car ce bémol final ne change rien à l’impression générale que m’a faite The Whisperer in Darkness. Certes, on ne parlera pas de chef-d’œuvre ; mais c’est néanmoins dans son genre si difficile une franche réussite, et je me suis régalé au visionnage de cette adaptation dans l’ensemble vraiment plus que correcte. Et j’espère que la HPLHS continuera à nous abreuver de flims aussi franchement sympathiques ; je serais à vrai dire très curieux de voir ce qu’ils seraient capables de faire du « Cauchemar d’Innsmouth », de « L’Abomination de Dunwich », voire – rêvons un peu – des « Montagnes Hallucinées »… Prions, mes frères ! Iä ! Iä ! Shub-Niggurath !
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