"Tous Pour Un ! Régime Diabolique"
Tous Pour Un ! Régime Diabolique, [All for One : Régime diabolique], Sans-Détour, 2014, 198 p.
Il y a quelque temps de cela, j’ai eu envie d’ajouter à ma ludothèque un jeu de rôle de capes et d’épées (c’était bien avant qu’on ne tente de jouer à Inflorenza dans ce style, voyez ici). Bon, soyons même plus précis : c’était au moment où Sans-Détour avait sorti Les Lames du Cardinal, l’adaptation de la trilogie de Pierre Pevel, qui m’intriguait pas mal… Mais j’ai commis une erreur grossière : lire auparavant le premier tome de ladite trilogie. Qui ne m’a vraiment pas plu du tout. Du coup, ça m’a pas mal détourné du jeu de rôle en question… Un peu bêtement, peut-être : après tout, il aurait sans doute été possible d’en tirer autre chose ? Mais je n’arrivais pas à faire abstraction. Bon…
Cependant, quasiment en même temps, Sans-Détour avait également sorti dans le genre ce Tous Pour Un ! Régime Diabolique qui va nous retenir aujourd’hui. Même principe, en fait : un jeu de rôle de capes et d’épées, donc, dans une France de Louis XIII alternative, avec des démons en lieu et place de dragons… Plus court, nettement moins cher (bon, beaucoup moins joli aussi, sans doute, Les Lames du Cardinal avait l’air très bien sous cet angle…), ce jeu américain de Paul « Wiggy » Wade-Williams promettait finalement quelque chose de très comparable, mais peut-être plus intéressant encore finalement, en jouant la carte du fantastique plutôt que celle de la fantasy. Il promettait enfin, à en croire la quatrième de couverture, des règles « très simples à assimiler et conçues pour gérer les scènes d’actions », et c'est ce qui a emporté ma décision.
Or, précisons-le à tout hasard, c’est bien de règles qu’il s’agit ici (basées sur le système « Ubiquity », utilisé dans Hollow Earth Expedition et League of Adventures, également chez Sans-Détour). Tout en revendiquant dès le départ n’être qu’un jeu « d’inspiration » historique, Tous Pour Un ! Régime Diabolique se repose en fait essentiellement sur les connaissances du lecteur, à peine secondées par quelques notes en encarts, et ne développe pour ainsi dire pas de background, ou presque : juste quelques éléments en passant dans le dernier chapitre, consacré aux « amis et ennemis »… En général, c’est pourtant le background qui me parle au premier chef et me pousse à l’achat. Ici, je n’avais donc que des règles à me mettre sous la dent, ou presque… Mais bon : pour une fois ? Et puis c’était censé être « facile », donc…
Hélas, le très, très long (il fait à lui seul près de la moitié du bouquin…) chapitre consacré à la création de personnage (ah, au fait : tous les PJ sont censés être des mousquetaires, hein) m’a vite fait déchanter. Pas seulement parce qu’il était chiant à lire en tant que tel, mais surtout parce qu’il fourmille de pinaillages à mon sens parfaitement idiots et autres absurdités en tout genre. En particulier devant les longues listes de Talents et de Défauts, et les considérations sur le Style, en principe essentiel pour ce jeu, j’avais du mal à en croire mes yeux ; et c’est ça qu’ils appellent des règles « très simples à assimiler » ? La création de personnage, certes, ce n’est pas encore le jeu à proprement parler, mais c’est néanmoins un bon indice de ce qui va suivre, assez souvent ; et je considère que si l’on n’y prend pas de plaisir, ce n’est probablement pas la peine de tenter le coup… En fait, je n’ai trouvé qu’une seule chose intéressante dans ce gros ratage : les exemples de personnages qui figurent en fin de chapitre, plutôt bien faits, et qui peuvent probablement constituer des pré-tirés tout à fait intéressants permettant de se dispenser de la fastidieuse création de personnage…
Puis l’on passe aux règles à proprement parler. Et, si l’on s’en tient aux mécanismes généraux, là, OK, c’est assez « simple à assimiler », et à vue de nez rapide à l’usage. On y trouve quelques idées correctes, comme celle consistant à « faire la moyenne » pour éviter les jets de dés superflus (alors que, si l’on s’en tient aux indications du chapitre sur la création de personnage, il risquerait d’y en avoir plein, pour tout et n'importe quoi…). Et cette simplicité globale, venant en principe limiter le nombre de jets de dés, ça me parle beaucoup plus ; là, je demande à voir.
Les règles de combat, hélas, reviennent pas mal sur tout ça… or le combat est probablement un élément fondamental de ce type de jeu. Ce n’est pas que ce soit spécialement compliqué en tant que tel, non ; mais cela implique a priori de se livrer à pas mal de calculs et de recourir à des subtilités diverses et variées (l’escrime est très développée, comme de juste, mais peut-être trop pour le coup…) qui, je le crains, risquent de casser le rythme, essentiel à mon sens pour tout bon système de combat (je redoute un peu le combat interminable à la Shadowrun, une vieille expérience qui m’avait marqué et passablement écœuré à l’époque ; tiens, à ce propos, on va voir ce qu’il en est maintenant, je devrais vous causer sous peu de la cinquième édition…). On est loin, du coup, de ce que je cherchais, sur une base de fun et de rapidité (comme dans Deadlands Reloaded, peut-être ?).
Même problème, grosso merdo, pour le chapitre sur les arts magiques, qui ne reposent pas sur des listes de sorts, mais sur des tableaux permettant de déterminer tous les paramètres au cas par cas. L’idée est a priori bonne, et c’est plutôt bien fait dans l’absolu (je ne rechigne que sur un truc : faire de l’alchimie une Tradition et un Art, une erreur à mon sens, d’autant qu’elle empêche en outre – mais pourquoi donc ? – de se livrer à d’autres voies de la magie…). Mais je n’ose imaginer le temps que cela doit prendre en cours de partie ; et s’il faut passer trois plombes à chaque fois avant de pouvoir jeter un sort, y compris et surtout en plein combat, franchement, à mon sens, ce n’est pas la peine…
Reste à évoquer le dernier chapitre, consacré aux « amis et ennemis », donc, et le seul à proposer vraiment du background. Dans un premier temps, on s’intéresse essentiellement aux sociétés secrètes, et c’est assez intéressant ; il y aurait certes beaucoup à dire sur le plan historique si l’on y tenait vraiment (par exemple, en ce qui concerne la perception du pauvre Richelieu, la Rose-Croix surtout, mais aussi la Sainte-Vehme ou les Templiers…), mais, après tout, il s’agit d’une France alternative, et Tous Pour Un ! Régime Diabolique n’a effectivement rien d’un cours d’histoire, et ne doit surtout pas être pris pour argent comptant… Peu importe : ça se lit bien, tant pour ce qui est de la description de ces organisations occultes que pour les exemples de PNJ qui sont fournis. Ouf… La suite mêle en gros bestiaire plus conventionnel et catalogue de PNJ de base, mais c’est très correct.
Tout n’est pas mauvais dans Tous Pour Un ! Régime Diabolique, donc, il y a quelques bonnes idées par-ci par-là… N’empêche que je crains de ne jamais en faire usage ; pas seulement faute de temps et de joueurs, comme d’habitude, mais parce que le système – et c’est bien de cela qu’il s’agit, donc – ne m’a dans l’ensemble vraiment pas convaincu. J’aurais peut-être dû malgré tout tenter Les Lames du Cardinal, finalement…
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