"Unreasonable Behaviour (CD)", de Laurent Garnier
LAURENT GARNIER, Unreasonable Behaviour (CD).
Tracklist :
01 – The Warning
02 – City Sphere
03 – Forgotten Thoughts
04 – The Sound Of The Big Babou
05 – Unreasonable Behaviour
06 – Cycles d’oppositions
07 – The Man With The Red Face
08 – Communications From The Lab
09 – Greed (Part 1 + 2)
10 – Dangerous Drive
11 – Downfall
12 – Last Tribute From The 20th Century
Après vous avoir dit beaucoup de bien, il y a un bail de ça, de l’excellent live Public Outburst, j’ai de nouveau envie de vous entretenir de notre Lolo national (mais non, pas Fabius !). Mais c’est que la production du bonhomme est vaste… Déjà, allais-je parler d’un album, d’un mix, d’un best-of ? Très vite, j’ai choisi de parler d’un album, histoire d’approfondir un peu le personnage, de voir ce qu’il a vraiment dans les tripes, et de démontrer, enfin, que, pour être à l'origine un DJ, il n’en est pas moins également un compositeur talentueux, qui livre en studio une musique nettement moins orientée dancefloor que ce que l’on pourrait croire… et que l’on croit souvent, mais je ne reviendrai pas ici sur l’étrange réputation que Garnier continue de se traîner de par chez nous chez ceux qui en parlent sans en savoir le moindre mot.
Un album, donc. Mais lequel ? Le dernier, Tales Of A Kleptomaniac, m’ayant un peu déçu – mais il faudra que je le réécoute plus attentivement, et surtout sa partie ROM (quand mon putain de lecteur DVD voudra bien remarcher, grmblf…) –, et n’ayant ni Shot In The Dark, ni 30, ses tout premiers, il ne me restait que deux possibilités : l’énorme Unreasonable Behaviour, et le splendide The Cloud Making Machine.
Choix cornélien s’il en est.
J’ai donc choisi de chroniquer les deux, hop. Mais, pour une fois, en respectant la chronologie. Ne serait-ce que parce qu’Unreasonable Behaviour est un album plus hétérogène que The Cloud Making Machine, présentant davantage de facettes du travail de Laurent Garnier… et, avouons-le aussi, parce qu’il est sans doute bien plus connu.
Les plus observateurs d’entre vous auront noté que j’ai indiqué (CD) auprès du titre ; en effet, le vinyle contient des pistes et des mixes différents du CD : de ceux-là, je ne saurais rien dire. Je vais donc me contenter de parler ici du CD, avec son artwork fort sympathique, qui nous intime de nous laver les mains avant de soulever la galette. Dont acte.
Play. L’album s’ouvre sur une brève introduction au titre éloquent, « The Warning ». Ça se montre effectivement un tantinet menaçant… Pas grand chose de plus à dire, il ne s’agit que d’introduire.
Les choses sérieuses ne commencent véritablement qu’avec « City Sphere »… qui se montre déjà nettement moins menaçant. L’album aura ainsi une tendance assez bipolaire, tout du long. Jolie basse, et rythmique à l’avenant, pour un morceau sur lequel souffle comme un vent délicieusement glacial et cristallin.
Le vent souffle plus explicitement sur l’introduction de « Forgottent Thoughts », aux agréables rondeurs saturées, parfois quasi industrielles, d’autres fois évoquant avec presque dix ans d’avance le son Ed Banger (ou, plus contemporains de l’album, Daft Punk), mais avec ô combien plus de finesse…
Et l’on enchaîne sur ce qui constitue indiscutablement le premier gros tube de l’album, et un de ses rares morceaux axés dancefloor, avec l’énorme et cultissime « The Sound Of The Big Babou », sa saturation diabolique, ses multiples couches mélodiques, son pied imperturbable, et sa puissance imparable. Cultissime, ça vaut aussi pour le clip, avec son fameux curé terroriste… Mais Garnier a souvent eu d’excellents clips (il n’est qu’à voir ceux réalisés par Quentin Dupieux – aka Mr Oizo – auparavant, « Flashback » et le court-métrage « Nightmare Sandwiches » comportant entre autres le tubesque « Crispy Bacon »).
Petite transition essentiellement vocale avec « Unreasonable Behaviour », puis l’on repasse aux choses sérieuses avec « Cycles d’opposition ». Un morceau qui sonne un tantinet Warp, pour le coup (à la LFO, on va dire – pas Autechre, faut pas déconner, non plus…). Et ça lui va très bien, au sieur Garnier. Jolie basse, là encore. Planant et efficace.
Et d’enchaîner sur un nouveau tube, l’inénarrable « The Man With The Red Face ». Une perle de house portée par des basses profondes inimitables et, surtout, le saxophone de Philippe Nadaud (c’est lui, « the man with the red face », l’idée étant qu’il s’en donne à cœur-joie et à plein poumons, jusqu’à être prêt à éclater). Clip sympa, là encore, et un morceau taillé pour le dancefloor… mais plus encore pour le live ; et, pour la peine, on va s’en faire un petit, extrait du (très bon) DVD Unreasonable Live.
Suit une autre perle, mais dans un genre bien différent, avec le très beau « Communications From The Lab » (là encore, ces basses, tudieu !). Si je ne m’abuse, c’est le premier morceau de Laurent Garnier que j’ai connu et aimé. Nostalgie… Et il m’avait démontré d’emblée que, non, la techno en général, et, non, Laurent Garnier en particulier, ça n’était pas nécessairement « POUM POUM POUM POUM » ad nauseam. Un morceau d’une belle complexité et une composition d’une grande finesse à tous les niveaux. Merci, monsieur Garnier.
Suit une bizarrerie inclassable mais néanmoins excellente, le très bon « Greed (Part 1 + 2) » (et son clip démentiel et hilarant). Difficile de dire exactement de quoi il s’agit, mais le fait est que c’est bon, très bon, même. Dans la première partie, la voix inquiétante de Garnier se fait à nouveau menaçante (… et drôle, toujours...), tandis que dans la seconde, la basse saturée prend le relais pour noircir encore un peu plus l’ambiance. Une réussite. Bizarre, mais une réussite.
Avec « Dangerous Drive », ensuite, nous avons le seul et unique morceau de techno « classique » de tout l’album, avec un kick omniprésent. Une techno classique, oui, mais sinistre et glauque, très très sombre et menaçante, une fois de plus, et cette fois sans aucun humour… Mais en la matière Garnier est un maître qui n’a de leçons à recevoir de personne, et ce morceau en forme d’ultime concession au genre est une franche réussite.
Suit « Downfall », qui calme radicalement le jeu. Là encore, on peut penser à du « gentil » Warp. Ça n’en est pas moins très bon. Superbes basses bien rondes une fois de plus, et breaks parfaits (un peu trop rares, peut-être ?), qui ne lésinent éventuellement pas sur la saturation. Pas mal du tout.
Et de conclure sur un « Last Tribute From The 20th Century » très deep house, pied, nappes et basse à l’avenant. Un hommage aux grands pionniers de la techno et de la house, à l’orée du XXIe siècle. Très franchement, comme le disait si bien un ancien haut-fonctionnaire, ça m’en touche une sans remuer l’autre, et je trouve que c’est un peu le morceau de trop, le couac final dont on aurait pu se passer, mais bon, l’intention était bonne, allez…
N’empêche que le reste était excellent. N’en doutez pas un seul instant, citoyens : Unreasonable Behaviour est bien un immense album de techno / house, indispensable pour qui s’intéresse à ces choses-là, et témoigne assurément du talent de notre Lolo national (mais non, pas Gerra !).
Sur ce, je me prépare à vous causer de The Cloud Making Machine. Et pour les plus impatients (s’il y en a ; on peut toujours rêver…), hop, un petit teaser.
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