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"Utopiales 10. Frontières...", de Jérôme Vincent (dir.)

Publié le par Nébal

Utopiales-2010.jpg

 

VINCENT (Jérôme) (dir.), Utopiales 10. Frontières…, préface de Pierre Bordage, Ris Orangis, ActuSF, coll. Les Trois Souhaits, 2010, 222 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 62 (pp. 102-104).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant un an.

 

 En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop.

 

 C’est la deuxième année que les jeunes éditions ActuSF, via leur collection Les Trois Souhaits, prennent en charge l’anthologie officielle du festival des Utopiales de Nantes, et, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’affiche est belle.

 

Enfin, l’affiche…

 

 Entendons-nous bien : le programme. Sûrement pas la couverture scato-phallique et vomitive d’un Philou Druillet qu’on a quand même connu nettement plus en forme (aux environs du XIVe siècle).

 

 Non, non, le programme, donc ; voyez plutôt : Juan Miguel Aguilera, Thomas Day, Vincent Gessler, Ian McDonald, Justine Niogret, Larry Niven, Lucius Shepard et Peter Watts, c’est tout de même plutôt alléchant. Du beau monde.

 

 On ne félicitera par contre pas ActuSF pour ce qui est du travail éditorial, qu’on qualifiera gentiment de « léger », et ce dès la quatrième de couverture, qui fait au choix de Thomas Day ou de Justine Niogret un Anglo-saxon… Première d’une série de petites boulettes un brin gênantes, même si pas insurmontables la plupart du temps : Ian McDonald que l’on tient à prénommer Iain, Peter Watts dont la nouvelle « Les Choses » se voit traduite par « La Chose » au prix d’un contresens fâcheux, ou encore, gag, comme si les présentations des auteurs n’étaient pas déjà assez succinctes comme ça (généralement, cinq lignes et hop !), des oublis, ainsi dans celle de Larry Niven (p. 96), pour lequel on annonce « une mythique phrase d’ouverture : »… qu’on ne lira jamais. Sans parler, bien sûr, des coquilles, relativement nombreuses. Bref, pas terrible sous cet angle.

 

Mais heureusement il y a les textes, et, autant le dire de suite, le niveau est dans l’ensemble bon à très bon (si l’on excepte la préface de Pierre Bordage, dont on ne retiendra pas grand-chose, si ce n’est quelques bonnes intentions anti-ghettoïsantes). Le thème, « Frontières », était pour le moins vaste, et susceptible de très nombreuses interprétations ; il n’a du coup guère constitué une contrainte pour les auteurs, et, pour y rattacher les nouvelles, il faudrait parfois se livrer à un petit exercice de capillotractation… Mais peu importe au final, tant c’est la qualité qui prime.

 

Commençons par les textes les moins intéressants du lot – relativement –, qui n’ont cependant rien de dégradant. Ainsi du texte d’ouverture, la longue nouvelle de Vincent Gessler – doublement primé lors du festival pour son premier roman Cygnis – intitulée « Miroirs du ciel ». Une science-fiction de paysages et de mœurs, qui fait penser plus qu’à son tour à Jack Vance et surtout Ursula K. Le Guin par sa dimension ethnologique… mais la comparaison, sans surprise, joue un peu en défaveur du jeune auteur suisse, quand bien même le texte reste d’une lecture agréable et riche en images fortes. On classera de même parmi les textes simplement bons celui de Juan Miguel Aguilera, « La Fête de la comète », qui nous plonge dans les jours sombres de l’Allemagne hitlérienne, avant la Seconde Guerre mondiale : joli cadre (le Bauhaus, les duels, etc.), très bien utilisé, mais la nouvelle n’en est pas moins un peu frustrante. Celle de Larry Niven, « Reviens, Carol ! », tranche sur le reste du recueil par sa dimension « old school » franchement assumée, qui peut désarçonner les lecteurs les moins indulgents ; mais, sous ses dehors farfelus, cette histoire de téléportation contient de vraies bonnes idées de science-fiction, et mérite en définitive le détour. Quant à la nouvelle de Justine Niogret, « Les Rivages extrêmes de la mer intérieure », on ne lui confèrera certes pas le prix de l’originalité foudroyante – une civilisation post-apocalyptique souterraine… –, mais elle reste des plus lisibles, très visuelle, et en fin de compte tout à fait convaincante.

 

Jusque-là, c’est déjà bien. Mais il y a mieux encore. À commencer par Peter Watts, dont « La Chose » (voir plus haut…) est un hommage bienvenu au film éponyme de John Carpenter – probablement son chef-d’œuvre, soit dit en passant –, vu cette fois à travers les yeux de la créature extraterrestre. C’est très bien ficelé, très bien vu, et tout à fait passionnant. Un superbe texte, ensuite, « Le Vieux Cosmonaute et l’ouvrier du bâtiment rêvent de Mars », de Ian McDonald ; deux points de vue qui se mêlent, un rêve et une réalité, pour un texte déstabilisant au premier abord, mais qui se révèle au final d’une poésie et d’une beauté remarquables. Thomas Day retourne ensuite à ses premières amours exotico-gores avec « La Ville féminicide », texte glauque et brillant sur les « mortes de Juárez » ; un des textes les plus en phase avec la thématique (supposée…) du recueil, qui ne saurait laisser indifférent. Et il faut enfin évoquer Lucius Shepard, dont « Le Chasseur de jaguar » est une fascinante nouvelle fantastique, superbement écrite et délicieusement ambiguë.

 

Quatre textes au pire moyens, sinon bons, quatre autres très bons voire excellents : le bilan est clair. Utopiales 2010, en dépit de ses imperfections éditoriales, est une anthologie plus que recommandable ; elle vaut même sacrément le détour.

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