"Washing Machine", de Sonic Youth
SONIC YOUTH, Washing Machine
Tracklist :
01 – Becuz
02 – Junkie’s Promise
03 – Saucer-Like
04 – Washing Machine
05 – Unwind
06 – Little Trouble Girl
07 – No Queen Blues
08 – Panty Lies
09 – [« Untitled » = Becuz Coda]
10 – Skip Tracer
11 – The Diamond Sea
Sonic Youth, neuvième album, après (inspiration) Confusion Is Sex, Bad Moon Rising, EVOL, Sister, Daydream Nation, Goo, Dirty et Experimental Jet Set, Trash And No Star (ouf). Un album qui marque un tournant dans la carrière du groupe, dans la mesure où, même s’il revient en partie à ses premières amours dissonantes après un Experimental Jet Set, Trash And No Star en demi-teinte, on le voit, pour la première fois depuis Daydream Nation, s’y essayer régulièrement à des morceaux longs, voire très longs. Pas un hasard, sans doute, si c’est entre cet album et le suivant A Thousand Leaves que Sonic Youth s’est lancé dans l’entreprise des SYR (Sonic Youth Records), disques expérimentaux souvent composés de longues pistes instrumentales sortis sur leur propre label. Ici, nous en avons seulement deux (en fait trois, mais voir plus bas) représentants, mais ils sont de la plus belle eau, l’un d’entre eux étant même à mon sens un des tout meilleurs titres de Sonic Youth. Et l’album dans son ensemble, plus dissonant et sauvage que le précédent – impression peut-être renforcée par le fait que Kim Gordon y tient régulièrement la guitare, laissant parfois le morceau sans basse –, me paraît aussi bien plus intéressant (mais cela n’engage que moi…).
Mais décortiquons, décortiquons. L’album s’ouvre sur « Becuz », à l’origine un des « morceaux longs » de l’album, mais qui a été coupé en deux par Geffen ; nous n’en avons donc que la première partie ici, la fin ayant été reléguée à la piste 9, non indiquée dans la tracklist, du coup désignée « Untitled » quand on glisse la galette dans un lecteur, mais qui s’intitule bel et bien en fait « Becuz Coda ». Quoi qu’il en soit, ce « Becuz » première partie est déjà une belle réussite de noisy pop vrillant le crâne avec un indéniable talent. Une très belle entrée en matière… dont on comprend du coup un peu mieux la fin abrupte.
« Junkie’s Promise », également assez bruyant, même si toujours très pop, fonctionne également assez bien, et rentre bien dans le crâne. Comme souvent chez Sonic Youth, il nous vaut une chouette partie instrumentale à partir du milieu du morceau, qui accentue rythme et bruit pour le meilleur.
« Saucer-Like » est plus gentiment pop, mais non moins intéressant, et la dissonance est toujours au rendez-vous. Pas mal du tout.
Mais c’est avec la suite que l’album, de bon qu’il était jusqu’à présent, commence à décoller vers l’excellence : devant la coupure de « Becuz », c’est en effet « Washing Machine » qui inaugure les morceaux longs sur l’album (n’ayant pas trouvé de vidéo complète de ce titre de près de dix minutes, je vous en mets par exception une version live). Le morceau est d’abord typique d’une noisy pop efficace mais relativement classique, avant de virer dans la seconde partie qui en fait tout l’intérêt, planante à souhait, et looooooooooongue, Dieu que c’est boooooooooon rhaaaa j’en fous partout merci Sonic Youth merci.
Suit « Unwind », qui nous ramène sur des territoires pop plus familiers. Une belle pièce à la mélodie douce et agréable, suivie par une partie instrumentale à l’avenant, quand bien même un chouia plus nerveuse, comme de bien entendu. Très bon.
Après quoi l’on a droit à une sucrerie un brin déstabilisante mais finalement très sympathique, le single « Little Trouble Girl », avec en guise d’invitée l’inimitable Kim Deal (Pixies, The Breeders, The Amps…). Un morceau à l’ambiance étrange (sans parler du clip SF old-school…), mi mièvre, mi glauque. Mais le fait est que ça rentre dans le crâne avec une facilité déconcertante. Une réussite, là encore.
« No Queen Blues », une fois n’est pas coutume, n’a pas grand chose de bluesy, mais, dans le registre noisy pop, se pose là. Refrain très efficace, notamment. Et du bruit pour finir : cool !
« Panty Lies », bien que guère bruyante, a la réputation d’être une des chansons les plus dissonantes de Sonic Youth. Peut-être, je ne saurais trop le dire ; en tout cas, ça passe très bien. Rien d’exceptionnel, mais c’est pas mal.
Suit la fameuse piste « oubliée », qui est donc l’instrumental « Becuz Coda » ; on reconnaît effectivement le thème de « Becuz », dans une variante plus calme. Le morceau, du coup assez court (…), est assez planant, et s’écoute bien.
Puis on passe à la pop hystérique de « Skip Tracer », où Lee Ranaldo semble complètement jeté. Un bon morceau.
Mais là… Là, on en arrive à la merveille. « The Diamond Sea » fait, dans cette version, pas loin de vingt minutes (on en trouve une version éditée qui fut le premier single de l’album, mais aussi une version plus longue, d’environ 25 minutes, sur The Destroyed Room ; pour ma part, je ne peux pas faire mieux que ces pauvres huit minutes, désolé…) [EDIT : on n'est jamais mieux servi que par soi-même, hein]. Un superbe morceau pop, qui dérive progressivement, mais avec bonheur, sur une sorte de mélange à la fois harmonieux et dissonant (si) entre du bon Pink Floyd et une sorte de drone. L’album vaut le coup rien que pour ces vingt minutes de pur bonheur semi cacophonique. C’est là, bien sûr, ZE morceau de l’album, mais aussi un des meilleurs morceaux de Sonic Youth tout court (enfin, « court »… façon de parler, hein…).
Washing Machine est donc bien un excellent album, riche de morceaux variés et de deux perles longues, dont une justifie à elle seule l’achat de l’album. Là, c’est dit. Après le (relativement) décevant à mes oreilles Experimental Jet Set, Trash And No Star, Sonic Youth montre qu’il en a encore dans le ventre, et c’est tant mieux. Ouf.
Suite des opérations : A Thousand Leaves.
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