"Yann Tiersen & Shannon Wright", de Yann Tiersen & Shannon Wright
YANN TIERSEN & SHANNON WRIGHT, Yann Tiersen & Shannon Wright.
Tracklist :
01 – No Mercy For She
02 – Dragon Fly
03 – Sound The Bells
04 – Something To Live For
05 – Dried Sea
06 – While You Sleep
07 – Ode To A Friend
08 – Ways To Make You See
09 – Callous Sun
10 – Pale White
Le calme après la tempête. Hier soir, on a foutu le bordel avec Imminent Starvation ; ce matin, place à la douceur avec ce splendide album écrit à quatre mains par deux talentueux multi-instrumentistes. À la douceur, mais pas à la gaieté pour autant : précisons le d’emblée, ce Yann Tiersen & Shannon Wright est un album qu’il est idéal pour se pendre (comme beaucoup d’enregistrements de Shannon Wright en solo, d’ailleurs, mais là, je crois que c’est encore pire que d’habitude…).
On peut attendre beaucoup de choses d’un album écrit à quatre mains (et plus si affinités), le pire comme le meilleur. Ici, heureusement – et une fois de plus je ne vois pas de raison de maintenir le secret plus longtemps –, c’est une très grande réussite : les deux univers musicaux se sont fondus l’un dans l’autre avec une aisance parfaite pour un résultat tout simplement stupéfiant de cohésion.
Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter Yann Tiersen, vous avez dû en bouffer plus que de raison depuis la sortie du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ; cela dit, le grand succès du film et de sa bande-originale ont pu contribuer à fausser son image d’auteur-compositeur-interprète… C’est qu’il en a fait des choses, le bonhomme, bien au-delà du seul film de Jeunet qui l’a rendu mondialement célèbre…
L’Américaine Shannon Wright est sans doute moins connue dans nos contrées. Pour ceux que cela intéresse, ils trouveront quelques développements supplémentaires sur Wikipédouille. Ici, je me contenterai de dire qu’il s’agit d’une multi-instrumentiste plus-indie-folk-tu-meurs, souvent comparée à PJ Harvey (faut dire qu’elle le cherche un peu, des fois), responsable d’une dizaine d’enregistrements généralement très sombres et assez brefs, où elle occupe quasiment tous les postes. Elle est par ailleurs connue pour ses performances live très… « poignantes », paraît-il (mais ici, je ne peux hélas me fonder que sur des « on dit »…)
Et les grands esprits de se rencontrer pour cet enregistrement unique, dont la légende (c’est-à-dire re-Wikipédouille…) dit qu’il a été écrit en seulement deux semaines par nos deux zigotos (mais l’enregistrement, d’après le livret, a bien duré deux mois). Jolie performance, si c’est vrai, parce que c’est tout sauf du travail bâclé. Quand je vous dis qu’il s’agit d’une fusion parfaite…
(Ah, au fait : j’en ai trouvé tous les morceaux sur le ouèbe, et, comme je les aime tous, j’ai choisi de ne pas choisir ; on verra bien le temps que ça durera…)
On commence dans la douleur (qui ne nous quittera jamais vraiment de tout l’album) avec l’éloquent « No Mercy For She ». Piano grave et lourd, cordes dissonantes, voix chevrotante à la limite du sanglot, mais joli refrain instrumental, et beau crescendo sur la fin. Le morceau donne le la, il pose l’ambiance de l’album et la méthode de travail de Yann Tiersen et Shannon Wright. Une superbe introduction.
Suit le très beau également « Dragon Fly », emporté par une mélodie à l’accordéon et à la basse, la guitare n’étant guère là que pour bruiter en fond. La voix de Shannon Wright est plus émouvante que jamais. Joli refrain au passage.
« Sound The Bells », emmené par le piano, et laissant enfin de la place à la batterie, est un morceau plus rythmé que les précédents, et en apparence moins sombre… du moins au premier abord. Peut-être un cran inférieur à ce qui précède, mais de la belle ouvrage néanmoins.
On passe à « Something To Live For » (NB : et on s’en cogne de la vidéo), et on retourne à la mélancolie à l’état pur, qui décidément réussit bien mieux à nos deux zoziaux. Là encore, toutefois, c’est le piano, qui domine. Et on admire la magnifique partie centrale…
Suit « Dried Sea » (NB : et on s’en re-cogne de la vidéo... qui, par ailleurs coupe un peu brutalement – il manque une trentaine de seconde d’arpèges en fade out… désolé, je n’ai pas trouvé mieux…), morceau plus pop-rock, où la guitare, la basse et la batterie prennent plus d’importance, jusqu’à s’énerver un tantinet. Un morceau plus sale que les précédents, mais toujours très sombre, et toujours aussi bon.
Ça va ? Vous ne vous êtes toujours pas pendus ? Biiiiiieeeeeeeen ! Ça veut dire que vous avez survécu à la moitié de l’album.
Donc on peut continuer avec « While You Sleep », qui fait lui aussi dans le nerveux, quasi punk. La voix de Shannon Wright, ici, fait d’ailleurs vraiment penser à celle de PJ Harvey : quand je vous disais qu’elle cherchait un peu, des fois… Il n’en reste pas moins que c’est un très bon morceau, et que les violons de Yann Tiersen se marient très bien à la furie punkoïde de l’Américaine.
« Ode To A Friend » re-calme le jeu, et remet le moral à plat. Superbe mélodie au piano de Wright, en tout cas, bien accompagnée par les cordes de Tiersen.
On s’enfonce encore un peu plus dans la dépression avec le très beau « Ways To Make You See », et encore une très belle, bien que plus discrète, mélodie au piano (ça devient une habitude…). Une touche de basse, voire de guitare de temps à autre, achèvent d’enjoliver le tout, pour un résultat qui marque durablement.
« Callous Sun » : piano, basse, batterie, guitare, qui bruitent un peu (beaucoup) plus que d’habitude. Joli couplet, refrain puissant… Tout est tellement bon dans cet album qu’on en deviendrait presque blasé…
Et une petite perle pour finir, avec « Pale White », morceau emmené par la guitare sèche, le violon et le piano de Yann Tiersen, Shannon Wright se contentant du chant et d’une batterie minimaliste. Musicalement, c’est presque joyeux. Pourtant, il n’est qu’à écouter le (très joli) refrain… Magnifique, en tout cas. La plus belle des conclusions pour un album superbe de bout en bout.
Je ne conseillerai certainement pas Yann Tiersen & Shannon Wright à un dépressif en pleine crise. Mais à tout amateur de belle musique, sans aucune hésitation. D’ailleurs, je vais tâcher de revenir sur Shannon Wright un de ces jours… Parce qu’elle le vaut bien.
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