"Yue Laou. Le Faiseur de lunes", de Robert W. Chambers
CHAMBERS (Robert W.), Yue Laou. Le Faiseur de lunes, [The Maker of Moons], traduit de l’anglais (États-Unis) par Achille Laurent et Louis-Martin Dupont, revu et complété par Norbert Gaulard et Jean-Daniel Brèque, postface de Michel Meurger, illustrations de Lancelot Speed, Cadillon, Le Visage Vert, [1896] 2009, 100 p.
Je plaide coupable : je n’ai entendu parler que tardivement de Robert W. Chambers et, comme beaucoup de monde j’imagine, essentiellement pour son mythique (si j’ose dire…) Le Roi en jaune, qu’il faudra bien que je lise un de ces jours. Mais cette œuvre a peut-être phagocyté le reste de la production de ce « dilettante du fantastique et du macabre », qu’il pourrait être bon de redécouvrir. C’est ce que nous proposent les gens bien du Visage Vert en nous offrant (enfin, non, en nous vendant, faut pas déconner non plus) cette étrange nouvelle qu’est Yue Laou. Le Faiseur de lunes, publiée originellement dans le English Illustrated Magazine en 1896.
Dans la mesure où il s’agit d’un texte fort court, il est bien entendu hors de question d’en fournir ici un résumé. Contentons-nous donc de dire que l’on y croisera, sur fond de parties de chasse, des bestioles éminemment répugnantes tenant « de l’oursin, de l’araignée… et du diable », des bouilleurs d’or, une clairière hors du temps, et une louche de péril jaune, ce qui en fait bien un texte de son temps.
Un texte étrange, déstabilisant, et d’une richesse peu commune, oscillant entre un certain naturalisme qui n’a pas été sans me faire penser à l’Algernon Blackwood de L’Homme que les arbres aimaient et dérèglement des sens pré-surréaliste et décadent, très « fin de siècle ». Une nouvelle fantastique complexe et marquante, jouant sur une multitude de registres, et préfigurant bien des œuvres ultérieures, dont celle, bien sûr, de Lovecraft. La construction est exemplaire, le style détonnant et dérapant dans les excès, mais finalement très savoureux. Les idées ne manquent pas, et le résultat est plus que satisfaisant.
Difficile, hélas, d’en dire plus ici, sous peine de déflorer excessivement l’intrigue… Quant à analyser l’œuvre, qui saurait prétendre faire mieux que l’indispensable Michel Meurger dans sa passionnante postface, toujours aussi bluffant d’érudition ? Certainement pas moi… Je vous renvoie donc in fine à ce précieux complément d’un livre précieux, et m’en tiendrai là.
N’empêche, va bien falloir que je le lise un jour ce foutu Roi en jaune, par Hast…
* plop *
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