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L'Anneau Unique : Ténèbres sur la Forêt Noire

Publié le par Nébal

L'Anneau Unique : Ténèbres sur la Forêt Noire

L'Anneau Unique : Ténèbres sur la Forêt Noire, Ubik – Edge, 2015, 144 p.

 

Même si je m'étais déjà procuré auparavant le livre de base L'Anneau Unique : Aventures dans les Terres Sauvages, ce n'est qu'avec la publication en français de Ténèbres sur la Forêt Noire que j'ai décidé de me pencher vraiment sur cette gamme et d'en rendre la lecture prioritaire. J'avais en effet d'excellents retours sur cette « campagne » (les guillemets se verront expliqués par la suite) s'étendant sur trois décennies (de l'an 2947 à l'an 2977 du Troisième Âge). L'idée de voir des personnages évoluer sur une aussi longue période me paraissait séduisante, et à vrai dire presque autant la possibilité pour un héros de se retirer en désignant un héritier. L'univers tolkienien me paraissait particulièrement approprié, avec ses thèmes essentiels que sont la nostalgie et la corruption – d'autant que l'on peut d'ores et déjà le dire : cette campagne est tragique et, d'une manière ou d'une autre, les personnages sont voués à échouer devant l'emprise grandissante de l'Ombre à la veille de la guerre de l'Anneau ; mais cette idée d'inéluctable n'enlève rien à mon sens au plaisir de jouer et de créer ensemble une bonne histoire – même si cela peut impliquer au préalable de passer une sorte de « contrat » entre le maître de jeu et les joueurs.

 

On pourrait s'étonner, sur cette base, de ce qu'une campagne aussi ambitieuse et nécessitant de nombreuses séances de jeu, tienne dans un volume aussi réduit. On est loin, très loin à cet égard des « grosses » campagnes pour L'Appel de Cthulhu publiées en français par Sans-Détour, par exemple.

 

Mais c'est que Ténèbres sur la Forêt Noire a été esquissé bien plus tôt, dès le livre de base, et nécessite également le Guide des Terres Sauvages dont je vous ai entretenu récemment. Par ailleurs, les scénarios plus ou moins en forme de « campagne » de Contes et Légendes des Terres Sauvages constituent un prologue bienvenu. En clair, jouer Ténèbres sur la Forêt Noire implique peu ou prou de disposer de l'intégralité de la gamme publiée à ce jour... ce qui, au final, rend l'ensemble tristement onéreux (j'ai failli écrire « à la limite de l'escroquerie », mais je n'ai pas envie de me montrer si méchant que ça...), et rend à l'évidence la préparation de chaque séance passablement ardue, le maître de jeu étant obligé de jongler avec au moins trois livres ; et comme le liant est bienvenu pour rendre la campagne réaliste et crédible (les épisodes décrits dans ce livre pouvant être très brefs), le maître de jeu se voit en outre contraint de « compliquer » encore plus les choses avec ses ajouts personnels (cela me paraît injouable autrement) ; or le système de L'Anneau Unique ne se prête guère à l'improvisation totale à mon sens, notamment pour ce qui est des voyages – qu'il vaut sans doute mieux préparer à l'avance sous peine de casser le rythme de jeu, tout en notant qu'ils sont bel et bien indispensables à l'esprit du jeu dans sa fidélité à l'œuvre de Tolkien. Or, à lire cette « campagne » en tant que telle, j'avoue avoir du mal à justifier ces sempiternels allers-retours dans la Forêt Noire, celle-ci n'étant pas exactement une paisible autoroute...

 

D'autant que c'est du « réveil » de Dol Guldur qu'il s'agit ici. Le Nécromancien, occupé en Mordor, ne revient pas lui-même, certes, mais il y envoie trois Nazgûl pour reprendre les choses en main et briser la prospérité tout juste acquise des peuples libres du Nord depuis la mort de Smaug et la bataille des Cinq Armées. Et ils ont des soutiens de poids qu'il suffira d'un rien pour réveiller, tels le Loup-Garou de la Forêt Noire ou son Dragon, et, bien entendu, les araignées, avec à leur tête trois descendants d'Arachne !

 

Cela suffirait amplement à constituer une adversité de taille pour les joueurs. Mais l'intérêt essentiel est sans doute ailleurs, dans les complexes relations entretenues par les peuples libres du Nord confrontés à cette impérieuse menace, qu'ils en aient vraiment conscience ou pas, qu'ils décident d'y réagir ou non, et, si oui, comment et avec qui, etc. La campagne implique bon nombre de débats et de décisions politiques où la parole des personnages-joueurs pourra éventuellement se montrer déterminante, en fonction de leur prestige et de leur « réseau ».

 

Enfin, cette campagne a un caractère particulièrement tragique, sans surprise, pour les Hommes des Bois, qui sont aux premières loges, et n'ont jamais connu de véritable unité...

 

La dimension temporelle de cette campagne est du coup particulièrement intéressante. Un geste ici, une parole là, peuvent avoir des conséquences bien des années plus tard (la prise de notes et le débrief sont dès lors essentiels, pour le maître de jeu comme pour les joueurs).

 

La campagne, dès lors, n'est finalement présentée ici que sous la forme d' « épisodes », dont certains sont anodins quand d'autres ne le sont qu'en apparence, tandis que d'autres encore présentent une alléchante dimension épique. Tous ces épisodes, cependant, ne seront pas forcément joués, en fonction d'où se trouvent les personnages-joueurs (d'autant qu'ils se sont peut-être, voire probablement, éloignés les uns des autres lors des phases de Communauté). Pour jouer la campagne au mieux – au plus serré ? –,il serait cependant utile de disposer des héros là où souffle le vent putride de la Montagne du Destin – ou, au pire, de trouver comment les informer des événements hors-champ essentiels à la suite des opérations sans pour autant tomber dans une triste accumulation d'artifices de narration.

 

C'est là ma crainte essentielle en ce qui concerne la campagne. Mais, si elle nécessite beaucoup de travail et d'investissement, probablement bien plus qu'une campagne de jeu de rôle de fantasy lambda, Ténèbres sur la Forêt Noire reste très alléchante et bourrée de bonnes idées. M'étonnerait que je sois en mesure de la diriger un jour, hélas, mais bon : l'espoir fait vivre, hein...

 

EDIT 23/01/2019 : au cas où, ma chronique de Mirkwood Campaign est plus développée que celle-ci.

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Lamentations of the Flame Princess : Player Core Book : Rules & Magic

Publié le par Nébal

Lamentations of the Flame Princess : Player Core Book : Rules & Magic

Lamentations of the Flame Princess : Player Core Book : Rules & Magic, Lamentations of the Flame Princess, 2013, 167 p.

 

Cette fois, je fais vraiment dans l’achat impulsif… Tout est parti, en fait, de la publication de A Red & Pleasant Land, un setting bien barré, mêlant l’univers merveilleux de Lewis Carroll, quelque peu (…) perverti, à de la donjonnerie ultra-classique. Ce très beau bouquin m’a instantanément fait de l’œil, et je n’ai pas tardé à me le procurer (même si je n’ai pas encore eu l’occasion de le lire…). Or il était présenté comme étant conçu spécifiquement pour Lamentations of the Flame Princess, un jeu de la mouvance « OSR » (pour « Old School Renaissance »), qui affichait son intention d’offrir aux joueurs un système et une atmosphère de « weird fantasy », riche en bizarreries donc, celles de Lewis Carroll par exemple, mais aussi probablement celles d’un Lovecraft, tiens, bien davantage que de la « high fantasy » à la Tolkien, ou même les plus classiques références en « sword’n’sorcery », en tournant cependant avec une mécanique directement inspirée de celle du vieux Donjons & Dragons ; je me suis dit, du coup, qu’il pourrait être intéressant de commencer par en lire le livre de base, en l’occurrence ce Player Core Book : Rules & Magic (qui se suffit en lui-même, mais peut être utilement complété, à ce qu’il semblerait, par The Referee Core Book : Procedures & Inspirations, destiné comme de juste au maître de jeu).

 

Premier contact : mazette, que c’est beau ! On est largement dans l’indépendant, là, mais on appréciera d’autant plus le soin apporté à la réalisation de l’objet, petit bouquin hardcover avec un beau papier, aéré et abondamment illustré, en noir et blanc pour l’essentiel, mais avec aussi un joli cahier couleur au milieu. Du beau boulot, vraiment.

 

Or ces illustrations donnent le ton, affichant la coloration « weird » souhaitée par le jeu : c’est souvent violent et plus qu’à son tour dérangeant, et il y a même un peu de cul dedans, alors que demande le peuple ? Ce « Weird Fantasy Role-Playing » expose par ailleurs fièrement un intrigant « 18+ » dont je n’ai pas vraiment d’autres exemples en rôlisteries (peut-être le vieux Kult ?)… et qui tient sans doute de la blague plus qu’autre chose.

 

Mais il y a là un problème : le « weird », à s’en tenir à ce seul livre de base, ne transparaît que dans les illustrations (et quelques très, très rares textes descriptifs noyés dans la technique, qui mettent cependant l’accent sur une certaine ultra-violence cynique). Ici, en fait, nous n’avons que des règles, des règles et encore des règles, avec des tableaux, des tableaux et encore des tableaux et des listes, des listes et encore des listes… Un simple coup d’œil au plan du livre confirme d’ailleurs à quel point le sous-titre « Rules & Magic » est approprié : pas loin de la moitié de ce livre est consacrée à une longue liste de sorts ! On s’en doute : à la lecture, ce Player Core Book a quelque chose de passablement rébarbatif, malgré le joli enrobage…

 

L’essentiel, avant cette liste de sorts, consiste donc en la présentation du système de jeu, un « OSR » renvoyant directement au vieux Donj’, mais en le simplifiant régulièrement. On retrouve les six Caractéristiques habituelles, définies aléatoirement, mais seulement neuf Compétences (dont le niveau dépend de la classe) ; on a droit à des choses comme la Classe d’Armure, ou encore les jets de Sauvegarde. Sept classes de personnages sont disponibles : guerrier, clerc, « magicien » – « magic-user » –, mais aussi « spécialiste » (qui doit tendre, j’imagine, à faire un peu le roublard ?), et enfin nain, elfe et halfling (oui, vous avez bien lu, ce sont des classes, pas des races) ; reste l’alignement (simplement loyal, chaotique ou neutre, il n’y a pas ici de « bon » ou de « mauvais »), puis à dépenser des pépettes pour choper son équipement de base. À vue de nez, la création de personnages est ainsi élémentaire, et doit aller très vite.

 

Le système, par la suite, est lui aussi très simple, reposant par exemple sur le jet d’1d20 pour la baston (il faut faire le plus gros score ; ça m’a l’air potentiellement très violent), ou d’1d6 pour les Compétences (il faut faire le plus petit). Mais il y a bien un endroit où ça se complique quelque peu (même si on a vu largement pire), et c’est la magie (réservée au clerc, au « magicien » et à l’elfe) ; ce système (dit « vancien ») implique de mémoriser le sort, qui disparaît quand on le lance (le nombre de sorts pouvant être mémorisés dépendant de la classe et du niveau), même s’il est possible de « stocker » de la magie, dans des parchemins ou des baguettes, par exemple, mais cela prend a priori du temps et de l’argent…

 

Quant à l’expérience, elle dépend en partie des PNJ hostiles vaincus, mais surtout des trésors chopés dans les donjons, pour caricaturer un brin. « Old School », donc.

 

Sur le papier, tout cela est plutôt bien présenté, et devrait a priori bien tourner… Si vous cherchez un « OSR », j’imagine donc que celui-ci n’est pas pire qu’un autre… Et son caractère simplifié à quelque chose de rassurant pour moi, qui ne peux plus m’enquiller des pavés simulationnistes.

 

Toutefois, à s’en tenir à ce seul livre de base, j’avoue ne pas vraiment voir l’intérêt de la chose. Disons-le : c’est le « weird » qui m’a attiré, avant, bien avant l’ « OSR », et à cet égard je n’en ai pas eu pour mon argent. Indépendamment de tout autre bouquin (un setting, notamment), je ne suis donc vraiment pas sûr d’en conseiller l’acquisition… Mais bon : je lis un de ces jours A Red & Pleasant Land et on en recause, hein ?

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Walden ou La Vie dans les bois, de Henry David Thoreau

Publié le par Nébal

Walden ou La Vie dans les bois, de Henry David Thoreau

THOREAU (Henry David), Walden ou La Vie dans les bois, [Walden or Life in the Woods], traduction et notes par Germaine Landré-Augier, préface par Michel Onfray, Paris, Flammarion – Climats, [1854, 1967] 2015, 410 p.

 

Cela faisait longtemps que je comptais lire ce classique d'entre les classiques de la littérature américaine qu'est Walden d'Henry David Thoreau, dont je ne connaissais pour lors que De la désobéissance civile, bref pamphlet d'une importance considérable, qui a eu la postérité que l'on sait. Un aimable citoyen, grand amoureux de la nature (ainsi que de la nature maîtrisée par l'homme), m'a gentiment offert Walden, c'était donc l'occasion ou jamais. Encore que... À vrai dire, je ne sais pas vraiment si mon hospitalisation était le meilleur moment, ou le pire, pour lire cet ouvrage de « philosophie concrète », prisant tout particulièrement l'optimisme et la confiance en soi...

 

Une chose est cependant à noter d'emblée : même si la lecture de Thoreau n'est sans doute pas aussi répandue et incontournable en France qu'elle l'est dans sa patrie, le fait est que, chez nous aussi, on se trimballe de manière un peu forcée et assurément caricaturale un « mythe Thoreau » : l'auteur de De la désobéissance civile est allé en prison pour avoir défendu ses idées politiques en refusant de payer l'impôt à un gouvernement esclavagiste ? En fait, il n'a passé qu'une nuit en cellule, dans des conditions de confort tout à fait raisonnables... L'auteur de Walden a vécu isolé dans une cabane construite de ses propres mains ? En fait, l'expérience a duré deux ans et deux mois, avec des pauses, de nombreuses virées dans la ville toute proche de Concord (une par semaine au moins), et des visiteurs très réguliers : Thoreau n'était pas, disons (je n'ai pu m'empêcher d'y penser), un Kamo no Chômei (hop), sa vie près de l'étang de Walden n'avait finalement pas grand-chose d'un ermitage.

 

Plus globalement aussi, on a fait de Thoreau un transcendentaliste, mais sa philosophie s'en éloigne souvent ; à vrai dire, il n'est pas étiquetable aussi facilement – on tendra donc à le qualifier de « non-conformiste » ou d' « hétérodoxe »... Il faut dire que sa pensée comme sa pratique (car Thoreau se pose en « philosophe agissant », et certainement pas en professeur de philosophie) jouent de manière complexe avec les courants, les notions, etc., et on peut même être déconcerté, assez régulièrement, par les nombreuses contradictions (apparentes ?) qui semblent en émerger. Ainsi Thoreau se moque-t-il souvent des « réformateurs », mais l'homme de la désobéissance civile, au-delà l'abolitionniste, ou dans un autre registre le – presque – végétarien (eh !), était-il vraiment autre chose ? Thoreau, libéral à bien des égards, n'en est pas moins franchement réactionnaire ici, l'expérience de Walden témoignant d'un certain primitivisme (vaguement luddiste) qui peut à bon droit laisser perplexe. Ses notions de Dieu comme de la foi sont aussi ambiguës que son rapport à l'opposition nature/culture. Il déplore la mode « orientale » de son temps, tout en revenant systématiquement aux textes sacrés de l'Inde, qu'il prisait par-dessus tout, ou encore à l'enseignement de Confucius... On pourrait probablement continuer longtemps comme cela.

 

Et c'est notamment pour cela qu'il me paraît difficile de se réclamer de la philosophie de Thoreau ; en tout cas, c'est au-dessus de mes forces... D'autant que je ne peux m'empêcher d'y voir une certaine naïveté (en espérant qu'il ne s'agisse pas de mauvaise foi !), que cette tentation réactionnaire (au sens anti-technologique notamment) me donne des boutons, ainsi que son éloge d'un certain égoïsme, tendant vers la « vertu d'égoïsme » qui a eu l'écho que l'on sait outre-Atantique, tout cela me paraissant difficile à louer.

 

Autant le dire, donc : la « philosophie en acte » de Walden m'a laissé au mieux froid, au pire m'a fait soupirer, et m'a par ailleurs souvent déconcerté. À Thoreau, sous cet angle, je préfère largement ses nombreuses inspirations antiques, comme les cyniques (à côté de Diogène, Thoreau fait vraiment petit joueur mondain, quoi qu'il en dise...), les épicuriens, voire les stoïciens (même si ce dernier courant me parle beaucoup moins que les deux précédents) ; étrangement, l'insupportable pseudo-philosophard médiaticouille Michel Onfray se montre à cet égard relativement pertinent dans sa préface, et, de manière encore plus étonnante, il n'y tire pas excessivement la couverture à lui... (Ah, et, tant qu'on est dans l'enrobage : les notes en fin de volume sont calamiteuses...)

 

Heureusement, Walden, ce n'est pas que ça. D'ailleurs, si cette philosophie est sous-jacente à l'ensemble du livre, elle n'est clairement mise en avant, pour l'essentiel, que dans le il est vrai très long premier chapitre, « Économie ». Walden est au-delà un récit de communion (même relative...) avec la nature, qui me paraît constituer un prédécesseur adéquat au « nature writing » tel qu'on le trouve pratiqué, par exemple, aux très bonnes éditions Gallmeister. Et, pour le coup, si la philosophie, ou, pire encore ! la science viennent parfois perturber le cours du récit (car récit il y a, finalement), le reste est parfois, voire souvent, d'une très grande beauté, et d'une finesse tout à fait remarquable. J'en veux pour preuve notamment l'étonnant et clairvoyant chapitre intitulé « Bruits » (du field-recording littéraire !), mais on pourrait aussi évoquer le rendu des saisons, générateur de très belles images (l'hiver, surtout).

 

C'est ici, dans un sens, que cette expérience philosophique devient pleinement littérature, et c'est à mes yeux ce qui vient la justifier. Car, à vrai dire, j'ai l'impression que cette retraite au bord de l'étang de Walden, à proximité de Concord (mais aussi, Thoreau y revient souvent, d'une ligne de chemin de fer), impliquait dès l'origine ce projet littéraire, qui vient biaiser l'aventure (et autant pour le rejet des mondanités...) ; c'est peut-être un peu mauvaise langue, mais après tout, dans sa cabane qu'il a bâtie de ses mains, Thoreau lit beaucoup (« les bons livres », c'est-à-dire essentiellement des reliques de l'Antiquité à l'en croire...) et écrit tout autant. C'est peut-être d'ailleurs la limite de l'expérience de Walden, au sens le plus noble que l'auteur semble défendre avec sa philosophie agissante (bien qu'il prétende ne pas en faire un modèle à suivre, il faudrait à l'en croire y voir une forme d'accomplissement personnel, dès lors pas nécessairement justifiable et bienvenu pour tous) : la littérature – et donc la culture – y entretient des relations ambiguës avec la nature ; mais, à tout prendre, a fortiori pour nous et a fortiori aujourd'hui, cette nature n'est accessible que par la littérature, ou peu s'en faut : Walden, récit d'une expérience, a dès lors quelque chose d'un reliquaire, et sa nature (aha) de témoignage s'en trouve renforcée. Et c'est là qu'il est juste, et efficace.

 

Un livre étonnant, donc, et difficile à classer. Ce qui est le plus souvent tant mieux à mes yeux... Cela dit, ce « classique », si sa lecture aujourd'hui reste pleinement justifiée, m'a donc laissé une impression mitigée ; car il est parfois vaguement agaçant, parfois même – oh ! – un peu chiant... Et pourtant, au-delà, il est bien à l'occasion paré d'une auréole de pure beauté.

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The Void : Pandora's Paths I : Adventures

Publié le par Nébal

The Void : Pandora's Paths I : Adventures

The Void : Pandora's Paths I : Adventures, Wildfire, [2012] 2013, 39 p.

 

Il y a tout un paquet de petits suppléments pour The Void ; j'avais parlé il y a peu de Secrets of the Void, sans doute nécessaire au maître de jeu pour bâtir quoi que ce soit dans ce contexte, mais il y en a bien d'autres. Et inévitablement, ds scénarios (et même une campagne, semble-t-il, The Stygian Cycle – on verra si je lis ça un jour...) ; Pandora's Paths I : Adventures, comme son nom le laisse entendre, rentre dans cette catégorie. Il propose trois scénarios totalement indépendants – même si l'on peut toujours bidouiller pour les faire rentrer dans une campagne, évidemment –, qui donnent un éclairage bien particulier à The Void... et finalement, comme on pouvait s'en douter, pas si lovecraftien que ça, ou du moins pas directement, l'influence essentielle étant ici les films de la série Alien, et l'ambiance, plus généralement, relevant de l'horreur survivaliste dans l'espace. Bon...

 

Allez, dans l'ordre : « Miranda », qui ouvre ce petit supplément, est à mon sens le moins intéressant des scénarios proposés, dans la mesure où, très didactique, il ne consiste guère qu'en une hâtive exploration d'une base minière (sur un satellite d'Uranus) ayant rompu tout contact et dans laquelle, sans surprise, se trouve une très, très vilaine bébête (ou peut-être pas tant que ça : si le scénario en lui-même n'est guère intéressant, il offre une vague piste pour continuer l'aventure, de manière potentiellement plus convaincante). Le scénario bénéficie d'une grande clarté d'exposition (c'est vrai pour les autres aussi, hein), mais tout s'enchaîne sans surprise jusqu'à l'affrontement avec le boss de fin de niveau. Bon ; c'est pas pour moi...

 

« A Plot Too Far » est très différent, et rappelle bien davantage les jeux lovecraftiens « classiques » (L'Appel de Cthulhu en tête, certes), dans la mesure où il s'agit pour l'essentiel d'une enquête (dans une trame d'espionnage industriel sur Vénus) ; les personnages sont donc bien ici, au plein sens du terme, des « investigateurs » ; en théorie, ce ne sont même pas nécessairement des « Wardens »... mais le problème est alors de les impliquer dans cette histoire, les pages de présentation me paraissant bâclées et peu crédibles. Ceci étant, après cette mise en place mal branlée, ça m'a l'air de tourner assez correctement, mais sans susciter un grand enthousiasme. Bon...

 

Le dernier scénario, enfin, s'intitule « Sarcophagus », et est probablement le plus réussi des trois, dans la mesure où il fait en quelque sorte la synthèse des deux précédents. Il s'agit ici pour les « Wardens » de venir en aide à une sorte de gros paquebot de luxe à la dérive dans l'espace profond, moteurs en panne, et le chef ingénieur mystérieusement assassiné... Une bonne partie du scénario consiste à nouveau en une enquête, mais très « whodunit », cette fois, avec des personnages très clichés et quelque chose d'évident dans le déroulé, mais ça peut être amusant tout de même. Et on retrouve ensuite l'horreur survivaliste de « Miranda », avec un alien aux étranges capacités psi (potentiellement rigolotes elles aussi). O.K.

 

Tout cela n'est tout de même pas superbement folichon... et me laisse craindre des parties qui tournent vite en rond. Un soin indéniable a été apporté à la présentation et la rédaction, ce qui est appréciable ; mais j'aurais apprécié un peu plus d'originalité (même si ces trois scénarios n'en sont pas totalement dépourvus, mais ils n'innovent que par petites touches) ; en l'état, je n'ai pas vraiment envie de maîtriser ces scénarios (à part peut-être « Sarcophagus », donc, mais bon...). Peut-être fouinerai-je dans les autres petits suppléments, on verra bien... Mais celui-ci est assurément dispensable.

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Super-Cannes, de J.G. Ballard

Publié le par Nébal

Super-Cannes, de J.G. Ballard

BALLARD (J.G.), Super-Cannes, [Super-Cannes], traduction de l'anglais par Philippe Delamare, Auch, Tristram, coll. Souple, [2000] 2015, 461 p.

 

Reparu en même temps aux excellentes éditions Tristram, dans la collection « Souple », que La Face cachée du soleil, Super-Cannes, Ballard assez tardif, est représentatif de cette même veine de critique sociale déguisée en polar (ou l'inverse), n'ayant plus grand-chose à voir avec la science-fiction des origines, même si la prospective (à très court terme) y joue un rôle fondamental. La reparution concomitante de ces deux titres (qui se sont suivis en VO) est ainsi bienvenue, et l'on peut vraiment y voir un diptyque, dans la mesure où les analyses, dans l'un de la société des loisirs, dans l'autre de la société du travail, sont complémentaires, et dessinent un tableau sinistre de notre monde et de l'évolution dans laquelle il s'est engagé. On pensera aussi tout naturellement, une fois de plus, à Sauvagerie... mais aussi, de nouveau, on pourra remonter à Vermilion Sands, une utopie hideuse et hyperactive renversant le cocon arty léthargique des origines.

 

L'action prend place essentiellement à Éden-Olympia, un parc d'activités high-tech (inspiré de Sophia-Antipolis) sur les hauteurs de Cannes. S'y retrouvent gros cadres et scientifiques à la pointe, qui définissent, dans un cadre spécialement étudié pour accroître leur productivité, de quoi aura l'air le lendemain. Ici, les habitants sont riches, très riches ; et ils passent leur temps à travailler. Le travail est à vrai dire leur seule et unique préoccupation, tout le reste étant pris en charge. C'est un havre pour cadres sup qui ont décidé de sacrifier leur vie à leur entreprise. Il n'y a pas de criminalité à Éden-Olympia ; et tout y est propre, si propre que cela en devient effrayant. Les caméras forcément omniprésentes achèvent de transformer ce faux bucolique à richouzes en un cauchemar orwellien soft, autant dire un rêve pour les habitants, assurément volontaires et séduits par l'endroit.

 

Mais il y a eu un « petit souci »,,, Oh, trois fois rien : un médecin anglais, David Greenwood, y a pété un câble, et a tué dix personnes (sept gros cadres et trois « otages » des services d'entretien), avant de retourner son arme contre lui, en l'espace d'une matinée qui a fait tache. Personne, à vrai dire, ne comprend pourquoi le sympathique jeune homme, très consciencieux, investi dans l'humanitaire et l'associatif, a agi de la sorte, y gagnant sans doute la qualification de « forcené » dans les médias. Le psychiatre Wilder Penrose ne semble pas plus à même que les autres d'expliquer ce « moment d'égarement »...

 

Le poste et la maison de Greenwood ont été réattribués quelques mois après le drame. Le docteur Jane Sinclair – qui connaissait son prédécesseur, pour avoir étudié avec lui – se rend ainsi à Éden-Olympia afin de soigner les ultra-riches, contre un très joli revenu qu'elle ne pouvait espérer nulle part ailleurs. Son mari, Paul, ex-pilote qui a du mal à se remettre d'un accident au décollage, l'accompagne. Or Paul n'a pas grand-chose à faire, et, impressionné par cette histoire comme par le cadre d'Éden-Olympia, il décide de « rouvrir l'enquête ».

 

C'est ainsi qu'il va découvrir, au-delà de la façade ensoleillée et du gazon coupé au millimètre, un autre visage d'Éden-Olympia : un délire utopique sadien, où la folie et la perversion sont canalisées à des fins thérapeutiques par un médecin qui voit dans ces bouffées d'ultra-violence le meilleur moyen de préserver la santé, physique comme mentale, de ses patients, au mépris de toute morale. David Greenwood était-il fou ? Non : le problème est qu'il ne l'était pas assez... Sans doute est-ce pour cela qu'il n'a pas su tolérer indéfiniment les exactions du « club de bowling » d'Éden-Olympia, leurs « ratissages » racistes, descentes au milieu des putes mineures, le trafic de drogue qui accompagnait tout ça, etc. Et Paul Sinclair, alors ?

 

Virulent tableau d'un capitalisme jusqu'au-boutiste, déifiant la valeur travail et sacrifiant tout à la productivité, dans un ensemble hideux redéfini par la « vertu d'égoïsme », Super-Cannes assassine la Riviera rêvée des forçats volontaires du gros pognon. La critique, si elle est outrancière, est étrangement pertinente... en même temps que les dissertations de Penrose suscitent un vague trouble chez le lecteur qui, à l'instar de Paul, serait presque convaincu, par moments, du bien-fondé de cette pseudo-thérapie par l'ultra-violence, point culminant d'un nihilisme capitaliste englobant, assouvissant ses fantasmes de domination des corps et des âmes de manière irrésistible.

 

Pas vraiment de la science-fiction, non... Ballard ne déplace pas son utopie répugnante sur quelque exoplanète éloignée ou dans quelque lointain futur plus ou moins déterminé ; c'est de l'ordre du possible, certes, mais, finalement, l'écrivain n'en a pas besoin ici ; car, à tout prendre, nous vivons déjà dans ce monde-là, des arcologies de la côte aux horaires infernaux, mais souvent souhaités davantage que subis, de cadres qui ont abandonné toute conscience d'eux-mêmes comme du monde, au seul profit du profit. Ce qui est insoutenable, mais aussi, peut-on le craindre, inéluctable, du moins à brève échéance. La folie guette, ainsi, tant chez les acteurs de la grande escroquerie du fric virtuel que chez ceux qui en pâtissent d'ores et déjà.

 

Super-Cannes est probablement plus immédiatement convaincant que La Face cachée du soleil, à mes yeux en tout cas. Il y a encore trop de rêve honnête dans ce dernier, tandis que Super-Cannes anéantit toute illusion de répit, en s'assumant comme cauchemar grinçant. Aussi est-il plus convaincant. Mais est-il si bon que ce que l'on m'en avait dit ? Là, je ne suis pas tout à fait certain. Et pas seulement parce que la traduction m'a paru un peu bof, parfois, ou que la fin coule de source ; le côté vaguement couillon de Paul passe raisonnablement, aussi. Mais, si la farce ballardienne justifie bien une bonne dose de caricature, et l'auteur ne s'en prive pas, il aurait peut-être mieux fait à l'occasion ; le roman m'a paru probablement trop long, aussi ; enfin, il abonde en mini-scènes de cul un brin lassantes, dans leur vanité bourge (certes essentielle au propos), bien éloignée de l'authentique perversion du sublime Crash !, par exemple.

 

Super-Cannes est certes un bon roman. Mais peut-être pas si bon que ça... En tout cas, il a quelque chose de représentatif de cette « dernière manière » de l'auteur qui, si elle me parle toujours, n'atteint clairement pas à mon sens à la perfection de Vermilion Sands (et à vrai dire de la plupart des nouvelles de l'auteur) ou de la « trilogie de béton ». Mais bon : c'est du Ballard, hein, alors c'est bien.

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Guide des comics lovecraftiens, de Patrice Allart

Publié le par Nébal

Guide des comics lovecraftiens, de Patrice Allart

ALLART (Patrice), Guide des comics lovecraftiens : Le Mythe de Cthulhu en bandes dessinées, [s.l.], Éditions de l'Hydre, [2011] 2012, 96 p. [+ 60 p. de pl.]

 

De Patrice Allart, j'avais déjà lu le Guide du Mythe de Cthulhu, qui s'intéressait aux prolongements littéraires de l'œuvre de Lovecraft, des « Légendes dy Mythe de Cthulhu » compilées par August Derleth à tout ce qui a suivi : entreprise nécessairement un peu vaine, tant la matière est vaste et en constante évolution (on ne compte plus aujourd'hui les fanzines et anthologies s'inscrivant dans ce cadre...), mais qui donnait cependant un ouvrage fort sympathique. Le monsieur a depuis sorti un ouvrage sur les adaptations de Lovecraft au cinéma, dont je n'avais jamais entendu parler, mais qui ne saurait être pire que la bouse à Pelosato, même en passant par les griffes du légendaire Norbert Moutier.

 

Aussi le présent Guide des comics lovecraftienscomics » désignant ici les bandes dessinées en général, pas seulement les productions américaines, ni a fortiori les seules aventures de tapettes en collants) est-il présenté par son auteur comme le troisième essai d'une trilogie. On ne fait donc pas ici dans le lovecraftisme orthodoxe, mais peu importe ; le lovecraftophile a l'habitude d'ingérer des substances parfois peu ragoutantes, dès l'instant qu'on lui promet des tentacules. Certes, on se doute qu'il doit y avoir un paquet d'atrocités dans ces « adaptations » ou développements, mais aussi quelques très belles choses à l'occasion – Breccia ! Breccia ! –, et, de temps à autre, des bizarreries et autres curiosités d'autant plus savoureuses qu'elles sont improbables.

 

Bon : une chose est certaine, on fait là dans la micro-édition (voire nano ou pico, diraient certains), et ce petit bouquin souffre d'une fabrication très cheap (trop cheap, beaucoup trop : la reliure s'est très vite décollée sur mon exemplaire). On appréciera quand même les 60 pages de planches en couleurs – uniquement des couvertures, cela dit – qui reposent un peu les yeux après les pages de texte, pour le moins rudes.

 

Mais on ne s'arrêtera pas à ce premier contact, hein ? Il y a de quoi faire – et je dois dire qu'étant presque totalement inculte en la matière – Breccia ! Breccia ! est peu ou prou mon seul cri de guerre –, je m'attendais à faire d'étranges découvertes, et n'ai certes pas été déçu sous cet angle.

 

Il y a sans doute une certaine logique à ce que les premières adaptations de Lovecraft en BD firent leur apparition dans les légendaires EC Comics (Les Contes de la crypte et ce genre de choses)... avant que le couperet de la censure ne tombe, bien sûr. Cela dit, ce sont des textes parmi les plus « classiques » qui ont alors été retenus, et pas les grandes œuvres plus personnelles relevant de l'horreur cosmique, et que l'on qualifierait alors comme constituant le « Mythe de Cthulhu » (il y aura plus tard des héritiers de cet état d'esprit, cependant, qui s'aventureront davantage dans ces merveilles indicibles).

 

L'aventure se poursuit, cependant, y compris dans des BD un peu improbables pour ce genre de choses : des super-héros, si je ne m'abuse dans la période creuse entre « golden age » et « silver age », et notamment Superman, connaissent ainsi quelques incursions plus ou moins lovecraftiennes ; quand des petits nouveaux déboulent, dans un cadre d'horreur plus affirmé, comme Swamp Thing ou le Dr Strange, c'est à nouveau le cas, de manière sans doute plus appropriée.

 

Mais que doit-on dire alors de l'apparition de thématiques lovecraftiennes dans les fumetti per adulti transalpins ? Le gentleman, je n'en doute pas, aurait adoré voir ses textes ainsi malmenés dans un déluge pornographique et gore typique de certaines de ces BD, qui ont fait la GLOIRE ÉTERNELLE d'Elvifrance...

 

Mais, à vrai dire, c'est souvent au travers d' « adaptations » plus ou moins fidèles dans des univers autres que les lovecrafteries vont tout d'abord rencontrer un important écho. Ici, forcément, il faut mentionner les géniales BD autour du personnage de Conan le Barbare chez Marvel, qui ont cartonné notamment dans les années 1970 (autre période creuse pour les justiciers aux costumes ridicules ?). Ce n'est sans doute que justice, à certains égards, connaissant les liens unissant Robert E. Howard et H.P. Lovecraft (et là, je ne peux m'empêcher de regretter la disparition dans les limbes de ma collec pré-ado de ces aventures épiques en diable... que j'aimerais bien me refaire, du coup).

 

Cependant, si ces BD-là se vendent bien, il ne faut pas négliger pour autant les nombreuses adaptations dans des milieux plus confidentiels, comme l'underground américain (avec notamment Richard Corben) ou, bien sûr, de par chez nous, Métal hurlant (qui avait d'ailleurs commis un hors-série spécial Lovecraft, faudrait que j'arrive à mettre la main dessus un jour...). Et entre les deux, comme de juste : Breccia ! Breccia !

 

La donne va changer progressivement vers la fin des années 1980 et le début des années 1990 (les « anniversaires » respectivement de la mort et de la naissance de Lovecraft), avec pas mal d'œuvres revenant sur l'auteur et contribuant à le populariser, en attendant le grand succès de BD à fortes connotations lovecraftiennes, comme, bien sûr, Hellboy de Mike Mignola, et aussi un certain nombre de choses signées par DIEU, c'est-à-dire Alan Moore (dans La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, pour citer un gros succès, mais il y en a d'autres, avant le récent Neonomicon qui m'avait un peu déçu...).

 

À tout cela, et sur toute la période, il faut ajouter les adaptations en BD de films eux-mêmes inspirés (plus ou moins...) de Lovecraft, ainsi de ceux de Roger Corman (même s'ils avançaient le nom d'Edgar Allan Poe...), ou, plus tard, de gros succès des années 1980, tels les Re-Animator du tandem Gordon/Yuzna ou même les Evil Dead de Sam Raimi... sans même parler d'œuvres fortement influencées mais ne revendiquant pas de filiation directe, comme la saga des Alien.

 

Aujourd'hui, à l'évidence, Lovecraft est partout (pour le meilleur et pour le pire, comme de juste...), parfois carrément transformé en « héros » lui-même, ou servant de clin d'œil éloquent (ainsi dans Locke & Key, dont on m'a dit du bien, faudra un jour que...). Cela dit, je n'avais certainement pas conscience que c'était à ce point, et dans tous les registres, du plus sérieux et arty au plus pop et pulp, des grosses machines aux trucs beaucoup plus confidentiels.

 

Le guide de Patrice Allart est ainsi l'occasion de faire bien des découvertes, plus qu'à leur tour alléchantes... même si, pour certaines, le terme « consternantes » serait peut-être plus approprié. Une réussite, donc. Et rappelez-vous : on ne juge pas un livre à sa couverture... sauf, peut-être, si elle est reliée en peau humaine. Et encore...

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Eclipse Phase : Gatecrashing

Publié le par Nébal

Eclipse Phase : Gatecrashing

Eclipse Phase : Gatecrashing, Posthuman Studios, 2010, 200 p.

 

Je croyais m'être gardé Gatecrashing pour la fin, dans la mesure où ce supplément de contexte ne me paraissait pas hyper utile dans l'immédiat... et voilà qu'on m'annonce la sortie en VO de Firewall ! Bon, celui-là aussi, il va y passer... en son temps.

 

Dans l'immédiat, donc, Gatecrashing, supplément consacré à ladite activité, fort dangereuse, et finalement à peine esquissée dans le livre de base comme dans les suppléments qui ont suivi. On sait, depuis le départ, que l'on a trouvé et exploité dans le système solaire transhumain cinq « portails de Pandore » (nommés ainsi parce que le premier fut trouvé sur Pandore, lune de Saturne – ça tombe bien, hein ?), mystérieux artefacts d'origine inconnue – on suspecte les TITANs, mais tout cela a pourtant l'air bien plus vieux, mais alors carrément oui beaucoup – permettant d'accéder à d'autres systèmes de la Voie Lactée – essentiellement des exoplanètes, mais pas que. On sait aussi que les Courtiers, les seuls extraterrestres évolués que connaisse la transhumanité, ont formellement déconseillé voire interdit l'utilisation de ces portes, sans donner plus d'explications sur leur provenance comme sur la raison de cette prohibition, de toute façon vite outrepassée – les transhumains sont têtus, et n'aiment pas quand des amibes géantes leur disent ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire ; quant aux hypercorps avides, elles ont vite saisi le potentiel de l'utilisation de ces « portes ».

 

Et le monde d'Eclipse Phase se retrouve ainsi considérablement agrandi, avec des centaines, non, des milliers de mondes accessibles seulement – pour l'instant tout du moins – via ces étranges machineries.

 

C'est un peu ce qui me posait problème, à vrai dire. Même si un des personnages-joueurs de ma campagne était censé travailler sur Pandore même, et pratiquer à l'occasion le gatecrashing, je n'ai pas eu l'occasion de développer cet aspect jusqu'à présent (…) et n'en voyais à vrai dire pas forcément l'utilité : l'univers d'Eclipse Phase est déjà assez riche, et c'est peu dire, en se focalisant sur le seul système solaire. D'où cette lecture un peu retardée : à quoi bon ? N'était-ce pas compliquer inutilement les choses ? J'avouerais même que j'étais a priori un poil sceptique quant à l'opportunité de ce supplément, et en ai entamé la lecture un peu à reculons, craignant qu'il fasse un peu tache à côté du reste, dont je n'ai cessé et ne cesserai de vanter l'excellence.

 

Bien sûr, mes craintes étaient totalement infondées, et Gatecrashing est bel et bien à la hauteur du reste.

 

On commence en présentant par le menu cette activité casse-cou qu'est le gatecrashing, avec tout ce qu'il implique. Il s'agit notamment d'évoquer les différents types de missions que peuvent être amenés à remplir les gatecrashers (exploration, exploitation, colonisation, recherche scientifique...) et les dangers qui leur sont inhérents. Tout ceci est bien fait, comme d'habitude, mais ce n'est pas cela qui m'a convaincu de la réussite de ce supplément.

 

À vrai dire, ce n'est pas non plus le (bref) chapitre suivant, consacré à la description des cinq portails du système solaire et à la présentation de leurs exploitants, qui m'a pleinement séduit, d'autant que, pour une fois et bizarrement, j'ai trouvé ça un peu court...

 

Après, cependant, il y a le gros du bouquin, et là j'ai craqué. Il y en a pour tous les goûts, et c'est l'occasion de se prendre une grosse, mais alors très grosse baffe de « sense of wonder ». On a l'impression que les auteurs ont parcouru toute la science-fiction afin d'en extraire le plus précieux, original et intrigant, et d'élaborer ainsi ces mondes autres qui présentent un intérêt particulier pour Firewall (que ce soit en raison d'un risque-X ou de quelque chose de moins évident à cerner) ; ne jamais oublier en outre qu'il y a des milliers d'autres mondes accessibles, dont la plupart n'ont été que très superficiellement explorés. Un régal à chaque page, bourré d'idées toutes plus réjouissantes (et régulièrement terrifiantes...) les unes que les autres (j'aime beaucoup, à titre d'exemple, le « Facebook extraterrestre » de Giza...). Chacun y trouvera son bonheur, donc. Même s'il y a fort à parier que la quête de la vie intelligente joue un rôle particulier, et je ne parle pas ici seulement de xéno-archéologie (domaine si passionnant, il est vrai).

 

Le dernier chapitre, comme d'habitude, comprend les « informations de jeu », c'est-à-dire la technique (règles d'utilisation des portails, nouveaux morphes – qui ont cependant été repris depuis dans le Morph Recognition Guide –, nouvel équipement, etc.), mais aussi les « secrets » réservés au maître de jeu : l'occasion de rajouter une vingtaine de pages aux développements précédents concernant les exoplanètes (et plus puisque affinités) ; il ne faut cependant pas en attendre des réponses claires et nettes (bon nombre d'éléments essentiels sont laissés à la discrétion du maître de jeu), mais bien plutôt des pistes, à exploiter ou pas ; et ça en fait un paquet...

 

Oui, donc : Gatecrashing est bel et bien un excellent supplément, qui étend la profondeur d'Eclipse Phase d'une manière impressionnante, confirme la richesse sidérante (à vrai dire un peu étouffante, à ce stade...) de son univers, et garantit des dizaines, soyons fous des centaines, nan DES MILLIERS de parties fascinantes. Bon sang que j'aime cette gamme...

 

Allez, faut que je me dégotte Firewall. Hop.

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The Void : Secrets of the Void

Publié le par Nébal

The Void : Secrets of the Void

The Void : Secrets of the Void, Wildfire, 2014, 29 p.

 

Si le livre de base de The Void décrivait très correctement le background pour ce qui est de la partie anticipation/SF/prétendument « hard science », sans se montrer très convaincant d'ailleurs (enfin, par rapport à – au hasard, hein – Eclipse Phase, c'était quand même très léger et timide), les éléments spécifiquement « lovecraftiens » n'y étaient finalement guère présents. Certes, on parlait de cette étrange « Étoile Chthonienne » qui se rapprochait du système solaire en réveillant tout un paquet de sales bébêtes endormies et oubliées, mais sans avoir véritablement d'éléments très concrets permettant de mettre tout cela en scène. À vrai dire, le livre s'intéressait nettement plus aux conséquences façon « horreur survivaliste » (avec des gros morceaux d'Alien dedans) du voyage de ladite « étoile », qu'à un fond lovecraftien (ou derlethien, ou truc) supposé rendre la chose un peu plus originale, en participant de sa singularité et au-delà de son intérêt en tant que jeu.

 

Ce très bref supplément qu'est Secrets of the Void s'imposait donc pour prendre en considération tout le sel de The Void. Les informations qu'il contient, destinées comme de juste au maître de jeu, auraient d'ailleurs trouvé parfaitement leur place dans The Void : Core, mais bon : on ne va pas trop râler, au vu des tarifs et du mode de commercialisation du jeu de Wildfire... Il n'en reste pas moins que Secrets of the Void est à mon sens indispensable.

 

En moins de trente pages – assez remarquables de synthèse, avouons-le –, Secrets of the Void révèle la vérité quant à l' « Étoile chthonienne » et l'histoire authentique de notre système solaire – notamment en ce qui concerne les différentes créatures qui l'ont écumé avant les insignifiants humains : Choses Très Anciennes, Grand-Race, Mi-Go et Polypes ont ainsi plus de corps.

 

Sont également évoqués, bien sûr, les « Anciens Dieux » – si tant est que l'on puisse parler de dieux en l'espèce (à titre d'exemple, le premier cité est inévitablement Cthulhu, pourtant un prêtre extraterrestre qui colle mal à cette désignation métaphysique ; ce qui le distingue d'Azathoth, Yog-Sothoth, Shub-Niggurath ou Nyarlathotep, qui ont des attributs plus « divins » pas forcément évidents à justifier) –, selon un classement un brin douteux, mais bon : la question est complexe... Suivent les races extraterrestres, celles « de serviteurs » et les « indépendantes », ce qui recoupe un peu les éléments avancés dans l'histoire du système solaire, à l'occasion.

 

Ce petit livret présente ensuite différents cultes (fournissant bien des « cultistes » à massacrer à coups de mega-blaster...), puis des lieux particuliers, tels les Contrées du Rêve, le Plateau de Leng ou R'lyeh (pas toujours évidents à insérer dans ce contexte de SF décidément pas très « hard science »...).

 

Enfin, les conséquences de l'approche de l' « Étoile Chthonienne » sont évoquées en fonction des planètes ou autres endroits importants du système solaire.

 

Tout cela est parfois un peu trop lapidaire pour être directement employé, mais mieux vaut ça que rien ; Secrets of the Void en dit parfois trop, parfois pas assez, ne parvenant guère à trouver l'équilibre idéal qui fait les bons suppléments de contexte. Mais, quand bien même il se montre un peu frustrant, il me semble peu ou prou indispensable, afin de donner au maître de jeu une base assez riche – quitte à ce que celui-ci s'en défasse rapidement, préparant ses scénarios en réaction.

 

Je vous parle prochainement de Pandora's Paths 1 : Adventures, un bref recueil de scénarios illustrant peut-être malgré lui les atouts et limites de The Void...

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Excession, de Iain M. Banks

Publié le par Nébal

Excession, de Iain M. Banks

BANKS (Iain M.), Excession, [Excession], traduit de l'anglais par Jérôme Martin, préface de Gérard Klein, Paris, Robert Laffont – LGF, coll. Le Livre de poche Science-fiction, [1996, 1998, 2002] 2007, 633 p.

 

Retour au « cycle de la Culture » de Iain M. Banks, avec ce quatrième roman qu'est Excession. Je vous ai fait part, en traitant des trois premiers romans, de ma déception relative à l'égard de ce cycle culte de la science-fiction contemporaine, dont j'attendais il est vrai beaucoup. Attention, hein : je ne dis pas que ces romans étaient « mauvais » ; ils étaient « bons », oui ; seulement, ils étaient (nettement) moins « bons » que ce que j'espérais en fonction des louanges adressées à ce cycle par des gens de bon goût. J'avais cependant l'impression de ressentir un léger mieux au fur et à mesure (même si j'avais perdu tout souvenir de L'Usage des armes...). Et avec Excession, ça y est, enfin : cette fois, à mon sens, nous n'avons pas affaire à un « bon roman », mais à un roman vraiment bon ; je trouve toujours ça un peu longuet par moments, et la construction m'a parfois laissé sceptique, mais le fait est que j'ai passé un excellent moment à la lecture de ce quatrième tome.

 

Deux raisons à cela, sans doute : la principale, sur laquelle je reviendrai un peu plus loin, c'est qu'on est vraiment ici au cœur de la Culture, qui, en même temps, paraît moins monolithique que d'habitude (et décidément de moins en moins sympathique ?), notamment du fait des dissensions bien pensées de certains Mentaux, ces intelligences artificielles qui tirent plus que jamais les ficelles, et qui fournissent les éléments les plus intéressants de l'intrigue.

 

Et puis, bien sûr, il y a l'Excession du titre. Qu'est-ce qu'une Excession ? C'est une très bonne question, et je vous remercie de l'avoir posée. Mais tout le problème est là : on ne sait pas ce que c'est que cet étrange et gigantesque artefact en orbite autour d'une naine brune. Il a tout d'un classique « Big Dumb Object », et c'est un sous-genre de la science-fiction qui a toujours eu ma sympathie. Cette Excession, quoi qu'il en soit, pourrait poser de graves problèmes, en elle-même, ou, de manière plus indirecte, parce qu'elle suscite tant la curiosité que la convoitise.

 

Par exemple celle d'une nouvelle espèce belliqueuse (qui nous ramène un peu aux Idirans d'Une forme de guerre), ces Affronteurs (ils se sont fait une gloire de ce sobriquet péjoratif), grands amateurs de chasse et de bataille, pas ouvertement en guerre contre la Culture, même s'il suffirait sans doute d'un rien pour que ça pète. Or, cette Excession, ce n'est pas exactement « rien »...

 

Genar-Hofoen fait figure de diplomate de la Culture au sein de l'Affront, et est bien conscient de ce risque de conflit permanent. En même temps, il éprouve une certaine sympathie pour ce peuple guerrier aux valeurs tranchées... Mais, dès le départ, avant même que l'Excession entre vraiment en jeu, Circonstances Spéciales interrompt sa mission pourtant plus que jamais cruciale, en le rapatriant pour qu'il vienne régler une bien mystérieuse affaire... qui le confrontera en définitive à son passé le moins reluisant.

 

Cela dit, si cette trame n'est pas inintéressante – et si les Affronteurs sont intéressants –, ce qui fait vraiment tout le sel d'Excession, c'est bien ce « Big Dumb Object », et le fait qu'il intrigue en premier lieu des Mentaux. Certains d'entre eux sont de la Culture, mais peuvent en représenter plusieurs tendances très diverses, chose que l'on n'avait guère ressentie dans les romans précédents (pour ma part et sans surprise, j'aime beaucoup les hédonistes de « Bof-Laisse-Tomber »...). Il y a aussi, juste à l'extérieur de la Culture, les Elenchs, qui s'en sont séparé du fait des questions d'hégémonie et d'impérialisme (thème essentiel du cycle, donc), eux qui sont prêts à subir des modifications au contact des autres plutôt que de chercher à leur imposer à tout crin un modèle immuable (forcément, je les aime beaucoup, eux aussi). Et, inévitablement, les Affronteurs seront bientôt de la partie... ainsi qu'un trouble-fête lui aussi issu de la Culture, l' « excentrique » (c'est rien de le dire) Service-Couchettes, qui permettra en outre de faire le lien avec la quête de Genar-Hofoen.

 

Mais cet humain est en définitive secondaire, à mes yeux en tout cas. Les Mentaux qui dirigent ces énormes vaisseaux spatiaux, qu'ils soient « bizarres » comme Service-Couchettes ou plus fermement impliqués dans la politique de la Culture, sont les vrais personnages centraux d'Excession. Et leurs échanges comme leurs divers complots, qui ne tardent pas à plonger le lecteur dans une inquiétante et en même temps amusante (…) paranoïa, sont tout à fait réjouissants (au-delà de leurs seules désignations tirées par les cheveux).

 

Et c'est grâce à eux que l'on aboutit enfin – même si ce thème était déjà présent, mais à mon sens d'une manière moins subtile, dans les trois premiers romans – à ce que j'attendais du « cycle de la Culture » : pas seulement du baroque et du « sense of wonder », mais aussi une vraie réflexion politique, critique d'une utopie qui se veut elle-même critique.

 

Banks réussit ainsi pleinement son coup, et son roman contient le meilleur de la science-fiction contemporaine, que ce soit sous l'angle du divertissement (car celui-ci reste très présent, qui plus est non dénué d'humour) ou sous celui de la réflexion, ici essentiellement politique et sociétale.

 

Et donc voilà : avec Excession, en ce qui me concerne, on entre enfin véritablement dans ce que le « cycle de la Culture » peut offrir de meilleur. Cette fois, mes petits bémols, quand bien même toujours présents à un moindre degré, s'écrasent devant la justesse de l'ensemble.

 

Suite des opérations avec Inversions... qui, hélas, est loin de m'avoir autant convaincu.

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The Dying Earth : The Compendium of Universal Knowledge

Publié le par Nébal

The Dying Earth : The Compendium of Universal Knowledge

The Dying Earth : The Compendium of Universal Knowledge, Pelgrane Press, [2006] 2007, 285 p.

 

Jack Vance, avec la tétralogie de « la Terre Mourante », a créé un univers baroque et foisonnant, unique en son genre. Le lexique est abondant, qui n'est pas toujours mis en valeur autrement que par le contexte, et dans le but de susciter l'émerveillement par l'exotisme. Pour dire les choses clairement, et sans porter le moindre jugement de valeur, Vance n'était pas Tolkien. La Terre mourante du dernier Éon n'a pas le côté « carré » et précisément défini de la Terre du Milieu telle qu'elle a pu être élaborée au cours d'une vie entière ou presque. L'univers vancien, d'ailleurs, est du coup peut-être plus sujet encore à contradictions qu'Arda, mais sans doute posent-elles moins de problèmes.

 

Quoi qu'il en soit, la Terre mourante est un univers à la fois séduisant et plein de trous, et la tentation est forte de venir les combler, ou du moins apporter son grain de sel, sous une forme ou une autre. Cela a pu déboucher sur divers projets littéraires, avant même la grosse et très recommandable anthologie de Gardner Dozois et George R.R. Martin Chansons de la Terre mourante (en verra-t-on enfin un jour le troisième et dernier tome en français ? Grmbl...).

 

Une autre possibilité était le jeu de rôle. Dès le début, à vrai dire : Gary Gygax a volontiers reconnu avoir emprunté au monde vancien pour le vénérable Donjons & Dragons, notamment pour la magie, mais aussi au-delà. Puis, bien plus tard, Pelgrane Press a sorti l'adaptation officielle et approuvée par le Maître, The Dying Earth (en « français », Dying Earth, la Vieille Terre). L'univers s'y prêtait tout particulièrement et il y avait tant de choses à explorer dans les creux qu'on pouvait se permettre d'être créatif, tout en respectant l'œuvre vancienne, à la lettre et dans l'esprit. Plusieurs suppléments ont dès lors été publiés, qui ont joué le jeu du bouche-trous. Ce qui a fini par donner une masse d'informations relativement énorme, qu'il pouvait être intéressant de mettre à plat sous forme de synthèse.

 

Tel est l'objet de ce Compendium of Universal Knowledge, qui reprend tout ce qui avait été dit alors sur l'univers de la Terre mourante, dans les livres de Vance comme dans les suppléments de jeu de rôle (et peut-être aussi ailleurs, comme dans le roman La Revanche de Cugel l'astucieux de Michael Shea ?).

 

Ce Compendium est donc présenté sous la forme d'un dictionnaire au format A4, avec police riquiqui mais mise en page aérée, abondamment illustré (mais c'est généralement assez moche, et les cartes sont toujours aussi illisibles à mes yeux...). Et donc voilà : de « Accic Ocean » à « Zo Zam », tout, tout, tout, vous saurez tout sur la Terre mourante.

 

Les visas commencent par définir une catégorie à laquelle renvoyer le terme : objet, lieu, sortilège, créature, terme technique, etc.

 

On trouve ensuite le « Canon », généralement assez court, qui résume les informations certaines et « officielles » (entendre par-là celles qui figurent de manière clairement posée dans les quatre livres de Jack Vance).

 

Après le « Canon », le gros de l'article, le plus souvent, est occupé par les « Opinions », développements plus abondants mais sujets à contradictions, déduits de l'univers vancien, du contexte, etc., et qui forment dans un sens le matériau de base du jeu de rôle. Ces « Opinions » sont rapportées par des « Amis du Compendium », décrits en fin d'ouvrage, tous dotés d'une forte personnalité et qui ne rechignent certes pas à se marcher sur les pieds à la moindre occasion, en fonction de leurs passés réciproques.

 

On trouve aussi parfois des « Rumors of Impending Hazard », qui sont autant de pistes à creuser pour bâtir un scénario ou ne serait-ce qu'une transition ou une fausse piste (mais je n'ai le plus souvent pas été convaincu par ces suggestions, trop légères ou trop bourrines à mon goût...).

 

Enfin, les (assez rares) informations d'ordre technique figurent dans des encadrés grisés.

 

Le Compendium est un dictionnaire : en tant que tel, même pour les fans les plus acharnés, il a sans doute quelque chose de rébarbatif... J'aurais par ailleurs tendance à lui reprocher de trop mettre l'accent sur les créatures (on a parfois l'impression de lire un bestiaire...). J'a enfin trouvé regrettable que, en dépit des « Opinions » et des rivalités qu'elles suscitent, le livre soit nettement moins drôle et flamboyant que les autres textes du jeu que j'avais eu l'occasion de lire jusqu'à présent (en français il est vrai)...

 

Ceci étant, le Compendium of Universal Knowledge reste un supplément intéressant pour les rôlistes, qui y trouveront sans nul doute matière à étoffer leurs parties, et peut-être même pour les simples amateurs de l'œuvre vancienne, qui se replongeront ainsi avec plaisir dans cet univers d'une richesse incomparable (et dont on prend vraiment conscience ici, en se noyant sous les articles). Ouvrage bien conçu (en « hypertexte », au sens où chaque article est lié à nombre d'autres), et qui a le bon goût de distinguer intelligemment ce qui vient de la source originelle et ce qui en a été extrapolé depuis (j'aimerais bien que d'autres jeux de rôles « adaptés » procèdent ainsi, mais bon...), le Compendium of Universal Knowledge s'avère donc satisfaisant, même si l'on peut le critiquer ici ou là.

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