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Autopromo et copinage : "Bifrost", n° 73. "H.P. Lovecraft"

Publié le par Nébal

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Bifrost, n° 73. H.P. Lovecraft, Saint Mammès, Le Bélial’, janvier 2014, 191 p.

 

Un numéro de Bifrost un peu spécial pour moi, dans la mesure où j’y ai participé plus qu’un chouia (ce qui prohibe bien évidemment tout compte rendu).

 

En effet, d’une part, s’y trouvent deux de mes comptes rendus : Chansons de la Terre mourante 2 de Gardner Dozois & George R.R. Martin (dir.) (pp. 82-83) et Europole de Jérôme Noirez et collectif (pp. 101-103).

 

Mais, d’autre part, on y trouvera quatre articles de ma pomme : « H.P. Lovecraft : une vie » (pp. 126-133), « Précurseurs et influences : les racines littéraires d’H.P. Lovecraft » (pp. 134-142), « Lovecraft en France : petite histoire d’une réception critique » (pp. 156-161) et « Le Bon Commerce des livres maudits » (pp. 162-165).

 

Je ne sais pas s’il me sera possible de les rapatrier ici un jour. En attendant, je vais en lister ici les critiques. Et n’hésitez pas, je vous en prie, à me donner votre avis sur la chose, quel qu’il soit.

 

Hop.

 

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"Europole", de Jérôme Noirez et collectif

Publié le par Nébal

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NOIREZ (Jérôme) et collectif, Europole. Guide de résistance dans la titanopole rétrofuturiste, illustrations d’Aurélien Police, [s.l.], Mnémos, coll. Ourobores, 2013, [n.p.]

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 73 (pp. 101-103).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant quelque temps.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop :

 

La décidément très séduisante collection « Ourobores » de Mnémos constitue depuis ses origines une passerelle de choix entre le jeu de rôle et les littératures de l’imaginaire. Ce n’est certes pas Europole qui va faire mentir cette réputation, et c’est même probablement, jusqu’à présent, l’ouvrage qui affiche le plus cette double parenté. Il se fonde en effet sur l’univers du jeu de rôle Rétrofutur (hélas indisponible aujourd’hui…), créé par Raphaël Bardas, Sébastien Célerin, Mael le Mée, Tristan Lhomme et Frédéric Weil. Tout un collectif d’auteurs s’est joint à Jérôme Noirez (directement responsable d’environ un quart de l’ouvrage, essentiellement le premier dossier) pour revisiter cet univers (dans sa globalité : c’est bien le monde entier qui est ici couvert selon le point de vue de la Résistance, et pas seulement l’Europole ; le titre, du coup, n’est sans doute pas très bien choisi…), tandis que les illustrations et la mise en page étaient confiés aux bons soins d’Aurélien Police, qui a accompli un travail remarquable. Ce qui nous vaut un bien bel ouvrage, à même de séduire au-delà des seuls rangs de ceux qui connaissaient déjà l’univers de Rétrofutur, et même au-delà des rôlistes en général.

 

Le cadre : des années 1950 déglinguées, dans un univers uchronique mêlant joyeusement les genres et très riche de références plus ou moins saugrenues. Le premier dossier, ainsi, est dû à la plume d’un certain « Bill Lee » échappé tout droit du Festin nu, qui nous ballade dans un monde aussi cauchemardesque qu’hilarant, délire totalitaire bureaucratique qui ne manque pas d’évoquer Brazil ; à l’autre bout du livre, le quatrième et dernier dossier, consacré au « paranormal », fait le grand écart entre Lovecraft et Philip K. Dick en passant par A.E. Van Vogt (entre autres…). D’ici là, on s’est également vu offrir un passionnant aperçu des « marges » de l’univers rétrofuturiste (mafias, terroristes, « non-alignés »…) ainsi que des diverses technologies que l’on peut y croiser (autant le dire de suite, et en rester là : ce troisième dossier est quelque peu décevant, c’est sans doute le moins intéressant d’Europole).

 

La divergence historique se situe dans les années 1860, quand eut lieu le Contact : des scientifiques, tout d’abord, puis d’autres catégories d’individus, sont entrés en relation avec les mystérieux Étrangers… ou, du moins, c’est ce qui se dit officiellement. Il s’en est suivi, dans l’attente de l’arrivée sur notre planète de ces extra-terrestres démiurgiques, une révolution industrielle et technocratique, qui a balayé sur une bonne partie du globe les États-nations archaïques : le monde est aux mains des Agences, et les citoyens, habitant de gigantesques titanopoles, sont devenus des administrés. En résulte un monde entre Orwell et Kafka, dont l’abomination n’a d’égale que l’absurdité (très bien rendue par de nombreux et délicieux traits d’un humour fortement corrosif, entre le jaune et le noir). Mais les Agences ne contrôlent en définitive pas tout, et, au-delà des marges, au cœur même de la société rétrofuturiste, la Résistance livre un combat acharné contre la tyrannie bureaucratique et le mythe des Étrangers…

 

C’est donc le point de vue de la Résistance qui est ici donné, au travers de quatre dossiers constitués par d’éminents membres du Mouvement et destinés à l’édification des masses. On a ainsi droit à un fascinant tour d’horizon – nécessairement partiel et partial, mais ça fait partie du jeu –, au travers de témoignages divers et autres « pièces à conviction » : des publicités, des catalogues, des revues, les actes d’un colloque… Autant de documents qui permettent de s’immerger dans l’univers rétrofuturiste.

 

Europole, dans son genre très particulier, est à n’en pas douter une réussite. Très bien conçu, agréable à l’œil, ce guide de résistance donne à découvrir un monde extrêmement séduisant, d’une richesse insoupçonnée. On se plonge avec un grand plaisir dans cet univers à la fois très référencé (on ne compte pas les « citations », et votre serviteur en a sans doute laissé passer un bon paquet) et d’une originalité pourtant indéniable. Indispensable pour les amateurs de rétrofuturisme, Europole constitue par ailleurs une porte d’entrée bienvenue à ce genre très particulier. Un beau cadeau, à n’en pas douter.

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"Chansons de la Terre mourante 2", de Gardner Dozois & George R.R. Martin (dir.)

Publié le par Nébal

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DOZOIS (Gardner) & MARTIN (George R.R.) (dir.), Chansons de la Terre mourante 2, [Songs of the Dying Earth], traduit de l’anglais par Florence Dolisi, Célia Chazel, Emmanuel Chastellière, Jean-Daniel Brèque, Patrick Dusoulier, Pierre-Paul Durastanti et Éric Holstein, Chambéry, ActuSF, coll. Perles d’épice, [2009-2010] 2013, 424 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 73 (pp. 82-83).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant quelque temps.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop :

 

« […] l’œuvre de Jack Vance d’il y a cinquante ans se détache toujours. C’est une oasis pour l’imagination, un jardin farfelu au milieu d’un marécage. » C’est John C. Wright qui le dit, dans la postface à sa contribution à ce deuxième tome de la gigantesque anthologie Chansons de la Terre mourante. Le premier volume avait placé la barre assez haut, et l’on pouvait légitimement se montrer curieux de la suite. Retour, donc, à cet hommage passionné à l’une des plus belles créations vanciennes, avec huit nouvelles pour autant d’auteurs, et non des moindres parfois.

 

Cela dit, il arrive aux noms les plus célèbres de se planter… et c’est hélas ce qui arrive dès le texte inaugural, avec « Evillo l’Ingénu » de Tanith Lee, ou l’histoire d’un jeune couillon fasciné par les récits concernant l’astucieux Cugel (on le comprend) ; hélas, si ce texte est référencé, c’est au point d’en être servile ; quant au côté picaresque, il est traité façon sprint : tout va très vite, trop vite, et l’on s’ennuie. Puisqu’on en est aux échecs, enchaînons sur « Gorlion d’Almérie » de Matthew Hughes : c’est dommage, ça partait vraiment bien, cette histoire de type qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment, avec beaucoup d’astuce dans la mise en place et le point de vue ; mais le texte devient bien vite incroyablement confus, à vouloir trop en faire dans le baroque. Raté…

 

Deux récits assez sympathiques, ensuite, encore qu’un peu anodins. Il en va ainsi de « La Tragédie lamentablement comique (ou la comédie ridiculement tragique) de Lixal Laqavee » de Tad Williams, ou les mésaventures d’un petit escroc qui croyait pouvoir se faire un magicien et un déodande ; très amusant, plutôt bien fait, mais la fin donne une vague impression de bâclage. On citera également ici « Incident à Uskvosk » d’Elizabeth Moon, arnaque à la course de cafard orchestrée par un nain obligé de se faire passer pour un gamin ; rigolo, là encore, mais sans plus.

 

Un cran au-dessus, on trouve Paula Volsky, pour « Les Traditions de Karzh » : juste après la nouvelle de Tanith Lee, c’est une leçon de picaresque vancien plein d’astuce. John C. Wright, dans « Guyal le Conservateur », sait lui aussi pleinement profiter du cadre de la Terre mourante : c’est chatoyant, ça foisonne, bref, c’est vancien et tout à fait délicieux. Un texte légèrement problématique, ensuite, avec « La Proclamation de Sylgarmo » de Lucius Shepard : la nouvelle est indéniablement bonne, le projet ambitieux, l’idée de voir Cugel à travers les yeux de ses ennemis intéressante… mais, même en tenant compte de tout cela, votre serviteur n’y a guère reconnu la sympathique fripouille créée par Jack Vance ; cela dit, indépendamment, cela reste très recommandable. Reste enfin Neil Gaiman… qui fait débuter « Invocation de l’incuriosité » de nos jours, en Floride ! Un récit très bien pensé, d’une évidence élégante, et assurément très efficace.

 

Bilan plutôt positif, donc, pour ce deuxième volume des Chansons de la Terre mourante. Cela dit, on est quand même probablement dans une autre catégorie que pour le premier tome : on n’y trouve pas (à part peut-être chez Neil Gaiman, voire John C. Wright ?) de textes aussi marquants, et deux tristes ratages viennent quelque peu plomber le bouquin. Mais cela reste une lecture très plaisante ; hâte, du coup, de lire le dernier volume, avec des gens comme Dan Simmons ou Mike Resnick.

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"Josey Wales hors-la-loi", de Forrest Carter

Publié le par Nébal

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CARTER (Forrest), Josey Wales hors-la-loi, [The Rebel Outlaw Josey Wales], traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Guiloineau, préface de Xavier Daverat, Albi, Passage du Nord-Ouest, coll. Short Cuts, [1973, 1976, 2008] 2013, 221 p.

 

On connaît sans doute aujourd’hui Josey Wales hors-la-loi avant tout pour le film qu’en a tiré Clint Eastwood, et dans lequel beaucoup ont vu un message humaniste, de tolérance, de paix et de rédemption. La réalité est cependant quelque peu différente, ainsi que l’explique fort bien Xavier Daverat dans une très instructive préface : le fait est que l’auteur Forrest Carter, de son vrai nom Asa Earl Carter, était un beau salaud. Ardent partisan de la suprématie blanche et même Klansman notoire, Carter a fait ses débuts en politique, du côté qui ne sent vraiment pas bon, avant de se mettre à écrire des romans. On pourrait dès lors s’étonner de ce que cet ignoble personnage ait livré une œuvre aussi forte et a priori à l’opposé de ses convictions politiques premières. Mais ce serait en faire une lecture bien naïve, sans doute ; Josey Wales hors-la-loi reste en fin de compte un roman très ancré politiquement, en ce qu’il décrit le combat d’un homme (un vrai : dur teinté de bouseux) contre le « système » (aha) incarné par le vilain gouvernement yankee, contre lequel l’auteur n’a pas de mots assez durs, et qu’il stigmatise impitoyablement au travers des exactions commises par les moins présentables de ses séides, tout en fermant les yeux sur leurs équivalents rebelles (même si un Bloody Bill Quantrill est cité, mais, justement, comme un héros…).

 

En effet – on retrouve ici, avec quelques années d’avance, la thématique de Chevauchée avec le diable de Daniel Woodrell, dont je vous avais parlé il y a de cela quelque temps –, le roman trouve son origine dans la guerre de Sécession, et même avant, dans un sens, puisque les abominations commises tant par les Jayhawkers que par les Bushwhackers dans le Kansas et le Missouri avaient commencé plus tôt. La femme et le fils de Josey Wales ont été tués par des salopards de Yankees, aussi est-il devenu un guérillero rebelle, aux côtés d’un Quantrill, donc, ou plus encore de Jesse James et de ses associés. Quand la guerre s’achève, Wales refuse de déposer les armes ; il faut dire qu’il n’a nulle part où aller… Homme pétri de haine et dévoré par la soif de vengeance, Josey Wales devient ainsi au plein sens du terme un hors-la-loi.

 

Au cours du braquage audacieux d’une banque, son jeune camarade Jamie est grièvement blessé. C’est ce qui va lancer Josey Wales dans une fuite éperdue constituant la majeure partie du roman, en direction des Territoires indiens tout d’abord, puis du Mexique, en passant par le Texas. Jamie – on s’en doute, je ne vous spoile rien… – ne tarde pas à mourir, et notre héros se retrouve sans autre objectif que de survivre pour lui-même. Mais une série de rencontres va changer cet état de fait : tout d’abord, deux Indiens, Lone Watie (parent de Stand Watie, seul cas de général confédéré indien) puis la jeune Petit Clair de Lune ; ensuite, deux pionnières parties s’installer au Texas, Grand-Mère Sarah et sa petite fille Laura Lee. Cette petite communauté – à laquelle on peut ajouter un chien galeux… – va tenter de trouver la paix dans un ranch isolé et fort utopique, mettant ainsi un terme à la fuite que l’on aurait pu croire sans fin du hors-la-loi rebelle Josey Wales.

 

Humanisme et tolérance : oui, certes. Il y a de ça. Mais pas que. Et il ne faut sans doute pas se contenter d’une lecture trop hâtive, qui pourrait conduire à des contresens. Ainsi en ce qui concerne les Indiens (notons au passage que Forrest Carter prétendait avoir du sang indien, et que son plus célèbre ouvrage, Petit Arbre, a longtemps été vendu, y compris en France, comme le récit autobiographique de l’enfance d’un Indien…) : ici, ils sont avant tout des incarnations, paradoxales seulement en apparence, d’une certaine forme de gentlemen sudistes victimes de l’oppression des Yankees… Tout, par ailleurs, relie le mode de vie indien idéalisé chez Lone Watie et Petit Clair de Lune à la figure du « montagnard » Josey Wales. La question est sans doute un peu plus délicate pour ce qui est du chef comanche Dix Ours (à qui est dédié le livre), mais on sait néanmoins ce qu’il en est, dans certains milieux, de la fierté guerrière du « sauvage », du « naturel »…

 

Qu’on n’y attache pas trop d’importance, cela dit : Josey Wales hors-la-loi gagne à être lu selon ces éclairages, c’est ma conviction, mais on peut bel et bien se contenter d’une lecture plus « premier degré », et s’attacher au message de fraternité et à la quête de « rédemption » (mais en est-ce vraiment une ?) du héros. Et ce n’est certes pas, par ailleurs, un lecteur de Lovecraft tel que votre serviteur qui oserait prétendre que le livre est illisible au seul motif que l’auteur est largement infréquentable…

 

Et il y a certes dans le roman de Forrest Carter de beaux morceaux de bravoure, de grands moments de western, du passage du bac au nez et à la barbe des cavaliers yankees à la très forte pénultième scène de « l’identification » de Josey Wales, en passant par l’attaque des comancheros et, bien sûr, le défi à Dix Ours. Josey Wales, figure héroïque par excellence (encore que j’y préfère pour ma part le décidément remarquable Shane de L’Homme des vallées perdues, je m’étais longuement expliqué à ce sujet), ne manque pas de charisme, et s’il est sans doute trop taciturne (et trop balaise…) pour s’attirer pleinement la sympathie, il n’en va pas de même de Lone Watie et Petit Clair de Lune, personnages très attachants. Autant d’aspects qui font de Josey Wales hors-la-loi un bon western.

 

 

Mais, à mon sens, pas un si bon western que ça, et je ne peux que confesser avoir lu autrement plus convaincant dans le genre, en dépit du statut de « classique » de cet ouvrage. La faute essentiellement à un style au mieux insipide, au pire franchement pénible, mal (ou trop bien ?) rendu par une traduction qui m’a paru pour le moins contestable à l’occasion (mais je vais arrêter de dire des bêtises sur la traduction, désormais…). J’ai en effet grincé des dents régulièrement à la lecture de Josey Wales hors-la-loi, roman dont la forme laisse tout de même pas mal à désirer… Alors si l’on y ajoute le côté tout de même un peu « too much » de Josey Wales, qui le fait parfois ressembler à une caricature, et enfin, malgré tout, certains éléments un brin puants du sous-texte…

 

Bref : à dire le vrai, et même si je lui reconnais d’indéniables qualités, Josey Wales hors-la-loi m’a tout de même un peu déçu, et ne me paraît pas tout à fait à la hauteur de sa réputation. Me reste cependant à voir le film de Clint Eastwood (eh oui, honte sur moi, je ne l’ai pas vu…), et aussi, tant qu’à faire, à lire la « suite » qu’a donnée Forrest Carter à ce roman, publiée en son temps au Masque, et que j’ai récupérée grâce à la bienveillance de généreux donateurs, que leurs noms soient sanctifiés pour les siècles des siècles (amen). Verra bien…

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"Terreur apache", de W.R. Burnett

Publié le par Nébal

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BURNETT (W.R.), Terreur apache, [Adobe Walls], traduit de l’anglais (USA) par Fabienne Duvigneau, postface de Bertrand Tavernier, Arles, Actes Sud, coll. L’Ouest, le vrai, [1953] 2013, 213 p.

 

Terreur apache de W.R. Burnett est un des premiers titres parus dans l’alléchante collection « L’Ouest, le vrai » dirigée par Bertrand Tavernier chez Actes Sud (décidément, le western littéraire semble avoir le vent en poupe en ce moment, et ce n’est certainement pas votre serviteur qui va s’en plaindre). Du fait de ce statut bien particulier, on peut être tenté – et je ne m’en prive pas – d’y trouver une éventuelle dimension programmatique. Si tel est bien le cas, « L’Ouest, le vrai » s’annonce particulièrement sauvage et violent… Car Terreur apache est un roman sans concessions, comme on dit (on nous dit aussi qu’il se trouve aux antipodes du « politiquement correct » ; certes, certes…) ; un roman âpre et violent, qui traite le mythe de la Frontière avec « réalisme » (comme on parle de paradigme « réaliste » en relations internationales, aurais-je envie de dire…), bien loin de tout angélisme. Ce qui peut susciter quelques nœuds dans l’estomac du lecteur, et votre serviteur n’a pas été épargné. Ici, soyez prévenus, les Indiens – les Apaches, donc, en l’occurrence – sont des sauvages et/ou des traîtres ; mais les Blancs ne valent pas vraiment mieux. Et le « héros » (les guillemets s’imposent sacrément), le chef des éclaireurs Walter Grein, est passablement repoussant ; à vrai dire, tous les personnages du roman sont antipathiques au possible, et il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Ce qui n’est certes pas une critique, juste un constat, mais qui en dit long sur le positionnement philosophique du roman (de même que la qualification proposée par Bertrand Tavernier dans sa postface, qui nous décrit plus ou moins l’auteur – célèbre notamment pour ses romans noirs tel Quand la ville dort et ses scénarios dont celui de Scarface – comme correspondant à la figure, si ambiguë qu’elle relève à bien des égards elle aussi du mythe, de « l’anarchiste de droite »).

 

Mais l’histoire, tout d’abord. Nous sommes en 1886 en Arizona. Les Apaches, guerriers hors-pairs mais particulièrement sanguinaires, sont – comme de juste ? – relégués dans des réserves. Mais un jeune chef apache, Toriano – qui a été éduqué chez les Blancs, on pense nécessairement à ces « colonisés » devenus leaders indépendantistes après avoir été formés chez les colonisateurs – quitte la réserve avec une petite troupe, et – c’est le titre – se met à semer la terreur dans les environs. L’armée n’est guère qualifiée pour le combattre : Toriano mène une véritable guérilla  caractérisée par sa souplesse dans une région aride et dangereuse, et se révèle très vite insaisissable. Aussi, pour mettre fin à ses activités séditieuses, on fait appel au chef des éclaireurs dans la région, le dénommé Walter Grein. Celui-ci, à la tête d’une expédition particulièrement réduite, et composée de parias – un ivrogne, un muet, des Apaches renégats… –, lance donc la chasse à Toriano. Une aventure qui s’annonce bien difficile… d’autant que Grein aura également maille à partir avec la bêtise et l’inconscience des politiciens de l’Est, à la vision édulcorée des événements.

 

Le maître-mot de Terreur apache, à mon sens, est celui de « haine ». Notamment parce que Grein, dont on adopte le point de vue, est dévoré par elle. Salaud aussi charismatique, compétent et lucide que répugnant, c’est un « anti-héros » remarquable, qui n’est pas pour rien dans la réussite du roman de W.R. Burnett. Car Terreur apache est à n’en pas douter un bon roman. Annonciateur de la cruauté de westerns ultérieurs tels que Méridien de sang de Cormac McCarthy ou Chevauchée avec le diable de Daniel Woodrell, il se montre rude et appuie avec un plaisir pervers là où ça fait mal. L’affrontement entre les Blancs et les Apaches est une lutte sans merci, où tous les coups sont permis, et une identification s’opère entre chasseurs et proies (on surnomme Grein « l’Apache blanc », ce qui ne lui fait pas exactement plaisir, mais correspond indéniablement à une certaine réalité). Et l’Indien, ici, n’a certes rien du « bon sauvage », ni même de la « victime sans défense de l’oppression des Blancs ». L’Apache, qu’on se le dise, c’est l’ennemi :

 

« Vous dites, « les Indiens ». Mais il ne s'agit pas juste des Indiens. Il s'agit des Apaches. De nombreux Indiens répondent à la gentillesse : les Pueblos, par exemple, ce sont des gens très aimables ; ou même les Navajos, qui ont renoncé à leurs mauvaises coutumes. Mais pas les Apaches. Savez-vous ce que veut dire « Apache » ? C'est un mot zuni qui signifie « ennemi ». Les autres Indiens les ont désignés ainsi – eux-mêmes se nomment les « N'De ». En réalité, « ennemis » est bien le terme qui convient : ennemis de la race humaine et de tout ce qui est vivant. »

 

Rien de moins. Et tant pis pour l’angélisme des pieds-tendres. Et je me dois d’avouer – moi qui pour le coup ai peut-être à mon tour succombé au « politiquement correct » vilipendé par le directeur de collection – que cette vision unilatérale, qui constitue à n’en pas douter une force du roman, en tant qu’elle lui donne cette saveur haineuse si particulière, m’a parfois un peu gêné ; sans verser dans l’angélisme à mon tour, j’avoue tout de même y préférer largement – pour ma bonne conscience, peut-être – un autre « réalisme », plus fin, plus subtil, tel celui de Dorothy M. Johnson dans son superbe recueil de nouvelles Contrée indienne, dont je ne cesserai pas de vous dire le plus grand bien jusqu’à ce que vous l’ayez tous lu.

 

Mais foin de ces considérations politico-morales sans doute teintées de « bien-pensance » et peut-être aussi d’anachronisme. L’important, c’est que, justement en raison de ce parti-pris, Terreur apache fonctionne. Si l’identification avec Grein se fait à contre-cœur, elle opère néanmoins, et le récit se montre aussi palpitant que rugueux, ce qui n’est pas peu dire.

 

Un bon roman, donc. Très bon ? Je n’irais peut-être pas jusque-là, et dois en fait avouer une légère déception. Terreur apache, avec ses indéniables qualités – et son côté maladif n’est pas la moindre, j’ai toujours eu tendance à considérer qu’une œuvre qui met mal à l’aise a forcément quelque chose d’intéressant –, souffre aussi de quelques écueils, à mon sens. J’en ai trouvé le style terne, notamment, ou plat, disons ; je lui ai aussi trouvé moins d’ambition qu’à bon nombre des westerns que j’ai pu lire jusqu’à présent ; et j’ai renaclé devant ce qui constitue à mes yeux quelques fautes de goût, et au premier chef une pénible amourette – façon « je t’aime, moi non plus », avec des clichés gros comme moi – entre le chef des éclaireurs et la femme du colonel.

 

Mais rien de rédhibitoire, vous l’aurez compris. Dès l’instant que l’on accepte le point de vue singulier adopté par W.R. Burnett à travers le personnage de Walter Grein, et donc que l’on accepte de troquer son esprit de Français bon-teint du XXIe siècle contre celui d’un dur-à-cuire de « L’Ouest, le vrai », on ne peut que s’avouer convaincu par Terreur apache. Mais avec un léger malaise, peut-être, et sans non plus verser dans l’enthousiasme démesuré.

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"L'Homme des vallées perdues", de Jack Schaefer

Publié le par Nébal

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SCHAEFER (Jack), L’Homme des vallées perdues (Shane), [Shane], traduit de l’américain par Éric Chédaille, préface de Michel Le Bris, Paris, Phébus, coll. Libretto, [1949, 1997] 2012, 182 p.

 

Bon, eh bien, il est temps de l’entamer, ce « Western Winter », non ? Et avec un morceau de choix, puisque L’Homme des vallées perdues, également connu en français sous son titre original de Shane, place la barre très haut. Et si je n’en ferais probablement pas le chef-d’œuvre absolu dont parle Michel Le Bris dans son enthousiaste préface – il ne me paraît pas à même de rivaliser avec des monstres extrêmement ambitieux tels Lonesome Dove ou, plus proche chronologiquement, Warlock ; on peut par contre parler de « chef-d’œuvre » au sens d’œuvre fondatrice, d’un genre et d’une carrière –, il est cependant clair que nous avons là affaire à un excellent roman, un western de haute volée qui mérite amplement le détour.

 

Shane, c’est ce mystérieux cavalier qui surgit un jour de 1889 dans une petite ferme du Wyoming, et qui va en bouleverser le train-train quotidien. Qui est-il, au juste ? On ne le saura jamais vraiment, même si l’on peut supposer bien des choses. Finalement, à cette question, ne sera apportée qu’une seule réponse, comme un leitmotiv tautologique : il est Shane. Et Shane est un héros, une figure bigger than life, un surhomme qui fascine le petit Bob Starrett, notre narrateur. Ce n’est pas une figure paternelle de remplacement, non, Joe Starrett est bien présent, un homme loyal et droit, digne d’admiration… Shane, à vrai dire, est hors-concours.

 

Pourtant, longtemps, Shane n’adopte pas un comportement typique du héros de l’Ouest, celui qui justifie des guillemets, paradoxalement. Il a une arme, mais ne la porte pas. Il en impose, mais semble préférer subir les quolibets plutôt que de répondre avec ses poings – dès l’instant qu’il est le seul concerné, en tout cas. Mais si l’on s’en prend aux Starrett… Nous n’en sommes pas encore là. L’important, c’est que, dès les premières pages, Shane brille par son charisme incroyable, son magnétisme quasi divin.

 

Joe Starrett lui propose, à tout hasard, de rester pour l’aider à la ferme. Et Shane d’accepter. Une décision qui ne manquera pas de susciter des remous. En effet, Shane va ainsi se retrouver impliqué dans le conflit latent opposant les fermiers tel Joe, immigrants qui ont acquis une concession auprès de l’État, au tout puissant éleveur Fletcher et à ses cow-boys, reliques d’un proche passé mythique, où la seule loi était celle du plus fort. Deux mondes qui s’affrontent, deux conceptions de la Frontière, deux âges de la colonisation.

 

Shane, dès lors – parce qu’il est Shane – sera amené à se révéler pleinement, et ne pourra pas éternellement tendre l’autre joue, encore qu’il ait bien quelque chose d’une figure christique. L’affaire se soldera inévitablement l’arme au poing. Et tout cela sous les yeux du petit Bob, qui restera à jamais marqué par cette rencontre, par ce personnage énigmatique, ce cavalier dont on ne sait à peu près rien.

 

C’est avant tout cela qui séduit dans L’Homme des vallées perdues. C’est, autant le dire, une des plus belles figures de héros que j’aie jamais rencontrée en littérature. Et le fait que ce héros soit perçu à travers le regard d’un enfant n’est en rien anodin. Shane, c’est le personnage hors du commun qui fait rêver les mioches, celui qu’ils aimeraient être quand ils jouent – évidemment – aux cow-boys et aux Indiens ; même si, dans l’histoire, les cow-boys sont de l’autre côté de la barrière… Bob, on s’en doute, a bien plus de chances de devenir un homme loyal et droit tel son père, ainsi que le lui enjoint Shane, qu’un ersatz – de toute façon condamné dans un monde qui va trop vite – de ce cavalier solitaire et mystérieux qui vient et repart comme un envoyé de Dieu pour exercer ses miracles. Mais Bob rêve. Et le lecteur rêve avec lui.

 

Superbe figure, donc, que ce Shane, qui m’a évoqué des personnages incarnés au cinéma par le très magnétique également Clint Eastwood : quelque part entre l’homme sans nom de la « trilogie des dollars », peut-être, pour son passé trouble, le Pale Rider christique (donc)… et, aussi, le damné d’Impitoyable.

 

Et superbe roman que cet Homme des vallées perdues, d’une sensibilité et d’une justesse admirables, rêve de gosse qui prend magnifiquement corps, avec un cadre à la mesure du héros, même si l’histoire, par une ironie amère, a quelque chose de l’enfantillage, des rivalités de gamins orgueilleux jouant un jeu qui les dépasse dans un bac à sable aux dimensions du monde.

 

Une excellente entrée en matière, donc, pour ce « Western Winter ». Et, après l’imposant Mason & Dixon, une lecture libératoire qui m’a fait un bien fou, qui a coulé toute seule, et m’a laissé aussi émerveillé que le petit Bob. Chaudement recommandé.

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"Mason & Dixon", de Thomas Pynchon

Publié le par Nébal

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PYNCHON (Thomas), Mason & Dixon, [Mason & Dixon], traduit de l’anglais (États-Unis) par Christophe Claro et Brice Matthieussent, Paris, Seuil – Points, coll. Signatures, [1997, 2001] 2008, 936 p.

 

Cela faisait un bon moment que cet énoooOOOooorme volume de Thomas Pynchon me faisait de l’œil. À vrai dire, je l’avais même acheté en anglais ; mais je craignais de ne pas avoir le niveau pour le lire ainsi… ce que cette lecture en français n’a fait que confirmer. Mazette, c’est du lourd… Du coup, histoire de me faire enfin la chose, je me la suis procurée dans la traduction de Christophe Claro et Brice Matthieussent. Et je me suis trouvé un prétexte (un peu con ?) pour la lire : en faire un « prologue », en quelque sorte, à mon « Western winter ». Attention, hein : je ne prétends pas deux secondes que Mason & Dixon est un western… mais il a pour thème, et de manière très concrète, la Frontière, et consiste bien pour une large part en un voyage américain vers un Ouest mythique. Prétexte, vous dis-je…

 

Mason et Dixon étaient deux personnages bien réels, deux astronomes et géomètres, et Thomas Pynchon s’est inspiré pour ce roman de leur plus célèbre « réalisation » : celle, en 1763-1767, de la « ligne » qu’on appellera par la suite Mason-Dixon, frontière arbitraire et toute droite courant vers l’ouest, et délimitant les États de Pennsylvanie, Delaware, Maryland et Virginie… frontière qui deviendra bien plus concrète environ un siècle plus tard, lors de la guerre de Sécession, car marquant la séparation entre les États abolitionnistes du Nord et ceux, esclavagistes, du Sud. Mais, si la thématique de l’esclavage est très importante dans ce roman, nous n’en sommes pas encore là. Et nous sommes donc bien avant l’époque mythique du western, dans une Amérique encore coloniale… mais plus pour longtemps.

 

L’épopée de Mason et Dixon, cependant, sous la plume de Thomas Pynchon, prend des traits pour le moins fantasques, qui font qu’on ne saurait même qualifier ce roman « d’historique », en dépit de sa base bien réelle. On y croisera ainsi des chiens qui parlent, ou encore un canard automate de Vaucanson qui s’est fait la belle ; de même, l’aventure des deux astronomes et géomètres sera imprégnée de complotisme, des jésuites avec leur télégraphe aux inévitables franc-maçons, et d’histoire secrète ésotérique, avec des vrais morceaux de race de géants constructeurs de tertres ainsi que de Terre creuse… et forcément de géomancie. Autant dire que ça délire pas mal.

 

Et, dans un premier temps, j’ai trouvé ça plus que séduisant : tout à fait fascinant, à vrai dire. D’autant que la plume de Pynchon, pour être extrêmement complexe et contournée, n’a pas manqué de me rappeler quelques classiques de la littérature du XVIIIe siècle, période qui m’est chère, et notamment mon chouchou, tout aussi énorme et délirant, à savoir La Vie et les opinions de Tristram Shandy de Laurence Sterne ; avec un bémol, toutefois : j’ai eu l’impression, qui peut s’avérer fausse, que les traducteurs en ont parfois fait « un peu trop », le résultat ne sonnant du coup pas toujours très authentique et son artificialité étant mise en avant – ce qui est peut-être délibéré, après tout.

 

Quoi qu’il en soit, mon premier jugement concernant ce roman, disons pendant la moitié environ (le long « prologue » durant lequel Mason et Dixon se rendent au Cap et à Sainte-Hélène pour y observer le passage de Vénus devant le soleil, et les premières étapes de leur périple américain subséquent), fut le suivant : je ne savais pas si Mason & Dixon était génial ou quasi illisible, et supposais qu’il était probablement les deux. Génial, très certainement : les personnages hauts en couleurs, la beauté, parfois, de la plume, l’humour surtout, omniprésent, n’ont pas manqué, donc, de me fasciner, caractère exacerbé par le côté mégalomane du roman, d’une ambition sans pareille. Mais aussi quasi illisible, du fait d’un style tout en tours et détours, et, pour citer Fuzati, d’une tendance systématique à passer du coq à l’âne comme dans une partouze à la ferme.

 

(J’ai cité le Klub des Loosers dans un compte rendu sur Pynchon ; je suis content.)

 

Mais ça ne devait pas durer éternellement, hélas… C’est que c’est long, Mason & Dixon. Très long. Et à mon sens trop long… Après en gros les 600 premières pages durant lesquelles je me suis globalement régalé, c’est ainsi la lassitude qui l’a emporté, et je me suis retrouvé à ramer péniblement dans ce roman, voire à m’y noyer corps et biens… Non, sans doute, que ces dernières pages soient à proprement parler mauvaises, ni même inférieures au premières : prises indépendamment, je ne doute pas de leur qualité. Mais c’est ici l’effet d’accumulation qui joue : too much, Mr Pynchon. Trop de pages, trop de délire, trop de digressions. Sentiment de ne pas voir où l’auteur va, qui, après avoir été plutôt délicieux – on se laissait volontiers « guider » (?) dans le chaos –, s’avère en définitive frustrant. Et épuisant.

 

C’est peu dire, du coup, que je suis heureux d’en être parvenu à la fin (après avoir réfléchi plus d’une fois, chose pourtant extrêmement rare chez moi, à la possibilité de l’abandon…) ; non pas tant pour pouvoir clamer à la face de la Nébalie entière : « Je l’ai lu ! », que pour pouvoir enfin passer à autre chose. De moins ambitieux, sans doute ; mais tant pis (ou tant mieux) : je ne suis définitivement pas en état d’embrayer sur un autre monstre du genre, et, au final, je garde hélas de cette lecture l’impression d’un combat incessant, qui n’en valait peut-être pas la peine… Dommage.

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"Le Masque de la Mort Rouge", d'Edgar Allan Poe

Publié le par Nébal

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POE (Edgar Allan), Le Masque de la Mort Rouge et autres nouvelles fantastiques, traduit de l’américain par Charles Baudelaire et Alain Jaubert, préface de René Réouven, Paris, Gallimard, coll. Folio Science-fiction, 2002, 374 p.

 

Je me dois de le confesser, au risque de passer pour un hérétique : ainsi que je l’avais déjà laissé entendre en traitant des Aventures d’Arthur Gordon Pym, je ne suis guère un amateur des œuvres d’Edgar Allan Poe. Ce qui est étonnant à plus d’un titre. D’une part, je ne peux que reconnaître l’influence sans pareille de cet auteur sur ceux qui l’ont suivi, dans bien des genres, dont mon chouchou Howard Phillips Lovecraft, qui voyait en lui son « Dieu en écriture » ; d’autre part, gamin puis adolescent, j’ai aimé certains textes de Poe : le premier fut, je crois, « Le Scarabée d’or », et je suis parti avec plus d’une fois à la chasse au trésor, de même que j’ai par la suite arpenté plus qu’à mon tour la sinistre rue Morgue en compagnie de l’astucieux Dupin.

 

Mais je n’avais conservé quasiment aucun souvenir de ce qui était chez lui supposé m’intéresser le plus : ses nouvelles fantastiques. Seules deux d’entre elles m’avaient laissé une forte impression positive : « Ligeia » et « Le Masque de la Mort Rouge ». Pour le reste… Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, pourtant ; mais la lecture des Histoires extraordinaires, notamment, m’a toujours rapidement ennuyé, et j’ai toujours eu du mal à en dépasser les premiers textes. J’ai sans doute lu (et relu, perplexe…) Poe trop jeune pour pouvoir me faire une idée de son style, mais cette lecture (ou relecture) m’a en outre confirmé que je n’y accroche pas, le trouvant lourd et affecté (oui, c’est un amateur de Lovecraft qui écrit…), traduction de Baudelaire ou pas.

 

Mais ma récente indigestion de lovecrafteries, et de précurseurs et influences du Maître de Providence, m’a amené à vouloir redonner sa chance à Edgar Allan Poe. Soucieux cependant de ne pas me retrouver confronté au même blocage que j’ai évoqué à l’instant, j’ai cherché s’il n’existait pas un recueil « artificiel », composé uniquement de ces nouvelles fantastiques que je me sentais tenu de lire ou relire : cela existe, et c’est ce Masque de la Mort Rouge, publié en Folio Science-fiction. Ni une ni deux, je me suis procuré la chose, et en ai vite entamé la lecture… qui, hélas, s’est avérée dans l’ensemble très pénible, et n’a guère fait, le plus souvent, que me conforter dans mes impressions négatives, voire dans mes préjugés.

 

Je reconnais certes qu’il y a quelques bons voire très bons textes dans ce recueil… mais n’en retiens que cinq. Tout d’abord, les deux dont je me souvenais : « Ligeia », la plus forte nouvelle de l’auteur sur le thème cher à son cœur de la « vie prolongée », et « Le Masque de la Mort Rouge », avec ses visions grandioses et grotesques, au meilleur sens du terme. Je peux désormais y ajouter trois autres nouvelles : « William Wilson » est peut-être celle qui m’a le plus convaincu, et je ne peux que louer le brio dont fait preuve l’auteur dans cette très bonne variation sur le thème du double, avec narrateur non fiable ; « Le Puits et le pendule » (en « oubliant » son déconcertant dernier paragraphe ?) m’a également séduit, nouvelle cauchemardesque franchement horrible sur un atroce supplice, qui, dans son abstraction et sa tendance à l’absurde, m’a semblé préfigurer le Kafka de « La Colonie pénitentiaire », à certains égards ; et il me faut enfin mentionner ici, en dépit d’une conclusion prévisible, « Le Chat noir », surtout pour son cruel et détestable narrateur. Mais c’est hélas tout…

 

Le reste m’a paru au mieux correct. Ainsi le conte gothique « Metzengerstein » ; « Morella », autre variation sur la survivance après la mort ; « La Chute de la Maison Usher », avec son ambiance remarquable, mais qui ne débouche hélas à mon sens sur pas grand-chose ; « Ne pariez jamais votre tête au diable », le seul des quelques textes humoristiques de Poe présents dans ce recueil à m’avoir arraché un sourire ; « La Barrique d’amontillado », à la limite, pour les mêmes raisons que « Le Chat noir »…

 

Les nouvelles restantes, soit la moitié du recueil en gros – « Perte de souffle », « Bon-Bon », « Manuscrit trouvé dans une bouteille » (préfiguration d’Arthur Gordon Pym ?), « Le Rendez-vous », « Silence », « Bérénice », « Le Portrait ovale » (qui m’a évoqué en partie Le Portrait de Dorian Gray), « Petite discussion avec une momie » et « Ombre » –, m’ont franchement paru au mieux médiocre, aussi n’ai-je guère envie de m’étendre à leur sujet.

 

Expérience pas vraiment concluante, donc, qui n’a fait que confirmer mon peu d’intérêt pour les nouvelles notamment fantastiques d’Edgar Allan Poe. Je ne me l’explique pas vraiment, mais c’est ainsi : Le Masque de la Mort Rouge m’a fait l’effet d’une lecture fastidieuse, qui plus est assez répétitive (certains thèmes sont obsessionnels). Le style de l’auteur, décidément, ne me parle pas (au mieux). Et, si je pense comprendre l’importance de Poe en son temps, je ne peux m’empêcher de le trouver, aujourd’hui, guère convaincant… En tout cas, moi, je n’ai pas été convaincu. Hérétique, vous dis-je.

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Le changement, finalement, c'est très surfait

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« Je vous la souhaite longue et dure, au moins comme ça. »

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"Sade", de Benoît Jacquot

Publié le par Nébal

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Réalisateur : Benoît Jacquot.

Année : 2000.

Pays : France.

Genre : Drame / Historique.

Durée : 100 min.

Acteurs principaux : Daniel Auteuil, Marianne Denicourt, Jeanne Balibar, Grégoire Colin, Isild Le Besco, Jean-Pierre Cassel…

 

Je ne prétendrai pas le contraire : en tant que vil suppot de l’Anti-France, je suis bouffé par les préjugés en ce qui concerne le cinéma français, a fortiori contemporain, et je ne dois pas avoir vu beaucoup de films français plus récents que ce Sade de Benoît Jacquot sorti en 2000 (y en a-t-il eu, d’ailleurs ?).

 

Sans rien connaître de l’œuvre de Benoît Jacquot, j’ai toutefois fait une exception pour ce film-ci. En effet, le thème me parlait : admirateur fasciné du marquis de Sade, et qui plus est passionné par l’histoire de la Révolution française, j’étais curieux de voir ce que cette reconstitution pouvait bien donner. Et puis, malgré mon appartenance à l’Anti-France, donc, je dois confesser que j’aime bien Daniel Auteuil, en règle générale, et que j’étais curieux de le voir endosser le rôle du divin marquis (auquel, faut-il le préciser, il ne ressemblait pas du tout : à cette période de sa vie tumultueuse, Sade, sauf erreur, était déjà obèse…).

 

J’ai donc vu ce film peu de temps après sa sortie, et l’ai revu régulièrement depuis ; et le verdict est resté le même à chaque fois : c’est tout à fait bien (sans être transcendant pour autant, mais ça vaut amplement le détour), et Daniel Auteuil y est à mon sens formidable (et bien secondé ici par la jeune Isild Le Besco, très convaincante ; d’autres acteurs brillent moins, hélas – je pense en particulier à Jeanne Balibar et Grégoire Colin, que je ne peux m’empêcher de trouver très mauvais…).

 

Nous sommes en 1794. Sade (Daniel Auteuil, donc), aristocrate athée et pornocrate dont la famille a émigré, est enfermé à la prison de Saint-Lazare. Il obtient néanmoins un passe-droit, du fait de l’intervention de sa chère Sensible (Marianne Denicourt) auprès de son amant du moment, le jacobin Fournier (Grégoire Colin) ; Sade intègre ainsi le couvent de Picpus, où il peut espérer survivre à la Terreur, en compagnie de ci-devant nobles en sursis et autres « ennemis de la République » supposés. Il y fait la rencontre de plusieurs personnages, dont on retiendra surtout la jeune et fraiche Émilie de Lancris (Isild Le Besco), sur laquelle il ne manque pas d’exercer une certaine fascination trouble.

 

Mais la Terreur se rapproche pourtant ; la guillotine est installée aux portes du couvent, le terrain est réquisitionné pour les charniers (notons d’ores et déjà un plan fabuleux, le plus beau du film assurément – et peut-être le plus sadien –, sur une fosse commune où s’entassent les corps nus décapités…), et Sade, incarnation de l’athéisme, fait figure de bête noire pour Robespierre, qui instaure alors son culte de l’Être suprême…

 

Le projet du film était assez audacieux : porter sur les écrans une partie méconnue de la biographie de Sade (et laissant dès lors libre cours à l’imagination), c’était risquer de « trahir » ce personnage ô combien fascinant, et de succomber à la caricature si tentante en la matière. Ici, si l’on excepte deux, trois grognements (et notamment la scène où Sade se fait fouetter – laquelle, cependant, aurait pu sombrer dans le ridicule, mais parvient à l’éviter sur le fil du rasoir), le rendu est ma foi plutôt bon et, si l’on excepte la question du physique du marquis déjà évoquée, le Sade interprété par Daniel Auteuil sonne vrai. Il faut dire que le film, bien écrit, est parsemé d’allusions assez finement choisies, piochées dans la biographie de l’auteur de Justine, qui peuvent paraître obscures au spectateur lambda, mais résonnent différemment auprès d’un sadien tel que votre serviteur (si j’ose employer ce terme…) : la manie des nombres, la persécution supposée de la belle-mère, le rôle au sein de la section des Piques, l’erreur sur son prénom, le théâtre et les « tableaux vivants »… Des détails, peut-être, mais qui participent de l’élaboration du personnage, d’une manière plutôt intéressante. Certes, ce n’est pas n’importe quel Sade qui nous est montré ainsi, mais bien une reconstitution « orientée » : le Sade de Daniel Auteuil, avant d’être un affreux pervers, est d’abord et avant tout un philosophe épris de liberté, farouchement athée, homme de lettres frustré… Quelqu’un de plutôt sympathique, finalement, et même attachant ; on comprend, à travers cette interprétation, non seulement la fascination bien compréhensible qu’il exerce sur la jeune Émilie de Lancris, mais aussi l’amour que lui voue Sensible…

 

Se posait en outre la périlleuse question de l’érotisme, voire de la pornographie, inhérente au sujet. Le film procède là encore essentiellement par allusions, plus ou moins grivoises, plus ou moins franches, jusqu’à la dangereuse mais finalement tout à fait réussie scène « d’initiation » de la pucelle, qui joue sur la manie théâtrale de Sade, et se montre très légèrement plus suggestive – juste ce qu’il faut, en fait. Assez intéressant.

 

On a donc ici un rendu assez « intellectualisé » de Sade, mais sans excès (on ne sombre pas dans les pénibles travers, à mon sens, du Salo de Pasolini, qui m’a beaucoup déçu), et sans oublier le charnel et le sensuel, mais là aussi de manière relativement diffuse. C’est assez fin, en somme, et c’était sans doute le meilleur traitement, le plus approprié, pour le sujet.

 

Au final, ce film a donc constitué pour moi une bonne surprise, et je le revois régulièrement avec un plaisir intact. Malgré ses quelques défauts, Sade est à mon sens une réussite, et c’était pas gagné d’avance…

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