"Heresy", de Lustmord
LUSTMORD, Heresy (Ant-Zen, 2013)
Tracklist :
01 – Heresy Part I
02 – Heresy Part II
03 – Heresy Part III
04 – Heresy Part IV
05 – Heresy Part V
06 – Heresy Part VI
Hop, ma chronique se trouve sur le site des Immortels.
LUSTMORD, Heresy (Ant-Zen, 2013)
Tracklist :
01 – Heresy Part I
02 – Heresy Part II
03 – Heresy Part III
04 – Heresy Part IV
05 – Heresy Part V
06 – Heresy Part VI
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CASSOU (Jean), Trente-trois Sonnets composés au secret ; La Rose et le Vin ; La Folie d’Amadis ; avec un inédit, préface d’Aragon, édition présentée par Florence de Lussy, Paris, Gallimard, coll. Poésie, 1995, 186 p.
…
Je vous entends ricaner d’ici. Ouais, ouais, foutez-vous de ma gueule. « Nébal il lit de la polésie, gna gna gna, Nébal il va voir les pouètes à leur Marché, gna gna gna… »
Ben oui. Que voulez-vous que je vous dise ? C’est la pure vérité. L’autre jour, ON m’a tendu une embuscade, et je me suis rendu au Marché de la Polésie, place Saint-Sulpice. J’y ai même passé un agréable après-midi, en très bonne compagnie ; et je me suis dit, là, comme ça, que je ne pouvais pas décemment en partir sans un livre de polésie. Mais pas n’importe laquelle, hein !
Mon regard a été attiré par la couverture du n° 15 du Visage Vert. Et là, illumination ! Je me suis souvenu que j’y avais lu deux magnifiques textes, très pouétiques justement, de Jean Cassou, qui m’avaient collé une sacrée baffe. J’ai cherché à savoir s’il était possible de se procurer d’autres œuvres du monsieur, du coup, et, au stand de Gallimard (paye ton petit éditeur), j’ai déniché ces Trente-trois Sonnets composés au secret. Et je me suis dit que l’expérience méritait d’être tentée.
Voilà.
C’est tout.
…
Sauf que maintenant faut que j’essaye d’en parler.
Contexte : la Deuxième Guerre mondiale. Jean Cassou fait partie d’un réseau de résistance à Toulouse (France dite « libre »…). Il est arrêté, et envoyé en prison (il sera libéré provisoirement, avant d’être condamné à la réclusion). C’est là qu’il compose, de mémoire tout d’abord, ses Trente-trois Sonnets. Qui seront publiés clandestinement par les Éditions de Minuit, sous le nom de Jean Noir, avec une préface d’un certain François La Colère, qui n’est autre qu’Aragon.
Arrêtons-nous un instant sur cette préface, parce qu’elle vaut sacrément le détour. D’une plume aussi élégante qu’hargneuse, Aragon nous y dépeint tout d’abord, avant de faire l’éloge du pouète, les prisons de Vichy, et le sort qu’elles réservent aux résistants, et notamment aux communistes. Pages édifiantes, puissantes, d’une beauté qui n’a d’égale que la vigueur. Puis « François La Colère » dissèque la polésie de « Jean Noir » (de manière relativement technique, ce qui m’a plus ou moins parlé).
Cette polésie, pour être une émanation de la prison, n’en parle que fort peu. Elle est, à sa manière, une évasion. Mais il est « amusant » (le terme n’est peut-être pas très bien choisi…) de constater que « Jean Noir » s’évade de la prison de Vichy par le biais d’une polésie « recluse », au lourd carcan formel, et qui plus est passablement anachronique. Des sonnets ? Allons bon ! Ben si.
J’avoue n’avoir été que moyennement séduit par les rimes de « Jean Noir ». Mais il y a tout de même quelques beaux passages dans ces Trente-trois Sonnets composés au secret. Tenez, par exemple (XXIII) :
Aux fées rencontrées le long du chemin
Je vais racontant Fantine et Cosette.
L’arbre de l’école, à son tour, répète
Une belle histoire où l’on dit : demain…
Ah ! Jaillisse enfin le matin de fête
Où sur les fusils s’abattront les poings !
J’aime bien. J’aime bien ça, aussi (XXXI) :
Oh ! ce soir soit pour nous le dernier soir tombé,
Et puisqu’il faut rêver, rêvons la mort des rêves.
Et je pourrais sans doute livrer d’autres exemples. Mais bon, sans plus, quand même (ben oui, c’est de la polésie…).
La Rose et le Vin, également composé en prison si j’en crois les dates et la dédicace, présente une autre facette, bien différente, de la polésie de Jean Cassou. Dans le « Commentaire » qui accompagne cette œuvre, le pouète renvoie dos à dos les « mathématiciens » et les surréalistes. On sent quand même énormément l’influence de ces derniers. Ce qui donne des pièces plus ou moins convaincantes à mon (mauvais) goût. J’avoue y avoir particulièrement goûté les pièces les plus « libres », et surtout de délicieux petits poèmes en prose, qui m’ont ramené aux « nouvelles » qui m’avaient tant parlé. Tenez, un exemple (XXX) :
C'est toi, musicien ? Une ombre tenant haut la lampe va vers la porte et l'ouvre solennellement à l'ombre visiteuse. Entre, tu peux entrer à présent, ma chambre est nue et j'ai les épaules brisées d'avoir porté longtemps un lourd fardeau. Mes cheveux sont gris. Alors qu'ils étaient noirs, tu venais souvent chez moi et nous chantions comme des aveugles. Puis je t'ai chassé, mais tu te rappelles ta promesse, musicien ? Celle de revenir, tu sais, pour… le scherzo. Une singulière idée qui m'était venue là ! Mes cheveux sont gris et j'ai porté un lourd fardeau.
Toi, tu n'as pas changé. Le visiteur est un long personnage, son plastron glacé luit comme un clair de lune. Le visiteur s'assied. Un silence, plus épais qu'aucun silence au monde, s'étend dans la chambre. Vois-tu, je n'ai jamais connu un aussi total silence, et pourtant j'ai vécu dans une telle solitude ! Il n'était personne qui sût qu'il fallait venir, entrer par cette même porte et me tendre la main, personne. C'est ce qu'on appelle un petit malentendu, un affreux petit malentendu. Pourquoi regardes-tu autour de toi ? Il n'y a rien d'intéressant pour personne ici. C'est ma chambre.
Tu vas te lever, sans doute. Et tu vas t'avancer vers moi, et poser tes mains sur mes épaules, et me regarder dans les yeux, et je verrai ma face sur la tienne. Oh ! Je n'ignore pas la vieille histoire : qui a vu son ombre doit mourir. Mais pas avant le scherzo, n'est-ce pas ? Non, pas avant... Le moment est venu, je crois. L'atroce moment où la mesure est comble. Ma mesure et la mesure du monde. L'heure avait tout noyé de sa stupeur lorsque, je ne sais pourquoi, – un pur hasard dans ce désordre final, – j'ai vu cette fleur et ce verre de vin, et tout est venu de là, comme le mourant revoit sa vie, et à présent c'est fini, il ne reste plus qu'une immense joie, légère, légère... Et je t'ai appelé, oh ! d'une voix si rauque de sanglots. Mais je t'ai appelé, je pouvais t'appeler à présent, et je t'ai ouvert cette triste, obscure porte qui ne s'ouvrait plus jamais, cette inexorable porte. Dehors, il fait une nuit de sang, et dans ma chambre il n'y a que la lampe, la lampe et moi, et puis toi, fantôme terrible, vieil ami ! Tu m'apportes ton présent de retour et d'adieu, ton délicieux présent. Qui a chanté une fois ce chant ne le chantera plus de sa vie. Qui a dansé cette danse n'est déjà plus qu'une ombre, comme toi et moi. Le musicien s'est pris à sourire, de son trois fois triste sourire d'ombre. Nul ne saurait voir ce sourire sans se sentir le cœur glacé. Sans se sentir le cœur prêt à battre une dernière fois d'un battement de joie légère, impalpable, pareille au souffle de l'inutile printemps à travers les cyprès des morts et l'ombre des ombres.
‘tain, ça, ça en pète, tout de même. Et c’est là, dans ces trop rares pièces, que j’ai pu retrouver l’auteur qui m’avait tant séduit. Le reste, hélas, m’a le plus souvent laissé de marbre…
Pas grand-chose à dire sur La Folie d’Amadis, si ce n’est que c’est assez joli…
Au final, sentiment très mitigé, et qui ne fait que confirmer que la polésie et moi, ça fait plus d’un. Sauf à l’occasion de quelques pièces qui s’éloignent heureusement de la rimaille, et dans lesquelles la plume libérée s’offre de beaux tableaux fantastiques. C’est dans cette direction que je vais donc creuser, car je compte bien, malgré ce bilan en demi-teinte, lire encore du Jean Cassou.
VERGER (Romain), Forêts noires, Meudon, Quidam, coll. Made in Europe, 2010, 89 p.
Ah ben voilà.
J’avais hésité à parler de Fissions et Forêts noires dans un unique article. Finalement, la matière me paraissait suffisamment riche pour consacrer un compte rendu de taille conventionnelle à Fissions. Et maintenant, je fais quoi pour Forêts noires ? Ben, ce que je peux… C’est qu’il est étrange, ce (très) court roman (?), et que je ne suis pas bien certain d’avoir parfaitement saisi tous ses enjeux. Mais bon, on va faire comme si (vous êtes sur un blog, et voyez son adresse).
Forêts noires est le troisième roman de Romain Verger, paru en 2010 chez Quidam, comme les deux précédents (sur lesquels je poserais bien ma patte un de ces jours), et à la différence du petit dernier qui a fait les honneurs du Vampire Actif. Des trois nouvelles (avec des guillemets, peut-être ?) que j’avais lues dans le n° 17 du Visage Vert, deux ont servi à l’élaboration de ce livre déstabilisant, et sans doute passablement rétif au commentaire.
Pourtant, tout commence de manière fort simple. Le narrateur, chercheur de son état, est envoyé au Japon, aux abords de la forêt d’Aokigahara Jukai – la « Mer d’Arbres », au pied du Fuji-Yama. Un cadre très beau, certes… mais aussi rapidement inquiétant : c’est que la forêt a la réputation de faire disparaître les hommes (les femmes sont mystérieusement épargnées) ; elle les attire, et les pousse au suicide… Et les veuves, errant dans les bois, retrouvent parfois un pendu, une carte de crédit, quelque autre indice de la disparition inéluctable d’un être aimé.
Notre chercheur – qui ne peut guère chercher, dans la mesure où son matériel ne lui parvient toujours pas après des mois d’attente – oublie sa vie française (et notamment sa mère) sur les rives du lac Motosu-ko, auprès de la douce veuve Hatsue. Puis, un jour, il succombe, comme les autres, et, avec l’ami Shintaro, pénètre la forêt.
Plusieurs choix étaient dès lors possibles : arrêter les choses ici, et cela aurait fait une très belle nouvelle ; ou peut-être les continuer sur un mode horrifico-grotesque, qui n’aurait pas été forcément pour me déplaire, mais aurait sans doute été périlleux ; mais ni l’un ni l’autre : Romain Verger use de cette singulière escapade sylvestre pour exhumer, plus ou moins dans la douleur, des réminiscences d’autres forêts et d’autres temps, souvenirs longtemps refoulés de la jeunesse du narrateur.
Dès lors, on peut, à peu de choses près, tirer un trait sur le cadre nippon, et n’envisager en somme cette belle introduction que comme un prétexte à de très jolies vignettes, très ambiguës, d’une jeunesse péniblement ressassée, avec ses figures tutélaires rôdant dans les bois, et notamment celle du (trop ?) bien nommé Vlad, enfant suceur de sang et chasseur émérite. L’évocation teintée de sourde inquiétude de ces Forêts noires est habile, et dessine un univers fantasmatique des plus saisissants.
La plume de Romain Verger, forcément, y est pour beaucoup. Le monsieur est décidément un styliste. Cette fois, je ne trouve rien à y redire, et, si l’on y perçoit toujours ce goût du mot rare, c’est dans un ensemble d’une fluidité indéniable, qui évite les brusques ruptures de registre que j’avais pu déplorer (rarement, mais tout de même) dans Fissions.
Cependant, je ne saurais prétendre que Forêts noires m’a autant emballé. C’est que Fissions, en pénétrant de manière plus marquée dans les registres du fantastique et du grotesque (voire du gothique) et en s’accordant une trame allant d’un point a à un point b (malgré les astucieuses circonvolutions de la construction narrative), a sans doute quelque chose de plus « simple », mais non moins élégant dans son évidence. En un mot comme en cent, c’est un roman, voilà. Forêts noires me laisse nettement plus perplexe – il a quelque chose de la succession de vignettes, un peu comme Six Photos noircies, pour évoquer une lecture récente, mais avec beaucoup plus de maîtrise, sur le fond comme dans la forme (à mon sens tout du moins).
Aussi ne suis-je pas bien certain d’avoir véritablement compris quoi que ce soit à Forêts noires… et, si ça se trouve, résumé de l’introduction mis à part, je ne raconte que des bêtises depuis le début. Diantre. Mais j’ai le sentiment – peut-être erroné, donc – que cela n’est pas forcément d’une grande importance. En fait de vignettes successives, Forêts noires peut aussi évoquer un grand tableau, entre romantisme noir et impressionnisme ; quelque chose, en somme, qui fait plus appels aux sens qu’à la raison ; mais bon, moi, l’art pictural, c’est un peu comme la polésie, alors… Et polésie il y a, très certainement, dans ces évocations sylvestres accumulées, où le flou nécessairement artistique préserve, voire met en évidence, les essences de la beauté noire, du fantasme primaire, et de l’inquiétante étrangeté.
…
Ah ben finalement j’ai atteint la taille conventionnelle pour ce compte rendu aussi. Bon : pas dit que j’ai vraiment apporté quelque chose d’utile à l’appréhension de cet énigmatique objet, et encore moins une « analyse » (horreur glauque) approfondie. Pour conclure bêtement, je dirais donc que c’est là une lecture appréciable, joliment sensuelle, et qui fait son petit effet. Mais, en lecteur lambda, j’avoue avoir été davantage convaincu par Fissions, roman qui a le mauvais goût d’avoir une trame plus nette. Je comprendrais cependant que les avis divergent (c’est énorme), et ne saurais passer sous silence les indéniables qualités de ce petit bouquin.
Promenons-nous dans les bois, donc (et tant que le loup y est, parce que sinon, quel intérêt ?)
(Les champignons, bien sûr.)
(Ah, les champignons…)
EDIT : Hippolyte et Gérard Abdaloff en parlent dans la Salle 101, ici.
VERGER (Romain), Fissions, Lyon, Le Vampire Actif, coll. Les Séditions, 2013, 137 p.
Bon, c’est toujours pas vraiment la joie pour rédiger des comptes rendus, et je me sens à vrai dire un peu désemparé… Je vais néanmoins tâcher de dire quelques mots de ce chouette court roman qu’est Fissions, mais, à tout hasard, sachez qu’on en trouve sur le ouèbe des critiques autrement plus approfondies (mais peut-être un peu prout-prout ?) que ce à quoi je puis espérer parvenir ici.
Fissions est le quatrième roman de Romain Verger (les trois précédents sont parus chez Quidam) et c’est, pour tout un tas de raisons plus ou moins valables, le premier que je lis. Mais j’avais en fait déjà lu du Romain Verger, ainsi que je m’en suis rendu compte un peu plus tard, à la lecture de Forêts noires (sur lequel je reviendrai très bientôt) : trois de ses nouvelles avaient en effet été publiées dans le n° 17 du Visage Vert (et j’ai cru comprendre qu’il figurerait également dans le prochain). Quand je les avais lues, à l’époque, j’avais noté en substance : « jolie plume, mais pas un souvenir impérissable ». Ce qui s’est vérifié, faut croire, dans la mesure où j’avais complètement zappé cette première approche… Mais n’en déduisez rien quant à la qualité de la production littéraire de Romain Verger : en contexte, et peut-être aussi parce que j’ai changé depuis, je l’envisage désormais d’un œil très différent. Mais assez de ces préliminaires : passons à Fissions.
Il va être d’autant plus difficile d’en parler que le récit se dévoile au fur et à mesure, et qu’il serait sans doute dommage d’en dire trop, le mieux étant de laisser la découverte au lecteur autant que possible. On peut toutefois avancer ici quelques éléments qui apparaissent tôt dans la trame. Fissions est donc le récit à la première personne, et a posteriori, d’une nuit de noces, un 21 juin ; la nuit la plus courte de l’année, mais qui se révèle bien longue pour les convives – ou certains d’entre eux, du moins.
Notre narrateur – dont on comprend bien vite qu’il est interné dans une institution psychiatrique et qu’il s’est crevé les yeux (paye ton Œdipe) – rapporte donc comment il a fait la connaissance de Noëline (que des noms chelous dans sa famille) via un site de rencontres aléatoires ; s’en est suivi, quelques mois à peine plus tard, un mariage précipité… et, donc, une nuit de noces désastreuse, où la fête, qui se tient dans la résidence maternelle de Noëline, grande demeure qui n’a pas manqué à mes yeux (crevés) d’évoquer l’inévitable château des romans gothiques, tourne bientôt au cauchemar, annoncé de manière fracassante par les hurlements incessants de la mariée recluse dans sa chambre. Et tout cela, nécessairement, finira mal.
La quatrième de couverture avance les termes de « fantastique » (yep), de « grotesque » (yep) et de « thriller » (beuh…) ; j’ai donc proposé celui de « gothique ». Mais il y a aussi, de toute évidence, pas mal de grec dans tout ça, essentiellement tragique comme de bien entendu (les références abondent, mais sans surcharger le récit pour autant). Quoi qu’il en soit, tout cela est de toute façon très diffus, et l’on ne se trouve que rarement en plein dans un de ces registres, qui fusionnent (…) avec grâce sous la plume inspirée de Romain Verger.
Cette plume, parlons-en. Je ne la trouve pas irréprochable, je n’irais pas jusque-là : j’ai le sentiment que Romain Verger, porté peut-être par un goût décadent pour le mot rare, en fait parfois un peu trop (notamment dans les toutes premières pages). Mais, mazette, dans l’ensemble, c’est tout de même vraiment bien écrit. Il est clair que Romain Verger a un style, et qu’il se montre fort adroit dans la composition de vignettes sublimes (dans tous les sens du terme) ; la polésie en prose infuse dans Fissions, sans jamais nuire à la fluidité du récit, la forme s’alliant au fond avec une justesse étonnante et des plus louables. Romain Verger parvient ainsi à instiller un délicieux sentiment de malaise permanent, avec quelques crises subites de glauque réclamant l’échappatoire à l’air libre. Admirable. Et tout aussi admirable est la construction du roman, qui relève cette fois à mon sens du modèle du genre. Présent et passé s’entremêlent avec astuce, réalité et folie de même, et Fissions – tour de force ? – tient à vrai dire du page turner sans jamais négliger pour autant la pure beauté.
Roman noir (au sens originel), Fissions dépeint enfin une très belle galerie de monstres ; la famille de Noëline fait froid dans le dos, les squelettes s’entassent dans les placards (et font un ramdam pas croyable), et le narrateur a également son lot de lourds secrets. Le secret est d’ailleurs probablement un des thèmes majeurs de ce court roman très dense, avec la mémoire, l’inconscient, la perversion, la cruauté… et, enfin, comme de juste, tout cela s’inscrit dans une réflexion plus ample sur l’écriture, ce qui la « justifie » et ce qu’elle produit.
Belle rencontre, donc, que ce court roman riche et fort, à la croisée des genres, formellement virtuose et qui se montre d’une adresse terrible dans son jeu avec le lecteur, manipulé avec dextérité jusqu’aux confins du malaise et de la folie.
Je vais tâcher de vous parler très prochainement de Forêts noires.
EDIT : Hippolyte et Gérard Abdaloff en parlent dans la Salle 101, ici.
Je viens d'apprendre le décès de l'écrivain Iain Banks (Iain M. Banks quand il écrivait de la science-fiction). Il avait lui-même annoncé il y a peu son cancer, et le fait qu'il risquait de mourir dans l'année... Je me dois de préciser, j'imagine, que je n'ai (encore) jamais lu Iain (M.) Banks. Pourtant, le « cycle de la Culture », sa grande-oeuvre SF, semblait toute désignée pour me plaire, et cela fait déjà pas mal de temps que les livres les plus importants de ce cycle prennent la poussière dans ma pile à lire (à cause de ma fâcheuse tendance à faire passer l'actualité en priorité). Je comptais lire prochainement (et c'est toujours le cas, bien sûr) Effroyabl Ange1 et L'Algébriste, tout récemment publiés (le second en poche, s'entend). J'ai un peu le sentiment (stupide, peut-être) d'arriver après la bataille... Mais cela reste après tout le meilleur hommage que l'on puisse rendre à un écrivain disparu : lire ses livres. RIP, donc, comme on dit chez les croyants...
ÉPICTÈTE, De l’attitude à prendre envers les tyrans et autres textes, texte établi et traduit du grec ancien par Joseph Souilhé avec la collaboration d’Armand Jagu, Paris, Gallimard, coll. Folio 2 €, [1943, 1949, 1990-1191] 2011, 129 p.
J’imagine qu’il n’est jamais trop tard pour combler ses lacunes. En matière de philosophie, a fortiori contemporaine, j’en ai beaucoup… Si j’ai pas mal pratiqué les Antiques – surtout les Présocratiques, à vrai dire –, je dois reconnaître que mes inclinations en la matière ont largement été le fait de préjugés. Aussi ai-je développé un intérêt tout particulier pour les sophistes (bien sûr), les cyniques et les matérialistes, et une certaine aversion pour Platon (tout en reconnaissant ses qualités d’écrivain) et les stoïciens, tandis qu’Aristote m’a toujours inspiré un étrange mélange de respect et d’ennui.
Mais revenons sur le cas des stoïciens, puisque c’est à cette école que se rattache Épictète. Je les ai fort peu pratiqués ; à vrai dire, et l’incitation du camarade Bat-Aurèle (…) n’y est pas pour rien, celui que j’ai le plus lu et trouvé le plus intéressant (relativement) était Marc-Aurèle, dont j’avoue avoir feuilleté de temps à autre les Pensées pour moi-même… D’Épictète, par contre, je ne savais à peu près rien en dehors de sa célèbre biographie (même si j’en avais probablement lu quelques extraits il y a de ça ouf, au moins). Aussi ai-je été pris de l’envie d’en savoir un peu plus quand, au détour d’une librairie, j’ai croisé ce petit ouvrage de la collection d’abrégés « Folio 2 € ».
Il faut dire que – pourquoi pas, après tout – la couverture me plaisait pas mal, et le titre attisait ma curiosité – je savais Épictète moraliste, en bon stoïcien, mais les aspects politiques de son éthique étaient tout naturellement ceux qui devaient le plus intéresser l’ancien chercheur en histoire des idées politiques que je suis, surtout à vrai dire s’il est question d’attitude à adopter à l’encontre de la tyrannie et de la répression qu’elle est à même d’infliger, sujet qui renvoyait directement à mes recherches (dix-neuviémistes, certes…).
Naïveté de ma part, sans doute : cet abrégé des livres I à IV des Entretiens d’Épictète n’aborde guère la question du titre que par la bande… et je crains de devoir le reconnaître d’ores et déjà : cette lecture, pour brève qu’elle fut, m’a paru passablement pénible, et n’a guère fait que renforcer mes préjugés à l’encontre des stoïciens en général et d’Épictète en particulier.
Épictète, en tant que maître d’école, s’inscrit dans une double filiation, au-delà du Portique : il évoque Socrate, mais aussi Diogène le cynique (j’avais déjà conscience de la parenté a priori paradoxale mais pourtant bien réelle reliant les très sages stoïciens aux provocateurs cyniques, mais c’en est une confirmation). Sa philosophie, qui s’exprime généralement par le dialogue – de manière plus abstraite que chez le tragédien refoulé Platon, toutefois –, est avant tout d’ordre pratique, et c’est une morale passablement austère. Il s’agit de conduire sa vie en fonction de la raison, qui ne saurait être que de nature divine (arf), et de ses « représentations ». Un principe essentiel : la distinction entre ce qui relève de nous et ce qui n’en relève pas (ce qui m’a rappelé, pour le coup, la célèbre prière citée par Kurt Vonnegut dans Abattoir 5).
C’est ici que la pensée d’Épictète peut prendre un aspect politique, encore que minime : le pouvoir du tyran n’est ainsi d’aucune importance pour l’homme qui conduit bien sa vie, en ce qu’il ne peut guère exercer de pression que sur ce qui ne dépend pas de lui – comme sa mort. Il y a donc bel et bien un potentiel que l’on pourrait qualifier de « subversif » chez Épictète, qui explique ses déboires, mais je ne peux m’empêcher d’y retrouver – et c’est là un fort préjugé que j’entretenais depuis longtemps à l’égard de l’école stoïcienne – un certain parfum « proto-chrétien » : tendre l’autre joue, tout ça… rendre à César… Ce qui, vous l’aurez compris, ne me séduit guère.
La présentation de l’ouvrage vante « un manuel de savoir-vivre et de liberté de pensée ». Mais je n’y ai guère trouvé de quoi m’édifier à ces sujets. C’est un autre problème que j’ai toujours eu tendance à accoler aux stoïciens : leur philosophie (un bien grand mot, peut-être ? mais ce reproche a pu être adressé aux cyniques, qui me sont bien plus chers…) est frappée au sceau du « bon sens » (ou « sens commun », l’horrible chose) et des vérités premières qu’il est parfois bon de rappeler (mais j’avoue à ce sujet préférer les penseurs orientaux). Fondamentalement, j’y vois une éthique molle, faite de soumission plus ou moins béate au divin et à l’ordre du monde ; une philosophie conservatrice, en somme ; et, usons de l’anachronisme, autant le dire : une philosophie « de droite » (quand j’ai cherché sur le ouèbe quelques éléments pour écrire ce compte rendu, je suis tombé sur une unique « critique » – en quatre lignes… et c’était sur le site du Figaro ; oui, vous pouvez me trouver mesquin, pour le coup ; mais ça m’a quand même fait sourire, na).
J’ajouterais que, formellement, j’ai trouvé ces Entretiens assez laborieux, parfois confus, et que l’image que l’on en retire d’Épictète n’est pas forcément très positive à mes yeux (le sévère moraliste a quelque chose d’arrogant et de méprisant).
Une lecture qui m’a donc ennuyé quand elle ne m’a pas agacé, et qui n’a guère fait qu’entretenir mes préjugés. Mais il faut bien le reconnaître : je n’ai rien d’un philosophe (ou alors « du dimanche », et j’ai tout de même le sentiment que c’est à semblables individus que s’adressent ces abrégés), et suis bien conscient de la vacuité de ce compte rendu, qui ne fait qu’exprimer mes opinions passablement stériles sur le contenu de cet ouvrage. C’est le jeu, vous êtes en Nébalie… Mais voilà : je n’y ai pas trouvé ce que je cherchais, et, hélas, j’y ai trop souvent rencontré ce que je redoutais. De toute évidence, Nébal n’est pas un stoïcien…
Ce jeudi 6 juin, triste nouvelle : nous avons appris la mort du jeune Clément Méric des suites de son passage à tabac par des connards de skins. Dès l’annonce du drame, la toile a été envahie par de bien compréhensibles et légitimes réactions d’indignation. Sur Facebook et Twitter, mes contacts – qui se ressemble s’assemble… – n’ont certes pas été les derniers à faire part de leur horreur devant ce qui s’est produit. Je ne peux guère que me joindre à eux dans la déploration de cet acte barbare et adresser à mon tour mes condoléances à la famille et aux amis de la victime. Que je ne connaissais certes pas, pas plus que mes contacts j’imagine, mais bon : il s’agit bien d’un événement à portée nationale, et j’imagine que, là encore, l’expression, quand bien même outrée, de la commisération est non seulement sincère mais légitime.
Une certaine pudeur – si – m’a cependant incité à ne pas en faire trop de mon côté. D’une part, parce que j’avais le sentiment que ce n’était pas vraiment mon rôle ; d’autre part, parce que certaines réactions – que l’on peut certes mettre sur le compte d’une colère justifiée – m’ont quelque peu navré.
J’ai – bêtement – fait part de mon léger scepticisme par un tweet laconique, mais suffisamment transparent, selon lequel je ne dirais rien, non, rien (sous-entendu : à propos de cette affaire qui est au cœur des discussions sur les réseaux sociaux). Je n’aurais pas dû. Ma pensée sur la question a pu être mal interprétée, et maintenant, con de moi, je me sens tenu de clarifier les choses, en somme de faire ce que je souhaitais éviter. Alors voilà. Peut-être vais-je perdre quelques amis à cause de ce texticule, mais j’imagine que c’est dans l’ordre des choses… Pourtant, je ne compte apporter que quelques nuances à l’indignation générale, que je partage largement ; mais peut-être sera-ce suffisant, tant l’émotion est ici de la partie…
Plusieurs choses m’ont donc chagriné dans cette vilaine affaire, outre le drame en lui-même. Le premier point, j’imagine, est une certaine stupéfaction – je ne vois pas de terme plus adapté – devant l’ampleur de la vague d’indignation, dans le sens où elle donne le sentiment que la France, à l’occasion de ce tragique fait-divers, prend bien tardivement conscience de l’existence de groupuscules d’extrême droite violents et éventuellement meurtriers. Cela n’a pourtant rien d’un scoop, que je sache. Certes, le fait qu’il y ait depuis un bail des connards dans ce mauvais goût-là ne saurait totalement relativiser (le mot est honni, sans doute pour de mauvaises raisons, mais passons) ce qui s’est produit. Connards ils étaient, connards ils restent ; maintenant, on sait seulement qu’ils ont du sang sur les mains. Mais j’aurais envie d’insister sur le « on sait » : je maintiens – et je ne crois pas que ce soit de la paranoïa – que ceci n’a rien de neuf, que c’est seulement davantage médiatisé. Et je trouve un peu triste qu’il faille passer par la mort d’un jeune homme qui avait le bon goût d’être blanc et militant pour que l’indignation s’exprime. La violence d’extrême droite est pourtant coutumière, voire quotidienne ; et peut-être toutes les victimes n’ont-elles pas eu droit au même sursaut civique, ce que je ne peux m’empêcher de trouver un tantinet navrant.
Deuxième point : la fameuse – et sans doute inévitable – « récupération politique ». Celle-ci me paraît répugnante, et ce d’où qu’elle vienne. Je trouve regrettable qu’un esprit de parti vienne s’insérer dans la polémique pour distribuer plus ou moins aléatoirement bons et mauvais points, disant qui a le droit d’être indigné et de l’exprimer, et qui n’en a pas le droit. Cependant, refusant par principe tout rattachement à un parti, je n’ai guère plus à dire sur la question.
Il va ensuite de soi que la « légitime défense » invoquée par certains dans cette affaire pour justifier l’injustifiable est une absurdité parfaitement scandaleuse, et que ceux qui brandissent cette « excuse » juridique sont des individus hautement détestables. Mais je ne participerai pas pour autant de la glorification sans condition, et quasi mythologique, du mouvement « antifa ». En ce qui me concerne, les « antifa » sont le plus souvent des gamins qui veulent jouer au soldat, et je n’ai jamais aimé les soldats, quel que soit leur uniforme. Il est regrettable qu’il se trouve parfois parmi eux des gens véritablement violents, même si leur violence n’atteint pas les proportions de celle du camp d’en face. Mais là n’est sans doute pas la question ; simplement, je n’ai pas de sympathie pour les extrêmes : si mes inclinations politiques me rapprochent évidemment du bord gauche, et si les prétentions de certaines personnalités de droite quant aux supposées « violences de gauche » sont honteuses en l’espèce, je n’ai pas envie, pour autant, d’icôniser « l’antifascisme de terrain » contemporain en France tel qu’il s’exprime dans ce mouvement.
Revenons d’ailleurs sur ce mot de « fascisme ». Sans m’attarder dans le détail sur quelques bêtes diatribes qu’on a pu lire ici ou là de la part de gens qui mélangent un peu tout, je tiens cependant à ce que l’on use des mots correctement. « Fasciste », ce n’est pas « facho » ou « faf », et c’est encore moins synonyme de « d’extrême droite ». D’aucuns trouveront sans doute cette distinction sophistique, mais j’attache pour ma part du sens aux mots, et n’aime pas qu’on les maltraite, craignant que leur usage inconsidéré ne vienne nuire à la pertinence du discours. En l’occurrence, oui, les enflures qui ont tabassé Clément Méric peuvent très justement être qualifiées de « fascistes » : ce sont des nationaux-révolutionnaires, ce qui est l’avatar contemporain le plus proche de la réalité historique qu’était le fascisme. D’aucuns vont cependant plus loin, et qualifient l’extrême droite en général et le FN en particulier de « fascistes ». C’est là à mon sens une erreur, qui peut porter préjudice à la justesse de l’analyse et, par contrecoup, à la pertinence des mesures adoptées pour lutter contre le fascisme. Alors je vais le dire à mon tour, ce truc qui a tant choqué : non, le FN n’est pas un parti « fasciste ». Attention, ce sont des connards quand même, hein ! Simplement, il n’y a qu’une frange minoritaire du FN qui puisse se voir attribuer ce qualificatif – en l’occurrence, les nationaux-révolutionnaires, comme ceux qui ont tué Clément Méric. Pour le reste, le FN est – et a toujours été – une nébuleuse rassemblant tant bien que mal les différentes branches de l’extrême droite française autour de la personnalité charismatique du Borgne, puis de sa connasse de fille. Le Pen lui-même pouvait à la limite se voir attribuer le qualificatif de « néo-fasciste », mais même cela est discutable (et je ne suis pas certain que cette notion recouvre grand-chose de concret).
Ce qui nous amène au dernier point. Il s’en est trouvé – beaucoup, d’ailleurs – pour réclamer à l’occasion de ce drame la dissolution de certains groupuscules, sites ou partis d’extrême droite. Et là – je vous rappelle que je suis un odieux libéral qui travaillais fut un temps sur la répression politique – je ne peux qu’exprimer mon désaccord. Il va de soi que les mouvements radicaux clairement criminels voire terroristes, tombant de ce fait sous le coup de la loi, méritent cette sanction, mais ceci est vrai en tout temps. Mais je ne peux pas accepter que l’on sanctionne quelqu’un, quel qu’il soit, simplement pour avoir exprimé ses « idées », aussi abjectes soient-elles. Je ne crois pas en la « responsabilité collective », et ai toujours trouvé cette notion dangereuse ; il en va de même pour « l’incitation ». On sort là du champ du juridique pour intégrer celui du politique. Aussi la lutte contre ces personnes et ces théories fumeuses doit-elle être politique, et non juridique. Je crains trop ce qu’un gouvernement de droite (je veux dire, se revendiquant comme tel…) pourrait faire à l’encontre de mouvements, de sites, etc., de gauche et d’extrême gauche pour accepter qu’un gouvernement prétendument de gauche agisse de la sorte contre des mouvements, sites, etc., de droite ou d’extrême droite. C’est comme ça : j’assume mon libéralisme sans doute un brin candide, mon attachement – extrémiste, je l’admets – à la liberté d’expression et par conséquent mon hostilité à toute forme de censure, quelle qu’elle soit.
Voilà. C’est à peu près tout. Cela suffira-t-il à éloigner de moi certains amis et contacts ? J’espère que non. Mais traiter de ces questions me chiffonnait trop, j’imagine, pour que je continue à me réfugier lâchement dans le silence. Seulement, vous comprendrez maintenant pourquoi je ne peux pas honnêtement me joindre unilatéralement aux loups qui hurlent, avec toute la sympathie que j’ai pour eux, et toute la tristesse que m’inspire le drame horrible à l’origine de cette polémique.
YI (MunyǒI), Le Poète, [Shiin], traduit du coréen et préfacé par Ch’oe Yun et Patrick Maurus, Arles, Actes Sud, coll. Babel, [1992] 2001, 244 p.
Le citoyen Bidibulle (que son nom soit sanctifié), considérant ma méconnaissance totale de la littérature coréenne et désireux d’y remédier, a abandonné le temps d’un cadeau sa vile propagande en faveur de la Chine communiste ; c’est donc à lui, grand parmi les grands, que je dois la lecture de ce Poète de Yi Munyǒl, et qu’il en soit mille fois remercié. Car ce livre, autant le dire de suite, malgré un titre qui a de quoi faire peur à la Nébalie tout entière, était fort bon. Dingue, ça.
Le Poète, c’est Kim Sakkat (1807-1863), de son vrai nom Kim Byǒngyǒn. Un personnage authentique, qui figure parmi les grands noms de la poésie coréenne, et incarne une sorte de type-idéal du rimeur vagabond. Le roman biographique de Yi Munyǒl prend prétexte de la vie fascinante de ce personnage d’exception pour s’interroger sur une multitude de thèmes, des plus intimes aux plus globaux.
Kim Byǒngyǒn est tout d’abord un aristocrate déclassé. Petit-fils de Kim Iksun, gouverneur de la ville-garnison de Sǒnch’ǒn, qui s’est rendu face au rebelle Hong Kyǒngnae avant de pactiser avec ce dernier, et est donc devenu ainsi un criminel d’État, le futur poète fait les frais d’une loi scélérate qui condamne les héritiers de tels criminels sur trois générations. Son père parvient cependant à sauver la vie de ses enfants en les envoyant auprès d’un ancien esclave, qui se fait passer pour leur géniteur. Plus tard, la sanction sera levée, mais les ennuis des descendants de Kim Iksun ne seront pas finis pour autant : ils doivent toujours porter ce lourd fardeau d’avoir pour ancêtre un traître au régime.
Si le frère de Byǒngyǒn semble se contenter de la vie simple d’un citoyen lambda, notre ambitieux héros, en conformité avec les attentes de leur mère, souhaite par contre retrouver une position enviable dans la société coréenne, et passer les concours qui la cimentent. Il s’exerce pour cela à la poésie de style de concours, dans laquelle il connaît quelques succès… mais, un jour, il doit traiter dans un poème de la trahison de son grand-père, et l’expérience se révèle pour le moins traumatisante.
Abandonnant l’idée des concours – mais pas, pour l’instant, ce style poétique très normé –, Kim Byǒngyǒn devient vagabond, abandonnant femme et enfants. C’est au cours de ses errances qu’il va faire la rencontre du Vieillard Ivre, qui va l’amener à remettre en cause ses préjugés artistiques, avant qu’une autre rencontre ne débouche sur une autre prise de conscience, de nature politique cette fois. Kim Sakkat deviendra dès lors un poète « populaire », mais aussi, dans une perspective passablement nihiliste, un grand destructeur des formes poétiques, pour le meilleur et pour le pire.
En s’attachant aux pas du Poète, Yi Munyǒl livre tout d’abord un très beau roman d’apprentissage. De sa plume élégante (qui m’a fait penser à certains auteurs nippons, mais c’est peut-être idiot, voire hérétique), il dresse un tableau édifiant d’une vie exceptionnelle, faite de révélations successives, de prises de conscience éventuellement contradictoires. Kim Sakkat est à cet égard un superbe personnage, et les autres ne sont pas en reste, que l’auteur parvient à faire vivre en quelques lignes. Le Poète est déjà, dans cet ordre d’idées, un très beau roman, très émouvant et juste.
Mais il gagne encore en force dans son tableau critique de la société coréenne corrompue… et, déjà, d’une forme de partition entre le Nord et le Sud. Cet aspect prend d’autant plus de force que – merci la préface, pour une fois – les destins parallèles de Kim Byǒngyǒn et Yi Munyǒl se font étrangement écho, dans la mesure où le père de l’auteur du Poète a quitté la Corée du Sud pour le régime communiste du Nord… Le Poète est ainsi un roman particulièrement poignant, douloureux parfois, sur les rapports conflictuels qu’entretiennent les générations, et le pouvoir destructeur de certains choix sur des enfants qui n’ont rien choisi. Entreprise « autobiographique par procuration », le roman de Yi Munyǒl s’interroge sur le « meurtre symbolique du père »… et en même temps sur sa rédemption éventuelle.
Et ce qui vaut pour l’intime et pour le politique, vaut aussi pour l’art. Le roman de Yi Munyǒl constitue en effet une très belle réflexion sur la poésie, et au-delà la littérature voire l’art en général ; l’auteur confronte en un unique personnage conformisme et nihilisme, colère et apaisement, expérimentation et démagogie… Remarquable.
Aussi intelligent que beau, émouvant et subtil, Le Poète est donc une très grande réussite. Sans doute faudra-t-il que j’approfondisse la découverte de l’œuvre de Yi Munyǒl ; en attendant, je remercie une fois de plus le citoyen Bidibulle – gloire à son nom –, et vous encourage chaudement à partager l’errance de Kim Sakkat.
MONK (Ian), Plouk Town, introduit par Jacques Roubaud, Paris, Cambourakis, coll. Poésie, 2011, 183 p.
PLOUK TOWN c’est à Charybde que Nébal en a entendu parler
PLOUK TOWN c’est Nicolas Richard qui en a parlé
PLOUK TOWN il en a lu des extraits éloquents
PLOUK TOWN son bouquin il était tout ruiné tant corné
PLOUK TOWN ça a fait son petit effet
PLOUK TOWN je crois les gens ont bien kiffé
PLOUK TOWN en tout cas Nébal a aimé alors
PLOUK TOWN Nébal l’a acheté pourtant
PLOUK TOWN y a écrit polésie dessus et même si c’est
PLOUK TOWN Nébal la polésie il a quoi comme quoi comme des préjugés mais
PLOUK TOWN ça avait l’air bien pour un truc de pouète alors
PLOUK TOWN Nébal l’a acheté et l’a lu hop hop pourtant
PLOUK TOWN c’est même de l’Oulipo et bon là Nébal il tremblote mais bon c’est
PLOUK TOWN alors faisons comme
PLOUK TOWN c’est de Ian Monk
PLOUK TOWN c’est introduit par Jacques Roubaud et
PLOUK TOWN dès cette introduction c’est très rigolo mais
PLOUK TOWN c’est pas que rigolo non en fait
PLOUK TOWN c’est plus souvent triste que rigolo
PLOUK TOWN c’est sordide voilà mais c’est ça qu’est bien
PLOUK TOWN c’est en France
PLOUK TOWN c’est dans le nord de la France
PLOUK TOWN c’est des beaufs des gens quoi à
PLOUK TOWN on picole sévère un mi un skywhi un baby un rosé à
PLOUK TOWN on court après les allocs enfin des fois à
PLOUK TOWN on vote FN ou on vote pas
PLOUK TOWN c’est glauque c’est français c’est bien
PLOUK TOWN c’est une gorgée de bière de Kro sur un parking
PLOUK TOWN c’est de la Villageoise qui tache
PLOUK TOWN c’est des Kleenex qui collent
PLOUK TOWN c’est des magazines qui collent
PLOUK TOWN c’est des putes des vieilles putes
PLOUK TOWN c’est des cons mais des gentils cons
PLOUK TOWN c’est aussi des vrais cons les cons
PLOUK TOWN ça suinte la misère
PLOUK TOWN ça dégouline la haine
PLOUK TOWN ça sonne la franche camaraderie virile à
PLOUK TOWN on aime le LOSC allez allez à
PLOUK TOWN on aime le foot ouais mais
PLOUK TOWN qu’est-ce qu’il y fout le British ben comme
PLOUK TOWN il boit il rame il colle mais en plus il écrit
PLOUK TOWN et il l’écrit bien l’enculé
PLOUK TOWN vit et meurt dans ses carnets
PLOUK TOWN chiale et se marre dans ses carnets
PLOUK TOWN bouffe des kebabs comme les vrais gens
PLOUK TOWN boit trop comme les vrais gens
PLOUK TOWN a pas de boulot comme les vrais gens
PLOUK TOWN aime pas les vrais gens mais en fait
PLOUK TOWN c’est les vrais gens comme Ricard et Œil Crevé
PLOUK TOWN c’est aussi la ville du British quoi et
PLOUK TOWN donne pas envie non mais sonne vrai alors
PLOUK TOWN ça se dévore quoi
PLOUK TOWN ça scande incantatoiresque
PLOUK TOWN c’est une liste de courses à Champion sauf qu’à
PLOUK TOWN t’as pas les thunes alors tu voles un peu de
PLOUK TOWN pour le boire sur le parking ou dans un troquet de
PLOUK TOWN où tu perds ce que tu gagnes au grattage merde
PLOUK TOWN d’ailleurs ça dit merde
PLOUK TOWN ça dit chier con pute
PLOUK TOWN ça dit beaucoup pute
PLOUK TOWN c’est de la polésie oui mais qui sent la merde de
PLOUK TOWN et c’est ça qu’est bien tu vois quoi merde allez
PLOUK TOWN ça se répète mais tu t’en branles parce que
PLOUK TOWN c’est hypnotique ta mère d’ailleurs
PLOUK TOWN je vais redire que c’est drôle mais
PLOUK TOWN je vais redire que c’est triste
PLOUK TOWN c’est dégueulasse en fait mais
PLOUK TOWN putain c’est beau
PLOUK TOWN ça colle une baffe voire deux voire trois
PLOUK TOWN en fait tu comptes pas
PLOUK TOWN tu comprends pourquoi il était tout ruiné celui du Richard
PLOUK TOWN c’est une pute moche qui racole avec des mots vrais
PLOUK TOWN t’as envie de tout corner tellement c’est bon
PLOUK TOWN t’as envie de tout citer tellement c’est bon
PLOUK TOWN ben Nébal a aimé quoi
PLOUK TOWN même si c’est de la polésie parce que
PLOUK TOWN c’est juste très bon le reste on s’en fout
PLOUK TOWN du coup je peux pas faire autrement qu’en citer voilà du
PLOUK TOWN lisez
PLOUK TOWN parce que
PLOUK TOWN
je t'aime comme le RMI qu'on touche là
je t'aime comme le silence enfin rien quoi toi
je t'aime comme la bière et son énième gorgée
je t'aime comme les pigeons aiment le pain perdu
je t'aime comme la voiture écrase le pigeon naze
je t'aime comme une cigarette se brûle toute seule
je t'aime comme l'euro glisse dans le Caddie
je t'aime comme ciel qui brille dans des flaques
je t'aime comme bagnole qui bouffe la route imaginaire
je t'aime comme bouteille de pinard là ce soir
je t'aime comme la caissière de Champion est belle
je t'aime comme les encombrants qui apportent les merveilles
je t'aime comme une promotion de moules frites surgelées
je t'aime comme ma carte de fidélité chez Champion
je t'aime comme une carte bleue volée qui crache
je t'aime comme une star de porno qui avale
je t'aime comme le au revoir de la concierge
je t'aime comme bonjour de la concierge de rue
je t'aime comme pipe taillée par pipeuses du monde
je t'aime comme un magazine de cul avec adresses
je t'aime comme une vidéo qui me fait gicler
je t'aime comme bible qui se raconte toute seule
je t'aime comme une belle Mercedes volée achetée cash
je t'aime comme une BMW après changement de plaques
je t'aime comme le prix des clopes en Belgique
je t'aime comme une bouteille cassée dans une benne
je t'aime comme une crotte de kien au pied gauche
je t'aime comme une bonne frite molle et grasse
je t'aime comme un gros cornichon polonais ou russe
je t'aime comme de la mayo sur mes frites
je t'aime comme les câpres dans un filet américain
je t'aime comme une moto jaune conduite sans casquette
je t'aime comme une carte de grattage gros lot
je t'aime comme la télévision la télévision la télévision
je t'aime comme le LOSC allez le LOSC allez
je t'aime comme le foot là à la télé
je t'aime comme cette pétasse blonde à la télé
je t'aime comme un pack de Kro au frigo
je t'aime comme un chariot de Champion bien rempli
je t'aime comme un tir au but serré réussi
je t'aime comme la coupe du monde des bleus
je t'aime comme du fromage mais aussi du dessert
je t'aime comme de la vodka dans mon colonel
je t'aime comme une bouteille d'Avesnes qui suinte
je t'aime comme une bouteille de Villageoise qui tache
je t'aime comme une deuxième bouteille de Villageoise tachant
je t'aime comme une bouteille de Villageoise rosé maintenant
je t'aime comme une bouteille de Villageoise blanc enfin
je t'aime comme une bouteille de whisky écossais volé
je t'aime comme une bouteille de whisky breton acheté
je t'aime comme le silence des voisins après minuit
je t'aime comme les musulmans aiment leur maman papa
je t'aime comme les musulmans peuvent battre leurs femmes
je t'aime comme les voiles qui cachent les bleus
je t'aime comme les bouches qu'on voit pas
je t'aime comme les nez qu'on voit pas
je t'aime comme les oreilles qu'on voit pas
je t'aime comme les cheveux qui dépassent un tchador
je t'aime comme un couscous royal pois chiches compris
je t'aime comme le harissa touillé dans la louche
je t'aime comme la coriandre sur un mouton égorgé
je t'aime comme les gadgets qu'on achète bêtement
je t'aime comme un jeu de Millionnaire putain oui
je t'aime comme un pastis un whisky peu importe
je t'aime comme mes fenêtres naze qu'on remplace
je t'aime comme la fuite à la cave finie
je t'aime comme la fuite par le toit finie
je t'aime comme kebab comme sandwich comme bouffe quoi
je t'aime comme mon plume mes draps mon oreiller
je t'aime comme la musique la peinture des cons
je t'aime comme les collabos aiment la police détestée
je t'aime comme le junkie épouse son dealer haï
je t'aime comme le cocaïne bourre une narine bourgeoise
je t'aime comme le crack et l'ecstasy crachouillent
je t'aime comme ma mère comme papa bou hou
je t'aime comme mes enfants me trouvent vieux con
je t'aime comme un parking qui arrive vlan là
je t'aime comme une pute de rêve ses cuisses
je t'aime comme putain on se calme ce soir
je t'aime comme merde je t'aime quoi voilà
je t'aime comme le long couloir noir des obscénités
je t'aime comme le court passage blanc des béatitudes
je t'aime comme un mariage mignon de gens adorables
je t'aime comme le bonheur pour les autres cons
je t'aime comme le malheur pour les vrais cons
je t'aime comme ni l'un ni l'autre
je t'aime comme une réception merdique à la con
je t'aime comme le champagne qui nique l'estomac
je t'aime comme des funérailles d'un dictateur latin
je t'aime comme une blague dégueulasse nullissime et vieille
je t'aime comme les criminels de guerre tombent malades
je t'aime comme les bouteilles tombent dans leur benne
je t'aime comme un enfant perdu un parent bistro
je t'aime comme trou noir mystère le bon dieu
je t'aime comme cette musique ratata pratata zinzin ouais
je t'aime comme ce portable qui scintille sur moi
je t'aime comme des baskets qui scintillent toutes seules
je t'aime comme tes yeux qui parlent tout seuls
je t'aime comme j'sais pas moi merde enfin
je t'aime comme ça comme je t'aime comme
PLOUK TOWN
WABLE (Jonathan), Six Photos noircies, [Paris], Attila, 2013, 193 p.
C’est un fait : je suis influençable. Le concert de critiques élogieuses, vantant l’originalité du projet et la maestria du style, et brandissant en guise de figures tutélaires d’immenses noms de la littérature en général et du fantastique en particulier (Borges en tête), le fait qu’Attila ne m’ait jamais déçu jusqu’alors, quelques avis autorisés, enfin, m’affirmant sans l’ombre d’un doute que ce livre était fait pour moi, tout cela justifiait, j’imagine, ma lecture de ces Six Photos noircies, premier « roman » (?) du jeune Jonathan Wable.
Je suis influençable, oui ; mais il y a des limites. Et après avoir longuement peiné sur ces moins de 200 pages, je ne peux que m’inscrire en faux : non, ce n’est pas spécialement original (mais bon, ça, c’est pas dramatique) ; non, le style n’a franchement rien d’exceptionnel (et souffre même à mon sens de quelques fâcheuses maladresses…) ; les influences ont bon dos, mais ne justifient rien ; et, oui, Attila, pour une fois, m’a déçu. Bilan : non, désolé, ô avis autorisés, mais ce livre n’était très probablement pas pour moi… Je n’irais peut-être pas jusqu’à le qualifier de « mauvais » dans l’absolu, mais voilà : moi, je, me, myself, I, je me suis fait chier comme un rat mort à la lecture de ces Six Photos noircies ; et même davantage, sans doute, puisque ledit rat, étant mort, n’a pas à s’infliger ce genre de pensum.
‘tain, j’ai niqué le suspense, là…
Bon. Essayons quand même de dire quelques mots de ce livre, à mi-chemin entre roman et recueil de nouvelles, dans la mesure où il est constitué de vingt tableaux (je crois avoir lu ici ou là le terme « vignette », qui me paraît très pertinent) largement indépendants les uns des autres, quand bien même on y retrouve presque systématiquement deux personnages, le biologiste Valente Pacciatore (qui prend toujours six photos de ce qui l’intrigue, donc) et le médecin Tirenzio Perochiosa, confrontés à chaque fois à des phénomènes étranges, et régulièrement funèbres, aux quatre coins du monde (chaque vignette est désignée par un toponyme), à une époque que l’on supposera être la fin du XIXe siècle. Nos deux « héros » – bien grand mot pour des figures aussi vides, pardon, « abstraites » – observent ainsi (ils ne font guère plus) créatures bizarres et morts glauques dans une succession d’images tenant sans doute plus du surréalisme et du grotesque que du fantastique au sens courant.
Il y a quelque chose de très visuel dans Six Photos noircies – mais après tout le titre est en lui-même assez éloquent à cet égard. C’est là la force de ce « roman », j’imagine (et cela n’a sans doute rien d’étonnant, les premiers textes le composant ayant été rédigés pour accompagner des peintures d’Hélène Delprat). Je l’admets : oui, il se dégage parfois de ces pages une certaine beauté macabre pas désagréable, évoquant finalement plus des poèmes en prose qu’autre chose.
Mais je n’ai pas saisi l’intérêt de la chose. Ce « roman » décousu au possible, où le récit est réduit à peau de chagrin, passe d’image en image, ou plus exactement de photo en photo, comme un antique projecteur de diapositives (on est très loin du cinéma). Alors, oui, de temps en temps, c’est joli… Mais, je sais pas vous, moi j’ai toujours trouvé ça chiant, les sessions diapos… Et c’est bien l’effet que Six Photos noircies m’a fait.
Ce qui aurait pu sauver à mes yeux ce premier livre, en accord avec le projet global, c’est évidemment le style. Et j’ai entendu et lu beaucoup de belles et bonnes choses à propos de la plume de Jonathan Wable. Ce qui dépasse franchement ma compréhension (mais voyez l’adresse de ce blog). Non, je ne comprends pas l’enthousiasme affiché de nombreux critiques pour l’écriture de Six Photos noircies ; pour ma part, elle m’a paru bien terne, au mieux : parfois balourde, à vrai dire… et peut-être aussi un tantinet prétentieuse, ou disons m’as-tu-vu.
Impression qui s’applique à l’ensemble du « roman », au fond comme à la forme. À ce propos, le « résumé » auquel je me suis livré plus haut ne doit pas vous tromper : Pacciatore et Perochiosa ont beau faire dans l’investigation de l’étrange, ils n’ont guère en commun avec les plus fameux enquêteurs occultes de la littérature fantastique (a fortiori celle des pulps). Ils n’ont à vrai dire ni assez d’âme ni assez de corps pour évoquer qui que ce soit. Je n’ai rien, dans l’absolu, contre la littérature en creux, mais là, j’ai tout de même le sentiment que Jonathan Wable a poussé la chose un peu trop loin…
Aussi n’ai-je au final pas grand-chose à dire de positif quant à ce premier roman survendu, et qui n’était décidément pas pour moi. Non, je ne comprends pas l’enthousiasme pour ce truc plein de vide, qui abuse d’effets de manche pour rien. Pire : je me suis emmerdé comme c’est pas permis à la lecture de ces Six Photos noircies, que je n’ai poussée jusqu’au bout qu’en raison de mon masochisme littéraire.
Mais ayé, fini ! Je vais enfin pouvoir passer à autre chose !
Ouf.