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"Voyage", de Stephen Baxter

Publié le par Nébal

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BAXTER (Stephen), Voyage, [Voyage], traduit [de l’anglais] par Guy Abadia, Paris, J’ai lu, [1996, 1999, 2003] 2009, 2 t., 509 et 347 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 70, dans le guide de lecture consacré à Stephen Baxter (pp. 150-151).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant quelque temps.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop :

 

On sait que Stephen Baxter, avant de se consacrer à l’écriture, fut un astronaute frustré ; rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’il ait livré une « trilogie de la NASA » (informelle, chaque volume étant indépendant), dans laquelle il questionne la conquête de l’espace. Voyage en est le premier volume (les suivants étant Titan et Poussière de lune), et il est pour le moins éloquent à cet égard. Cette vaste fresque de science-fiction « hard science » ultra-documentée et réaliste (ne faites donc pas attention aux couvertures, qui n’ont absolument rien à voir avec le contenu…) joue en effet la carte de l’uchronie subtile pour proposer une vision aussi lucide que fascinante de ce qui aurait pu advenir si la NASA, après l’alunissage historique d’Apollo 11, ne s’était pas désintéressée des vols habités, et, plus précisément, avait lancé un vaste et complexe programme destiné à envoyer des astronautes sur Mars avant la fin du XXe siècle.

 

L’histoire que nous conte Stephen Baxter ne diverge de la nôtre que par petites touches en apparence anodines, mais pourtant décisives, la survie de John Fitzgerald Kennedy à l’attentat du 22 novembre 1963 n’étant pas la moindre. En effet, quand Neil Armstrong et Joe Muldoon (exit Buzz Aldrin…) posent le pied sur notre satellite en 1969, ce qui représente l’apogée du programme spatial américain, JFK est aux côtés de Nixon (malgré leur « inimitié »…) pour les féliciter et, en direct, lancer l’idée du vol habité à destination de Mars comme prochaine étape à franchir, à plus ou moins long terme. Ce qui chamboule totalement la conquête de l’espace versant américain telle que nous l’avons connue : la NASA fait ainsi l’impasse sur la navette spatiale, par exemple, et les sondes automatisées en pâtissent également.

 

Le roman alterne entre deux lignes narratives : l’une, très simple, évoque, au milieu des années 1980, le vol pour Mars des trois astronautes Phil Stone, Ralph Gershon et Natalie York (cette dernière, une géologue à l’origine, étant probablement le personnage central du roman) à bord du vaisseau Arès ; l’autre, bien plus complexe et « chorale », traite de tous les préparatifs de ce vol historique depuis 1969, et fait intervenir un très grand nombre de personnages fort variés, dont il serait vain de vouloir dresser la liste : astronautes, ingénieurs, chercheurs, administrateurs, etc., qui ont tous joué leur rôle dans la préparation de cette expédition martienne.

 

Si le démarrage est un peu laborieux, notamment du fait d’un style médiocre assez typique de l’auteur, a fortiori dans ses plus anciennes productions, et d’une tendance à l’abus de jargon ultra-technique, Voyage séduit néanmoins rapidement par son ambition à la limite de la mégalomanie et la somme de recherches qu’il représente. On sent que Stephen Baxter s’est extrêmement documenté pour livrer au final une vision aussi lucide et réaliste que possible d’une conquête de l’espace « autre ». Et le résultat est aussi fascinant qu’intelligent.

 

Ici comme dans bon nombre de ses romans, Baxter se révèle un authentique maître du « sense of wonder ». La science et la technologie s’allient pour faire rêver le lecteur, qui veut croire en la possibilité (avortée…) de cette expédition martienne. Il faut dire que tout dans Voyage se montre plausible ; la ligne historique divergente traitée par l’auteur, documents à l’appui, ne paraît pas invraisemblable, loin de là, et on ne peut s’empêcher, à la lecture de ce pavé, de regretter « la perte de Mars » explicitée en postface…

 

Et pourtant, Voyage se révèle autrement plus subtil qu’une simple rêverie sur les vols habités post-Apollo. La science « dure » et la technologie sont en effet mises en rapport avec le politique et l’économique de façon extrêmement pertinente – la vision que nous livre l’auteur de ce programme à long terme est globale –, et le propos de Baxter est plus ambigu qu’il n’y paraît au premier abord. Il livre en effet au passage une réflexion passionnante sur l’intérêt tout relatif des vols habités, qui vient quelque peu refroidir le rêveur qui sommeille en tout lecteur de science-fiction. Voyage n’est qu’en apparence une apologie de cette conquête de l’espace différente, dont la pertinence à tous égards est fort intelligemment questionnée. D’autant que Baxter nous montre aussi ce qu’une telle ambition peut avoir de destructeur, voire de tragique, pour les principaux intéressés.

 

 Dès lors, le bilan est sans appel : malgré quelques défauts sur lesquels on ne saurait totalement faire l’impasse (tenant notamment au style médiocre et à des personnages pas toujours très bien campés – Natalie York comprise, qui est pour le moins insupportable), Voyage constitue bel et bien un modèle de SF « hard science » aussi intelligente que palpitante, une preuve supplémentaire du talent de son auteur pour le « sense of wonder » à l’état pur. Brillant, enthousiasmant (et en même temps un brin déprimant…), ce premier roman de la « trilogie de la NASA » est une remarquable machine à rêver, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.

 

EDIT : Gérard Abdaloff en parle dans la Salle 101 ici.

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"Les Cinq Rubans d'or", de Jack Vance

Publié le par Nébal

Les Cinq Rubans d'or

 

 

VANCE (Jack), Les Cinq Rubans d’or, [The Five Gold Bands], traduit de l’anglais (américain) par Dominique Haas, Chambéry, Pocket – ActuSF, coll. Perles d’épice, [1950, 1984] 2013, 228 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 70 (pp. 96-97).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant quelque temps.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop :

 

La couverture ne ment pas sur la marchandise, on lui reconnaîtra au moins ça : Les Cinq Rubans d’or, c’est vieux, antédiluvien même (on peut semble-t-il le considérer comme étant le premier roman de Jack Vance), et c’est kitsch. Ce qui, après tout, peut avoir son charme, et un peu de régression, de temps à autre, ça ne fait pas de mal… Tout cela sent fort le space op’ à la papa, qui a ses aficionados. Et Vance s’est montré à bien des reprises un conteur palpitant, doué pour l’exotisme voire « l’ethno-SF », livrant des récits enjoués, pas forcément très cérébraux, mais peu importe.

 

Dans un futur que l’on supposera passablement lointain, l’humanité a essaimé à travers la galaxie grâce à la découverte par Sam Langtry de l’ultrapropulsion spatiale. Mais ce précieux savoir a été confisqué par les cinq Fils de Langtry et leurs descendants, qui le gardent jalousement, et ne distribuent qu’au compte-goutte, en fonction de quotas draconiens, les ultrapropulsions aux divers représentants de l’humanité (qui s’est adaptée aux différentes planètes, et présente donc bien des variétés).

 

Vingt générations après cette découverte fondamentale, du coup, les Terriens font figure de laissés pour compte. Situation intolérable pour l’Irlandais jusqu’au bout des ongles Paddy Blackthorn. Aussi cet aventurier (ce « pirate de l’espace », pour reprendre un autre titre du roman) tente-t-il de voler des ultrapropulsions… et, bien évidemment, se fait prendre la main dans le sac. Suite à un concours de circonstances passablement invraisemblable – c’est rien de le dire –, notre (insupportable) héros, acculé, cause cependant la mort des cinq Fils de Langtry, et leur prend leurs cinq rubans d’or, contenant des indications permettant de retrouver les tablettes conservant le secret de l’ultrapropulsion. Ce qui fait de lui l’homme le plus recherché de la galaxie, en toute logique. Mais ne l’empêche pas, secondé par la belle Fay de l’Agence Terrienne, de se lancer dans la quête des cinq tablettes…

 

On nous promet du « fun », ou, pour reprendre les termes de la quatrième de couverture, qui s’appliquent certes souvent à l’œuvre de Vance, du « picaresque ». Admettons. On a cependant un peu envie d’y voir un euphémisme : Les Cinq Rubans d’or, ça va à fond la caisse, ne s’embarrassant guère de choses aussi superflues que les descriptions ou la psychologie, pour se concentrer uniquement sur les dialogues et une action hystérique, enchaînant les rebondissements à vitesse grand V.

 

Et, hélas, ça ne passe pas.

 

Il n’y a en effet pas de mystère : oui, Les Cinq Rubans d’or, c’est bien du space op’ à la papa ; mais du genre qui a vraiment très mal vieilli. Oui, Les Cinq Rubans d’or, c’est régressif ; mais à tel point que c’en est devenu illisible pour quiconque a plus de 13 ans.

 

Le début du roman, parfaitement calamiteux, donne le ton : c’est absolument insupportable, écrit avec les pieds, d’un ridicule achevé ; ça ne tient pas la route deux secondes, et on prend peur, très vite, de ce qu’on va devoir s’infliger par la suite (heureusement sur une courte distance, c’est un très bref roman). L’arrogant Paddy Blackthorn est systématiquement à baffer ; comme un Cugel, certes : sauf que le héros de « la Terre mourante » gagne en fin de compte la sympathie du lecteur du fait de son côté loser magnifique. Loin de là, Paddy, qui bénéficie de la bonne étoile des Blackthorn, réussit tout ce qu’il entreprend avec une facilité déconcertante, collecte les tablettes comme s’il faisait son marché, et se sort des nombreux pièges dans lesquels il tombe malgré tout avec une petite pirouette, pour la forme. Aussi le récit de ses aventures ne se montre-t-il guère palpitant… Quant à ses répliques censément gouailleuses et enjouées, elles ont tôt fait de lasser le lecteur. A fortiori quand la (nécessairement) belle Fay y participe : les rapports bien vite amoureux qu’entretiennent les personnages ne séduiront vraisemblablement que les lecteurs pré-pubères. L’immaturité est en effet le trait essentiel de ce roman qui accuse son âge.

 

Certes, tout n’est peut-être pas à jeter. À titre documentaire, un lecteur de bonne volonté pourra relever de temps à autre dans Les Cinq Rubans d’or quelques thèmes ou procédés qui deviendront caractéristiques de l’œuvre de Vance, en science-fiction comme en fantasy. Outre le parallèle avec Cugel, ses races humaines évoluées parallèlement auraient ainsi pu aboutir à quelque chose d’intéressant… Mais non. Pas pour l’instant, en tout cas.

 

 Un roman ennuyeux malgré son caractère frénétique, lourdingue dans sa légèreté supposée, aux personnages navrants et au style qui ne mérite même pas ce qualificatif, donc. Étrange idée, aussi, que de rééditer cette antiquité : on aurait pu (dû ?) l’oublier, probablement… Et Vance a fait tellement mieux !

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"Gueule de Truie", de Justine Niogret

Publié le par Nébal

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NIOGRET (Justine), Gueule de Truie, Rennes, Critic, 2013, 253 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 70 (pp. 86-87).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant quelque temps.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop :

 

Après avoir exposé sa conception d’une fantasy pas si fantaisiste que ça avec l’ultra-primé Chien du heaume et sa suite Mordre le bouclier, Justine Niogret s’attaque aujourd’hui au genre post-apocalyptique avec Gueule de Truie (très animalier, tout ça). Un genre à nouveau très codifié, qui a ses classiques ; mais, à en croire le communiqué de presse, ce roman fait preuve d’une ambition indéniable : on n’hésite pas à le comparer à l’excellent Plop de Rafael Pinedo, et la quatrième de couverture en rajoute encore une couche en prétendant qu’il s’agit d’un récit « aussi inoubliable que La Route de Cormac McCarthy »… Diantre ! C’est que ça doit être bien, alors.

 

Mais ne nous emballons pas trop vite.

 

Donc : l’apocalypse a eu lieu. Le Flache (le roman fait régulièrement usage de termes trafiqués, mais rassurez-vous, on est très loin du superbe Énig Marcheur de Russell Hoban). Comme de bien entendu, ce monde d’après la fin est cauchemardesque. Les Pères, incarnations fascistoïdes d’une Église dévoyée, pour qui la destruction est l’œuvre de Dieu, considèrent que cette œuvre doit être menée à son terme, pour que le Jugement Dernier puisse enfin avoir lieu. Aussi les Pères dressent-ils des Cavales, des tueurs impitoyables, pour exterminer les Gens qui restent. Une Cavale ne pense pas, elle n’est que la main de Dieu : elle se contente de tuer, ou d’amener aux Pères certains éléments pour les livrer à la Question.

 

Gueule de Truie n’a pas toujours porté ce nom étrange. À l’origine, c’était un petit garçon comme les autres… Ce sont les Pères qui l’ont baptisé ainsi, en lui imposant d’arborer un masque sinistre. Vingt ans plus tard, Gueule de Truie est une Cavale particulièrement efficace. Une ordure de première, une machine à tuer dénuée de sentiments, haine et dégoût mis à part. Et il fait sacrément bien son ignoble boulot, traquant les Gens – la viande – avec une habileté sans pareille, et tuant de ses mains nues des dizaines de victimes plus ou moins dégénérées.

 

Mais nous croisons aussi dans ce roman une fille – la fille –, qui voyage en solitaire avec pour seule possession ou presque une petite boîte dont elle ne se sépare jamais. Qu’y a-t-il dans cette boîte ? Vous aimeriez bien le savoir, hein ?

 

Bien évidemment, les routes de Gueule de Truie et de la fille vont se croiser. Et cette rencontre va bouleverser leurs destins. Ces deux individus que tout oppose vont en effet être amenés à voyager ensemble, et va s’instaurer entre eux une relation ambiguë mêlant amour et haine, riche en sanglots et en douleurs physiques comme morales.

 

C’est la joie.

 

Si elle abandonne ici son esthétique médiévalisante, la plume de Justine Niogret continue de faire des merveilles. Le ton est sec, cruel, désespéré. Le roman, d’une noirceur étouffante, ne laissant aucune échappatoire (à moins que l’amour ? mais il a tendance à faire « boum »…). La forme, sous ces deux aspects, est pour beaucoup dans la réussite de Gueule de Truie, malgré une tendance à faire un peu trop dans le cryptique de temps à autre.

 

Ce qui nous amène au fond. Et là, le bilan est un peu plus mitigé. Rien que de très classique ici en somme. Justine Niogret joue avec les codes du récit post-apocalyptique, et le fait très bien. Mais elle n’apporte pas forcément grand-chose de neuf. Et si ses personnages sont bien campés (Gueule de Truie en premier lieu), si l’on ne s’ennuie pas à les suivre dans leurs pérégrinations, troubles et disputes, le fait est que le propos reste obscur. Certes, il y a la religion, les tabous, l’égoïsme, et, par-dessus tout, l’amour, avec son cortège de maux, son caractère aberrant, improbable, absurde, la violence qui le sous-tend. Ce n’est pas inintéressant, mais ça ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick.

 

Qu’on ne s’y méprenne pas : Gueule de Truie est un bon roman. Il est bien écrit, ne manque pas d’ambition, et vaut bien qu’on s’y attarde. Seulement, dans un genre aussi codifié et aussi prolifique, il appelle tout naturellement la comparaison. Or le Niogret nouveau fait tout de même figure de parent pauvre ; un rejeton doué, mais qui arrive un peu tard. Et si sa violence et sa cruauté peuvent effectivement le rapprocher de Plop, si le périple de la Cavale et de la fille ne manque pas de moments émouvants pouvant (de très loin…) évoquer La Route (la thématique religieuse pouvant également y participer – mais à ce stade on aurait plutôt envie de citer Un cantique pour Leibowitz, aux antipodes), Gueule de Truie n’en est pas moins quelque peu anodin face à ces grands titres du genre – ne poussons pas mémé dans les orties radioactives…

 

 C’est néanmoins un roman efficace, qui cogne dur, que l’on sent passer, et c’est déjà très bien. Mais qui a de quoi laisser un brin perplexe, aussi, et ne convainc pas totalement. Entre l’exercice de style et la thématique très personnelle, Gueule de Truie balance avec plus ou moins de brio. Une lecture appréciable, qui ravira les amateurs du genre, mais ne révolutionne rien et a du mal à sortir du lot. En même temps, était-ce vraiment le but ? On ne devrait pas lire les communiqués de presse et les quatrièmes de couverture…

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"Un privé sur le Nil", de Sylvie Miller & Philippe Ward

Publié le par Nébal

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MILLER (Sylvie) & WARD (Philippe), Un privé sur le Nil, Rennes, Critic, coll. Fantasy, Série Lasser, Détective des Dieux, 2012, 327 p.

 

Ma chronique se trouve dans le Bifrost n° 70 (pp. 79-80).

 

Je vais tâcher de la rapatrier dès que possible… mais ça ne sera pas avant quelque temps.

 

En attendant, vos remarques, critiques et insultes sont les bienvenues, alors n’hésitez pas à m’en faire part…

 

EDIT : Hop :

 

Le « Noir Duo » constitué de Sylvie Miller et Philippe Ward nous avait déjà offert, ici ou là, plusieurs aventures de Jean-Philippe Lasser, Détective des Dieux. En voici aujourd’hui un premier recueil (un deuxième volume est annoncé pour mars 2013), sous forme de fix-up. L’occasion de retrouver avec un certain plaisir cet univers bigarré de fantasy uchronique et cartoonesque, où les dieux de l’Antiquité marchent parmi les hommes.

 

Nous sommes en 1935. Jean-Philippe Lasser, détective privé d’origine gauloise, un vrai cliché sur pattes (évidemment parfaitement assumé), a dû fuir la Provença suite à une enquête ayant mal tourné, et s’est réfugié en Égypte. Là, au Caire, il végète tranquillement à l’hôtel Sheramon, passant son temps à siroter du whisky en écoutant d’une oreille distraite le murmure des pachas. Mais cette petite vie toute simple va être chamboulée du tout au tout quand la déesse Isis va embaucher notre loser de héros pour retrouver, au plus tôt, le Manuscrit de Thot, grimoire magique indispensable à la célébration d’un rituel crucial. Ce n’est là que la première enquête que les dieux (tous amateurs de voitures de luxe et pour le moins chatouilleux) imposeront à Lasser : il devra ultérieurement retrouver le chat de Sekhmet, puis le sexe d’Osiris, après avoir été embringué dans un remake du « Chat botté », et avant de se retrouver bien malgré lui au cœur d’une querelle diplomatique d’importance avec la Nubie voisine. Autant de faits d’armes qui lui vaudront le titre officiel de Détective des Dieux.

 

La série fonctionne en bonne partie sur des gimmicks et des personnages récurrents (parmi lesquels on citera notamment la charmante Fazimel, réceptionniste du Sheramon et assistante de Lasser, le ridicule dieu Seth, dont les apparitions promettent à coup sûr de grands moments de grotesque, le chat parlant Ouabou, aussi agaçant qu’efficace, Hâpi le taureau sacré, richissime gérant de boîte de nuit qui n’en tient pas moins le bar, le scribe U-Laga M’Ba, etc.). Invariablement, l’affaire débute au Sheramon, au milieu des pachas, quand un dieu (souvent Isis, mais pas toujours) vient faire à Lasser une proposition qu’il ne peut bien entendu pas refuser. Suit alors une enquête passablement burlesque, où les canons du polar « hard boiled » sont passés à la moulinette pratchettienne (on peut aussi évoquer, fatalement, le Garrett de Glen Cook). Ce qui nous donne, au final, un livre un brin répétitif, mais assez réjouissant.

 

Alors, certes, il ne faut pas s’attendre ici à de la Grande Littérature : comme dirait le « Criticon » vilipendé par Pierre Desproges, Un privé sur le Nil n’a pas d’autre ambition que de divertir. Mais il fait ça plutôt bien.

 

Encore qu’il y aurait, objectivement, bien des choses à redire quant à ce premier tome. Ainsi, la résolution des enquêtes n’est pas toujours très satisfaisante (exemple flagrant avec l’énigme de l’indic Sphinxy dans « Le Manuscrit de Thot »), l’univers ne brille pas par sa cohérence et fourmille d’ambiguïtés (on se demande notamment, du fait des noms propres, quelle est au juste la place des religions monothéistes dans l’uchronie de Sylvie Miller et Philippe Ward), et l’humour est parfois plombé par des procédés lourdingues, jeux de mots nazes (Sarq-Ôsis, Elric Tape-Tonne…) et autres clins d’œil au fandom franchement pas indispensables.

 

 Pourtant, au final, c’est quand même la sympathie qui l’emporte. Malgré tous ces défauts, on s’attache volontiers aux pas de Lasser et de ses compagnons, et l’on passe dans l’ensemble un bon moment dans cette Égypte millénaire où les dieux antiques se jouent des hommes. Le sort de notre pauvre héros ne nous laisse pas indifférent, et on s’amuse de ses innombrables malheurs. Un privé sur le Nil n’est certes pas une lecture indispensable, et aura même de quoi rebuter les lecteurs un tant soit peu exigeants, qui auront vraisemblablement du mal à fermer les yeux sur les diverses maladresses précédemment évoquées. Mais, pour peu que l’on ne place pas la barre trop haut, on appréciera à sa juste valeur cette friandise des plus distrayantes ; on ne lui en demandait pas davantage, après tout.

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"Carbon/Core", de Lustmord

Publié le par Nébal

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LUSTMORD, Carbon/Core (Ant-Zen, 2013)

 

Tracklist :

 

01 – Immersion

02 – The Conflict Of Symbols

03 – Beneath

04 – Born Of Cold Light

05 – Sublimation

 

Hop, ma chronique se trouve sur le site des Immortels.

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"The Place Where The Black Stars Hang", de Lustmord

Publié le par Nébal

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LUSTMORD, The Place Where The Black Stars Hang (Ant-Zen, 2013)

 

Tracklist :

 

01 – Sol Om On

02 – Aldebaran Of The Hyades

03 – Dark Companion

04 – Metastatic Resonance

05 – Dog Star Descends

 

Hop, ma chronique se trouve sur le site des Immortels.

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Pub copinage : "Les Soldats de la mer", d'Yves & Ada Rémy

Publié le par Nébal

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RÉMY (Yves & Ada), Les Soldats de la mer. Chroniques illégitimes sous la Fédération, préface d'Anne-Sylvie Salzman, Évry, Dystopia Workshop, [1968, 1998] 2013, 342 p.

 

Normalement, quand pub copinage il y a, je m’abstiens logiquement de tout commentaire, me contentant éventuellement de relayer les chroniques provenant d’autres sites. Mais, cette fois, le cas est un peu différent, dans la mesure où j’avais déjà rendu compte de ma lecture de l’ouvrage en question dans une précédente édition, et il serait un peu absurde de le cacher. Voyez donc ici.

 

Gromovar sur Quoi de neuf sur ma pile ?

 

Efelle sur Les Lectures d'Efelle

 

Jules Abdaloff sur Salle 101

 

MarianneL sur Sens critique

  

Vladkergan sur Vampirisme

 

Tiger Lilly sur Le Dragon galactique

 

Mélicerte42 sur Les Voltés anonymes 

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"Les Aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket", d'Edgar Allan Poe

Publié le par Nébal

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POE (Edgar Allan), Les Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket, traduit [de l’américain] par Charles Baudelaire, [s.l.], Ebooks libres et gratuits, [1837] 2004, [édition numérique]

 

J’ai eu un peu de mal à lire et encore davantage à écrire ces derniers jours, d’où le retard dans mes comptes rendus. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

 

Ceci étant, poursuite de mon petit cycle antarctique, du côté des fictions cette fois, avec le séminal Les Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket d’Edgar Allan Poe (unique roman de son auteur, si je ne m’abuse, auquel se réfèrent Le Sphinx des glaces de Jules Verne et, de manière plus anecdotique, Les Montagnes Hallucinées de H.P. Lovecraft).

 

S’agit-il d’une première lecture ou d’une relecture ? Honnêtement, je ne sais plus… J’avais pas mal lu Poe dans ma jeunesse folle et insouciante, sans jamais accrocher totalement (même si j’ai plus d’une fois erré dans la rue Morgue ou traqué le trésor scarabée en main) ; oui, je suis sans doute un hérétique, mais voilà : Poe, c’est pas vraiment ma came, pour des raisons que je ne saurais vraiment expliquer, si ce n’est que sa plume (traduction de Baudelaire ou pas) tend généralement à susciter chez moi un vague ennui… Il n’est pas exclu que j’aie lu à cette époque Les Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket – je l’avais dans ma bibliothèque, en tout cas –, mais je n’en avais conservé aucun souvenir (en dehors des allusions lovecraftiennes). Dans le cadre de la préparation de Par-delà les Montagnes Hallucinées, il m’était donc nécessaire de lire ou relire la chose.

 

Le roman, délibérément inachevé – ce qui joua un grand rôle pour la suite… –, affiche dès le départ son caractère de « non-fiction » : Poe ne serait qu’un prête-nom ou, plus exactement, un ghost writer aidant à la mise en forme d’un authentique rapport des authentiques aventures de l’authentique Arthur Gordon Pym. Procédé aujourd’hui classique, mais poussé ici jusqu’à ses dernières extrémités, non sans astuce.

 

Dans sa majeure partie (les deux premiers tiers environ), il s’agit d’un pur roman d’aventures maritimes. Arthur Gordon Pym rêve en effet d’embarquer et de prendre le large ; sa mésaventure avec son jeune ami Auguste Barnard, au cours de laquelle ils ont tous deux bien failli perdre la vie, ne l’a certes pas refroidi et, avec la complicité du même, fils de capitaine, il trouve à monter clandestinement à bord du Grampus. Las, le voyage n’est pas exactement de tout repos… Sur de nombreuses pages (pour le moins somnifères ai-je trouvé, mais bon, ça n’engage que moi…), Poe nous narre les difficiles conditions de vie du passager clandestin enfermé dans la cale. Mais ce n’est rien en comparaison de ce qui se passera ensuite, quand Pym retrouvera l’air libre… en plein cœur d’une sanglante mutinerie.

 

Jusqu’alors, rien que de très classique, en somme, si ce n’est que Poe va très loin dans le grotesque et l’horreur, ce qui confère à ces Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket un certain charme, je suis bien obligé de le reconnaître. Rien d’extraordinaire à mes yeux cependant.

 

La donne change radicalement pour le dernier tiers du roman, quand, après des mésaventures dont je vous passerai le détail, Arthur Gordon Pym et son compagnon Dirk Peters se retrouvent à bord d’un bateau cherchant à repousser les limites de l’exploration antarctique. Et c’est là que le roman prend effectivement tout son intérêt, quoique d’une manière particulièrement fantasque. En effet, à l’époque où Poe écrivit la chose, on ne savait presque rien de ce qui se trouvait au-delà du cercle polaire austral ; on doutait même de l’existence d’un continent antarctique, ce qui prend toute son importance ici. Alors évidemment, l’exploration et la science ayant depuis connu les progrès que l’on sait, on ne peut s’empêcher de sourire devant les extrapolations farfelues de Poe… Mais c’est néanmoins avec un réel plaisir que l’on suit les aventures improbables de Pym dans ces contrées fabuleuses et fantasmées. Et c’est bien là ce qui fait tout le sel du roman, à mon sens tout du moins. Poe se lâche totalement, libérant son imagination débridée, et c’est pour le mieux, même si l’on ne peut plus y croire aujourd’hui. Tekeli-li ! Et la fin – si tant est qu’on puisse parler de fin, puisque Poe interrompt donc le récit en plein climax… – est particulièrement savoureuse.

 

Au final, je ne saurai prétendre avoir été totalement convaincu par ces Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket, et n’en ferai en tout cas certainement pas un chef-d’œuvre. Je reconnais néanmoins à ce roman séminal une indéniable audace, un jusqu’au-boutisme aussi frénétique que rafraîchissant, qui en font une lecture finalement plutôt agréable passée une mise en place un peu longuette.

 

À suivre, donc, avec Le Sphinx des glaces de Jules Verne.

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"Procession", de Desiderii Marginis

Publié le par Nébal

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DESIDERII MARGINIS, Procession (Cyclic Law, 2012)

 

Tracklist :

 

01 – Come Ruin And Rapture

02 – Land Of Strangers

03 – Her Name Is Poverty

04 – Silent Messenger

05 – In Brightness

06 – Here’s To The Future (And The Harsh Frontier)

07 – Adrift

08 – Procession

 

 Hop, ma chronique se trouve sur le site des Immortels.

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Les Femmes s'en mêlent 16 - Kaki King, Liesa Van der Aa, The Luyas @ Le Divan du Monde, Paris - 26/03/2013

Publié le par Nébal

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Hop, mon compte rendu de concert se trouve sur le site des Immortels.

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