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Pub copinage : "Bifrost", n° 61. "La science-fiction : questions et perspectives..."

Publié le par Nébal

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Bifrost, n° 61. La science-fiction : questions et perspectives…, Saint Mammès, Le Bélial’, janvier 2011, 183 p.

 

Bon, ayant participé – même si ce n’est qu’un chouia – à la chose, il ne me paraît pas honnête d’en faire un compte rendu…

 

Donc je vais faire ma feignasse, et me contenter de rappeler que s’y trouvent deux de mes comptes rendus : Les Magiciens de Lev Grossman (pp. 78-80) et Ceux qui nous veulent du bien. 17 mauvaises nouvelles d’un futur bien géré (pp. 83-84).

 

 

Hop.

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"La Moustache", d'Emmanuel Carrère

Publié le par Nébal

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Réalisateur : Emmanuel Carrère.

Année : 2005.

Pays : France.

Genre : Drame / « Fantastique » ? / « Science-fiction » ?

Durée : 87 min.

Acteurs principaux : Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Hippolyte Girardot, Cylia Malki…

 

Non, non, vous ne rêvez pas : non seulement je vais vous entretenir d’un film, mais en plus il s’agit d’un film… français.

 

Diantre.

 

Serais-je tombé malade ?

 

Eh bien, peut-être. Mais il y a une raison bien simple à ce visionnage, qui tient au nom du réalisateur de la chose : Emmanuel Carrère est surtout connu en tant qu’écrivain, et je dois confesser ne pas l’avoir vraiment pratiqué ; mais ça me travaille depuis un moment, dans la mesure où nombre de personnes de bon goût de mon entourage m’ont éloquemment vanté les mérites de son œuvre. Pour ma part, j’avoue cependant n’en avoir lu qu’un seul bouquin : il s’agit – sans surprise – de son excellente « biographie romancée » de Philip K. Dick Je suis vivant et vous êtes morts.

 

Or La Moustache – à l’origine un roman du monsieur, qu’il a donc décidé de porter lui-même à l’écran ; je voulais au passage lire le livre avant de voir le film, mais les circonstances ont fait que… –, La Moustache, disais-je, repose sur un postulat que l’on pourra très légitimement trouver éminemment dickien (c’en est du moins une des trois grilles de lecture possibles ; dans les entretiens – assez inintéressants par ailleurs – qui accompagnent le film sur le DVD, Emmanuel Carrère évoque lui-même cette piste… sans toutefois citer explicitement le nom de Dick). Mais voyez plutôt.

 

Marc (Vincent Lindon, excellent) et Agnès Thiriez (Emmanuelle Devos, pas terrible) forment un couple parisien passablement bourge – y a qu’à voir leur putain d’appart’ –, a priori heureux et sans histoire. Marc porte la moustache depuis dix ans. Sur un coup de tête, pour faire une blague à sa femme et à ses amis, il décide subitement de la raser. Seulement voilà : ni sa femme, ni ses amis, ni ses collègues ne semblent s’en apercevoir ; ce qui l’agace un tantinet… Il finit par s’en plaindre… et on lui rétorque qu’il n’a jamais porté la moustache.

 

Et ce n’est que le début d’une spirale infernale qui plongera Marc dans un terrible cauchemar paranoïaque : devient-il fou ? est-ce sa femme qui délire et qui a incité son entourage à jouer le jeu, par un complot pervers ? est-il en train de glisser insidieusement dans un autre univers, voire de s’effacer progressivement ?

 

Une des réussites de La Moustache, un de ses atouts indéniables, est que c’est un film – et sans doute aussi un roman – qui ne donne pas d’explication, et laisse le spectateur/lecteur confronté à ces différentes interprétations sans lui en imposer une. Bien entendu, c’est dans tous les cas – et pas uniquement selon la grille de lecture la plus ouvertement « fantastique » voire « science-fictive » – franchement dickien. J’ai immédiatement pensé, devant ce pitch, à la fameuse anecdote concernant l’interrupteur pour allumer la lumière dans une pièce, qui semblait avoir mystérieusement changé de place ; mais on pourrait aussi évoquer nombre de nouvelles ou de romans de Philip K. Dick, même si la référence (le terme n’est peut-être pas très bien choisi…) la plus flagrante est l’excellent Coulez mes larmes, dit le policier (voire Le Maître du haut château, dont on ne répétera jamais assez que l’uchronie nazie, en dépit des apparences, n’est pas le sujet principal) ; de même, j’ai tout naturellement pensé aux deux conférences hallucinées sur la nature de la réalité et sur les modifications qu’elle subit pour une raison ou une autre que l’on trouve dans Si ce monde vous déplaît… Et si Emmanuel Carrère n’évoque donc pas explicitement Dick, je l’imagine cependant tout à fait conscient de cette filiation, de cette influence, qui n’a pas spécialement de raison de surprendre de sa part.

 

Certes, La Moustache, ce n’est pas que cela (même si, à partir de ce postulat, Carrère brode une intrigue remarquable, baignant dans une ambiance oppressante tout à fait réussie). C’est aussi – plus prosaïquement, et de manière plus, euh, « française » – l’histoire d’un couple ordinaire, qui bascule progressivement dans la suspicion, la peur et la colère. Les personnages de Marc et Agnès sont fort bien pensés, et le résultat est tout à fait saisissant (malgré l’interprétation en demi-teinte, donc, d’Emmanuelle Devos). Voilà un sujet qui en temps ordinaire ne m’intéresse pas plus que ça, mais qui est ici magnifiquement illustré, à tel point que le sort des deux époux ne saurait laisser indifférent.

 

Vous aurez compris (…) que j’ai beaucoup aimé ce film. Certes, la dimension dickienne, donc, n’y est sans doute pas pour rien ; même si l’on n’est pas ici dans une adaptation directe de l’auteur d’Ubik, j’aurais pourtant envie de dire que c’est malgré tout le film qui a le plus et le mieux saisi l’atmosphère de son œuvre que j’ai jamais vu, avec L’Échelle de Jacob, Ouvre les yeux, Fight Club et The Truman Show (mais derrière une adaptation officielle, cette fois, en l’occurrence l’excellent A Scanner Darkly de Richard Linklater).

 

Ce n’est pas pour autant un chef-d’œuvre, n’exagérons rien, et je lui reconnais volontiers bien des défauts. Sur le plan purement technique et esthétique, le film oscille entre l’intéressant – ainsi ce très beau plan où Vincent Lindon se retourne vers le miroir de la salle de bain, mais qu’une barre lui dissimule son absence de moustache – et, le plus souvent hélas, une banalité parfois un brin ennuyeuse. Notons également, dans ces considérations esthétiques, l’usage pour le moins déroutant qui est fait de la musique (un concerto pour violons de Philip Glass), qui vient, part, revient et s’interrompt abruptement, pas toujours à bon escient, même si, dans l’idée, ce n’est pas inintéressant. Il y a cependant plus gênant, à savoir le jeu des acteurs : si Vincent Lindon est irréprochable (euphémisme), les autres sont assez franchement médiocres (et notamment Emmanuelle Devos, donc ; c’est ennuyeux dans la mesure où une bonne part du film repose sur ses épaules…), voire pires (on notera ici, pour le plaisir, la brève, euh, « performance » de Mathieu Amalric, incroyablement mauvais dans la courte scène où il fait son apparition…). Un dernier reproche, enfin : j’ai trouvé la partie à Hong Kong un brin longuette, tout de même.

 

Oui, je sais, ça fait pas mal de choses. Mais ça ne m’a pas empêché d’apprécier très sincèrement ce film dont je trouve le point de départ fascinant, et qui parvient – mine de rien, c’est pas évident – à construire une œuvre entière autour de cette idée très simple. Grâces en soient rendues à Emmanuel Carrère et à Vincent Lindon, qui parviennent à insuffler à cette Moustache une ambiance unique en son genre, et qui fait froid dans le dos.

 

 

Putain, j’ai aimé un film français. Serais-je en train, moi aussi, de « basculer » ? Si j’en donne trop l’impression, n’hésitez pas à m’abattre, vous serez fort aimables.

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"Sur le territoire de Milton Lumky", de Philip K. Dick

Publié le par Nébal

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DICK (Philip K.), Sur le territoire de Milton Lumky, [In Milton Lumky Territory], traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle D. Philippe, traduction révisée par Sébastien Guillot, Paris, J’ai lu, [1985] 2012, 315 p.

 

Ainsi que vous le savez peut-être si vous me suivez régulièrement, fous que vous êtes, je suis un fan acharné de Philip K. Dick, qui est un des plus grands écrivains du XXe siècle, na. Mais – ainsi que vous le savez sans doute, parce que vous aussi vous aimez Dick –, l’auteur d’Ubik et autres chefs-d’œuvre de la science-fiction était un écrivain de littérature générale frustré qui, vers le début de sa carrière, a dépensé beaucoup d’énergie pour essayer de percer dans la « blanche ». Ce fut un échec total – si je ne m’abuse, seul Confessions d’un barjo, parmi ces titres, a été édité de son vivant ; évidemment, je ne parle ici que des romans « officiellement » de littérature générale, car on ne m’ôtera pas de l’idée que les excellents Siva et La Transmigration de Timothy Archer relèvent largement de cette « catégorie » (et d’autres aussi, éventuellement). D’où Dick, pour son malheur (?) et pour notre plus grand plaisir, est devenu l’écrivain de science-fiction que l’on sait, un peu contraint et forcé.

 

Je dois avouer, malgré mon fanatisme décérébré, ne pas avoir véritablement pratiqué ce versant de l’auteur culte, avec ces titres édités pour la plupart en leur temps chez 10/18 et repris aujourd’hui, dans des traductions révisées mais directement en poche, chez J’ai lu. Seule exception, dont je vous avais entretenu en ces pages interlopes, Les Voix de l’asphalte, que je croyais être le premier roman de Dick… jusqu’à la publication cette année du semble-t-il redoutable inédit Ô nation sans pudeur (toujours chez J’ai lu, mais en grand format, cette fois). Les Voix de l’asphalte était un roman qui péchait par de nombreux aspects – notamment en ce qu’il était beaucoup trop long –, mais qui n’en était pas moins fort intéressant pour tout amateur de Dick dans la mesure où on y trouvait en germe bon nombre des thématiques fétiches de l’auteur, déjà, et aussi un très beau portrait de dépressif. Au final, malgré tous ses défauts, je l’avais plutôt bien aimé, quand bien même j’avais ramé lors de ma lecture. C’est sans doute pour cette raison que je me suis risqué à lire cette première réédition généraliste de J’ai lu qu’est Sur le territoire de Milton Lumky ; mais je ne savais pas encore à quoi je m’exposais…

 

Le roman s’ouvre sur un « avant-propos de l’auteur » pour le moins déconcertant :

 

« Voici un livre extrêmement drôle, et bon, par-dessus le marché ; les aventures qu’il narre arrivent à des vrais gens, qui prennent vie au fil de la lecture. Et tout est bien qui finit bien. Qu’est-ce qu’un auteur peut dire ou offrir de mieux ? »

 

Diantre. On hésite un peu, devant cette étrange entrée en matière : faut-il y voir une énième preuve de l’humour de Dick, porté sur l’autodérision, ou une authentique – et pathétique – tentative de la part de l’auteur de vendre sa soupe, sans qu’il y croit vraiment ? Mon admiration pour l’auteur me porterait plutôt à trancher en faveur de la première possibilité, mais…

 

Bon. Passons.

 

Sur le territoire de Milton Lumky narre les aventures (?) de Bruce, un jeune homme qui, au début du roman, travaille pour une centrale d’achat discount, et enchaîne les kilomètres à bord de sa voiture sur tout l’ouest des États-Unis. Un jour, cependant, le voilà qui revient un peu par hasard – ou pas – dans sa ville natale, un bled paumé du nom de Montario, dans l’Idaho.

 

Là, dans une tentative lamentable pour pécho de la zouze, en l’occurrence une ancienne compagne – et Dick ne nous épargne pas la scène de l’achat des préservatifs ; il ne nous épargne rien, d’ailleurs, mais on y reviendra… –, il se retrouve bien maladroitement à faire la connaissance de la dénommée Susan. Encore que pas tout à fait : il finit par se rappeler que ladite Susan était son institutrice il y a de ça quelques années, même si elle en a perdu tout souvenir… Et, les choses étant ce qu’elles sont, il la séduit et l’épouse très vite, sur un coup de tête, malgré la différence d’âge – elle a dix ans de plus que lui, donc –, ce lourd passif, et patin couffin.

 

Mais il ne s’arrête pas là : toujours sur un coup de tête, il décide de démissionner de son poste à la centrale d’achat pour reprendre, d’abord en tant que gérant puis en tant qu’associé, l’affaire de Susan, qui périclite un tantinet : une boite qui s’égare entre location de machines à écrire et travaux de dactylographie, et qu’il entend bien transformer en un authentique magasin vendant des machines à écrire.

 

Tant qu’à faire les machines à écrire japonaises – forcément – qui dorment dans un entrepôt de la côte ouest et dont lui a parlé le représentant Milton Lumky, un bonhomme peu sympathique que la quatrième de couverture présente comme étant « l’homme brisé qu’il pourrait devenir, s’il n’y prenait garde ». Le travail de cet insaisissable Milton Lumky l’amène également à enchaîner les kilomètres à bord de sa Mercedes dans tout le nord-ouest des États-Unis. Et Bruce de se lancer sur sa piste à bord de sa Mercury…

 

Sur le territoire de Milton Lumky est ainsi une sorte de road-book : une bonne part de son action (?) se déroule sur la route, et c’est chiant. Pour le reste, nous avons nombre de considérations sur les machines à écrire – incroyablement chiantes – et sur le couple – terriblement chiantes. Sur le territoire de Milton Lumky est donc un bouquin atrocement chiant. Ça me fait mal de le dire, mais il n’y a pas de meilleur terme pour le définir. En effet, il ne s’y passe rien. Mais alors rien de rien. On nage – voire on se noie – dans l’anodin, le banal, un ennui sans nom résultant de l’absence totale d’intérêt du propos et du tirage à la ligne auquel se livre Dick – à ce stade, ça en devient un art à part entière.

 

Mais je suis un peu de mauvaise foi, là. En effet, il est possible qu’il se passe quelque chose – et peut-être même, soyons fous, quelque chose d’intéressant – dans les cent dernières pages du roman. Possible. Mais je n’en sais rien et ne le saurai probablement jamais, car je ne les ai pas lues. J’ai en effet déclaré forfait – chose extrêmement rare : depuis que je tiens ce blog, ça ne m’était arrivé qu’une seule fois, pour le pourtant fort court Madman Bovary de Claro, un bouquin qui n’était manifestement pas pour moi. Et je n’aurais jamais, mais alors jamais cru que cela m’arriverait un jour pour un livre de mon Philip K. Dick adoré. Et pourtant, j’ai bien dû me résigner à l’abandon, après avoir ramé pendant des jours et des jours sur cette histoire (?) qui, non, n’a rien de drôle et non, n’est certainement pas bonne, pas plus que ses personnages ne prennent vie au fur et à mesure du roman, quoi qu’ait pu en dire l’auteur. Bruce, Milton Lumky et, pire encore, Susan, sont en effet des « vrais gens », mais ce sont surtout des personnages abominablement ternes, dont le sort, les petits tracas et les ambitions modestes ne parviennent jamais à susciter l’intérêt du lecteur (je passe sur le machisme dont fait preuve le roman, qui donnerait presque raison à la fameuse critique d’Ursula K. Le Guin concernant les personnages féminins de Dick : avec Susan, on est loin, mais alors très loin, de la superbe Angel Archer…).

 

Des quelques 200 pages que j’en ai lu, je n’ai donc retenu que cet ennui sans nom, dont je ne crois pas avoir jamais vu l’exemple auparavant. Il me paraît en effet impossible de s’intéresser aux péripéties (?) de Bruce ; Sur le territoire de Milton Lumky est à cet égard une caricature de roman réaliste, une sorte de sous-Madame Bovary (justement), à ceci près – un près fort loin – que Dick n’a certainement pas la plume de Flaubert – c’est rien de le dire – ni sa finesse dans l’analyse et la caractérisation des personnages. L’ennui y est à vrai dire plus un procédé qu’un sujet, dilatant de manière inconcevable le roman, qui se perd dans la description exhaustive de faits insignifiants, totalement dénués du moindre intérêt ; non, Dick ne nous épargne rien : de même que dans Les Voix de l’asphalte, il se perd dans les détails, accumule les descriptions interminables (et dans « interminables » il y a « minables ») et autres considérations plus ou moins abstraites et d’une vacuité indicible.

 

Alors effectivement, comme le disait si je ne m’abuse Pacôme Thiellement lors d’un récent cycle de conférences consacré à Philip K. Dick, on comprend pourquoi celui-ci n’a pas pu faire carrière dans le Flaubert. Non, à l’évidence, à s’en tenir à ce roman, il ne pouvait tout simplement pas être un écrivain de littérature générale. Aussi doit-on remercier les éditeurs qui ont – et on les comprend – refusé ce ratage complet, et ainsi suscité la carrière science-fictionnesque de Philip K. Dick : dans cette voie, l’auteur se trouvera enfin, et accumulera les chefs-d’œuvre. On sera alors bien loin de Sur le territoire de Milton Lumky, roman même pas médiocre mais franchement mauvais (et ça me fait mal au derche de dire ça) qui, n’eut été la gloire posthume de Dick, n’aurait bien évidemment jamais été publié.

 

 

Et là je me pose la question : serait-ce que je ne suis pas, en fin de compte, un authentique fan acharné de Philip K. Dick ? Mon Dieu – Siva, bien sûr –, pardonnez-moi ! Mais Vous avouerez que là, quand même, hein, bon…

 

Cela dit, il y en a pour avoir une opinion différente. Je vous laisse trancher (si vous en avez le courage). Moi, en attendant, je m’en vais lire un vrai livre (parce que ces derniers temps j’ai quand même enchaîné les sommets de pénibilité…).

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"Don't Be Afraid of the Dark", de Troy Nixey

Publié le par Nébal

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Titre alternatif : No temas a la oscuridad.

Réalisateur : Troy Nixey.

Année : 2010.

Pays : USA / Australie / Mexique.

Genre : Fantastique / Horreur.

Durée : 99 min.

Acteurs principaux : Katie Holmes, Guy Pearce, Bailee Madison, Jack Thompson…

 

La jaquette, signée TF1 Vidéo, est un modèle de racolage malhonnête : il s’agit ici de faire péter aussi souvent que possible (et en gros, tant qu’à faire) le nom vendeur de Guillermo Del Toro, réalisateur que je trouve pour ma part très inégal, mais qui a su faire quelques jolies choses (comme Le Labyrinthe de Pan et plus encore L’Échine du diable), et nous a fait rêver un temps avec un démentiel projet d’adaptation des « Montagnes Hallucinées » de Lovecraft. Mais qu’on ne s’y trompe pas : malgré les apparences, ce Don’t Be Afraid of the Dark n’est pas un film de Guillermo Del Toro, qui se contente des rôles (pas anodins, certes, et qui lui permettent effectivement d’insuffler au film sa « patte ») de producteur et de co-scénariste (en notant toutefois qu’il s’agit là d’un remake d’un téléfilm de 1973) ; non, non, le réalisateur est le Canadien inconnu – pour moi, en tout cas – Troy Nixey, dont c’est le premier long-métrage.

 

Don’t Be Afraid of the Dark s’ouvre sur une scène à la fois terrible et un peu ridicule, qui semble a priori inscrire le film dans une sorte de « gothique latin », un peu dans la filiation d’un Mario Bava en forme (voyez par exemple ce putain de chef-d’œuvre – dans tous les sens du terme – qu’est Le Masque du démon) : aux États-Unis, dans une demeure aussi somptueuse qu’inquiétante (hélas un peu trop mise en valeur par une photographie à mes yeux trop lumineuse, problème récurrent du film sur lequel j’aurai l’occasion de revenir), un peintre naturaliste du nom – probablement pas choisi au hasard – de Blackwood tend un piège à sa servante pour lui arracher les dents et les donner à de mystérieuses créatures… qui s’emparent de lui.

 

Générique, assez joli. Puis l’on se retrouve de nos jours, à accompagner une petite fille du nom de Sally, qui vient s’installer chez son père Alex (Guy Pearce, incroyablement mauvais) et sa nouvelle compagne, la jeune Kim (Katie Holmes, correcte), décorateurs d’intérieur qui ont emménagé dans le manoir gogoth de Blackwood pour le retaper et espèrent bien en tirer gloire et fortune. Un point de départ qui, vous l’avouerez, n’est pas exactement d’une originalité foudroyante… Mais passons.

 

Bien évidemment, Sally fait sa grognonne dans cette famille recomposée qui lui est imposée par sa mère qui l’a « abandonnée », et cette petite conne de bientôt susciter un bordel monstre, en retrouvant la cave murée de la bâtisse, et en libérant les petites bestioles qui s’y cachent, sortes de ouistitis féeriques (jolis effets spéciaux, certes) inspirés – c’est revendiqué – d’Arthur Machen, qui l’invitent à venir jouer avec elles… comme elles ont « joué » avec le fils de Blackwood plus d’un siècle plus tôt.

 

Je vais faire comme les auteurs, et briser illico tout suspense : ce Don’t Be Afraid of the Dark est à mes yeux un film raté. Et ce pour plusieurs raisons. J’ai déjà évoqué le jeu désastreux de Guy Pearce, mais le reste de la distribution ne vaut le plus souvent guère mieux (sauf, à la limite, la gamine, qui joue… ben, comme une gamine, quoi). Mais le film souffre également au niveau de l’écriture – sur le thème du gosse confronté à son imaginaire noir et souffrant de la défaillance familiale, on privilégiera franchement les films d’Hideo Nakata, le Shining de Kubrick ou, plus proche dans l’esprit, le très beau Les Autres d’Alejandro Amenabar –, ainsi que du rythme, franchement hasardeux.

 

Mais le gros problème, à mon sens, est ailleurs : c’est que Don’t Be Afraid of the Dark est un peu le cul entre deux chaises, si ce n’est plus, ce qui nuit considérablement à son ambiance. Et la réalisation plan-plan de Troy Nixey n’arrange rien à l’affaire. On a l’impression que le film se cherche sans jamais vraiment parvenir à se trouver. Je parlais plus haut de « gothique latin » : c’était une erreur. En effet, le cadre gothique du film est étrangement sous-exploité, la faute notamment à une image beaucoup trop lumineuse, franchement inappropriée. Puis le film hésite entre un onirisme noir à la Guillermo Del Toro versant Labyrinthe de Pan (ou Burton première manière) et, en opposition totale, une horreur « graphique », très démonstrative. Et à mes yeux clairement trop démonstrative. On sent les auteurs très contents de leurs effets spéciaux (réussis, il est vrai, ainsi que je l’ai déjà dit) ; aussi Don’t Be Afraid of the Dark est-il un film où l’on voit tout, absolument tout, et ce très rapidement. Or ça ne passe pas, mais alors pas du tout. Impossible d’installer une ambiance dans ces conditions, et impossible surtout de faire peur : le film est entièrement dénué de suspense, hautement prévisible jusqu’à son final éculé, et le spectateur, qui s’habitue très tôt à voir les vilaines bébêtes partout, ne frissonne jamais à leur apparition, systématique ou presque. Aussi le film tente-t-il de faire dans l’horreur « presse-bouton », celle qui fait sursauter à coups de gros plans et de petites giclées de sang, mais c’est là aussi un échec. Notons d’ailleurs qu’il ne s’épargne du coup pas quelques scènes franchement ridicules, comme un étrange pastiche de Psychose avec la gamine dans sa baignoire… Pas d’ambiance, donc, ou trop d’hésitations à ce niveau pour qu’il puisse véritablement s’en instaurer une d’efficace.

 

Aussi se retrouve-t-on en définitive devant un énième film fantastique sans âme. C’est en effet surtout à ce niveau que Don’t Be Afraid of the Dark pèche : il est tristement dénué de personnalité (malgré l’apport de Del Toro), et ressemble à beaucoup de choses bien plus convaincantes, à la cheville desquelles il ne parvient jamais à se hisser. Une déception, donc, pour un petit film anodin qui ne mérite guère qu’on s’y attarde.

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"Les Manuscrits de Kinnereth", de Frédéric Delmeulle

Publié le par Nébal

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DELMEULLE (Frédéric), Les Manuscrits de Kinnereth, Paris, Mnémos – LGF, coll. Le Livre de poche Science-fiction, [2010] 2012, 405 p.

 

Ainsi que je vous en avais fait part il y a de cela quelque temps dans ces pages interlopes, j’avais été plutôt enthousiasmé par La Parallèle Vertov de Frédéric Delmeulle, premier tome des « Naufragés de l’entropie », un roman certes pas révolutionnaire ni totalement réussi, mais assez franchement sympathique. Je ne vais pas revenir ici sur son complexe cheminement éditorial, qui explique sans doute bien des choses. Juste noter qu’était sorti presque immédiatement chez Mnémos le deuxième (et pour l’instant dernier…) tome de la série, Les Manuscrits de Kinnereth, repris aujourd’hui en poche (sous la nouvelle maquette dégueulasse du Livre de poche Science-fiction). Du coup, allez, hop, je me suis dit que je pouvais bien tenter l’expérience, que le monsieur Delmeulle le valait bien, et tout ça.

 

 

Oui, je suis naïf, des fois.

 

Mais n’allons pas trop vite, et commençons par introduire le propos.

 

(Attention, ce petit résumé, à l’instar du livre, est farci de noms bizarres, mais l’auteur aime bien ça, visiblement.)

 

Tout commence lorsqu’un certain Théodore Masterson – le narrateur, employé par l’ONU – vient rendre visite aux deux historiens que sont Yove et Sphinx – Sphinx, ça ne saute pas aux yeux dit comme ça, est une femme, et l’ancienne compagne de Child Kachoudas, le héros de La Parallèle Vertov – pour leur remettre de mystérieux manuscrits trouvés dans le désert du Néguev et remontant au premier siècle après Jean-Claude. Ces manuscrits – semble-t-il écrits par l’évangéliste Jean – rapportent une vie de Jésus un peu différente de celle que l’on connaît par le Nouveau Testament, mais, surtout, contiennent des indices sur la disparition de Child. En fait, on y trouve carrément – de manière codée, comme de bien entendu – des coordonnées indiquant où se trouve le Vertov, le fameux sous-marin nucléaire soviétique transformée en machine à voyager dans le temps. Et notre trio de se mettre en route pour Israël, accompagné par Dadka, le père de Child, et ses potes du Swamp Thing, un groupe de rock psychédélique pour quinquagénaires bedonnants (John Lee, Bassman, Lapin), et même – tant qu’on y est – Emma, la fille adolescente de Child et Sphinx. Et, de révélations en révélations, le petit groupe pas si petit que ça de se retrouver en Palestine à l’époque de la crucifixion du Christ…

 

Le thème, ainsi que vous le savez déjà, n’est pas franchement neuf en science-fictionnie : on pense tout naturellement à Voici l’homme de Michael Moorcock – auquel il est d’ailleurs fait directement allusion, de même qu’à « La Patrouille du temps » de Poul Anderson – ou encore au moins convaincant à mon sens mais pas totalement inintéressant Jésus vidéo d’Andreas Eschbach. Autant dire que Frédéric Delmeulle, dans Les Manuscrits de Kinnereth, marche sur un terrain foulé par nombre de prestigieux prédécesseurs, mais aussi un terrain miné. Et – on ne va pas le cacher plus longtemps – il saute dessus à pieds-joints avec un enthousiasme débridé pour le coup quelque peu navrant.

 

Le fait est là : Les Manuscrits de Kinnereth est un roman raté. Ça, c’est la version polie, celle à laquelle j’aimerais bien pouvoir me tenir du fait de la sympathie que m’avait inspiré l’auteur pour son premier roman. Mais du fait d’une intrigue mollassonne et pas crédible pour un sou – j’y reviendrai – qui se traîne péniblement jusqu’à une conclusion ridicule et bavarde qui, pour le coup, m’a rendu furax, je suis bien obligé de constater que ce second tome des « Naufragés de l’entropie » n’est pas seulement « pas bon » : il est à chier tout mou, oui. Et c’est bien triste. Car on est bien loin ici de tout ce qui faisait le charme de La Parallèle Vertov ; on n’en retrouve rien de ce qui faisait l’intérêt (tout relatif, mais bien réel néanmoins).

 

Commençons par le GROS problème de ce roman : la suspension d’incrédulité qui passe à la trappe. On n’y croit jamais. Rien de ce qui se passe dans ce roman n’est crédible. Du postulat de départ, pourtant cliché, au final puéril et couillon, rien, absolument rien, ne convainc le lecteur. Mais je m’en tiendrai ici à deux exemples : on ne voit franchement pas ce que le Swamp Thing et Emma viennent faire dans cette galère (et on se pisse dessus lors d’une scène de poursuite en bagnole qui mériterait de figurer dans une anthologie du pire), et on s’époumone devant ces quidams qui, aussitôt débarqués dans la Palestine du début de notre ère, se retrouvent sans difficulté aucune, là, comme ça, tout naturellement, à converser en latin avec leurs nombreux interlocuteurs. Je passe sur la fin du roman, émanant tout droit d’un cerveau adolescent porté sur le simili-blasphème à la con. Mais c’est gratiné.

 

Et, accessoirement (ou pas), c’est atrocement bavard. On ne compte pas, tout au long du roman, les dialogues d’exposition : Masterson met des chapitres et des chapitres à présenter les manuscrits tout en dissimulant l’existence et le rôle du Vertov au début du roman, tandis que la fin – oui, vraiment, elle m’a énervé – se résume à une longue, atrocement longue explication de son plan diabolique par le meuchant. Ajoutons que ce bavardage, en sus de l’absence totale de crédibilité déjà mentionnée, pèche étrangement en étant « trop écrit », et donc mal écrit.

 

Du coup, on s’ennuie – et arrivé à la fin, on s’énerve carrément. La franche érudition du roman, qui ne saurait faire de doute et aurait pu racheter bien des choses en temps normal, ne le sauve très certainement pas, tant elle est maladroitement utilisée. De même pour la tentative de mise en abyme du genre.

 

Le bilan est donc là, triste mais difficilement contestable : roman au mieux raté, au pire tout pourri du cul, Les Manuscrits de Kinnereth vient foutre en l’air tous les espoirs que l’on pouvait placer en son auteur après La Parallèle Vertov. J’ai encore du mal à m’en remettre… Passez votre chemin, ce bouquin ne vaut vraiment pas la peine qu’on s’y arrête. Et, pour le plus grand bien de son auteur, il mérite de sombrer illico dans l’oubli le plus total, comme un truc un peu honteux, un péché de jeunesse, peut-être. Pardonnez-lui, mon Dieu, il faut espérer qu’il ne savait pas ce qu’il faisait… Parce que sinon, c’est grave.

CITRIQ

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"Vol de nuit", d'Antoine de Saint-Exupéry

Publié le par Nébal

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SAINT-EXUPÉRY (Antoine de), Vol de nuit, préface d’André Gide, Paris, Gallimard, coll. Folio, [1931, 2010] 2012, [édition numérique]

 

J’ai somme toute très peu lu Antoine de Saint-Exupéry. Bien sûr, il y a peu, je vous ai brièvement entretenu de la Lettre à un otage, et j’ai lu et relu et re-relu bien des fois Le Petit Prince, y découvrant toujours de nouvelles merveilles. Mais de ses romans « adultes » traitant de l’aviation, je n’avais jamais lu, sauf erreur, que Pilote de guerre, il y a de cela une éternité (et je dois confesser n’en avoir plus beaucoup de souvenirs aujourd’hui). Pourtant, le sujet comme l’auteur m’intéressent fort, et j’ai un frère dingue de Saint-Ex’ qui n’a pas manqué de m’en vanter les mérites… Étrange.

 

Va falloir combler cette lacune. On va y aller tranquillou, en commençant par le très court – c’est plié en moins de deux heures – Vol de nuit, roman (?) qui connut dès sa sortie un énorme succès et remporta immédiatement le prix Femina.

 

Vol de nuit, qui émane bien entendu largement de l’expérience personnelle de l’auteur, traite d’une petite compagnie aéropostale sud-américaine, basée à Buenos-Aires. Ladite compagnie enchaîne (donc) les alors – nous sommes en 1930, c’est encore largement une époque de pionniers – particulièrement périlleux vols de nuit pour compenser la concurrence du chemin de fer. Le roman est centré sur la figure éminemment charismatique de Rivière, le chef de cette entreprise. Rivière est un personnage complexe, qui se moque d’être considéré comme juste ou injuste – et par voie de conséquence donne souvent l’impression d’être impitoyable –, et qui a avant tout en tête une sorte d’idéal du devoir, qu’il ne manque pas d’inculquer à ses hommes, quel que soit leur poste dans la compagnie. Quand un de ces vols de nuit, celui du jeune marié Fabien, tournera mal à cause d’une tempête inopinée, il n’en restera pas moins campé sur ses positions, en dépit de tout.

 

Une bien étrange chose que ce très bref roman (oui, je pourrais encore mettre un point d’interrogation, parce qu’il y a franchement de quoi se poser la question de la classification, une fois n’est pas coutume). On hésite, selon les pages, à y voir avant tout une sorte de témoignage sec et relativement dépouillé, ou – bien au contraire, et en raison tant de la plume de l’auteur que de la composition du texte – un véritable poème en prose. C’est qu’on ne fait pas ici, malgré le thème, dans la « petite » littérature aventurière (pardonnez-moi cette horrible expression). Le style est fignolé à l’extrême, précis et superbe, d’une beauté à tomber par terre (ce qui est dangereux, à bord d’un avion). Parallèlement, il est difficile de dire que Vol de nuit raconte à proprement parler une histoire, même s’il a tout de la tragédie à certains égards (l’unité de temps – une nuit – et – plus ou moins, cette fois – de lieu, notamment). Il y a un côté « tranches de vie », qui renforce l’aspect « documentaire » de ce roman, mais celui-ci tend à s’envoler (aha) régulièrement au-delà des seuls aspects matériels et narratifs pour aboutir, on ne sait trop, à une sorte de littérature absolue, ou à une réflexion philosophique sur les notions d’héroïsme et de devoir.

 

L’héroïsme. Comme André Gide le fait remarquer dans la préface, Saint-Exupéry n’en est pas exactement un apologue. Il se méfie de la bravoure qui se justifierait elle-même : « Jamais plus je n’admirerai un homme qui ne serait que courageux. » Et pourtant, les pilotes de Vol de nuit, le malheureux Fabien en tête, font à n’en pas douter preuve d’héroïsme. Mais c’est un courage discret, presque caché, qui, à certains égards, perd de sa substance devant le quotidien.

 

Aussi, avec Rivière, c’est bien davantage la notion de devoir qui prend le devant de la scène. Et, je me répète, je le sais, le devoir est impitoyable. Le règlement se fait absurde, et la course contre la montre de l’acheminement du courrier semble justifier une forme d’inhumanité, froide et monstrueuse ; ou bien est-ce, au contraire, une caractéristique propre de l’humanité, justement ? Complexité de Rivière, décidément ; un « chef » idéalisé, en tant que tel à la fois adulé et détesté, admiré et craint. Un homme qui, en dépit de son attachement au devoir, qui ne saurait faire de doute si l’on s’en tient à la seule façade et aux décisions sévères du patron, est intérieurement tourmenté ; ça turbine beaucoup, dans la tête du sieur Rivière, ça s’interroge sur le bien-fondé de telle ou telle décision, ça remet tout en question ; mais, en définitive, le règlement et le devoir triomphent toujours, comme l’unique chose à laquelle se rattraper, comme un absolu par nature incontestable et ne laissant aucune place au doute.

 

On appréciera – ou pas – cette double réflexion sur l’héroïsme et le devoir, qui sent malgré tout un peu la sueur, l’homme viril. Je dois avouer que ni l’héroïsme, ni le devoir, personnellement, ne me parlent beaucoup… Mais on vibrera très certainement devant le sort de Fabien, et on succombera à une certaine fascination pour (ce salaud magnifique de) Rivière. Et, par-dessus tout, on s’émerveillera du talent de poète (oui, pour une fois je ne dirai pas « pouète »…) et de conteur de l’écrivain aviateur. C’est que c’est beau, Vol de nuit ; la plume est splendide, l’émotion à fleur de peau malgré la froideur du thème, et Rivière est un personnage extraordinaire.

 

Aussi Vol de nuit mérite-t-il assurément bien des éloges, justifiant son énorme succès. Ce livre, si petit par la taille, est indubitablement grand par l’art dont il fait preuve (désolé). Une confirmation, s’il en était besoin (bon, je crois pas…) de la force et du talent de Saint-Ex’. Et une première étape de choix dans la –véritable – découverte de son œuvre si particulière.

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"The Whisperer in Darkness", de Sean Branney

Publié le par Nébal

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Réalisateur : Sean Branney.

Année : 2011.

Pays : USA.

Genre : Horreur / Science-fiction.

Durée : 103 min.

Acteurs principaux : Matt Foyer, Barry Lynch, Matt Lagan, Andrew Leman…

 

Vous l’avez peut-être remarqué, ça fait un bail que je n’ai pas livré ici de compte rendu de flim. Il y a une raison à cela : depuis pas mal de temps déjà, j’éprouve de terribles difficultés à me concentrer sur le moindre objet filmique, aussi intéressant soit-il. Je pense ne pas avoir regardé de flim en entier d’un seul coup depuis mon visionnage des trois versions d’Häxan, dont je vous avais parlé ici y a une éternité de cela…

 

(Ah, si, maintenant que j’y pense, j’ai eu l’audace de regarder Saw 3 du bien nommé Bousman entre-temps ; mais ça valait vraiment pas le coup d’en parler…)

 

Comme le dit si bien l’autre, « ça peut plus durer ». J’ai donc décidé – courageux que je suis – de m’y remettre. Mais, tant qu’à faire, je me suis pris par les sentiments. Et c’est donc avec The Whisperer in Darkness de ces joyeux dingues de la Howard P. Lovecraft Historical Society que je me suis attelé à la tâche. On leur devait déjà une fort sympathique adaptation en flim muet de The Call of Cthulhu, débordant certes d’amateurisme, mais qui ne pouvait que séduire, complicité oblige, le lovecraftien fanatique qui sommeille en moi (enfin, ces derniers temps, d’ailleurs, on peut pas dire qu’il sommeille vraiment…).

 

Leur nouvelle adaptation du pôpa de Cthulhu, The Whisperer in Darkness (« Celui qui chuchotait dans les ténèbres », in français in ze texte, si je ne m’abuse), dirigé par Sean Branney, est cette fois – le titre nous l’indique assez – un flim parlant. Mais il est toujours en noir et blanc, et réalisé à la manière des classiques de l’horreur de la Universal ou de la RKO. Et c’est avec un plaisir non dissimulé que l’on retrouve le Mythoscope, mêlant moyens (plus ou moins) modernes et esthétique vintage. Et si on peut toujours, sans doute, parler d’amateurisme eu égard aux conditions de réalisation et au résultat final, on s’oriente quand même ici de plus en plus vers le professionnel : la réalisation est très correcte, les acteurs (du moins les premiers rôles) sont assez bons, la musique sympathique et nettement moins synthé cheapos que dans The Call of Cthulhu, les effets spéciaux sont même à vrai dire trop bons (j’aurais pour ma part préféré que les auteurs s’engagent plus résolument dans la voie de l’illusion à l’ancienne, à la Ray Harryhausen et compagnie)… Techniquement, il n’y a donc pas grand-chose à reprocher à The Whisperer in Darkness.

 

L’histoire ? Vous la connaissez déjà, bien sûr… mais dans les grandes lignes, cette fois. En effet, à la différence de ce qui s’était passé pour The Call of Cthulhu, ces petits malins de la HPLHS ont cette fois décidé de prendre quelques libertés avec le matériau original. Ce qui pourra faire hurler les puristes… ou pas. Mais introduisons donc le propos. Nous sommes dans l’ère lovecraftienne classique, les années 1920 ou 1930, je ne saurais le dire avec plus de précision (enfin, si, je le pourrais sans doute si je regardais à nouveau la nouvelle et sa date de composition, mais j’ai la flemme, là…). Des inondations ont eu lieu dans le Vermont, à la suite desquelles des rumeurs ont ressurgi faisant état de l’existence d’étranges créatures mythiques. Pour le professeur Albert Wilmarth, folkloriste à l’Université Miskatonic, Arkham, Massachusetts, ce ne sont là, à l’évidence, que des superstitions ; c’est la thèse qu’il soutient lors d’un débat radiophonique l’opposant au fameux Charles Fort. Pourtant, Wilmarth entretient depuis quelque temps déjà une relation épistolaire avec Henry Akeley, du Vermont, qui lui soutient l’existence de ces créatures et, via son fils George, en fournit bientôt des preuves au distingué professeur : photographies, enregistrement phonographique… il lui promet aussi une mystérieuse « pierre noire », qui n’arrive cependant pas à destination. Puis Wilmarth reçoit une dernière lettre d’Akeley, l’invitant à venir le rejoindre dans le Vermont pour s’entretenir avec lui de l’existence de ces mystérieuses bébêtes…

 

Je n’en dirai évidemment pas plus ici : lisez ou relisez la nouvelle, et/ou voyez donc le flim. Arrêtons-nous cependant un instant sur les divergences par rapport à la nouvelle de Lovecraft. Pendant la majeure partie du flim – ah, au fait, c’est un long-métrage, cette fois –, celles-ci sont assez discrètes, et le résultat reste éminemment lovecraftien. On retrouve bien l’ambiance des nouvelles du maître de Providence, restituée avec un certain brio (c’est que c’est pas évident, mine de rien, et l’histoire des généralement piteuses tentatives d’adaptation de Lovecraft l’a suffisamment démontré). Avec cependant ce corollaire : c’est bavard, mais ça ne bouge pas beaucoup… Ce n’est pas moi qui m’en plaindrai, j’adore ça. Mais il est vrai que ce qui fonctionne remarquablement bien dans une nouvelle peut poser problème pour un flim. Cela explique sans doute les innovations apportées dans la conclusion du flim, qui fait dans le spectaculaire. C’est à la fois très hollywoodien (et toujours dans cet esprit Universal/RKO), et très… rôlistique, en fait. Et, disons-le franchement : c’est souvent too much. C’est un peu regrettable à mon sens, même si je ne hurlerai pas à la trahison ; il est cependant clair que l’on perd ici l’esprit purement lovecraftien qui faisait jusqu’alors nos délices. Est-ce véritablement une erreur, une faute de goût de la part de la HPLHS ? Je n’en suis pas pour autant certain, et vous laisserai juger vous-mêmes.

 

 Car ce bémol final ne change rien à l’impression générale que m’a faite The Whisperer in Darkness. Certes, on ne parlera pas de chef-d’œuvre ; mais c’est néanmoins dans son genre si difficile une franche réussite, et je me suis régalé au visionnage de cette adaptation dans l’ensemble vraiment plus que correcte. Et j’espère que la HPLHS continuera à nous abreuver de flims aussi franchement sympathiques ; je serais à vrai dire très curieux de voir ce qu’ils seraient capables de faire du « Cauchemar d’Innsmouth », de « L’Abomination de Dunwich », voire – rêvons un peu – des « Montagnes Hallucinées »… Prions, mes frères ! Iä ! Iä ! Shub-Niggurath !

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"C'est ainsi que les hommes vivent", de Pierre Pelot

Publié le par Nébal

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PELOT (Pierre), C’est ainsi que les hommes vivent, Paris, Denoël – LGF, coll. Le Livre de poche, [2003, 2006] 2010, 1178 p.

 

[Une vieille chronique pas vraiment à la hauteur de son sujet… Trop de temps s’est cependant écoulé pour que je puisse efficacement la retravailler. Je suis donc plus ou moins contraint de vous la livrer en l’état… Mais croyez-moi néanmoins sur ce point : même si je peine à le démontrer, ce livre est extraordinaire, un vrai chef-d’œuvre.]

 

Au sein d’une œuvre qu’il convient bien de qualifier de pléthorique, il est à n’en pas douter certains titres de Pierre Pelot qui se dégagent de l’ensemble, et méritent une attention toute particulière. C’est très certainement le cas de ce monumental pavé qu’est C’est ainsi que les hommes vivent, roman « historique » d’une ambition sans pareille.

 

Assez classiquement, l’intrigue se déroule sur deux niveaux. Tout d’abord, au tournant du XXe et du XXIe siècles, nous suivons les pas de Lazare Grosdemange, alias Lazare Favier, journaliste prestigieux de son état, et qui se remet tout juste d’un accident cardiaque. Une séquelle, entre autres : Lazare fait dans l’amnésie sélective, et ne se souvient pas de ce qui s’est produit entre le 25 octobre 1999 et le 1er janvier 2000. Et de chercher à combler le vide, ce qui amènera notre héros à s’interroger sur son étrange aïeul, Victor Favier, déporté un siècle plus tôt en Nouvelle-Calédonie.

 

Mais autant l’avouer : si l’enquête de Lazare est palpitante, le véritable intérêt du roman réside avant tout dans sa seconde trame, qui débute exactement 400 ans plus tôt, au tournant des XVIe et XVIIe siècles, dans la même région des Vosges (dont est originaire l’auteur, ce qui explique sans doute bien des choses).

 

À l’aube du Grand Siècle, donc, une femme est brûlée comme sorcière – la chose est banale. Mais elle laisse derrière elle un nourrisson (le « fils du diable » ?), que la jeune Apolline, dame chanoinesse, décide de baptiser Dolat. Au fil du temps, marraine et filleul deviendront amants…

 

Mais c’est là une histoire qui ne fait que commencer. Bientôt, du fait d’un conflit entre les chanoinesses, Apolline en tête, et la nouvelle abbesse, la stricte Catherine, les voilà obligés de prendre la fuite. Et c’est alors seulement que leur singulier (?) destin se mettra véritablement en place, les deux jeunes gens connaissant la dure vie de la roture rurale de ce temps-là.

 

Mais il y a plus. Il y a, aux portes de la Lorraine, la guerre de Trente Ans qui sévit, et pèse comme une menace sourde sur le duché, pris en tenailles quand les Français rejoignent les réjouissances. La guerre et son cortège d’horreurs sans nom, dont Pierre Pelot se fait le talentueux chroniqueur, à grands renforts de pages dégoulinantes de sang et de cruauté qui laissent une impression durable sur le lecteur fasciné. C’est donc ainsi que les hommes vivent ?

 

N’y allons pas par quatre chemins : ce pavé de Pierre Pelot est un authentique chef-d’œuvre, et sans conteste une (la ?) pièce fondamentale de son énorme bibliographie.

 

Si le fond n’est pas en reste (avec une belle réflexion sur l’histoire et la mémoire), la forme est pour beaucoup dans la réussite de C’est ainsi que les hommes vivent. L’auteur, qui a le goût du mot rare, n’hésite pas à mêler français, patois et argot pour aboutir à une écriture très personnelle, unique même sans doute, mais qui n’en confère pas moins une impression d’authenticité remarquable.

 

Formidablement écrit, donc, et formidablement documenté. On n’ose imaginer les recherches préparatoires et les efforts qu’a dû déployer Pierre Pelot pour accoucher de ce monstre. C’en est à vrai dire stupéfiant. Le lecteur ne peut qu’être béat d’admiration devant une telle somme, résultant d’un travail colossal.

 

Ajoutons que, riche en images fortes, C’est ainsi que les hommes vivent a quelque chose de profondément noir, et même cruel, qui le distingue du tout-venant des romans historiques. Mais, à vrai dire, cette distinction peut être faite à de nombreux niveaux. Ainsi, Pelot s’intéresse aux humbles, aux oubliés, plutôt qu’aux grandes figures, au point de livrer quasiment une monographie de micro-histoire. Son style, en outre, est frappé au sceau de l’authenticité. Chose heureuse également dans ce registre, Pierre Pelot ne fait jamais dans le didactisme.

 

Osera-t-on, dès lors, critiquer un aspect du roman ? Eh bien, oui : il faut reconnaître que le lien entre les deux parties est un peu faiblard, et un peu décevant. Cela ne rend pas la partie contemporaine dispensable pour autant, pas plus que cela n’en fait un second roman, tant les thèmes (l’histoire, la mémoire) se ressemblent par-delà les siècles, ce qui justifie pleinement cette division et lui donne toute sa force.

 

Un monument, donc. Une cathédrale littéraire de toute beauté, noire et authentique. Peut-être bien le chef-d’œuvre de Pierre Pelot.

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"Endymion", de Dan Simmons

Publié le par Nébal

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SIMMONS (Dan), Endymion, [Endymion], traduit de l’américain par Guy Abadia, suivi d’Endymion de John Keats, préface de Gérard Klein, Paris, Robert Laffont, coll. Ailleurs & Demain, [1995-1996] 2012, [édition numérique]

 

(Des avantages de l’édition numérique : je n’ai pas eu à m’infliger ni à infliger aux autres au cours de ma lecture cette hideuse couverture de l’inénarrable Jackie P. Et c’est pas rien.)

 

J’en aurai mis, du temps, avant de lire ce troisième tome des « Cantos d’Hypérion ». Des années (et des années) après avoir lu (et relu) l’excellentissime Hypérion et le moins bon mais néanmoins très bon La Chute d’Hypérion. Faut dire que ça se tenait tout seul, et n’appelait pas nécessairement une suite. Mais surtout, si j’ai retardé ma lecture d’Endymion (encore un titre emprunté à Keats ; à noter que le poème en question figure en annexe du roman, très bonne initiative dont je ne saurais hélas dire grand-chose de plus, en raison de mon exécration de la polésie – vous êtes peut-être au courant…), si j’ai retardé ma lecture d’Endymion, donc, c’est en bonne partie à cause de la relative mauvaise réputation de ce titre, qui paraissait faire l’unanimité contre lui. Mais la curiosité a fini par l’emporter – associée à mon enthousiasme kindlien –, et j’ai donc entamé la lecture de ce pavé (car pavé il y a).

 

Nous sommes pas loin de 300 ans après les événements cataclysmiques de La Chute d’Hypérion. La majeure partie de l’humanité est dominée par l’Église catholique régénérée et son bras armé, la Pax. Il faut dire que la découverte du cruciforme sur Hypérion a permis de rendre très concrets les espoirs de résurrection… Mais il en est cependant quelques-uns qui n’ont pas embrassé la croix tel, sur Hypérion, le jeune Raul Endymion. Ce qui tombe plutôt mal, dans la mesure où il est condamné à mort pour avoir tué un gros con de chasseur plus ou moins par accident. Mais le vieux – très vieux – poète Martin Silenus, un des fameux pèlerins des Tombeaux du Temps, lui sauve la peau. À charge pour lui de retrouver, accompagner et protéger la petite Énée, la fille de Brawne Lamia et du cybride de Keats, qui s’était il y a bien longtemps réfugiée dans le Sphinx, mais ne va pas tarder à en sortir. Or l’Église et la Pax voient en elle une abomination et une menace. Il y a donc du boulot pour (ce petit con de) Raul Endymion, assisté de l’androïde A. Bettik et du vaisseau du Consul. Boulot d’autant plus compliqué que la jeune fille est quelque peu entêtée, et décide de se lancer, là, comme ça, dans l’exploration de ce qui reste du Thétys, le fleuve qui coulait autrefois entre les mondes grâce aux portes Distrans depuis tombées hors d’usage. Et vogue le radeau !

 

Parallèlement – mais, au passage, ça ne s’emmanche pas toujours très bien –, nous accompagnons également les soldats de la Pax lancés à la poursuite de nos héros, à savoir le père-capitaine de Soya, jésuite et commandant de vaisseau-torche revêtu d’une autorité démentielle du fait d’un disque papal en sa possession, et ses trois gardes du corps. Mais, pour passer d’un monde à l’autre à bord de leur vaisseau ultra-perfectionné le Raphaël, ces adeptes du cruciforme n’ont d’autre choix que de se lancer dans un perpétuel et douloureux cycle de mort et de résurrection… Autant le dire de suite, cependant : en dépit de la richesse et de la densité des mondes traversés par Raul Endymion, Énée et A. Bettik, on prend très vite beaucoup plus de plaisir dans les chapitres consacrés à de Soya et compagnie, personnages bien mieux campés et autrement complexes, dont le sort nous émeut bien davantage que celui de nos héros.

 

C’est là une des faiblesses du roman. Ce n’est pas la seule. L’essentiel, le pire dans tout ça, c’est que c’est long. Atrocement long. Beaucoup trop long. Entendons-nous bien, Dan Simmons n’est pas un manchot ni un imbécile, et ça tourne à plein régime dans son cerveau : les idées sont là, nombreuses et bonnes, qui font d’Endymion une fresque riche de détails superbement composés. Aussi ne serai-je pas aussi sévère que beaucoup concernant ce troisième tome des « Cantos d’Hypérion » : non, Endymion, c’est pas si pire. C’est même plutôt pas mal.

 

Mais c’est long.

 

Atrocement long.

 

Beaucoup trop long.

 

Aussi s’ennuie-t-on régulièrement, malgré les efforts de l’auteur, au long de ces pages. Le lecteur est pris d’une irrésistible envie d’accélérer la cadence – ce qui entre en contradiction avec la lenteur certes nécessaire du périple sur le Thétys : fail – et compte les pages qui restent avant la fin (ou, sur son Kindle, a les yeux rivés sur le pourcentage). Et c’est quand même sacrément dommage. Parce qu’il y a malgré tout bien des choses intéressantes dans Endymion. Objectivement, ce n’est pas un mauvais roman. Il est certes bien inférieur à La Chute d’Hypérion, qui était lui-même bien inférieur à Hypérion. Mais cet ennui frappe en dépit de la bonne volonté du lecteur (or, dès qu’il s’agit de – ce gros con talentueux de – Dan Simmons, je suis clairement bon public, ainsi que vous avez pu le constater à plusieurs reprises dans ces lieux interlopes), lecteur qui rame autant que les principaux protagonistes ; on ne va pas pousser le vice jusqu’à y voir un effet d’identification, hein : c’est clairement, à cet égard, un échec. Regrettable, donc, mais indéniable.

 

Dommage. Ça ne m’empêchera pas de lire un jour prochain le quatrième et dernier tome, L’Éveil d’Endymion, mais j’avoue craindre que les défauts de ce roman-ci y réapparaissent, peut-être en pire étant donné la jusqu’à présent constante baisse de qualité du cycle au fil des volumes. Bon, on verra bien ; et je ne manquerai pas de vous tenir au courant, bien entendu.

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"La Condition humaine", d'André Malraux

Publié le par Nébal

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MALRAUX (André), La Condition humaine, dossier et notes réalisés par Sophie Doudet, lecture d’image par Agnès Verlet, Paris, Gallimard, coll. Folio plus classiques, [1946, 2007, 2010] 2012, [édition numérique]

 

[Oui, je sais, ces derniers temps mes comptes rendus étaient particulièrement miteux. Mais c’est que je les avais rédigés à un moment où. Bon. Hélas, le compte rendu d’aujourd’hui est probablement le pire dans le genre (et c’est bien pour cette raison que je le publie en dernier). J’en suis conscient et vous prie de m’en excuser, je ne publie cette (petite) bouse que parce que j’ai lu le bouquin, et que, ma foi, je me suis engagé à chroniquer tout ce que je lisais. Encore une fois toutes mes excuses.]

 

Je n’avais jusqu’à présent jamais rien lu d’André « Entre ici Jean Moulin » Malraux. Une lacune qu’il était très certainement nécessaire de combler au plus tôt, parce que « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas », alors bon (réponse 2). Par exemple avec La Condition humaine (prix Goncourt, si je ne m’abuse), probablement le plus célèbre roman de son auteur, malgré un titre qui a de quoi faire peur, m’enfin ce n’est que mon avis, et il vaut ce qu’il vaut, c’est-à-dire pas grand-chose. Allez, hop.

 

Shanghaï, 1927 (la drôle d’idée que voilà). Une époque pour le moins chaotique en Chine. Celle-ci est en proie aux intérêts occidentaux comme aux seigneurs de guerre locaux, même si, après la mort de Sun-Yat-Sen, se dessine un pouvoir fort autour du généralissime Chang-Kaï-Shek. Ce qui n’est cependant pas pour plaire aux communistes (on ne dit pas encore maoïstes). André Malraux, dans un décor un peu fantasmé, nous invite à suivre toute une kyrielle de personnages issus de tous horizons, mais notamment les militants communistes que sont Tchen, le nihiliste angoissé, et Kyo Gisors, le métis qui cherche sa place. Mais on pourrait en citer d’autres, comme le fantasque baron de Clappique – « Pas un mot ».

 

La Condition humaine est un roman de l’histoire en train de se faire ; celle, en l’occurrence, de la Chine contemporaine. C’est aussi un roman profondément métaphysique et éthique, roman de l’engagement jusqu’à l’absurde. C’est enfin le brillant roman d’un jeune homme aux dents longues, qui compte bien inscrire son nom dans l’histoire (justement). Autant dire qu’il ne manque pas d’ambition. Et le fait est que ce roman, pour périlleux qu’il soit, marche. On est en permanence sous le coup de son extrême densité, à tel point qu’on ne suit pas toujours, au juste, de quoi l’auteur nous raconte l’histoire (si tant est qu’il le fasse). La Condition humaine, sous cet angle, ne manque pas d’audace, pas plus que de brillant. L’auteur joue notamment de la multiplicité des points de vue avec une maestria qui mérite d’être soulignée.

 

Mais il fait bien plus. Et, l’air de rien, il interroge le lecteur sur des grands thèmes d’une actualité indéniable. Avec Tchen et Kyo, notamment, Malraux questionne nos espoirs comme nos désillusions, secoue le lecteur d’interrogations aussi fines que brutales.

 

Aussi La Condition humaine est-il très certainement un roman à la hauteur de sa réputation.

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