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"Curiosités judiciaires et historiques du Moyen Âge. Procès contre les animaux", d'Emile Agnel

Publié le par Nébal

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AGNEL (Émile), Curiosités judiciaires et historiques du Moyen Âge. Procès contre les animaux, [n.c.], [n.c.], [1858] 2011, [édition numérique]

 

Quand bien même j’ai lâchement abandonné ma thèse, je n’en suis pas moins toujours intéressé par l’histoire du droit (et notamment du droit pénal) et celle des institutitions, sans même parler des idées politiques. Aussi, quand, en farfouillant dans la boutique Kindle, je suis tombé sur cette monographie au titre plus qu’alléchant, ça n’a pas fait un pli : je me suis rué dessus.

 

La matière de ce très bref article a en effet quelque chose de fascinant. Intenter des procès à des animaux nous paraît a priori absurde, et c’était déjà le cas pour certains esprits du temps (l’auteur cite ainsi Philippe de Beaumanoir et sa fameuse Coutume de Beauvaisis). Pourtant, cette pratique que nous jugeons irrationnelle a longtemps perduré (le Moyen äge, tel qu’il est entendu ici, s’étend à vrai dire jusqu’au début du XVIIIe siècle, et les cas les plus fréquents renvoient plus à la Renaissance qu’au Bas Moyen Âge)… et, si je ne m’abuse, elle perdure encore aujourd’hui dans notre vaste monde (je crois me souvenir d’un procès intenté à un âne, en Turquie, il y a quelques années à peine).

 

Les procès contre les animaux sont souvent liés aux procès en sorcellerie, sujet qui m’a toujours passionné. On peut cependant distinguer deux types de procès aux implications bien différentes.

 

Les premiers concernaient généralement des animaux assez gros, auxquels on reprochait blessures ou homicides, et se tenaient devant les juridictions laïques. Les cas sont nombreux : taureaux, chevaux… mais surtout (et de loin) des porcs, accusés de dévorer des enfants jusque dans leurs berceaux. Le respect de la procédure frappe ici, mais il est encore plus étonnant et pittoresque dans les seconds types de procès.

 

Ceux-ci se tenaient cette fois devant les juridictions ecclésiastiques, et visaient ce que l’on désignera communément du nom de « vermine » (rats, sauterelles, fourmis, etc.). Là encore, on trouve de nombreux cas, qui ne sont pas sans faire polémique : les dommages infligés aux cultures par ces animaux ne témoignent-ils pas de la colère de Dieu ? Aussi, en conclusion du procès, on trouve souvent une admonestation aux plaignants, afin que ceux-ci purifient leurs mœurs et, surtout, s’assurent de bien payer la dîme… C’est du moins un point sur lequel insiste l’auteur, témoignant peut-être d’un certain anticléricalisme bien de l’époque. Le fait n’en est pas moins attesté. Parallèlement, les défendeurs (les animaux, qui ont leurs avocats, sont sommés de se présenter au procès, etc.) se voient généralement intimer l’ordre de déguerpir dans un certain délai (trois heures, trois jours…)… sous peine d’excommunication, ce qui paraît quand même un peu dingue. Le fait est pourtant là aussi très souvent attesté, et l’auteur rapporte de jolies sources évoquant des animaux dociles se faisant un devoir d’obéir !

 

 On le voit, le thème traité ici est tout à fait passionnant. On regrettera cependant, outre la brièveté de l’article, son caractère purement anecdotique ; on aurait pu tirer là une fascinante étude d’histoire des mentalités, mais l’auteur n’a en rien l’intention de persévérer sur ce terrain. Dommage… Reste néanmoins une lecture intéressante, qui porte certes l’empreinte de son temps mais est très sourcée et tout à fait édifiante.

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"Démences", de Graham Masterton

Publié le par Nébal

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MASTERTON (Graham), Démences, [Walkers], traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par François Truchaud, Paris, Bragelonne – Milady, [1989, 2009] 2011, [édition numérique]

 

Tiens, ça faisait un moment que je ne m’étais pas fait un petit roman de terreur, moi. Et avouons que j’aime bien ça, de temps à autre, même si les bisseries douteuses sont autrement plus fréquentes que les plus belles réussites du genre, de celles que l’on doit à des auteurs du calibre de Stephen King ou Dan Simmons. Peu importe : j’avais envie de quelque chose de distrayant, et ne redoutais pas la nanardise éventuelle. D’où ma lecture de ce roman de Graham Masterton, auteur que je n’avais par ailleurs jusque-là jamais lu, même si je le connaissais de réputation (et puis il y a le prix Masterton…). Et faut avouer : lire un roman d’horreur qui se déroule pour sa plus grande partie dans la maison de santé Les Chênes, quand on se trouve soi-même à la maison de santé Les Pins (nettement moins gothique il est vrai), ça ne manque pas de sel.

 

Nous sommes dans les environs de Milwaukee et Madison, aux États-Unis. Jack Reed est un connard et un entrepreneur, dans cet ordre, dont le couple bat de l’aile. Pas grave : il a une secrétaire (modèle dinde). Un soir, il a un accident de la route (…), heureusement sans trop de gravité, qui l’amène, en suivant les traces d’un mystérieux enfant tout de gris vêtu, à faire la découverte d’une ancienne maison de santé abandonnée (Les Chênes, donc), qui le séduit comme c’est pas permis. Jack Reed se recyclerait bien, en faisant de la chose un centre de loisirs sans pareil. Il se lance donc sur les traces des propriétaires, et l’affaire est sur le point de se conclure.

 

Mais, évidemment, il va y avoir une couille dans le paté. C’est que le bâtiment a son histoire, mystérieuse of course : un soir, il y a de cela bien longtemps, tous les patients – nécessairement des psychotiques dangereux – ont disparu sans laisser de traces. Et pour cause : ils sont en fait encore là, dans les murs et le sol… Et ils enlèvent Randy, le fils de Jack, pour disposer d’un moyen de pression sur lui. À partir de là, les morts violentes s’enchaînent…

 

Démences est à l’évidence une grosse bisserie qui tache, pour l’essentiel, avec des côtés sous-Shining et d’autres sous-Clive Barker. Cela dit, on en a en gros pour son argent, et ça se lit tout seul, malgré le caractère foncièrement antipathique du « héros ».

 

Mais avouons-le : régulièrement, Démences tend plus que de raison vers le gros nanar, quand ce n’est pas vers le navet (du coup, ça a rappelé à mon bon souvenir Brian Lumley…). On rigole régulièrement, parfois avec le roman, le plus souvent de lui. Ce qui n’empêche étrangement pas le tout d’être efficace – si –, et de contenir – c’est rare, mais il y en a – quelques beaux moments de terreur, saupoudrés de gore bien craspec.

 

Alors, de toute évidence, Graham Masterton – pour ce roman-ci, en tout cas – n’est certes pas de la trempe d’un Stephen King ou d’un Dan Simmons, même s’il entend jouer sur leur terrain. Objectivement, le moins que l’on puisse dire est que tout cela n’est « pas très bon » (restons polis)… Mais c’est en même temps rigolo comme une bonne bisserie bière-pizza, et on a ce qu’on venait y chercher. Aussi n’est-il pas exclu que, par désœuvrement, je lise un de ces jours un autre roman de Graham Masterton, comme ça, par pur mauvais goût, et donc malgré les défauts évidents de ce Démences ; là, j’ai envie d’être outrancièrement bon public… J’assume.

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"Moby Dick", d'Herman Melville

Publié le par Nébal

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MELVILLE (Herman), Moby Dick, [Moby Dick, or The Whale], traduit de l’américain par [?], [s.l.], Ebooks libres et gratuits, [1851, 2007] 2011, [édition numérique]

 

Moby Dick et moi, ça avait commencé par un fâcheux malentendu. Nébal est un con, c’est un fait, mais je vous raconte pas ce que ça donnait quand j’étais jeune… Aussi, j’ai de vagues souvenirs d’une première tentative de lecture du grand classique d’Herman Melville quand j’étais tout gamin. Juste une tentative : j’ai rapidement lâché l’affaire, un brin interloqué par la séquence introductive vaguement teintée d’homoérotisme entre Ismaël, le narrateur, et le harponneur « cannibale » Queequeg, séquence qui m’avait paru plus ridicule qu’autre chose.

 

Allez-y, insultez-moi.

 

Mais bon : faute avouée est à moitié pardonnée, et, les années passant, je me suis de plus en plus dit que je ne pouvais pas passer indéfiniment à côté de ce roman, souvent considéré comme un des plus grands classiques de la littérature anglo-saxonne. Les allusions et références ne manquaient pas, ici ou là (surtout là, d’ailleurs), qui m’incitaient à repartir à la chasse au cachalot. Je n’en citerai qu’une, pour le plaisir (comme dit Herbert Léonard) : Bone, l’excellente BD de Jeff Smith. Un Kindle en poche, je n’avais plus aucune excuse ; alors, hop, embarquons.

 

Tout le monde connaît l’histoire de Moby Dick (aussi je me demande un peu ce que je vais bien pouvoir vous raconter dans ce compte rendu encore plus minable que d’habitude, mais j’ai des excuses). Même l’incipit est ultra connu : « Call me Ishmael. » Ismaël, donc, dans cette traduction, est un jeune homme qui s’embarque à bord du Pequod, sous le commandement du capitaine Achab, pour partir à la chasse à la baleine. Mais pas n’importe quelle baleine : Achab, qui y a laissé une jambe, est obsédé par la légendaire Moby Dick, un grand cachalot blanc, l’archétype de la baleine tueuse. L’odyssée du Pequod, dès lors, et ce jusqu’à sa conclusion dantesque, sera susceptible de plusieurs lectures, plus ou moins symboliques (il y a de la lutte biblique du bien contre le mal dans tout ça… même si les rôles peuvent s’inverser à l’occasion).

 

Mais ce qui frappe surtout de prime abord, c’est la dimension documentaire de Moby Dick. Tout, tout, tout vous saurez tout sur la chasse à la baleine. Et comme la faculté d’émerveillement est régulièrement sollicitée tout au long du roman, on en arrive très logiquement à cette conclusion : Moby Dick est un roman de science-fiction.

 

Si.

 

Non, mais, sans déconner, cette dimension est très présente. Et contribue largement à l’indéniable réussite de ce roman (ben oui, j’avoue : Moby Dick, c’est très bien, mea culpa…). Porté par un souffle peu commun et des personnages hauts en couleurs, le roman de Melville se dévore et passionne.

 

Et donne envie de défoncer la gueule à ces putains de poiscailles à mamelles.

 

Moby Dick, un roman lu et approuvé par Greenpeace.

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"La Loi des mages", t. 2, d'Henry Lion Oldie

Publié le par Nébal

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OLDIE (Henry Lion), La Loi des mages, t. 2, [Маг в законе], traduit du russe par Viktoriya et Patrice Lajoye, Saint-Laurent d’oingt, Mnémos, coll. Dédales, [2000] 2012, 343 p.

 

Bon alors là je vais avoir des problèmes. C’est que j’ai lu ce bouquin (et les suivants dont je vais vous causer dans les jours qui viennent) y a de ça un petit moment déjà, et que je suis passé par des épreuves à la con qui m’ont fait fondre la mémoire. Je vais quand même en parler – parce que – et essayer de rattraper mon retard, mais je vous demanderai donc de faire preuve d’un minimum d’indulgence.

 

Adonc, j’avais bien aimé les textes d’Henry Lion Oldie (c’est-à-dire Oleg Ladyjenski et Dimitri Gromov) publiés dans Dimension Russie ; et j’avais de même beaucoup aimé le premier tome de La Loi des mages (surtout son excellente première partie « sibérienne », mais le reste se tenait). J’allais donc nécessairement lire le deuxième (et dernier) tome, ce n’était qu’une question de temps. Reste, maintenant, à parler de la chose. Et ça s’annonce pas évident. Déjà parce que parler d’un deuxième tome, c’est toujours chiant. Ensuite parce que j’ai pas mal oublié de quoi que ça cause avec le temps (va tout s’en va).

 

Nous retrouvons Rachka la Princesse et Drouts l’Amateur de Chevaux, et le dispositif stylistique si particulier – notamment dans l’usage jusqu’à l’abus de la deuxième personne – qui s’était déjà montré aussi séduisant que perturbant dans le premier tome. Mais d’autres mages légaux sont désormais de la partie, leurs filleuls Fedor Sokhatch et Alexandra-Akoulina (nettement moins charismatiques). Ce second tome emprunte largement de faux airs de roman d’apprentissage, et décrit en creux toute la complexe société des mages, mais aussi au-delà celle des « Barbares ».

 

 

Et non, finalement, j’ai pas envie d’en dire plus. Na.

 

Juste que j’ai aimé. Moins que le premier tome (la partie « sibérienne » m’avait franchement bluffé, rien de la sorte ici), mais j’ai aimé. C’est une fantasy indéniablement très personnelle, plus inventive qu’il n’y paraît, et qui, joie, ne sacrifie pas la forme au fond (au quoi ?), ce qui est assez rare pour être signalé. Une lecture-découverte, qui change agréablement du tout venant de la fantasy par son ambition, sa subtilité et sa maîtrise. On n’en fera pas un chef-d’œuvre, mais on ne boudera pas non plus son plaisir. Si ça pouvait inciter d’autres traductions, ça serait ben chouette… mais je suis un peu sceptique, dans la mesure où nous vivons dans un Triste Monde Tragique.

 

 Mais en attendant, La Loi des mages, c’est bien. Si, si. Bon, clairement, si le premier tome vous est tombé des mains, celui-ci ne vous convaincra pas davantage, et c’est même pas la peine d’essayer. Mais si, comme moi, vous avez été séduit par l’univers et la plume des Oldie, ça serait dommage de s’arrêter en cours de route.

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"Angle Mort", n° 1 à 7

Publié le par Nébal

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Cela faisait un petit moment déjà que la revue électronique Angle Mort me faisait de l’œil. Je ne cessais d’entendre ou de lire des éloges à son propos. Las, je n’étais pas équipé pour la lire dans de bonnes conditions. Mais les choses ont changé : j’ai désormais un Kindle, et, sitôt la bébête chargée, je me suis empressé de me procurer les sept premiers numéros de la revue (environ 3 € chacun, c’est très correct).

 

Chaque numéro d’Angle Mort obéit à une structure similaire : tout d’abord, un édito, souvent en forme de manifeste (mais plus ou moins pertinent selon les cas…) ; ensuite, quatre nouvelles, en principe deux francophones et deux étrangères (lire : anglo-saxonnes, ou plus exactement publiées en anglais), d’auteurs souvent peu ou pas connus de par chez nous, même s’il y a quelques stars de temps à autre. Je vais faire l’impasse sur les éditos (je ne me sens pas forcément armé pour débattre de ce qui y est exposé), mais me livrer à un rapide tour d’horizon des nouvelles de ces sept premiers numéros. Ah si, une remarque au passage : chaque nouvelle est précédée d’une petite introduction (classique), mais aussi suivie d’une brève interview de l’auteur (et ça c’est cool).

 

N° 1 (novembre 2010). « Ao » de Laurent Kloetzer se rattache à la nouvelle de l’auteur dans Retour sur l’horizon ; l’écriture est impeccable, les images sont fortes… mais c’est un peu court, jeune homme. Avec « Cœur flétri », Aliette de Bodard fait à nouveau dans la fantasy aztèque, mais d’une manière bien différente que ce qu’elle avait pu faire dans D’obsidienne et de sang : c’est plus abstrait, il n’y a pas de dimension polardeuse, mais c’est tout à fait intéressant. Xavier Mauméjean rend ensuite hommage à une star du stand-up avec « Lenny Bruce, comique galactique » ; on sait que cette forme d’humour s’exporte mal, et la nouvelle joue là-dessus ; mais le problème, c’est que, du coup, elle n’est pas drôle… le ratage de ce numéro. Reste enfin « Deuxième Personne du singulier » de Daryl Gregory, très intéressante nouvelle sur la conscience et la neuropsychologie, qui constitue probablement le point d’orgue de cette première livraison déjà tout à fait convaincante.

 

N° 2 (février 2011). Je ne reviendrai pas ici sur « Pragmata » de David Calvo, je vous avais déjà dit tout le bien que j’en pensais en chroniquant Utopiales 2011, et mes sentiments à son égard n’ont pas varié d’un iota. « Véelles » d’Adam-Troy Castro « parle d’une mère, d’une fille, du droit à la vie, de la dignité de tous les êtres vivants, de quelques âmes dotées de hautes destinées dès l’instant de leur conception et d’autres condamnées à demeurer les idiots utiles de la société » ; formellement, c’est assez intéressant, mais ça reste au final très classique et plutôt moyen. « L’Écran suivant » d’André Ourednik est un texte amusant avec Mario et Luigi ; pas grand-chose de plus à dire à mon sens. « La Maison derrière le ciel » de Benjamin Rosenbaum, enfin, est un très joli texte sur un lointain futur, qui séduit autant qu’il laisse perplexe. Là encore, vous l’aurez compris, le bilan global de ce numéro est largement positif.

 

N° 3 (mai 2011). On commence très fort avec « Le Jardin des silences » de l’excellente Mélanie Fazi ; on y retrouve son fantastique subtil, mêlé ici de colorations plus brutales, dans son évocation d’un couple d’ados qui font la connerie de trop. « Comme les femmes se battent » de Sara Genge, nouvelle sur l’identité sexuelle et les rôles des genres, m’a beaucoup fait penser à Ursula K. Le Guin ou encore Joëlle Wintrebert ; en moins bien, certes, mais correct. Suit l’immense Léo Henry avec « Œuvre vécu d’Athanase Stedelijk, une monographie » ; pas sûr d’y avoir panné grand-chose, mais putain, qu’est-ce qu’il écrit bien… Puis il y a « Mêlée » de Kij Johnson, nouvelle sur une humaine qui baise avec un extraterrestre dans un module de survie ; l’auteur reconnaît qu’on peut trouver la nouvelle lourde et gratuite, et c’est un peu mon cas (mais ce n’est pas un ratage pour autant). Un très bon numéro, donc.

 

N° 4 (août 2011). « Dieu, vu de l’intérieur » est une nouvelle de Jean-Claude Dunyach, et tout est dit ou presque : c’est bien fait, mais ça me laisse un peu froid ; bien aimé par contre la vision du panier de crabes que peut être un laboratoire de recherches. « Sale n… » de Ted Kosmatka est une nouvelle antiraciste à base d’hommes de Neandertal ; classique, mais ça marche bien. « Dahut » d’Hélène Marchetto est une variation sur la légende d’Ys, boursouflée et confuse : une faute de goût. Surtout si l’on compare à « La Voix de son maître », excellente nouvelle de Hannu Rajaniemi qui fait effectivement plus qu’un peu penser à l’excellent graphic novel We3 de Grant Morrison et Frank Quitely. L’ensemble du numéro est cependant peut-être un cran en-dessous de ce à quoi on avait eu droit jusque-là.

 

N° 5 (novembre 2011). On commence dans le brutal avec « Le Punisseur » de Jean-Marc Agrati, excellente nouvelle issue de son recueil L’Apocalypse des homards ; ça frappe fort. « Porté disparu » de Lauren Beukes continue dans la joie avec une évocation des exactions commises par des soldats dans des prisons à l’encontre de prisonniers extraterrestres. Toute ressemblance avec des faits réels… Pas mal. Ensuite, problème : vous allez nécessairement douter de mon objectivité, puisque l’on passe à Olivier Paquet pour « L’IA qui écrivait des romans d’amour » ; un critique fielleux (Thomas Day ?) avait fait remarquer que cette nouvelle partait sur un malentendu, dans la mesure où il y avait le verbe « écrire » dans le titre : au vu des navrantes interventions forumesques de l’auteur, on comprend sans peine cette remarque, mais elle est peut-être un peu sévère en l’espèce… Pour ma part, j’ai simplement trouvé ce texte médiocre ; par contre, je ne sais toujours pas s’il est atrocement niais ou atrocement cynique. On remonte le niveau avec… William Gibson (ah ben oui, forcément) qui nous livre « Treize vues des bas-fonds » ; un exercice de style qui évoque en effet Burroughs ou Ballard, plutôt intéressant.

 

N° 6 (février 2012). Éric Holstein nous livre avec « Glamour Über Alles » sa vision de l’univers des soap operas hollywoodiens ; très sympa. « Pacmandu » de Lavie Tidhar est une jolie plongée dans l’archéologie des jeux vidéos. « Resolute Bay » de Lucia Renart m’a par contre laissé assez indifférent. J’y ai préféré « Les Mains de son mari » d’Adam-Troy Castro, sur le retour de soldats en piteux état : ici, il ne reste plus que des mains…

 

N° 7 (juin 2012). Kij Johnson nous revient avec « Poneys », une très chouette nouvelle sur la cruauté en général, et enfantine en particulier. Thomas Day est égal à lui-même dans « Sept Secondes pour devenir un aigle », court road-movie sioux sombre et violent (et drôle). L’excellente Kelly Link nous régale sans surprise avec « La Plupart de mes amis se composent d’eau aux deux tiers » et sa théorie du complot pour le moins originale, mêlée d’amour platonique. Reste enfin Ian McDonald avec « Une révolte astucieuse et courtoise des morts », une chouette nouvelle africaine sur l’instrumentalisation utile d’Internet (tout est dans le titre, ou presque). Un numéro d’une qualité exceptionnelle.

 

 Vous l’aurez compris : j’ai été convaincu sans peine par la qualité de cette revue électronique, et je lui souhaite longue vie et prospérité. C’est une belle initiative, bien exécutée, et qui mérite bien des éloges.

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"Le Cycle de Mars", d'Edgar Rice Burroughs

Publié le par Nébal

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BURROUGHS (Edgar Rice), Le Cycle de Mars, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles-Noël Martin, J.-F. Amsel et Sébastien Guillot, préface de Frédéric Jaccaud, Paris, Omnibus, [1912-1914, 1916, 1922, 1988-1989] 2012, VII + 946 p.

 

La récente sortie sur les écrans du film Disney John Carter (que je n’ai aucune envie de voir) a fourni à n’en pas douter, et c’est tant mieux, le prétexte à cette réédition du fameux Cycle de Mars d’Edgar Rice Burroughs (oui, le pôpa de Tarzan). Ce volumineux omnibus regroupe cinq romans publiés originellement en feuilleton entre 1912 et 1922, et, comme je ne rechigne pas de temps en temps à faire un peu d’archéologie de la science-fiction et que j’avais envie de lire un truc léger et distrayant, j’ai fait l’acquisition de la bête, laquelle ne répond qu’à un seul mot d’ordre :

 

BEUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARH !!!

 

(Tiens, ça faisait longtemps.)

 

Disons-le tout net : en effet, Le Cycle de Mars est très probablement le truc le plus incroyablement bourrin que j’aie jamais lu. De l’action, de l’action, et encore de l’action ! Ce qui se traduit généralement par : de la baston, de la baston et encore de la baston ! Ça n’arrête pas.

 

Ou presque. Parce que, entre deux phases d’action, il faut bien laisser un peu de place aux sentiments, sur cette planète où toutes les femmes sont des princesses : l’amûûûr a donc aussi sa place sur Barsoom (comme ses habitants appellent Mars). C’est pas parce qu’on est sur la planète de la guerre qu’on doit pour autant laisser la galanterie aux vestiaires, non mais oh.

 

D’où un cocktail détonnant, entre « Conan » et la tradition courtoise lorgnant sur Les Feux de l’amour : c’est invraisemblablement bourrin, macho au possible, et d’une niaiserie confondante. C’est, du coup, parfois à hurler de rire. Mais c’est aussi bourré d’idées et très certainement séminal : la quatrième de couv’ évoque des auteurs aussi divers que Robert Heinlein, Michael Moorcock (qui a pastiché la chose dans un autre recueil sorti en Omnibus), Arthur C. Clarke et Ray Bradbury ; j’aurais plutôt cité, pour ma part, Robert E. Howard et Jack Vance. Mais c’est à vrai dire toute la littérature d’imaginaire principalement axée sur l’action qui pourrait remonter à ce Cycle de Mars, et en prime tous les planet operas. Et, avouons-le, avec tous ses ridicules et malgré une plume datée et parfois pénible, c’est dans l’ensemble très rigolo, et ça remplit toujours, un siècle plus tard, parfaitement son office, ce qui mérite tout de même d’être souligné.

 

Décortiquons maintenant la bête. Tout commence avec La Princesse de Mars (A Princess of Mars). Nous faisons la connaissance de John Carter, un ancien officier sudiste (et accessoirement un vrai connard arrogant) ; parti à la recherche d’or dans les montagnes américaines, il est un jour poursuivi par de (naturellement) féroces Apaches, qui le contraignent à trouver refuge dans une grotte. Il s’endort… et quand il se réveille, sans que l’on ait besoin d’autre explication, c’est sur Mars, et à poil. Ah. Bon. Ben on va faire avec, hein. John Carter part explorer les environs, et découvre bientôt une planète moribonde, ravagée par des conflits incessants entre les différentes races « humaines » de Barsoom (dans l’ordre où on les rencontre, les Verts, les Rouges, les Blancs, les Noirs et les Jaunes). Sur Terre, John Carter était déjà un soldat de la meilleure trempe ; mais sur Barsoom, sa constitution terrienne qui détonne avec la faible gravité environnante lui permet d’accomplir des prodiges. Il va devenir ainsi un guerrier particulièrement redoutable, luttant sans cesse pour sa survie… et pour l’amour de la belle Dejah Thoris, princesse d’Hélium. Le roman se conclut sur un cliffhanger brutal, qui laisse le lecteur à bout de souffle (littéralement).

 

Mais, heureusement, c’est pas fini (loin de là) : on enchaîne avec Les Dieux de Mars (The Gods of Mars), à mon sens le meilleur des cinq romans ici compilés ; John Carter y retourne enfin sur Mars, et se retrouve à foutre le bordel dans les convictions raciales et religieuses des Martiens (ce qui rend le roman moins con qu’il n’en a l’air) ; l’action est menée tambour battant, sans interruption, et c’est l’occasion pour John Carter de retrouver de vieux amis, et de s’en faire de nouveaux, comme Thuvia, et de rencontrer – de manière hilarante tant notre héros est lent du ciboulot – son fils Carthoris. Là encore, le roman s’achève sur un cliffhanger haletant, appelant nécessairement une suite.

 

Ce sera Le Guerrier de Mars (The Warlord of Mars), qui enchaîne directement à la fin du roman précédent. Après avoir foutu la merde au pôle sud dans l’épisode antérieur, John Carter est cette fois amené à se tourner vers le pôle nord et ses cruels Jaunes (ben oui). Pour le reste, on ne change pas une recette qui fonctionne : le schéma est largement le même que celui des deux romans précédents… ce qui peut entraîner un minimum de lassitude. John Carter n’en héritera pas moins du titre inédit de seigneur de guerre de Barsoom, ce qui ne le rendra pas moins arrogant, loin de là.

 

Suit Thuvia, vierge de Mars (Thuvia, Maid of Mars), le plus court de ces cinq romans, qui se contente largement de changer le couple principal (Carthoris et Thuvia remplacent John Carter et Dejah Thoris), mais manie toujours les mêmes ingrédients, pour un résultat moyen.

 

Le niveau remonte, à mon sens en tout cas, avec le dernier de ces cinq romans, Échecs sur Mars (The Chessmen of Mars). Nous y rencontrons Tara d’Hélium, fille de John Carter et Dejah Thoris (et donc sœur de Carthoris), qui, en plus d’être une princesse arrogante, est incroyablement conne. C’est ainsi qu’elle va très vite se retrouver dans un merdier sans nom, dont il faudra bien que quelqu’un la tire : ce sera Gahan de Gathol, amoureux éconduit mais fine lame et tête brûlée. Là encore, l’action va à cent à l’heure, ponctuée de bonnes voire très bonnes idées, et ça se lit tout seul.

 

Alors voilà : Le Cycle de Mars est une lecture très drôle, malgré elle parfois, mais à n’en pas douter fort divertissante. L’influence de ce cycle sur la SF ultérieure la plus axée sur l’aventure est indéniable. Aussi ce voyage sur Barsoom fut-il tout sauf déplaisant. Avis aux amateurs et, tous en chœur :

 

BEUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARH !!!

CITRIQ

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"L'Appel de Cthulhu : Les Oripeaux du Roi"

Publié le par Nébal

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L’Appel de Cthulhu : Les Oripeaux du Roi

 

Je poursuis mon exploration des scénarios et campagnes publiés par Sans-Détour pour L’Appel de Cthulhu. Pour ce qui est des campagnes, j’étais resté sur un très mauvais souvenir avec la très (trop) « old school » Les Ombres de Yog-Sothoth (qui n’avait d’ailleurs pas grand-chose à voir avec Yog-Sothoth). Aussi est-ce avec une certaine appréhension que j’ai entamé la lecture des Oripeaux du Roi, qui fut en son temps la première campagne éditée par Sans-Détour.

 

 Ben j’avais tort, car ce fut bel et bon.

 

Les Oripeaux du Roi débute à Londres en 1928, alors que les investigateurs (idéalement au moins un aliéniste et si possible un ou plusieurs artistes) sont conviés à la représentation par une troupe de théâtre amateur d’une pièce inspirée du Roi en jaune (la pièce maudite, donc ; voyez ici). Évidemment, ça tourne plutôt mal… Mais les vrais soucis vont commencer par la suite quand, en enquêtant sur les délires d’un fou, les investigateurs vont entrevoir l’existence d’un culte d’Hastur, visant à appeler le Grand Ancien sur Terre… Voilà pour ce qui est de la première partie de cette campagne, jusqu’alors irréprochable, et composée d’un prologue et de cinq chapitres.

 

La deuxième partie constitue une sorte d’entracte, en seulement deux chapitres, qui conduiront les investigateurs dans la vallée de la Severn chère à Ramsey Campbell récupérer auprès d’adorateurs de Shub-Niggurath les éléments indiquant que les frères du Signe Jaune n’en ont pas terminé.

 

En découle la troisième partie (cinq chapitres), qui amènera les investigateurs à faire un long voyage… jusque sur les plus hautes cîmes de l’Himalaya !

 

Si les deuxième et troisième parties sont un peu moins convaincantes que la première, le niveau reste très bon : les différentes étapes de la campagne s’enchaînent bien, et la trame reste lisible sans être trop linéaire du début à la fin. De la belle ouvrage donc, que j’ai hâte de faire jouer.

 

 Hastur Hastur Hastur !

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"Singulier Pluriel", de Lucas Moreno

Publié le par Nébal

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MORENO (Lucas), Singulier Pluriel, Vevey, Hélice Hélas, 2012, 227 p.

  

Après Vincent Gessler et Laurence Suhner (entre autres : je n’évoque ici que ceux qui ont écumé récemment ces pages interlopes), voilà-t-y pas que Lucas Moreno rejoint à son tour le Complot Suisse pour la Domination de la SF Francophone. Lucas Moreno, on s’en souvient notamment pour feu Utopod. Mais il a également commis quelques nouvelles ces dernières années, compilées dans le présent recueil publié par un éditeur au nom chelou. J’en avais pour ma part déjà lu trois, l’une dans Dimension Suisse et les deux autres dans Bifrost, et, ma foi, c’était plutôt convaincant. De là à lire ce court (très court, en fait) volume, il n’y avait qu’un pas, vite franchi.

 

Adonc. Singulier Pluriel, le premier livre de l’auteur, comprend neuf des dix nouvelles qu’il a publiées à ce jour. Ce qui peut faire un peu peur : on peut en effet craindre que tout cela flirte un peu trop avec l’amateurisme, certes rafraîchissant et enthousiaste, mais bon, quand même ; un recueil, c’est (ou cela devrait être) plus que la somme des nouvelles qui le composent, il ne suffit pas d’atteindre un certain quota pour que le recueil puisse sortir. Et, en effet, Singulier Pluriel, recueil le cul entre deux chaises, donne davantage une impression un brin fâcheuse de dispersion plutôt que celle, louable, de l’éclectisme. Ce qui se traduit dans les faits par deux parties : la première, comprenant cinq nouvelles, fait dans le fantastique et l’horreur (grosso merdo) ; la seconde, avec quatre nouvelles (dont les trois que je connaissais déjà…), est résolument SF, et, à mon sens, plus convaincante.

 

Commençons donc par les nouvelles « fantastiques ». Ça commence plutôt bien avec « Singulier Pluriel » (donc), nouvelle sur un étrange voisinage qui n’est pas sans évoquer Rosemary’s Baby mâtiné de Society. « Le Meilleur’ Ville dou monde », qui suit immédiatement, témoigne d’obsessions assez similaires, et fonctionne également plutôt bien. La plume de Lucas Moreno est assez agréable, sait éviter les lourdeurs et maladresses si communes aux débutants, les personnages sont bons, l’ambiance aussi. Rien de transcendant, n’exagérons rien, mais ça se lit bien. Mieux, sans doute, que « Shacham », dont le préambule fait un peu peur, même si la suite est plus intéressante (le cadre himalayen y est pour beaucoup). « Dellamorte Dellamore » (bah oui, comme le chouette film de Michele Soavi) est également très correcte, avec sa femme qui ne cesse de revenir d’entre les morts. Le polar fantastique « Comme au premier jour » convainc un peu moins (et sent un peu le réchauffé). Bilan de cette première partie : c’est du correct. Rien d’exceptionnel, mais, disons, moyen +.

 

La partie SF est à mon sens plus réussie. Je vous avais déjà dit tout le bien que je pensais de « L’Autre Moi » en traitant de Dimension Suisse, il me paraît donc inutile d’y revenir ici. Suit « Demain les eidolies », déjà lue dans Bifrost, et qui m’avait fait une forte impression. Cette histoire de « maïeutique de surface », avec en outre des éléments dickiens et d’autres relevant d’une science-fiction plus classique, me paraît constituer le meilleur du recueil : c’est irréprochable. « Trouver les mots », la seule des nouvelles de SF que je n’avais pas lues, est également assez séduisante : une SF sombre et désenchantée, qui m’a fait penser au Quinzinzinzili de Régis Messac (l’humour en moins). Et le recueil de se conclure sur une autre nouvelle bifrostienne avec « PV » et son jardin d’Eden truqué. L’impression globale ? Moyen ++, voire bon. Pas encore tout à fait ça, mais pas mal.

 

Au final, avec Singulier Pluriel, Lucas Moreno nous livre un court bilan de sa production passée, qui se dévore d’une traite (le livre se lit en quelques heures à peine), et séduit plus qu’à son tour. Sans jamais convaincre pleinement, certes – toujours, de temps à autre, cette impression d’amateurisme –, mais ça n’en fait pas moins une lecture dans l’ensemble plutôt recommandable, et surtout un témoignage éloquent des capacités latentes de l’auteur, que l’on qualifiera selon l’usage de prometteur. Et c’est déjà bien.

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"Pathfinder Univers : Le Guide de Korvosa"

Publié le par Nébal

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Pathfinder Univers : Le Guide de Korvosa

 

On va faire vite, une fois n’est pas coutume, dans la mesure où ce supplément est très bref et ne mérite guère que l’on s’y attarde, hélas.

 

Adonc. Korvosa est une quasi-colonie chélaxienne en Varisie. Parmi ses voisins notables, on notera la citadelle de Vraid, Janderhoff et Kaer Maga ; elle exerce par ailleurs un certain contrôle  sur Abken, Biston, Baslwief, Harse, Melfesh, la baie de Palin, Sirathu et Veldraine (cartes en couleur à l’appui, comme d’hab’).

 

On détaille ensuite les divers quartiers de la ville : l’Académie, spécialisée dans l’Invocation a fortiori depuis que la maison Thrune, trois-fois-damnée, a pris le contrôle du Chéliax ; le château de Korvosa, bâti sur un grand mastaba shoanti ; la Rive est ; la Grisaille, un vaste cimetière ; les Hauteurs ; le Médian ; la Pointe nord ; la Vieille Korvosa ; la Rive sud, enfin. Mais il faut aussi mentionner les Tuiles, une sorte de ville sur la ville ; et, en-dessous, les Caves…

 

Après quoi l’on s’intéresse aux habitants de Korvosa : gouvernement, organisations militaires, grandes familles, races, religion… C’est aussi l’occasion d’évoquer la Guilde des Voleurs… qui se trouve être la seule guilde officielle de Korvosa (toute tentative d’association est sévèrement réprimée) !

 

Suivent quelques données historiques, puis l’on passe aux secrets de la ville ; mais, autant le dire tout de suite, il n’y a là rien de très bandant…

 

Le problème, en effet, est simple : Korvosa est une ville affreusement banale. Certes, tout ne peut pas être extraordinaire sur Golarion, et Pathfinder est un jeu de rôle « générique » ; mais voilà : je n’aurais aucune envie d’y faire traîner mes joueurs, de crainte qu’ils ne meurent d’ennui devant la platitude du décor.

 

 Un supplément très dispensable, donc. Assurément le moins bon de la gamme « Pathfinder Univers » qu’il m’ait été donné de lire.

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"Zendegi", de Greg Egan

Publié le par Nébal

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EGAN (Greg), Zendegi, [Zendegi], traduit de l’anglais (Australie) par Pierre-Paul Durastanti, Saint-Mammès, Le Bélial’, [2010] 2012, 370 p.

 

Si Zendegi est le huitième roman du génial et mystérieux auteur australien Greg Egan, c’est aussi, je le confesse, le premier que j’ai l’occasion de lire. Je ne connaissais en effet jusque-là l’auteur que pour ses brillants recueils de nouvelles, déjà publiés par le Bélial’, Axiomatique, Radieux et Océanique. J’avoue avoir eu un peu peur de m’attaquer à Egan romancier : il avait en effet une réputation d’auteur hard science particulièrement velu sur la longue distance… Et là, je ne me sentais pas de le suivre. Zendegi, cependant, n’avait pas cette réputation. Et, effectivement, ce n’est pas du Egan hyper velu, mais plutôt proche de la majeure partie de ses excellentes nouvelles. Attention, cependant, citoyens : pour évoquer ce qui fait vraiment l’intérêt de ce roman, je vais devoir spoiler grave. Vous êtes prévenus…

 

Le roman commence… en 2012 (couillu !), alors que l’Iran connaît une révolution (rappelons que le roman est antérieur au « printemps arabe ») (oui, je sais très bien que l’Iran n’est pas un pays arabe, mais laissez donc ces mouches tranquille, je vous prie). Sur place, à Téhéran, Martin Seymour, journaliste australien, est aux premières loges pour assister au mouvement de contestation (qui brille par son astuce pour contourner les mesures de répression du régime).

 

Pendant ce temps, nous suivons aussi Nasim Golestani, une jeune scientifique iranienne en exil aux États-Unis, qui, tout en suivant les événements du pays natal, consacre l’essentiel de son temps à ses travaux sur le PCH (via des oizouilles), « un projet de cartographie des connexions neuronales du cerveau humain ».

 

2027. Martin Seymour est toujours en Iran, devenu démocratique, et a épousé une jeune révolutionnaire, avec laquelle il a eu un enfant. Nasim, de son côté, n’a pas résisté à la tentation, et, comme nombre d’anciens exilés, elle est retournée au pays. Elle travaille désormais sur Zendegi, une sorte de jeu de réalité virtuelle (ou plutôt un ensemble de ces jeux particulièrement immersifs). Zendegi, cependant, ne fait pas le poids face à ses concurrents les plus directs. Du moins jusqu’à ce que Nasim ressorte de ses cartons ses travaux du PCH pour les appliquer au jeu, ce qui crée des êtres virtuels d’un réalisme sans pareille… ce qui ne va pas sans susciter la controverse, voire pire ; on aborde déjà sous cet angle de passionnants questionnements d’ordre éthique, soulignés par la citation en quatrième de couv’ : « Créer un logiciel conscient incapable de prendre en main son destin est contraire à l’éthique… » Mais ce n’est là qu’un aspect du problème.

 

Spoilons comme des porcs

 

Gruik.

 

La femme de Martin Seymour meurt dans un accident de voiture, et Martin lui-même, au sortir d’une batterie d’examens, apprend qu’il n’en a plus pour longtemps. Mais il y a son fils ; et, quand bien même Martin dispose d’amis très chers désireux de venir en aide au petiot, Martin n’en considère pas moins que c’est à lui, son père, de lui fournir une éducation et une assistance. Sous la forme d’un avatar… et c’est pourquoi il contacte Nasim, et les deux se lancent dans un détournement de Zendegi.

 

Et là, ça devient vraiment très fort. Jusque-là, le roman était déjà assez intéressant, notamment dans ses aspects politiques et les premières controverses philosophiques suscitées par Zendegi et le PCH. Mais quand la « survie » de Martin entre en jeu, le roman prend une tout autre dimension, tout à fait fascinante, et qui n’a pas été sans me rappeler certaines des meilleures nouvelles de Greg Egan (rhââââââ, « Des raisons d’être heureux » !). Le roman acquiert au passage une forte dimension humaine, sincèrement émouvante, qui montre bien qu’on aurait tort de réduire la production de l’auteur australien à de la « SF d’ingénieur ».

 

Bon, maintenant, calmons-nous. Je ne vais pas crier au chef-d’œuvre : Zendegi n’en est pas un. Il est à l’occasion un peu bancal, tend à se disperser, et on peut se demander si la forme romanesque était réellement la plus appropriée pour traiter de ces sujets (une novella, peut-être ?).

 

Il n’en reste pas moins que ce roman vaut beaucoup mieux que sa réputation – je l’avais entendu/vu qualifié de « mineur » – et que les amateurs de Greg Egan auraient tort de faire l’impasse dessus. Certes, ce n’est pas le plus hard des Egan, ce qui pourrait décevoir certains fans ; mais un peu de douceur dans ce monde de brutes, ça fait du bien aussi, parfois, non ?

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