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"L'Appel de Cthulhu : Terra Cthulhiana"

Publié le par Nébal

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L’Appel de Cthulhu : Terra Cthulhiana

 

Terra Cthulhiana est un (volumineux) atlas du Mythe et plus généralement de bizarreries diverses et variées qui essaiment sur notre belle planète, que l’on doit aux Allemands de Pegasus Press. Amateurs d’histoire secrète et de théorie du complot, vous trouverez là à n’en pas douter votre bonheur, sous la forme d’un vaste compendium merveilleusement documenté.

 

Le supplément (qui fait partie de la gamme de L’Appel de Cthulhu mais se révèlerait sans doute très approprié également pour Delta Green) est composé grosso merdo de deux parties bien inégales : la première, et de loin la plus longue, correspond à l’atlas à proprement parler, découpé en zones géographiques distinctes. Mais il reste encore un dernier chapitre, « Légendes », qui fournit des squelettes de campagnes internationales à base de mystères mystérieux et autres délires mystico-ufologiques, etc.

 

Commençons par évoquer les différents sites détaillés dans l’atlas. On commence par l’Amérique du Nord, avec les pueblos anasazis et Y’ha-nthlei (ce dernier chapitre n’étant finalement pas redondant avec le guide d’Innsmouth). En Amérique centrale et du Sud, nous jetons ensuite un œil (voire deux, ou plus si affinités) sur divers sites précolombiens. Passons à l’Europe et l’Asie mineure : la forteresse au trésor de Kiyinda sur Karasi, Malte et ses 8000 ans d’histoire, les reliques minoïques en Crète et sur Santorin, le tombeau de Nimrod, et enfinles villes souterraines troglodytes de Cappadoce. En Afrique et au Proche-Orient, nous nous intéressons aux ruines du Grand Zimbabwé, à la ville d’Irem, aux pyramides nubiennes de Méroé et à la Cité sans Nom. Suit un gros chapitre asiatique, avec les temples d’Angkor, les grottes d’Ellorâ et le temple Kailasa, le Krakatoa, le plateau de Leng (qu’on pourrait préférer situer uniquement dans les Contrées du Rêve, mais bon, admettons), Shamballa, la Toungouska et son mystérieux phénomène, et enfin les pyramides de Yonaguni. En Australie, on se penche sur le désert des Pinacles et sur Pnakotus, la ville de la Grande Race. Dans l’Arctique, on retrouve l’Hyperborée légendaire et la ville de Lomar où someille Iranon. En Antarctique, le lac Vostok et Kadath (là, dans ce dernier cas, je ne suis pas d’accord : Kadath, à mon sens, ne peut se trouver que dans les Contrées du Rêve de la Terre ; de toute façon, ce chapitre ne fait pas le poids face à l’excellent guide de Kadath publié par Mnémos dans sa belle collection Ourobores…). Restent enfin les océans : le continent perdu de Mu, l’île artificielle de Nan Madol, l’île de Pâques et ses secrets et, last but not least, R’lyeh, of course.

 

Chacun de ces sites est décrit, avec son histoire, de manière approfondie, et la lecture de ce guide est un véritable régal, qui offre l’occasion de très nombreuses découvertes.

 

Restent les « Légendes », présentées sous forme de squelettes de campagnes, et qui dévoilent encore de nouveaux sites mystérieux : c’est ainsi que l’on part à la recherche du Graal, puis de la haute technologie de l’Antiquité ; on marche ensuite dans les pas des Assassins et des Templiers (forcément…), avant de s’intéresser aux secrets impies de la Terre Sainte ; restent le monde souterrain (re-forcément…) et, dans un dernier éclat passionnant, la géométrie sacrée et profane des pyramides.

 

Tout cela nous fait un excellent supplément, probablement un des meilleurs de la gamme, et que l’on peut en outre facilement détourner pour d’autres jeux (il n’y a pas une seule caractéristique technique dans tout le volume), voire lire pour son édification personnelle, tout simplement. Un beau volume, certes pas exhaustif, mais néanmoins irréprochable, qui fourmille de bonnes idées et est doté d’une iconographie abondante et superbe. Chapeau bas.

 

 De la même équipe, Sans-Détour annonce pour (très) bientôt un nouveau guide, consacré au Necronomicon et autres livres impies ; s’il est fait avec autant de soin et de passion, je crois qu’on peut déjà en baver d’avance…

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"Vestiges", de Laurence Suhner

Publié le par Nébal

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SUHNER (Laurence), Vestiges, Nantes, L’Atalante, coll. La Dentelle du cygne, 2012, 575 p.

 

Vestiges est le premier roman de Laurence Suhner. Enfin… pas tout à fait. Plus exactement, Vestiges est le premier tome d’une trilogie (mais pourquoi, bordel ?), intitulée « QuanTika » (c’est quoi ce nom ?). La quatrième de couverture nous promet « un planet opera somptueux, une plongée archéologique envoûtante ». Mazette, c’est que ça doit être bien, alors.

 

Dans quelques siècles. Nous sommes sur Gemma, une planète glacée, et la plus lointaine colonie humaine. Mais ce qui singularise vraiment ladite planète, ce sont les vestiges qu’y ont laissé les « Bâtisseurs », une civilisation extraterrestre disparue (ou bien…?) ; ainsi cet immense artefact en orbite, dont on n’a jamais pu percer les secrets. Mais une équipe de scientifiques triée sur le volet met bientôt à jour, sous une épaisse couche de glace, d’autres vestiges des Bâtisseurs ; ils se lancent en secret dans l’exploration de ces ruines sans pareille, qui pourraient expliquer bien des choses, et notamment les étranges phénomènes physiques constatés par les chercheurs d’une petite base, non loin de là. Mais cela n’ira pas sans susciter des convoitises, notamment de la part de la Milice, gardienne de l’ordre autoproclamée face aux menées de plus en plus ambitieuses des « Enfants de Gemma », un groupe écologiste et nationaliste d’un genre nouveau.

 

Alors voilà. Un planet opera, donc. Mais avec un Big Dumb Object. Et qui louche plus qu’à son tour sur la hard science. Sans négliger pour autant la dimension humaine et sociale, a priori. Voilà qui est particulièrement alléchant. S’agit maintenant de tenir les promesses…

 

Et là ça coince un peu. Enfin, en tout cas, ça a coincé pour moi. Pour deux raisons essentiellement (plus ou moins les mêmes que pour Tau Zéro, tiens) : le style, et les personnages.

 

Disons-le franchement, au moins au début du roman, c’est passablement atroce. Du genre écrit avec les pieds, mais tant qu’à faire les deux dans le même sabot. On ne compte pas les lieux communs et autres formulations malhabiles. De même que l’on peut se montrer sceptique devant les changements incessants de personnages, toute une kyrielle, et qui ont tous le fameux dictionnaire de Flaubert sous le bras pour plomber inévitablement leurs dialogues, au mieux purement utilitaires, au pire d’une naïveté confondante.

 

Du coup, sur environ 200 ou 300 pages, je me suis plutôt fait chier, personnellement. Et puis – miracle ! – ça s’améliore, et on finit par se prendre au jeu (à mesure que les scientifiques avancent dans leur exploration des vestiges, ce n’est certainement pas un hasard). On peut en déduire que l’exposition, trop longue, est mal gérée. C’est en tout cas mon intime conviction. Et, du coup, je ne saurais véritablement recommander la lecture de ce roman bancal, qui fourmille certes de bonnes idées, mais ne sait pas toujours les exploiter avec l’adresse qui en ferait une vraie réussite. Pas certain de lire la suite… on verra bien. Reste un premier roman bourré de défauts, mais pas totalement raté non plus ; vu la pénurie de SF ambitieuse de par chez nous, on pourra peut-être s’en contenter… ou pas.

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"Pathfinder Univers : Le Recueil du val de Sombrelune"

Publié le par Nébal

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Pathfinder Univers : Le Recueil du val de Sombrelune

 

Le Recueil du val de Sombrelune est un supplément de la gamme « Pathfinder Univers » composé de cinq éléments : le guide du val de Sombrelune est en effet suivi de quatre scénarios, trois donjons formant une mini-campagne et un quatrième scénario « en extérieur » pouvant s’y agréger aisément.

 

Commençons par le guide de cette région sauvage de l’Andoran. On s’intéresse tout d’abord, et fort logiquement, aux étendues sauvages : la forêt d’Arthfell, les montagnes Aspodell, les plaines de Sombrelune, la forêt de Sombrelune, la Faille de Droskar (un gigantesque volcan), le Promontoire d’Elberwick, les montagnes des Cinq Rois, l’Écume et les collines aux Loups. Toutes ces régions sont décrites à grands renforts de cartes, et réservent chacune bien des possibilités de jeu, même si la plupart ne sont qu’esquissées lors de ce premier chapitre. Les organisations et créatures (en premier lieu, les lycanthropes) qui fréquentent ces régions sont également décrits, et plus largement la flore et la faune. Rien de bien original, mais ça se lit bien.

 

On s’intéresse ensuite à la civilisation (un bien grand mot, peut-être…). Trois villes sont examinées : Nid-du-Faucon (qui sera au cœur des quatre scénarios concluant l’ouvrage), Olfden, et la Falaise de Piren. Mêmes causes, mêmes effets que pour ce qui précède. On s’attardera cependant ici sur la description du sinistre Consortium du Bois, qui contrôle largement la région.

 

Le très bref troisième chapitre concerne la tumultueuse histoire de la région, depuis la colonisation naine jusqu’à l’époque actuelle. Passionnant, mais un peu frustrant : on en voudrait plus…

 

Et on en arrive enfin aux Secrets, qui approfondissent ce qui a été évoqué plus haut. Tout à fait intéressants pour bon nombre d’entre eux, même s’ils ne brillent pas toujours pas l’originalité, ces secrets offrent bien de quoi faire dans cette région sauvage.

 

En guise de preuve, les quatre scénarios qui suivent : faisons tout d’abord un sort aux trois donjons formant mini-campagne, et destinés respectivement à des personnages de niveau 2 (La Couronne du roi kobold), 5 (La Revanche du roi kobold) et 6 (Affamés sont les morts). C’est du donjon fort classique, mais aussi fort bien fait, et ça doit être très amusant à jouer. Même si, perso, je trouve qu’il y a certaines bastons dont on pourrait se passer pour sortir de la logique « j’ouvre la porte, je tue le monstre, je ramasse le trésor » ; c’est quand même très bourrin…

 

Le scénario le plus intéressant est donc sans surprise, « en extérieur », La Foire aux larmes (personnages de niveau 5). Comme les trois autres, il se situe (cette fois intégralement) à Nid-du-Faucon, et confronte les PJ à une étrange fête foraine qui ne tarde pas à dégénérer : un très bon scénario, vraiment bien ficelé.

 

Au final, ce recueil constitue donc un supplément de qualité, bien digne de la gamme « Pathfinder Univers » et offrant bien des opportunités de jeu.

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Où Nébal est entrevu

Publié le par Nébal

Si, si, sans déconner.

 

C'est l'ami Gromovar qui s'en est chargé, et ça se trouve chez lui, .

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"L'Histoire de France pour ceux qui n'aiment pas ça", de Catherine Dufour

Publié le par Nébal

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DUFOUR (Catherine), L’Histoire de France pour ceux qui n’aiment pas ça, Paris, Fayard – Mille et une nuits, 2012, 301 p.

 

Qu’on ne se méprenne pas en raison de ce titre fâcheux : Nébal aime l’histoire de France ; même qu’il adore ça. Seulement il aime aussi Catherine Dufour, sa plume et sa verve (zob, c’est bien écrit). Impossible donc de passer à côté de cet ouvrage (au passage, c’est la première fois que je vois un Mille et une nuits en grand format).

 

Une croisière. On embarque avec le capitaine Dufour pour un voyage de 2000 ans (dates arbitraires), tout au long de l’histoire de notre pays. Bien sûr, en fonction des époques, les sources sont plus ou moins abondantes, ce qui explique quelques passages en accéléré, tandis que d’autres émanent de la volonté de l’auteur (qui le rappelle : elle n’est pas une historienne, seulement une amateur de livres d’histoire ; mais son livre  « a été relu et approuvé par un véritable historien »).

 

Un bien beau voyage, même s’il ne fait pas toujours bon accoster auprès de nos ancêtres : famine, peste, guerre en dissuadent souvent. Mais il est un point important à noter, ici, et qui, dans un sens, fait de l’ouvrage de Catherine Dufour un livre d’histoire assez « tradtionnel » : c’est que, dans une large mesure (et là encore les sources ont leur mot à dire), l’histoire de France se confond ici avec celle de ses rois. Approche éminement critiquable, mais très classique.

 

On suit donc toute une kyrielle de Louis et autres, dans leurs difficultés familiales et conjugales. En fonction des époques, les témoignages se font plus ou moins précis, mais toujours colorés. Et Catherine Dufour ne rechigne pas à l’anecdote édifiante, selon un schéma à nouveau très classique : on n’échappera donc pas au vase de Soissons et compagnie.

 

Sans surprise, un tel abrégé de la longue et complexe histoire de France abonde en raccourcis et approximations, mais pas trop fâcheux dans l’ensemble. Il y a cependant à l’occasion des erreurs qui ont de quoi faire tousser, et je me suis pour ma part quasiment étranglé quand j’ai vu le sort réservé par Catherine Dufour à ma période de prédilection, la IIe République, expédiée en quatre lignes tout simplement fausses… Cela dit, j’aurais pu m’y attendre…

 

Enfin, il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une histoire non seulement partielle, mais aussi partiale, témoignant d’un engagement et de quelques idées bien ancrées (notamment concernant les rois de France, dont le portrait est généralement peu flatteur ; suffit de regarder leur nez…), qu’on peut ne pas partager.

 

Mais on peut très bien passer outre ces « défauts ». Si l’amateur d’histoire n’apprendra probablement pas grand-chose, voire rien, dans ces pages, on peut supposer que l’ouvrage remplit néanmoins parfaitement son rôle auprès des non-initiés. Car, oui, Catherine Dufour nous montre bien, avec son talent habituel, que l’histoire de France n’a rien d’ennuyeux, et se révèle au contraire passionnante.

 

Certains passages sont tout particulièrement réjouissants ; généralement, il s’agit des mieux sourcés, comme celui consacré au Grand Siècle. D’autres révèlent une très belle plume, comme les quelques pages (bien trop courtes, hélas) consacrées à la Révolution, ou cet étrange final en forme de danse macabre.

 

Un ouvrage de vulgarisation plutôt bien foutu, donc ; souvent drôle, parfois beau, toujours intéressant. On ne le recommandera probablement pas aux amateurs d’histoire ; mais si vous êtes de ceux que la simple évocation de cette matière fait bailler, ce livre est fait pour vous.

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"L'Appel de Cthulhu : Les Ombres de Léningrad & autres contes"

Publié le par Nébal

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L’Appel de Cthulhu : Les Ombres de Léningrad & autres contes

 

Une fois n’est pas coutume, on va pouvoir faire vite. En effet, Les Ombres de Léningrad & autres contes, recueil de trois scénarios de la gamme « Age of Cthulhu » de Goodman Games, ne mérite guère que l’on s’y attarde. Si le livre est assez joli et les aides de jeu sympathiques, les scénarios proposés n’en sont pas moins médiocres, et surtout d’un classicisme à faire peur. Les amorces, notamment, sont une véritable caricature : chacun (!) de ces trois scénarios débute par « un affreux suicide » survenant après que les investigateurs aient été contactés par ledit suicidé ! Tout de même…

 

Mort à Louxorest pour le reste un scénario des plus médiocres, et sans surprise. Finalement, c’est Folie londonienne qui s’en sort encore le mieux, malgré son classicisme et sa linéarité. Quant à Les Ombres de Léningrad, c’est un scénario too much, qui en fait des caisses comme c’est pas permis, et se révèle en définitive complètement grotesque, comme un mauvais pastiche lovecraftien.

 

 Un supplément passablement dispensable, donc. À réserver aux collectionneurs et aux gardiens les plus téméraires.

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"Femme qui écoute", de Tony Hillerman

Publié le par Nébal

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HILLERMAN (Tony), Femme qui écoute, [Listening Woman], traduit de l’américain par Danièle et Pierre Bondil, Paris, Rivages, coll. Noir, [1978, 1988] 1989, 252 p.

 

Allez, hop, ça faisait longtemps : un petit polar navajo signé Tony Hillerman. En l’occurrence, Femme qui écoute est la troisième enquête du lieutenant Joe Leaphorn.

 

Celui-ci, un jour, manque de se faire écraser par un chauffard qui en voulait de toute évidence à sa peau. Bien que ce ne soit pas tout à fait dans les règles, il décide d’enquêter là-dessus, et compte bien retrouver la trace du chauffard, qu’il suspecte d’avoir des choses à cacher. Aussi se débrouille-t-il pour éviter de participer au gardiennage de scouts dans la région, tout en rouvrant de vieux dossiers en guise de prétexte. Deux l’intéressent tout particulièrement : un hélicoptère qui a disparu après un vol, et la mort de Hosteen Tso et Anna Atcitty, tous deux assassinés lors d’une cérémonie impliquant Margaret Cigaret, une femme-qui-écoute, hélas aveugle.

 

En chemin, Joe Leaphorn va rencontrer beaucoup de coïncidences. Et ça lui pose problème ; ça ne correspond pas à sa vision du monde, profondément navajo, et qui insiste sur l’harmonie. Il s’agit donc de trouver les liens entre tous ces événements. Joe Leaphorn y parviendra, bien sûr, mais à ses risques et périls…

 

Le roman est un peu lent au démarrage, mais on finit par y retrouver tout ce qui fait le charme des polars navajos de Tony Hillerman, jusqu’à une conclusion très réussie. Il n’en reste pas moins que Femme qui écoute est jusque-là le livre qui m’a le moins convaincu de la part de cet auteur qu’on a pu connaître particulièrement enthousiasmant (ainsi avec le volume précédent, le très bon Là où dansent les morts). De là à vous dire pourquoi, c’est une autre paire de manches. Peut-être le jeu des coïncidences est-il un peu trop artificiel pour que l’on y croie ?

 

Une raison, sans doute, tient au style. C’était déjà plus ou moins le cas dans les précédents romans de Tony Hillerman que j’ai pu lire, mais c’était cette fois particulièrement criant. Cela vient-il du texte original ou bien de la traduction ? Je ne saurais le dire avec exactitude ; toujours est-il que le résultat est un tantinet lourdingue, et c’est dommage.

 

 Parce que, pour le reste, c’est quand même dans l’ensemble fort intéressant. La dimension ethnologique est toujours aussi présente et passionnante, et Tony Hillerman fait des miracles en matière d’action et de suspense.

 

Au final, Femme qui écoute laisse donc un sentiment mitigé ; le bon et le moins bon alternent régulièrement, jusqu’à une conclusion explosive et fort réussie. Mais cette dernière bonne impression ne suffit pas à effacer les défauts incontestables des pages précédentes. Ce qui ne m’empêchera bien évidemment pas de continuer à lire les polars navajos de Tony Hillerman : c’est quand même ma came.

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"La Prière d'Audubon", de Kôtarô Isaka

Publié le par Nébal

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ISAKA (Kôtarô), La Prière d’Audubon, [Audubon no Inori (A Prayer)], traduit du japonais par Corinne Atlan, Arles, Philippe Picquier, [2000] 2011, 440 p.

 

 

Ouin.

 

 

Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin !

 

 

J’y arrive pus. Je suis devenu impuissant du blog. Désolé de commencer ce compte rendu miteux en chouinant, mais une fois n’est pas coutume, et je vous dois des explications sur mon retard au chroniquage. Voilà, c’est dit : j’y arrive pus. J’ai de plus en plus de mal à écrire (ça se voyait, de toute façon), et même lire, à la limite… Aussi ai-je pensé remettre ce blog en mode « interruption momentanée des programmes », comme ça m’était arrivé il y a quelque temps de ça, et il n’est pas impossible que je m’y résigne dans les jours à venir. En même temps, j’ai pas grand-chose d’autre à quoi me raccrocher, et ça m’ennuie franchement… Alors on verra bien. En attendant, je vais essayer malgré tout – je dis bien : essayer – de vous causer de mes dernières lectures.

 

Donc : La Prière d’Audubon de Kôtarô Isaka. Un roman étrange, d’un jeune auteur nippon que l’on place d’ores et déjà dans la filiation de Haruki Murakami (que, bordel, je n’ai toujours pas lu, et ça peut pas durer). Chaudement recommandé par quelques connaissances, et doté d’une quatrième de couverture suffisamment intrigante et alléchante pour que je tente l’expérience.

 

Notre héros se nomme Itô, et c’est un informaticien.

 

… Non, mais, partez pas, y en a des biens…

 

Bon, donc, Itô. Il a démissionné de son boulot il y a quelques mois de ça, brisé son couple par la même occasion, et, depuis, il a fait une connerie qui l’a placé entre les vilaines pattes d’un flic psychopathe. Heureusement pour lui (et pour nous), Itô a pu s’échapper… et il a trouvé refuge sur une île bien mystérieuse, sans trop savoir comment. Une île qui s’est refermée sur elle-même et a rompu quasiment tout contact avec l’extérieur depuis près de 150 ans, à l’époque même (Meiji) où le Japon mettait fin au shogunat et s’ouvrait enfin sur le monde. Seul un bâteau fait de temps à autre la liaison entre l’île et le reste du Japon, mais Itô n’est que le deuxième étranger à être débarqué sur l’île depuis sa « fermeture ». Et il pourrait avoir un rôle à jouer dans une prophétie…

 

Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour le moment, Itô se voit confié à un guide, enthousiaste mais un peu bizarre, qui lui fait découvrir tous les (nombreuses) bizarreries de l’île. On ne les citera pas toutes, et on se contentera d’évoquer la plus singulière : Yûgo, un épouvantail parlant et visionnaire. Itô lie amitié avec Yûgo, mais, hélas, cela ne sera que pour une courte durée : on retrouve bientôt l’épouvantail démembré, ce qui s’apparente bel et bien à un meurtre… Et Itô de se mettre en chasse pour essayer de trouver le coupable.

 

La Prière d’Audubon prend ainsi l’apparence d’un policier dilletante et doux-dingue, gentiment barré, et porté par une plume confondante de naïveté (mais qui n’en est pas moins délicieuse). On suit avec beaucoup de plaisir Itô dans son périple insulaire, auprès des habitants si étranges de cette île plus qu’étrange. Il y a là toute une galerie de personnages hauts en couleurs, et le roman fourmille de bonnes idées. D’une grande richesse, La Prière d’Audubon part un peu dans tous les sens, mais sans jamais perdre de vue sa trame essentielle. Car tout, ici, semble lié au reste, et le moindre événement prend des allures d’indice permettant à terme d’identifier le coupable du meurtre de Yûgo, ainsi que de répondre aux nombreuses questions qu’il suscite ; une, notamment, revient sans cesse : si Yûgo pouvait prévoir le futur, alors pourquoi n’a-t-il pas prévu sa mort, ou du moins n’en a-t-il parlé à personne ? Cela a-t-il un rapport avec l’arrivée d’Itô sur l’île, d’ailleurs ?

 

Je n’en dirai évidemment pas plus ici (je crois de toute façon en être incapable…). Je ne peux guère, à mon tour, que vous recommander ce roman joliment fou et enthousiasmant. Pour ce premier livre traduit en français, le moins que l’on puisse dire est que Kôtarô Isaka a réussi son coup à tous points de vue. Le voyage dans cette île étrange est aussi fascinant que dépaysant, souvent drôle, et toujours astucieux. Bien ouéj’.

 

 

Je m’en veux de ne pas être capable de faire mieux que ça, ce roman le mériterait assurément. Enfin bon, on verra bien dans les jours à venir ce qu’il en sera…

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"Le Château d'Eymerich", de Valerio Evangelisti

Publié le par Nébal

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EVANGELISTI (Valerio), Le Château d’Eymerich, traduit de l’italien par Sophie Bajard avec la collaboration de Doug Headline, [s.l.], La Volte, [2001] 2012, 371 p.

 

Celui-là, on pourra dire que je l’ai attendu, sans trop y croire : cela faisait des années que plus personne ne publiait en France les enquêtes de Nicolas Eymerich… Heureusement, il y a La Volte, qui a eu la double bonne idée de rééditer les premiers volumes (très jolie présentation, par ailleurs), et de commencer à traduire les inédits au fur et à mesure. Attention donc, toi le lecteur qui aurais découvert Eymerich avec La Volte : avec Le Château d’Eymerich, tu n’as pas entre les mains le troisième volume des aventures de ton inquisiteur préféré – c’est Le Corps et le sang d’Eymerich –, mais le septième. Cela dit, et quand bien même on y retrouve deux personnages apparus plus tôt dans la série, on peut parfaitement lire ce volume-ci en troisième position sans que cela jure trop.

 

L’essentiel de l’intrigue – celle où intervient Eymerich, donc – se déroule en 1369 en Castille, alors que notre salopiaud d’inquisiteur adoré est convié, avec un collègue, par le roi Pierre le Cruel, alors en fort mauvaise passe : son rival Henri de Trastamare, secondé par Bertrand Du Guesclin (guest star !), lui a quasiment tout bouffé, sauf une ultime forteresse, l’énigmatique château de Montiel, construit selon des plans kabbalistiques et théâtre d’étranges manifestations qui ne sauraient bien évidemment être que diaboliques… Du pain sur la planche pour l’inquisiteur, qui se retrouve, à la cour du roi, entouré par les Juifs et les mahométans. Et ce sont bien les Juifs et leur Kabbale qui sont au cœur de l’histoire, ainsi qu’on le devine très tôt ; or Eymerich ne porte pas vraiment dans son cœur le peuple déicide, auquel on impute par ailleurs des sacrifices rituels… Mais il en est une, pourtant, que l’inquisiteur retrouve ici, et qui lui inspire bien malgré lui des sentiments contrastés : Myriam, la « fille » de Ha-Levi…

 

Comme il est d’usage dans la série, l’intrigue se développe parallèlement, encore que de façon bien moindre, à d’autres époques. Tout d’abord, vingt ans plus tôt, nous assistons à la réunion de cinq mystérieux dominicains à Gérone. Ensuite, en 1944, au camp de concentration de Dora, nous suivons le Sturmbannführer Von Ingolstadt dans ses expériences inédites. Mais ce ne sont là, très franchement, que des épisodes négligeables en comparaison avec la trame principale, et qui, dans le cas de l’intrigue nazie, ne rejoignent que fort indirectement le propos (le but de l’auteur, bien entendu, est d’établir un lien entre la Shoah et les persécutions des Juifs au Moyen-Âge, et c’est surtout à cela que servent ces chapitres). On pourra regretter, d’ailleurs, que Valerio Evangelisti, dans ce volume d’Eymerich, ne mette pas en place une mécanique aussi bien huilée à cet égard que d’habitude, pour livrer un roman plus conventionnel, ne jonglant pas avec les époques. Mais bon…

 

En tout cas, les amateurs ne seront probablement pas déçus : Le Château d’Eymerich est un page turner redoutablement efficace, et le lecteur se laisse balader par un auteur très professionnel le long d’une intrigue palpitante en diable et riche en rebondissements. Eymerich est toujours autant un salaud magnifique dévoré par la haine, un personnage génial même si unilatéralement décrié par son auteur – on ne reviendra pas là-dessus –, une ordure de choix que l’on prend plaisir à suivre, et que l’on peut même admirer pour sa sagacité et sa droiture. Les autres personnages ne sont d’ailleurs pas en reste, et Valerio Evangelisti livre ici une belle galerie d’hommes (et de femmes…) singuliers.

 

Une remarque, pourtant, qui n’est pas tant une critique qu’un constat : cette fois, Valerio Evangelisti se livre clairement au fantastique le plus débridé, ni la science ni la pseudo-science ne venant « justifier » les événements les plus étranges ayant lieu à Montiel ; ce sont bien la Kabbale et la démonologie qui sont au cœur de cette enquête. Ce qui n’en rend pas le roman moins palpitant, mais simplement lui confère une place bien particulière dans la série.

 

Alors, certes, on ne va pas crier au chef-d’œuvre : Le Château d’Eymerich n’en a de toute façon pas l’ambition. Mais c’est toujours autant du divertissement fort bien troussé et diablement efficace, et c’est tout ce qu’on lui demande. Aussi ne s’attardera-t-on guère sur les quelques critiques – habituelles – que l’on pourrait formuler à l’encontre de l’auteur, notamment dans son jugement aussi sévère de son personnage comme de l’institution qu’il représente. Là n’est pas le propos, et nous avons affaire en Valerio Evangelisti à un romancier, non un historien : il peut bien violer l’histoire, si c’est pour lui faire de beaux enfants. Or, il se place décidément dans la filiation d’un Alexandre Dumas (la comparaison vient de l’auteur lui-même, dans sa postface sur la tombe de l’inquisiteur), et fait avec Eymerich ce que son prédécesseur avait fait avec D’Artagnan. On ne s’en plaindra pas, loin de là, et même : on en redemandera.

 

Encore ! Encore !

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"Le Roi en jaune", de Robert W. Chambers

Publié le par Nébal

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CHAMBERS (Robert W.), Le Roi en jaune, [The King in Yellow], traduit [de l'américain] et présenté par Christophe Thill, Noisy le Sec, Malpertuis, coll. Absinthes, éthers, opiums, [1895] 2008, 269 p.

 

Quand on évoque Le Roi en jaune à un amateur de Lovecraft et de lovecrafteries, normalement, ça fait tilt. Et d'enchaîner sur ce livre maudit (une pièce de théâtre, en fait) qui rend fou, et fait allusion à l'Indicible Hastur, à Carcosa dans les Hyades, aux étoiles sombres et au lac de Hali... Mais tout cela – c'est moins connu – est en fait antérieur à Lovecraft, même si l'insertion du Roi en jaune parmi les volumes du Mythe de Cthulhu a beaucoup fait pour sa postérité. Le Roi en jaune est à l'origine un recueil de nouvelles fantastiques et décadentes de l'Américain Robert W. Chambers (dont j'avais déjà pu lire Yue Laou. Le Faiseur de lunes) ; et encore ! Si l'idée du livre qui rend fou vient bien de Chambers, tout ce lexique que nous venons d'utiliser a en fait été piqué à Ambrose Bierce... Toujours est-il que, dès que j'ai appris l'existence d'une traduction intégrale (et critique) du recueil de Chambers, je me suis emparé de la chose et l'ai intégrée dans ma volumineuse commode de chevet. Les astres étant propices, je me suis dit qu'il était bien temps de le lire, et donc voilà.

 

Un livre étrange, que ce Roi en jaune, que l'on peut très nettement scinder en deux parties. La première, et de loin la plus intéressante, est composée de nouvelles fantastiques reliées entre elles par quelques personnages communs et ces allusions inévitable au livre qui rend fou et donne son titre au recueil. La seconde partie est quant à elle composée de nouvelles décadentes et « bohémiennes » narrant les frasques et les amours de quelques étudiants américains en art dans le Quartier latin ; et, de ces dernières, on se contentera de dire qu'elles sont interminables, chiantissimes, et pour ainsi dire à peu de choses près illisibles aujourd'hui (malgré quelques bonnes idées ici ou là, comme celle qui consiste à déployer le récit dans Paris assiégé par les Prussiens, pour « La Rue du premier obus »). Passons donc outre, on ne s'en portera que mieux.

 

Ce qui précède est autrement plus intéressant, même si ce n'est pas exempt de défauts. Robert W. Chambers sait créer des ambiances étonnantes et de délicieux frissons qui le placent dans la postérité d'un Poe ou d'un Bierce (justement). Parfois, il se montre étonnament inventif – ainsi dans la première nouvelle du recueil, un brin confuse, mais qui fait en outre dans l'anticipation sur une vingtaine d'années. Et l'on comprend, du coup, l'influence qu'a pu avoir ce livre bancal sur un Lovecraft, parmi d'autres : il y a bien de temps à autre des traits d'horreur cosmique dans tout cela, qui sont tout à fait saisissants.

 

Je ne vais pas faire le détail des nouvelles et de leur contenu, cela me paraîtrait quelque peu absurde. Du coup, je n'ai plus grand-chose à dire sur cet étrange bestiau... Si, tout de même : on remerciera Christophe Thill pour cette édition critique d'un classique oublié (c'en est la première traduction intégrale en français, au passage), et l'on s'arrêtera aux premières nouvelles du recueil, celles qui correspondent véritablement à son si célèbre titre, faisant l'impasse sur ce qui suit et qui mérite bien aujourd'hui d'être oublié. Un livre schizo, donc ; pas étonnant qu'il rende fou...

 

EDIT : Gérard Abdaloff en cause un peu, .

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